
Après deux films
où le désordre habitait le cadre (Sweetie
et Un ange à ma table), Jane Campion
s’apaise et développe ses personnages dans un cadre beaucoup posé, travaillant
une beauté formelle qui ne la quittera plus guère.
Campion filme
l’histoire d’une femme qui apprend à aimer. D’abord contrainte par le chantage
autour de son piano, ada est ensuite réellement touchée : quand plus rien
ne la retiendra auprès de celui qui l’a séduite – maladroitement mais avec
beaucoup de douceur –, elle retournera dans ses bras et s’y abandonnera.
On regrette la
lourdeur de certains symboles. Ada ne s’exprime que par la musique et c’est
quand elle joue que visage fermé se déploie et rayonne : voilà qui est un
peu facile et caricatural. Et Stewart, en refusant d’abord d’emmener le piano,
puis en le troquant contre de la terre, se condamne : il ne saisit pas ce
qu’est l’instrument pour sa femme (rien moins que son moyen d’expression), dès
lors l’incommunicabilité règne entre eux. Baines, au contraire, que l’on croit
rustre avec ses manières et ses tatouages maoris, est d’abord curieux puis il
est séduit par le piano : il a alors une chance de découvrir Ada.
On regrette que
la fin (tournée assez artificiellement en happy-end) montre une modernité du
personnage de Stewart assez peu crédible : trompé et jaloux, il finit,
après avoir coupé un doigt à Ada sous l’emprise de la colère, par la renvoyer
avec son amant. On aurait pu s’attendre ou bien qu’il tue l’amant à coup de
fusil ou bien qu’il maintienne un satrape de fer sur Ada : son revirement
paraît bien improbable pour un colon qui doit lutter au sein d’une petite
communauté contre une nature hostile, entouré d’indigènes.
Mais le film est
empli de scènes magnifiques. Hormis la grande séquence de l’arrivée sur l’île
avec les vagues majestueuses et la vision étonnante des malles et du piano sur
la plage (séquence qui renvoie d’abord à la tempête de La Fille de Ryan avant d’aller chercher du côté de Buñuel son
incongruité), ce sont les séquences intimistes entre Baines et Ada qui sont les
plus belles ; celles, dans la cabane, où le duo est extrait de la nature
et tourne autour du fameux piano.
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