lundi 12 mai 2025

La Leçon de piano (The Piano de J. Campion, 1993)

 



Après deux films où le désordre habitait le cadre (Sweetie et Un ange à ma table), Jane Campion s’apaise et développe ses personnages dans un cadre beaucoup posé, travaillant une beauté formelle qui ne la quittera plus guère.
Campion filme l’histoire d’une femme qui apprend à aimer. D’abord contrainte par le chantage autour de son piano, ada est ensuite réellement touchée : quand plus rien ne la retiendra auprès de celui qui l’a séduite – maladroitement mais avec beaucoup de douceur –, elle retournera dans ses bras et s’y abandonnera.
On regrette la lourdeur de certains symboles. Ada ne s’exprime que par la musique et c’est quand elle joue que visage fermé se déploie et rayonne : voilà qui est un peu facile et caricatural. Et Stewart, en refusant d’abord d’emmener le piano, puis en le troquant contre de la terre, se condamne : il ne saisit pas ce qu’est l’instrument pour sa femme (rien moins que son moyen d’expression), dès lors l’incommunicabilité règne entre eux. Baines, au contraire, que l’on croit rustre avec ses manières et ses tatouages maoris, est d’abord curieux puis il est séduit par le piano : il a alors une chance de découvrir Ada.
On regrette que la fin (tournée assez artificiellement en happy-end) montre une modernité du personnage de Stewart assez peu crédible : trompé et jaloux, il finit, après avoir coupé un doigt à Ada sous l’emprise de la colère, par la renvoyer avec son amant. On aurait pu s’attendre ou bien qu’il tue l’amant à coup de fusil ou bien qu’il maintienne un satrape de fer sur Ada : son revirement paraît bien improbable pour un colon qui doit lutter au sein d’une petite communauté contre une nature hostile, entouré d’indigènes.

Mais le film est empli de scènes magnifiques. Hormis la grande séquence de l’arrivée sur l’île avec les vagues majestueuses et la vision étonnante des malles et du piano sur la plage (séquence qui renvoie d’abord à la tempête de La Fille de Ryan avant d’aller chercher du côté de Buñuel son incongruité), ce sont les séquences intimistes entre Baines et Ada qui sont les plus belles ; celles, dans la cabane, où le duo est extrait de la nature et tourne autour du fameux piano.

 

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