Il n’est certes pas
facile de faire un film de mafia dans les années quatre-vingt-dix, d’autant
plus un film qui se déroule dans les années trente (alors que les années trente sont une
période souvent traitées dans les films des années soixante-dix) et, surtout, avec
Coppola ou Scorsese dans le rétroviseur (1).
Le film, de
prime abord, semble bien conventionnel, avec un frère d’une « famille »
tué et les deux autres frères qui vont chercher à se venger. Mais ce n’est pas
là ce qui intéresse le plus Abel Ferrara. Ce qu’il cherche à capter, c’est le
destin qui enferme ses personnages, les coince, les oblige. Le film d’ailleurs,
par sa lumière et sa construction autant que par cette implacabilité du destin
qu’il met en avant, flirte avec le film noir.
C’est d’abord
formellement que Ferrara emprisonne ses personnages : il s’approche sans
cesse au plus près de la fratrie, n’ouvrant jamais le cadre, le resserrant,
écrasant, refusant aux deux frères autre chose que les tourments de la
contemplation du cadavre du troisième. Il n’y a pas de dehors pour les
personnages, pas d’extérieur : ils sont enfermés dans un destin.
C’est par le
montage, ensuite, que Ferrara enserre la famille dans une destinée. Il
entremêle les moments, revient en arrière, met en image un souvenir, puis montre simplement une séquence du passé, revient au présent, saute à nouveau un moment
en arrière, puis repart des années plus tôt, etc. La mise en scène de la mort du meurtrier de Johnny, suivie de celle de Johnny puis du plan où Ray remet la douille de sa première victime dans la poche du cadavre de
Johnny exprime, en un raccourci, par un montage magnifique, toute l’histoire de la
famille : la violence intrinsèque, la mort, la vengeance.
C’est par cette collusion
des images, ces réunions de temporalités différentes et par la narration
éclatée qui en découle que Ferrara traduit – bien plus que par l’histoire
elle-même, somme toute assez banale – les liens inextricables qui unissent et condamnent
les trois frères.
(1) : L’affiche du film, d’ailleurs, évoque autant Le Parrain que Les Affranchis.
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Un grand classique de Ferrara qui mérite amplement son analyse ! Nos funérailles (1996) s’impose comme une méditation sombre et puissante sur les liens familiaux, la loyauté et la trahison au sein de la mafia italo-américaine des années 1930. La structure narrative audacieuse, jouant avec les flashbacks pour explorer les tensions entre les frères Tempio, renforce l’intensité dramatique . L’ambiance feutrée et les interprétations marquantes de Christopher Walken et Isabella Rossellini (notamment dans les scènes de confrontation) donnent vie à ce récit intimiste et glaçant . À noter également sa place dans le cycle des œuvres majeures de Ferrara, aux côtés de The Blackout (1997), soulignant son importance dans l’évolution de son cinéma . Une recommandation pour tous les amateurs de drames psychologiques et de néo-noir !
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