lundi 28 avril 2025

Texas, nous voilà (Texas Across the River de M. Gordon, 1966)

 



Texas, nous voilà, l’un des rares films américains d’Alain Delon, est en plus une comédie, genre qui ne lui va pas du tout. Derrière la star Dean Martin, Delon fait ce qu’il peut mais la sauce ne prend pas. D’autant qu’ici le genre l'oblige à surjouer (c’est là qu’il n’est pas bon) et à donner vie à un personnage superficiel, lui qui a si bien épaissi des personnages avec des jeux minimalistes.
Le film de Michael Gordon, alors, déroule ses excès d’aventures et ses petits gags sans grande saveur, donnant un ensemble largement oubliable.
Si l’on doit retenir des films de la tentative américaine de Delon, c’est vers les deux autres qu’il faut se tourner, qui sont bien plus remarquables : Les Centurions et Les Tueurs de San Francisco.

 

samedi 26 avril 2025

L'une chante l'autre pas (A. Varda, 1977)

 



Si le film peut apparaître aujourd’hui daté dans ses idées ou tout au moins dans son combat, il reflète son époque avec vitalité. Agnès Varda suit ainsi sur quinze ans deux amies dont les trajectoires se perdent, se retrouvent, s’éloignent et se croisent à nouveau. Pomme et Suzanne sont, pour la réalisatrice, l’occasion de filmer une amitié et de suivre des destins, des lieux, des histoires et des rencontres différentes. C’est ainsi que le film, aux allures de manifeste féministe, n’hésite pas à aller jusqu’en Iran, où la désillusion sera grande pour Pomme (et encore il s’agit là de l’Iran d’avant la révolution ; après il ne sera plus guère question, pour une femme qui veut s’émanciper, d’y suivre son mari).
Valérie Mairesse – qui chante – et Thérèse Liotard – qui ne chante pas – sont très bien dans ces rôles antagonistes et proches tout à la fois.


mardi 22 avril 2025

Juré n°2 (Juror #2 de C. Eastwood, 2024)

 



Remarquable film de Clint Eastwood qui montre qu’à quatre-vingt-quatorze ans sa capacité à saisir les choses reste intacte.
Comme à son habitude, c’est sans esbrouffe, l’air de rien, dans un style sobre et très classique, qu’il montre et comprend les choses. Et, à mesure que l’énormité de la situation tombe sur le juré n°2, le spectateur se retrouve coincé comme lui, comme un simple citoyen, coupable mais sans possibilité de le dire. Eastwood montre alors parfaitement les hésitations de son personnage, qui cherche à disculper l’accusé (et pour cause, puisqu'il le sait innocent) puis craint, dans ce cas, de voir les recherches reprendre et arriver jusqu’à lui. La fin – qui reste longtemps incertaine – est remarquable : en une belle ellipse, le film énoncera un premier jugement – bien loin d’apaiser la situation – avant que la procureur (remarquable interprétation de Toni Collette) ne suive, à regret, ce à quoi sa fonction la contraint…

 

jeudi 17 avril 2025

Les Graines du figuier sauvages (Dāne-ye anjīr-e ma'ābed de M. Rasoulof, 2024)

 



Les Graines du figuier sauvage brûle d’actualité avec de nombreuses vidéos prises sur le vif qui émaille le film, un peu comme d’autres films iraniens ont pu le faire (on pense à ceux de Jafar Panahi par exemple).
Le film est poignant mais si Mohammad Rasoulof montre parfaitement le satrape religieux qui enserre l’Iran, la métaphore qu’il déroule reste peut-être un peu facile, puisque, après sa nomination en début de film, le père disparaît du cadre : on ne le voit plus et ses filles se plaignent de ne plus partager un repas avec lui. Et comme, lorsqu’il reparaît, il est devenu un autre, l’affrontement devient à la fois terrible et inévitable. Cette dérive du père qui symbolise la dérive du pays est sans doute trop forcée et l’on regrette que ce portrait du père, à l’inverse de ceux de la mère et des deux filles – portraits peints de façon fines et sensibles –, soit brossé de manière si caricaturale. Peut-être Rasoulof aurait-il pu s’attarder sur le père autrement, en le filmant dans sa vie familiale et en montrant combien l’énormité de ce qui se passe hors-champ le contamine et le hante (sa promotion accueillie avec soulagement se retourne contre lui quand, avec les révoltes, il devient un terrible interrogateur).
En revanche le film montre très bien que l’Iran ne subit pas une dictature mais bien une théocratie impitoyable. Dans les embryons de dialogues qu’il a avec ses filles, le père renvoie sans cesse à Dieu pour se justifier, rendant par là toute discussion impossible.

 

lundi 14 avril 2025

Ça tourne à Manhattan (Living in Oblivion de T. DiCillo, 1995)

 



Amusante comédie de Tom DiCillo sur le tournage compliqué de quelques séquences d’un film. L’ensemble manque néanmoins de liant puisque, à chaque fois, le personnage au cœur de la saynète se réveille en sursaut. Le film, alors, ressemble à un film à sketchs.
Mais les situations sont drôles et les avatars qui émaillent le tournage sont bien vus, depuis les soucis techniques jusqu’aux égos des acteurs en passant par les liaisons – inévitables – qui échauffent les esprits. On comprend que le réalisateur (réjouissant Steve Buscemi), malgré sa patience, ses efforts et toute l'huile qu'il déverse dans les rouages grippés de la machine, finisse par saturer !

 

samedi 12 avril 2025

Le Mari de la femme à barbe (La donna scimmia de M. Ferreri, 1964)

 



Film très réussi de Marco Ferreri qui parvient à parfaitement utiliser son accroche scénaristique : la découverte par hasard de Maria, jeune femme terriblement poilue et honteuse, par Antonio, forain opportuniste. Ferreri joue avec ce personnage tout droit sorti des Monstres et campé par un Ugo Tognazzi très à l’aise (et qui ne cabotine pas trop comme c’était à craindre). L’habileté est de laisser croire, au gré du jeu de Tognazzi, qu’Antonio va s’amender, qu’il va devenir peu à peu sensible à Maria et que son humanité reprendra le dessus, alors qu’il n’aura toujours au fond de son cœur que l’intérêt le plus vil et le plus bas. La fin, comme il se doit et comme le veut la grande tradition de la comédie italienne, verse une dernière pincée de vitriol sur l'ensemble.
De nombreuses séquences sont remarquables, à la fois drôles et corrosives, et Annie Girardot – qui ne craint pas d’être méconnaissable – est parfaite. On notera que le titre italien bien plus cinglant (La donna scimmia c’est-à-dire la femme singe) reflète parfaitement toute la dimension satirique du film.


mercredi 9 avril 2025

Mickey 17 (J. Bong, 2025)

 



Amusante comédie de science-fiction de Bong Joon-ho, même si le film est loin de ses plus grandes réussites où il mélangeait les tons (Memories of MurderParasite). Ici la chose est plus simple : le film ne se prend jamais au sérieux.
On remerciera le réalisateur de ne pas proposer un couplet moralisateur trop appuyé, autant du point de vue de la lecture politique possible du film (qui est certes présent mais que l'on peut évacuer sans problème, ce niveau de lecture restant comme toujours très peu intéressant) que du point de vue environnemental (le risque était grand, en voyant une armée débarquer sur une nouvelle planète emplie de bestioles dont la question de la destruction va vite se poser).
Mark Ruffalo et Toni Collette composent des personnages savoureux, le ton alerte du film est plaisant et le film parvient toujours à rebondir même lorsque Mickey 17 se trouve aux prises avec Mickey 18.
On notera combien Robert Pattinson, star maintenant confirmée et égérie de la mode, compose un personnage d’anti-héros passif et dépassé, bien loin du culte du héros que Hollywood a si souvent travaillé. Ici il met sa masculinité et son image de côté, au profit de ce personnage sympathique mais frêle et bien peu héroïque (sauf dans sa dix-huitième version, certes emplie de masculinité mais bien peu sympathique pour le coup).

 

lundi 7 avril 2025

Vers un destin insolite sur les flots bleus de l'été (Travolti da un insolito destino nell'azzurro mare d'agosto de L. Wertmüller, 1974)

 



Étonnant film de Lina Wertmüller, mettant aux prises Giancarlo Giannini et Mariangela Melato, qui trouvent une belle alchimie, dans des registres très expressifs. L’un est l’archétype de l’ouvrier communiste (ici le marin bon à tout faire) et l’autre celui de la riche capitaliste oisive. Le jeu est assez habile, puisque ce sont des ressentiments de classes mêlés de machisme et de pulsions sexuelles qui vont jouer et nourrir l’opposition/attirance entre les deux personnages. C’est que, sous la lumière éclatante de la Sardaigne, Wertmüller met en scène toutes ces passions idéologiques et ces pulsions physiques, emmenant très loin son idée (lorsque Gennarino frappe, insulte et rejette Raffaella). La fin, qui était délicate à gérer, est très réussie.
On notera que Ruben Östlund, dans Sans filtre, proposera en fin de film une version bien différente : dans leur robinsonnade forcée, c’est la femme, jusqu’alors corvéable à merci, qui prendra le dessus sur ses anciens maitres. Mais, à voir la femme reprendre la main, c’est toute la puissance subversive qui s’éteint devant la bien-pensance et tout le côté corrosif de la situation qui disparaît. Le sujet devient presque banal et entendu. Wertmüller ne tombe pas dans le piège en partant d'un déséquilibre original (la femme écrasant l'homme) et l’inversion de la domination, sur l’île perdue, enrichit cette relation à la fois complexe et satirique.

 

jeudi 3 avril 2025

Quatre pas dans les nuages (Quattro passi fra le nuvole de A. Blasetti, 1942)

 


Sur une intrigue originale et qui peut d'abord sembler trop mince, Alessandro Blasetti construit une trame toute en émotion et en retenue, s’immisçant dans les mœurs et les pensées rurales. Il peint un monde ancien aux prises avec une situation nouvelle, brossant une série de portraits avec, au centre, la fille désemparée qui cherche à amadouer la colère paternelle.
Bien aidé par un Gino Cervi remarquable de justesse, le film devient de plus en plus touchant à mesure que Paolo se trouve coincé et gêné par l’accueil, d’abord hostile puis de plus en plus ouvert, de cette famille.
La fin est très belle, avec le père dont les convictions profondes se fissurent, et la dernière image – lorsque Paolo rentre chez lui – distille, forcément, un certain doute.


mardi 1 avril 2025

La Traque (S. Leroy, 1975)

 



Belle réussite de Serge Leroy que cette plongée au cœur d’une chasse qui tourne mal. Le film doit beaucoup à l’ambiance oppressante, humide et glauque qui envahit peu à peu le film. On sent de façon impalpable d’abord – à travers un malaise qui grandit –, puis de plus en plus nette, le drame qui va se jouer dans cette partie de chasse entre copains. Les relations sont à la fois amicales et tendues, avec les frères Danville trop brutaux, David Sutter trop visqueux, Rollin trop servile : d’emblée rien n’est simple et amical, tout est faux et l’on sent combien cet équilibre ne tient qu’à un fil. Ce sera de croiser la route de la jeune Anglaise (Mimsy Farmer) qui fera plonger la chasse dans l’horreur.
Le film doit aussi beaucoup à ses interprètes, tous parfaits. Depuis le duo Jean-Pierre Marielle et Philippe Léotard (impeccables en beaufs grossiers et violents) à Michael Lonsdale (très à l’aise en propriétaire terrien intéressé et faux) en passant par Jean-Luc Bideau ou Mimsy Farmer, qui est parfaite dans le rôle pas simple de la femme violée et poursuivie.
La fin, glaciale, clôt le film sans une note d’espoir et fait se refermer le marais sur lui-même.