samedi 14 juin 2025

La Motocyclette (The Girl on a Motorcycle de J. Cardiff, 1968)

 



Un peu psychédélique, un peu road-movie, ce film un peu étrange (mais peu passionnant) a néanmoins une originalité, avec cette femme qui se veut libre et qui chevauche sa moto. Mais cette originalité ancre le film dans une époque et le date terriblement. Et l’ensemble est bien fade, avec les longs monologues sans reliefs qui accompagnent le trajet de Rebecca.
On notera le rôle d’Alain Delon qui correspond tout à fait à ce qu’il voulait éviter : celui d’un beau gosse fait tomber les femmes sous son charme. C’est ce prototype de personnage (de même que celui que l’on voit dans un sketch de La Rolls-Royce jaune par exemple) auquel il tournera très vite le dos pour ne plus y revenir.



mercredi 11 juin 2025

Un condé (Y. Boisset, 1970)

 



Très intéressant polar français qui démarre sur des bases assez classiques mais dérive rapidement avec l’entrée en scène de Favenin, flic qui évolue comme un électron libre et cherche à venger son ami.
Michel Bouquet, le regard fermé et la bouche pincé, est impeccable dans cet inspecteur impitoyable et que rien n’arrêtera. La manière dont il tue le meurtrier de son ami est remarquable : « tirer sur homme désarmer ça s’appelle un assassinat » se défend Michel Constantin ; « alors ce sera un assassinat » répond sèchement Michel Bouquet avant de vider son chargeur.
Si Boisset, au travers de ce personnage sans limite, reprend les gros pinceaux souvent malhabiles avec lesquels il peint habituellement les situations qu’il dénonce, ici le personnage dépasse le propos politique (la dénonciation des méthodes policières, qui a valu au film des interdictions) et détonne au milieu d’un cadre par ailleurs très conventionnel. De sorte que le sujet du film n’est plus une quelconque dénonciation mais bien plus le personnage en lui-même, ce qu’il est, ce qu’il fait.
Cet inspecteur Favenin apparaît alors comme une sorte d’inspecteur Harry avant l’heure, en version française et jusqu’au-boutiste. Loin de l’imagerie cartoonesque de super-héros de Dirty Harry et de sa dégaine légendaire avec costume, lunettes de soleil et flingue gigantesque (l’allure de Michel Bouquet engoncé dans son imperméable n’étant pas précisément celle de l’ami Eastwood), il y a pourtant de nombreux gènes communs entre les deux flics : rejetés par leur hiérarchie et rejetant eux-mêmes le système, ils évoluent en marge des manières de faire, avec une version très personnelle de la justice, dégainant à tout va et, finalement, l’un jettera son étoile quand l’autre démissionnera. On s’amuse de voir que le flic de Boisset va plus loin que celui de Don Siegel en franchissant largement et sans coup férir la ligne rouge. Et, même, dans le deuxième opus de l’inspecteur Harry (Magnum Force), celui-cicombat de jeunes flics allant plus loin encore que Dirty Harry : ils appliquent en fait les méthodes radicales de Favenin.

 

samedi 7 juin 2025

L'Etrange Monsieur Victor (J. Grémillon, 1938)

 



Drame assez classique qui déroule sans beaucoup d’énergie sa petite intrigue. Les ressorts ne surprennent guère et le personnage de monsieur Victor est parfois bien peu crédible (en jeune père notamment).
Néanmoins le film se suit sans déplaisir : il reste bien sûr l’exotisme de la période (comme un César à l’humeur dramatique où l’on croise des voyous) et le grand plaisir de quelques tirades énervées et truculentes de Raimu dont la puissance de jeu à l’écran est un ravissement permanent.


vendredi 6 juin 2025

Conclave (E. Berger, 2024)

 



Avec application mais sans grand génie, Edward Berger nous fait plonger dans les arcanes d’un conclave, entraînant le spectateur du côté de l’hors-champ, dans le secret des votes, des discussions, des confessions et, bien sûr, des scandales. C’est que, scénario oblige, il faut bien qu’il se passe quelques rebondissements pour tenir en haleine le spectateur, et l’on suit alors les différents fils de l’intrigue qui se déroulent peu à peu. Néanmoins tout cela apparaît un peu facile (les différents prétendants sont écartés tour à tour) et la dernière révélation fatigue par le sentiment de céder à nouveau aux sirènes de la bien-pensance.
On regrette que l’intention du réalisateur ne soit pas dans un contemplatif sacré et qu’il évacue toute la dimension mystérieuse que peut avoir un conclave : l’esprit saint aurait pu roder en ces lieux saints. Il n’y a pas le moindre mystère, pas la moindre émotion, on ne sort jamais des tractations et des calculs. On imagine la puissance visuelle qu’aurait pu instiller un grand créateur d’images (sans parler du décor éminemment prodigieux et spirituel de la chapelle Sixtine).
Cette réserve dite, on notera l’habileté du réalisateur à ménager l’Eglise tout en l’attaquant. Il y a certes des secrets scandaleux qui sont révélés, mais un très bon Ralph Fiennes compose un camerlingue qui se révèle intègre, affable et qui fait ce qu’il peut avec toute sa foi qui le porte. De même le cardinal finalement élu (dont une partie de la trajectoire rappelle celle qui a présidé à l'élection du Pape François) prêche la bonne parole et s’avère bien loin de toute l’agitation arriviste et calculatrice de beaucoup d’autres.

 

lundi 2 juin 2025

Le Mataf (S. Leroy, 1973)





Intéressant polar de Serge Leroy qui, sans être original, s’appuie sur des solides seconds rôles du cinéma (Michel Constantin, Georges Géret ou Adolfo Celi). Le film joue habilement des chausse-trappes dans lesquels viennent s’empêtrer Bernard Solville et ses amis.
Le film vaut pour son ambiance et ses jeux d’acteurs qui construisent toute cette atmosphère typique du cinéma français d'alors qui a marqué les esprits et rend très bien encore aujourd’hui.

 

jeudi 29 mai 2025

Snake Eyes (Dangerous Game de A. Ferrara, 1993)

 




Mise en abyme complexe, Dangerous Game évoque le tournage d’un film par le réalisateur Eddie Israel (impeccable Harvey Keitel, à la fois habité et fébrile, comme il sait si bien le jouer) dont le sujet est la rupture complexe d’un couple. Madonna est très bien aussi dans le rôle de cette actrice paumée qui fait ce qu’elle peut, coincée entre les foudres de son partenaire et le réalisateur.
La situation, les acteurs, le tournage puis le tournage dans le tournage s’entremêlent et tendent un miroir à Ferrara avec Eddie qui est son alter-ego. Ferrara montre ainsi combien sa réalisation est imbriquée dans sa vie. Il ne voit pas son métier comme un technicien ou un artisan mais bien comme un artiste, rejoignant là une position très peu américaine (où le réalisateur n’est qu’un maillon d’une chaîne) mais bien plus européenne (la politique des auteurs chère à la Nouvelle Vague). Un film, nous dit Ferrara, est la création d’un créateur.
Mais Ferrara montre aussi combien les acteurs eux-mêmes confondent ce qu’ils sont avec leurs personnages, en une fusion où le cinéma et la vie, finalement, ne font qu’un. « Le cinéma est plus important que la vie » disait Truffaut dans La Nuit américaine, chez Ferrara l’un et l’autre se confondent. Et la fin très habile achève de convaincre le spectateur que si le tournage s’arrête, la folie qui se développait sur le plateau, elle, ne s’arrête pas.


lundi 26 mai 2025

Le Cri (Il grido de M. Antonioni, 1957)

 



Ce film au relent très néoréaliste montre l’errance de Aldo, qui, sa femme ne l’aimant plus, part et ne sait où aller, de petits boulots en rencontres. Michelangelo Antonioni suit Aldo qui tourne en rond dans ce paysage vide et plat, alors que, de rencontres avortées en déceptions, il est de plus en plus seul, incapable de reconstruire quelque chose.
Antonioni capte très bien ces fausses rencontres, ces fausses avancées, ce monde vide pour un homme vide. La fin tragique exprime puissamment les pensées profondes du personnage.
Précédent L’Avventura et sa radicalité révolutionnaire, Antonioni, dans Le Cri, prend au néoréalisme et y mêle les thèmes (la solitude, l’errance) et les motifs (des paysages géométriques et vides) qui lui sont déjà chers et qu’il déploiera de façon systématique et presqu’abstraite par la suite.


vendredi 23 mai 2025

Ho ! (R. Enrico, 1968)

 



Curieux film de Robert Enrico, valant surtout pour le jeu qui tourne autour du personnage joué par Jean-Paul Belmondo. En début de film ce personnage est volontiers ridiculisé et moqué et il apparait faible et dépassé. Il se rebiffe ensuite mais sans y parvenir réellement, en continuant de se laisser emporter par les évènements alors qu’il voudrait les contrôler. On est là très loin des personnages joués par celui qui sera bientôt Bebel. Ce rôle apparaît ainsi comme une vraie originalité.
Mais, hormis cette singularité qui lui donne aujourd’hui un intérêt, le film manque de relief et reste loin des plus grandes réussites du réalisateur.


mercredi 21 mai 2025

Bienvenue Mr Marshall (¡Bienvenido Mister Marshall! de L. G. Berlanga, 1953)

 


Ce premier film de Luis García Berlanga, s’il lui a donné une reconnaissance, a assez mal vieilli malgré la bonne idée de mettre sens dessus dessous un petit village à l’idée de l’arrivée des Américains.
C’est là l’occasion pour le réalisateur d’un portrait d’une Espagne provinciale, loin des remous du monde, qui, tout à coup, entre en effervescence et montre à quel point l’Amérique est désirable. Non seulement par l'argent espéré et qui fait tourner les têtes mais aussi, plus largement, par tous les rêves qui l'accompagne. On le voit non seulement dans la frénésie qui gagne la ville mais aussi avec les images – caricaturales mais d’autant plus parlantes – qui émaillent le film, notamment la longue rêverie autour du western, montrant la puissance du cinéma américain dans les imaginaires.
Cette satire légère et rythmée fonctionne (avec une ouverture en voix off originale) même si, on l’a dit, l’ensemble a assez mal vieilli.


lundi 19 mai 2025

Symphonie pour un massacre (J. Deray, 1963)

 



Intéressant polar de Jacques Deray qui construit de façon classique mais efficace sa trame : dans une bande, l’un des quatre trahit et manigance pour récupérer le pot commun. Bien sûr, comme dans tout plan parfaitement huilé, des grains de sable vont venir gripper la machine. La réalisation est appliquée, les acteurs sobres, l’intrigue impeccable.
Le film vaut alors pour cette belle ambiance des années 60 et pour la distribution, avec Claude Dauphin, Charles Vanel et Michel Auclair qui entourent Jean Rochefort (sans moustaches). Ils campent les quatre compères de la bande, avec des personnalités fortes et différentes, qui, comme il se doit, vont finir par se tirer dans les pattes.

 

vendredi 16 mai 2025

The Killer (D. Fincher, 2023)

 



Adapté d’une BD à succès, The Killer reprend la personnalité du tueur au centre du récit et la forme intéressante de la BD presque sans phylactères et dont le texte exprime simplement les pensées du personnage. Ici aussi les dialogues sont très réduits et le film utilise beaucoup la voix off en commentaires de ses propres actes et de ses pensées.
David Fincher construit un personnage glaçant, absent, qui parcourt le monde sans humanité, sans trace, sans affect et qui règle ses comptes. Il y a, bien entendu, du Samouraï dans ce personnage et du Delon dans le jeu froid et minimaliste de Michael Fassbender. Le film peut être vu comme une forme de remake de Melville, en moins abstrait et radical, et transposé dans un monde moderne, plus étendu (le personnage parcourt plusieurs continents), mais toujours figé, avec son personnage seul et qui s’avance vers la mort.
On regrette un peu, dans ce sens, la fin, nettement positive, qui contredit la trajectoire du personnage et lui enlève une radicalité certaine qu’il avait su garder jusque-là. La grandeur folle du samouraï de Melville devait beaucoup à son hara-kiri final, que l’on ne retrouve pas ici, bien au contraire.

 

mercredi 14 mai 2025

Le Temps d'un week-end (Scent of a Woman de M. Brest, 1992)

 



Pâle remake de Parfum de femme, Le Temps d’un week-end, à la réalisation bien pâle de Martin Brest, n’a même pas pour lui la prestation d’Al Pacino, qui fait le job mais sans lui insuffler ce que Vittorio Gassman insufflait dans le personnage : il n’y a pas de folie grandiloquente, de verve folle et pleine d’élan. C’était le contraste entre le handicap et la vitalité du capitaine Fausto qui lui donnait cette allure à la fois chevaleresque et désespérée (jusqu’au moment où le panache ne suffisait plus) dans le film de Risi, alors qu’ici le colonel Slade est déjà marqué, entre alcool et cynisme. Cette version américaine du personnage ne convainc guère.
Notons l’Oscar reçu par Al Pacino pour ce rôle mineur : cela illustre une nouvelle fois, si besoin était, la vacuité de l’Académie.

 

vendredi 9 mai 2025

Le Parrain, 3e partie (The Godfather: Part III de F. F. Coppola, 1990)

 



Moins prenant et magistral que les deux opus précédents (mais le film est forcément plombé par les références à ses illustres prédécesseurs), plus sombre et plus lent, Francis Ford Coppola reprend cette chronique familiale qu’il élève à nouveau au rang d’une tragédie dynastique.
Le film est grandiose malgré quelques facilités mais, curieusement, c’est Al Pacino qui crève moins l’écran. Son personnage, conscient que son temps est passé, cherche une rédemption permanente (ce que ne faisait pas son père et, sans doute, ce que ne fera pas son neveu successeur). De sorte que cette nouvelle passation de pouvoir ne se fait pas suivant la précédente : Michael semble bien davantage éteint que ne l’était son père. Le cœur n’y est plus, en quelques sortes.
Le film convainc moins aussi parce qu’il ne dit rien d’autre de Michael : après la première partie qui montrait combien Michael ne pouvait échapper à la succession et après les désastres inévitables que montrait la deuxième partie, il n’y a rien de bien nouveau ici. Tout est achevé depuis longtemps pour Michael, prisonnier de son destin. Il ne lui reste qu’à transmettre les rênes de la famille – et le poids qui va avec – mais il trouve en son neveu le personnage idéal, à la fois fort et suffisamment sage.

 

lundi 5 mai 2025

My Sweet Pepper Land (H. Saleem, 2013)

 



Derrière l’exotisme du film, My Sweet Pepper Land mélange un drame réaliste avec les codes du western. Mais si le mélange est original (un western moderne irakien, si l’on veut) et assez réussi, le scénario, finalement, reste très banal. Replacé dans un contexte classique, le film aurait aussitôt un air de déjà vu : on connaît de nombreux westerns américains tissés sur la même trame avec un nouveau sheriff qui, en débarquant dans une petite ville perdue de l’Ouest, doit affronter le parrain local.
Le film s’en remet donc à cette situation exotique (dans le Kurdistan irakien, près de la frontière turque) pour captiver. Appliqué, servi par de bons acteurs (souvent sobres), empli d’une retenue et de non-dits, le film est assez réussi.
Mais la réserve vient de cette trame déjà vue si souvent et qui ne s’autorise aucune surprise, jusqu’à la fin, prévisible.
En cela le film rejoint Les Racines du monde situé en Mongolie et qui tirait de ce seul fait une grande part de son attrait. Si le voyage est indéniable, cela fait peu pour émouvoir réellement.


vendredi 2 mai 2025

Los delincuentes (R. Moreno, 2024)

 



Intéressant film construit en deux parties bien distinctes qui, même si elles semblent se suivre, apparaissent progressivement très différentes l’une de l’autre. Cette rupture change complètement la trajectoire du film, qui était jusque-là basée, de façon assez classique, sur un hold-up, même s’il y avait déjà l’originalité d’être commis par des personnages qui ne sont pas des voleurs par essence. Cette particularité prendra bien sûr toute sa dimension dans la seconde partie, où le film bifurque vers une esthétique très différente, avec une plongée dans la nature, dans les rencontres, dans cet ailleurs, qui constitue en fait le hors-champ de la première partie. Après la ville, la banque, les cloisons dures qui bornent l’espace et les rapports humains délétères, vient le temps de l’ouverture, de l’espace, de la douceur calme. Rodrigo Moreno joue de cet antagonisme, montre les aspirations de Morán, puis de Román (son anagramme), le laisse errer, découvrir la saveur de la liberté qu’il a cherché à acquérir.
De façon pertinente, Moreno montre aussi les conséquences du hold-up avec le gardien qui est licencié. L’individualisme de l’acte de Morán est ainsi montré, là aussi comme une espèce de contre-champ idéologique de son hold-up puisque son action libératrice et juste – selon son point de vue (ne voler que le nécessaire pour vivre sans travailler) – provoque des licenciements. Moreno n’oublie donc pas ce terrible aspect des choses, qui, par effet domino, fait partie du prix à payer pour la liberté : si le hold-up et la prison sont une violence acceptée par Morán, son beau projet violente socialement quelqu’un qui n’a rien demandé.


lundi 28 avril 2025

Texas, nous voilà (Texas Across the River de M. Gordon, 1966)

 



Texas, nous voilà, l’un des rares films américains d’Alain Delon, est en plus une comédie, genre qui ne lui va pas du tout. Derrière la star Dean Martin, Delon fait ce qu’il peut mais la sauce ne prend pas. D’autant qu’ici le genre l'oblige à surjouer (c’est là qu’il n’est pas bon) et à donner vie à un personnage superficiel, lui qui a si bien épaissi des personnages avec des jeux minimalistes.
Le film de Michael Gordon, alors, déroule ses excès d’aventures et ses petits gags sans grande saveur, donnant un ensemble largement oubliable.
Si l’on doit retenir des films de la tentative américaine de Delon, c’est vers les deux autres qu’il faut se tourner, qui sont bien plus remarquables : Les Centurions et Les Tueurs de San Francisco.

 

samedi 26 avril 2025

L'une chante l'autre pas (A. Varda, 1977)

 



Si le film peut apparaître aujourd’hui daté dans ses idées ou tout au moins dans son combat, il reflète son époque avec vitalité. Agnès Varda suit ainsi sur quinze ans deux amies dont les trajectoires se perdent, se retrouvent, s’éloignent et se croisent à nouveau. Pomme et Suzanne sont, pour la réalisatrice, l’occasion de filmer une amitié et de suivre des destins, des lieux, des histoires et des rencontres différentes. C’est ainsi que le film, aux allures de manifeste féministe, n’hésite pas à aller jusqu’en Iran, où la désillusion sera grande pour Pomme (et encore il s’agit là de l’Iran d’avant la révolution ; après il ne sera plus guère question, pour une femme qui veut s’émanciper, d’y suivre son mari).
Valérie Mairesse – qui chante – et Thérèse Liotard – qui ne chante pas – sont très bien dans ces rôles antagonistes et proches tout à la fois.


mardi 22 avril 2025

Juré n°2 (Juror #2 de C. Eastwood, 2024)

 



Remarquable film de Clint Eastwood qui montre qu’à quatre-vingt-quatorze ans sa capacité à saisir les choses reste intacte.
Comme à son habitude, c’est sans esbrouffe, l’air de rien, dans un style sobre et très classique, qu’il montre et comprend les choses. Et, à mesure que l’énormité de la situation tombe sur le juré n°2, le spectateur se retrouve coincé comme lui, comme un simple citoyen, coupable mais sans possibilité de le dire. Eastwood montre alors parfaitement les hésitations de son personnage, qui cherche à disculper l’accusé (et pour cause, puisqu'il le sait innocent) puis craint, dans ce cas, de voir les recherches reprendre et arriver jusqu’à lui. La fin – qui reste longtemps incertaine – est remarquable : en une belle ellipse, le film énoncera un premier jugement – bien loin d’apaiser la situation – avant que la procureur (remarquable interprétation de Toni Collette) ne suive, à regret, ce à quoi sa fonction la contraint…

 

jeudi 17 avril 2025

Les Graines du figuier sauvages (Dāne-ye anjīr-e ma'ābed de M. Rasoulof, 2024)

 



Les Graines du figuier sauvage brûle d’actualité avec de nombreuses vidéos prises sur le vif qui émaille le film, un peu comme d’autres films iraniens ont pu le faire (on pense à ceux de Jafar Panahi par exemple).
Le film est poignant mais si Mohammad Rasoulof montre parfaitement le satrape religieux qui enserre l’Iran, la métaphore qu’il déroule reste peut-être un peu facile, puisque, après sa nomination en début de film, le père disparaît du cadre : on ne le voit plus et ses filles se plaignent de ne plus partager un repas avec lui. Et comme, lorsqu’il reparaît, il est devenu un autre, l’affrontement devient à la fois terrible et inévitable. Cette dérive du père qui symbolise la dérive du pays est sans doute trop forcée et l’on regrette que ce portrait du père, à l’inverse de ceux de la mère et des deux filles – portraits peints de façon fines et sensibles –, soit brossé de manière si caricaturale. Peut-être Rasoulof aurait-il pu s’attarder sur le père autrement, en le filmant dans sa vie familiale et en montrant combien l’énormité de ce qui se passe hors-champ le contamine et le hante (sa promotion accueillie avec soulagement se retourne contre lui quand, avec les révoltes, il devient un terrible interrogateur).
En revanche le film montre très bien que l’Iran ne subit pas une dictature mais bien une théocratie impitoyable. Dans les embryons de dialogues qu’il a avec ses filles, le père renvoie sans cesse à Dieu pour se justifier, rendant par là toute discussion impossible.

 

lundi 14 avril 2025

Ça tourne à Manhattan (Living in Oblivion de T. DiCillo, 1995)

 



Amusante comédie de Tom DiCillo sur le tournage compliqué de quelques séquences d’un film. L’ensemble manque néanmoins de liant puisque, à chaque fois, le personnage au cœur de la saynète se réveille en sursaut. Le film, alors, ressemble à un film à sketchs.
Mais les situations sont drôles et les avatars qui émaillent le tournage sont bien vus, depuis les soucis techniques jusqu’aux égos des acteurs en passant par les liaisons – inévitables – qui échauffent les esprits. On comprend que le réalisateur (réjouissant Steve Buscemi), malgré sa patience, ses efforts et toute l'huile qu'il déverse dans les rouages grippés de la machine, finisse par saturer !

 

samedi 12 avril 2025

Le Mari de la femme à barbe (La donna scimmia de M. Ferreri, 1964)

 



Film très réussi de Marco Ferreri qui parvient à parfaitement utiliser son accroche scénaristique : la découverte par hasard de Maria, jeune femme terriblement poilue et honteuse, par Antonio, forain opportuniste. Ferreri joue avec ce personnage tout droit sorti des Monstres et campé par un Ugo Tognazzi très à l’aise (et qui ne cabotine pas trop comme c’était à craindre). L’habileté est de laisser croire, au gré du jeu de Tognazzi, qu’Antonio va s’amender, qu’il va devenir peu à peu sensible à Maria et que son humanité reprendra le dessus, alors qu’il n’aura toujours au fond de son cœur que l’intérêt le plus vil et le plus bas. La fin, comme il se doit et comme le veut la grande tradition de la comédie italienne, verse une dernière pincée de vitriol sur l'ensemble.
De nombreuses séquences sont remarquables, à la fois drôles et corrosives, et Annie Girardot – qui ne craint pas d’être méconnaissable – est parfaite. On notera que le titre italien bien plus cinglant (La donna scimmia c’est-à-dire la femme singe) reflète parfaitement toute la dimension satirique du film.


mercredi 9 avril 2025

Mickey 17 (J. Bong, 2025)

 



Amusante comédie de science-fiction de Bong Joon-ho, même si le film est loin de ses plus grandes réussites où il mélangeait les tons (Memories of MurderParasite). Ici la chose est plus simple : le film ne se prend jamais au sérieux.
On remerciera le réalisateur de ne pas proposer un couplet moralisateur trop appuyé, autant du point de vue de la lecture politique possible du film (qui est certes présent mais que l'on peut évacuer sans problème, ce niveau de lecture restant comme toujours très peu intéressant) que du point de vue environnemental (le risque était grand, en voyant une armée débarquer sur une nouvelle planète emplie de bestioles dont la question de la destruction va vite se poser).
Mark Ruffalo et Toni Collette composent des personnages savoureux, le ton alerte du film est plaisant et le film parvient toujours à rebondir même lorsque Mickey 17 se trouve aux prises avec Mickey 18.
On notera combien Robert Pattinson, star maintenant confirmée et égérie de la mode, compose un personnage d’anti-héros passif et dépassé, bien loin du culte du héros que Hollywood a si souvent travaillé. Ici il met sa masculinité et son image de côté, au profit de ce personnage sympathique mais frêle et bien peu héroïque (sauf dans sa dix-huitième version, certes emplie de masculinité mais bien peu sympathique pour le coup).

 

lundi 7 avril 2025

Vers un destin insolite sur les flots bleus de l'été (Travolti da un insolito destino nell'azzurro mare d'agosto de L. Wertmüller, 1974)

 



Étonnant film de Lina Wertmüller, mettant aux prises Giancarlo Giannini et Mariangela Melato, qui trouvent une belle alchimie, dans des registres très expressifs. L’un est l’archétype de l’ouvrier communiste (ici le marin bon à tout faire) et l’autre celui de la riche capitaliste oisive. Le jeu est assez habile, puisque ce sont des ressentiments de classes mêlés de machisme et de pulsions sexuelles qui vont jouer et nourrir l’opposition/attirance entre les deux personnages. C’est que, sous la lumière éclatante de la Sardaigne, Wertmüller met en scène toutes ces passions idéologiques et ces pulsions physiques, emmenant très loin son idée (lorsque Gennarino frappe, insulte et rejette Raffaella). La fin, qui était délicate à gérer, est très réussie.
On notera que Ruben Östlund, dans Sans filtre, proposera en fin de film une version bien différente : dans leur robinsonnade forcée, c’est la femme, jusqu’alors corvéable à merci, qui prendra le dessus sur ses anciens maitres. Mais, à voir la femme reprendre la main, c’est toute la puissance subversive qui s’éteint devant la bien-pensance et tout le côté corrosif de la situation qui disparaît. Le sujet devient presque banal et entendu. Wertmüller ne tombe pas dans le piège en partant d'un déséquilibre original (la femme écrasant l'homme) et l’inversion de la domination, sur l’île perdue, enrichit cette relation à la fois complexe et satirique.

 

jeudi 3 avril 2025

Quatre pas dans les nuages (Quattro passi fra le nuvole de A. Blasetti, 1942)

 


Sur une intrigue originale et qui peut d'abord sembler trop mince, Alessandro Blasetti construit une trame toute en émotion et en retenue, s’immisçant dans les mœurs et les pensées rurales. Il peint un monde ancien aux prises avec une situation nouvelle, brossant une série de portraits avec, au centre, la fille désemparée qui cherche à amadouer la colère paternelle.
Bien aidé par un Gino Cervi remarquable de justesse, le film devient de plus en plus touchant à mesure que Paolo se trouve coincé et gêné par l’accueil, d’abord hostile puis de plus en plus ouvert, de cette famille.
La fin est très belle, avec le père dont les convictions profondes se fissurent, et la dernière image – lorsque Paolo rentre chez lui – distille, forcément, un certain doute.


mardi 1 avril 2025

La Traque (S. Leroy, 1975)

 



Belle réussite de Serge Leroy que cette plongée au cœur d’une chasse qui tourne mal. Le film doit beaucoup à l’ambiance oppressante, humide et glauque qui envahit peu à peu le film. On sent de façon impalpable d’abord – à travers un malaise qui grandit –, puis de plus en plus nette, le drame qui va se jouer dans cette partie de chasse entre copains. Les relations sont à la fois amicales et tendues, avec les frères Danville trop brutaux, David Sutter trop visqueux, Rollin trop servile : d’emblée rien n’est simple et amical, tout est faux et l’on sent combien cet équilibre ne tient qu’à un fil. Ce sera de croiser la route de la jeune Anglaise (Mimsy Farmer) qui fera plonger la chasse dans l’horreur.
Le film doit aussi beaucoup à ses interprètes, tous parfaits. Depuis le duo Jean-Pierre Marielle et Philippe Léotard (impeccables en beaufs grossiers et violents) à Michael Lonsdale (très à l’aise en propriétaire terrien intéressé et faux) en passant par Jean-Luc Bideau ou Mimsy Farmer, qui est parfaite dans le rôle pas simple de la femme violée et poursuivie.
La fin, glaciale, clôt le film sans une note d’espoir et fait se refermer le marais sur lui-même.


samedi 29 mars 2025

La sensibilité à l'art

 



L’on sait bien que tout le monde n’est pas sensible à l’art et que tout le monde n’y est pas sensible de la même façon.
Et l’on sait aussi que certains sont plus sensibles à certains arts et pas du tout à d’autres, ce qui peut surprendre. On comprend bien que l’on puisse être plus sensible à certains arts qu’à d’autres, mais être sensible à certains arts seulement et être totalement fermés à d’autres – sans avoir pour eux de curiosité ou sans se dire qu’il y aurait là quelque chose qui pourrait nous toucher – semble étrange.

On peut distinguer trois niveaux de sensibilité à l’art :

1. Ceux qui ont peu de sensibilité, que peu de choses émeuvent. Ceux-là ne se montrent sensibles qu’à des émotions téléguidées, répondant à des injonctions (pour un évènement sportif, pour une chanson à succès). Ce succédané de sensibilité a sans doute plus à voir avec le conformisme et l’identité sociale qu’avec la sensibilité véritable.

2. Ceux qui sont touchés ou émus par ce qui les renvoie à eux-mêmes, par l’identique. C’est-à-dire qu’ils sont sensibles à des œuvres évoquant un environnement habituel ou évoquant des situations ou des personnages semblables à celles qu’ils connaissent.
On comprend bien que l’on puisse être particulière réceptif à des œuvres qui nous parlent de nous-mêmes, on le comprend et, en même temps, on le regrette s’il n’y a que cette sensibilité. Il manque sans doute une dimension lorsque l’on n’est sensible qu’à cette manière de trouver un miroir dans les œuvres. Cela dégrade l’œuvre et la réduit à une réverbération de soi.
Cette sensibilité est forcément réductrice : comme la tension de la société et du soi dirigent sans cesse l’attention vers l’ego, trouver dans l’art une énième réverbération de soi ne mène pas bien loin.

Or l’art a pour mission de dérefléter la perception, de l’ouvrir à ce qui est autre. Il est un révélateur – au sens chimique du terme – pour découvrir l’autre que soi qui est au fond de soi. Il crée une distance d’avec soi et pousse à se sortir de soi vers un ailleurs. Il provoque alors une conversation avec l’Autre, non pas avec une autre personne, mais avec un soi différent et il donne un temps à cet autre qui est au fond de soi. T. W. Adorno ne dit pas autre chose lorsqu’il explique que « celui qui perçoit l’art autrement que comme étranger au monde ne le perçoit pas du tout ».

3. Il y a donc ceux qui sont touchés par l’altérité : ils sont sensibles à des œuvres qui évoquent une étrangeté ; œuvres auxquelles ils sont surpris d’être sensibles, qui les déstabilisent ou provoquent une résonance, déconcertante, surprenante ou mystérieuse.
L’art peut donc amener vers une altérité et c’est ainsi que, quand on a l’art à l’esprit, on est dans l’oubli de soi.
L’art – et c’est bien là le cœur du cœur de sa nature – permet alors de glisser dans le cerveau des fragments d’altérité, altérité sans laquelle, indéfiniment, l’identique se prolonge.



mercredi 26 mars 2025

Jeff (J. Herman, 1969)

 



Étrange film de Jean Herman qui démarre sur des bases très classiques : après un casse, Jeff, le chef d’une bande, trahit ses compères et disparaît avec le butin. Mais en étant traité sur un mode lent, empli d’attentes et de questions sans réponse, la narration avance de façon très lâche et discontinue.
Au milieu des silences et des explosions de violence, des sentiments naissent et complexifient les personnages, pourtant taiseux et renfermés. C’est qu’ils ne savent pas comment lire la trahison de Jeff : sont-ils tous trahis ? Ou bien Jeff rejoindra-t-il bientôt sa compagne ou Laurent – Alain Delon – son ami le plus proche ?
Delon, ici aussi en producteur, ne fait pas dans la facilité en acceptant ce parti pris d’une narration aussi radicale et, une nouvelle fois – mais faut-il le préciser tant cela va de soi à ce moment de sa filmographie –, son personnage a une fin tragique.


samedi 22 mars 2025

Lumière ! L'aventure continue (T. Frémaux, 2024)

 

Dans Lumière ! L’aventure continue, Thierry Frémaux, commentant une série de films des frères Lumière, reprend la même formule que le premier opus. Et, à nouveau, ces merveilleux films éclatent à l’écran. Et, à nouveau le commentaire juste, pédagogique et sensible de Frémaux les accompagne.
Et l’on comprend alors, au fur et à mesure des films qui se succèdent, combien le cinéma est une autre manière de représenter la vie, combien il est une autre manière de dire ce qu’est la vie sur terre et combien les frères Lumière ont su inventer un regard.
Frémaux le dit bien : il y a chez les frères Lumière la patience du plan. Il y a le peuple, la rue, la vie telle qu’elle se déroule. Ensuite leur génie fut de poser leur caméra là où le monde peut être saisi en cinquante secondes, pour raconter une histoire, fixer une situation, un évènement ou un instant. Comme cette démonstration de voltige à cheval sur fond de château de Prague, d’une beauté folle. Ou ce trottoir roulant qui avance et emporte les piétons. Ou ce paysan d’Asie qui actionne une roue à aube. Ou encore ce film où l’on voit des soldats à l’entraînement en montagne qui avancent sur un chemin en zigzag, traversent un petit pont, s’allongent au premier plan et tirent. Plan extraordinaire, fluide, tout en profondeur de champ et dont le cadre est envahi peu à peu, avec évidence et pureté. Un plan séquence à regarder en boucle nous dit avec justesse Frémaux.

Incroyablement, beaucoup de ces films sont saisissants de modernité (on parle ici de modernité dans le sens cinématographique). On pense à l’un des films qui montre, pendant toute sa durée, des vagues qui vont et viennent sur les rochers d’une côte sauvage. On se croirait dans
Aguirre avec les Espagnols qui contemplent longuement les remous du fleuve en furie.
Mais cette modernité s’explique. C’est qu’il n’y eut plus, après les frères Lumière, pendant longtemps, d’autres frères Lumière. C’est le cinéma de Méliès qui a tout envahi : un cinéma spectaculaire, à coup de studios, d’histoires extraordinaires, de trucages, de féerie, de comédiens. Cette autre manière de faire du cinéma, inventée par Méliès, a conquis le public. Puis après qu’il a été adoubé comme art et non plus considéré uniquement comme un simple divertissement de foire (à partir de L’Assassinat du Duc de Guise notamment), ce cinéma a enfanté les grands studios hollywoodiens qui sont se mis à fabriquer du rêve. Thierry Frémaux nous explique très justement que Méliès enfantera Fellini. Certes, mais avant, et plus largement, c’est l’industrie des grands studios qui prendra la suite.

Et les frères Lumière, qui ont formé des opérateurs et les ont envoyés partout dans le monde, n’ont pas de suiveurs immédiats chronologiques. Il a fallu attendre cinquante ans pour que le cinéma retrouve ce regard des frères Lumière, c’est-à-dire qu’il en revienne à leurs fondamentaux : prendre une caméra et filmer la rue, sans acteurs professionnels, sans studios, sans histoires autres que celles du quotidien. C’est le cinéma italien de Rosselini, De Sica ou des premiers Visconti. 
C’est ce gap de cinquante ans qui explique l’incroyable modernité des frères Lumière.

Bien entendu des réalisateurs ont su, avant le néoréalisme, ponctuellement, retrouver cette âme première du cinéma (on pense à Ozu par exemple), mais il a fallu attendre le cinéma moderne issu du néoréalisme puis ses descendants pour retrouver cette manière de faire. Le cinéma moderne, en fait, c’est celui des frères Lumière, qui est la première façon qu’a eu le cinéma de saisir le monde. 


mercredi 19 mars 2025

Assassins et voleurs (S. Guitry, 1956)





Assassins et voleurs est de ces films qui vivent et coulent de source du fait de la facilité narrative propre à Guitry. Le propos est léger mais c’est le plaisir du narrateur qui prend le dessus. Tout à fait dans le style du réalisateur, cette ode irrévérencieuse et plaisante au vol et à l’adultère, sur le ton d'un cynisme narquois, nous gratifie d’une séquence de procès amusante.
Guitry, malade au moment du tournage (il meurt l’année suivante après avoir eu l’énergie, néanmoins, de réaliser Les Trois font la paire), ne peut tenir un rôle principal pourtant sur mesure. Mais Jean Poiret est parfait et il est associé avec bonheur à Michel Serrault pour la première fois.
La fin lumineuse et comme frappée d’évidence signe le talent de Guitry.

 

lundi 17 mars 2025

Cadet d'eau douce (Steamboat Bill, Jr. de B. Keaton, 1928)

 



Film en demi-teinte de Buster Keaton. C’est que la première partie du film est assez attendue et, même si l’ensemble reste fluide et si le charme de Keaton opère, les gags ne surprennent guère.
La dernière séquence du film, à partir du déclenchement du cyclone, est en revanche exceptionnelle (de sorte que le film fonctionne un peu comme Fiancées en folie : c’est la dernière demi-heure qui est inoubliable). Autour des décors qui s’envolent en tous sens, Keaton est balloté, plusieurs façades s’effondrent (avec ces fameuses images, sans trucages, où tout est millimétré et où l’acteur joue gros), une maison s’abat sur lui. On retrouve la vista incroyable de l’acteur qui joue avec son environnement, qui subit la Nature, dans un mélange unique d’instants où il est tout à la fois stoïque, souple et virevoltant.


samedi 15 mars 2025

Irma Vep (O. Assayas, 1996)

 



Intéressant et étrange film d’Olivier Assayas, qui propose un film dans le film (il s’agit de raconter un moment d’un tournage) et qui s’amuse à tirer plusieurs fils autour de cette idée.
Le film qu’il s’agit de tourner est lui-même un remake : c’est une adaptation des Vampires de Feuillade, avec le personnage légendaire d’Irma Vep aux prises avec des bandits. C’est l’occasion de montrer un réalisateur dans son monde, campé par Jean-Pierre Léaud – impeccable comme toujours – qui donne à son personnage, cette étrangeté qui lui est propre. Et c’est le prétexte pour amener une actrice étrangère (Maggie Cheung, lumineuse) au cœur de ce petit monde qui s’agite. Cette actrice un peu perdue et qui impose de passer par l’anglais est le relais du spectateur, qui découvre toute cette agitation, toute cette tension dans l’équipe, bien loin de montrer l’harmonie d’une équipe de tournage (telle qu’on peut la voir dans La Nuit américaine par exemple). Ce regard sur le monde des techniciens, régisseurs et autres producteurs est finalement assez peu séduisant.
Ce d’autant plus que le réalisateur Vidal (joué par Léaud, donc) est dans son monde, avec ses pensées très artistiques et personnelles, complètement en porte-à-faux avec le reste de l’équipe, qui fait à sa sauce, envoie tout promener, s’afflige, et, finalement disparaît. Avec beaucoup d’humour Vidal sera remplacé par un réalisateur qui lui, à l’inverse, est une caricature du tâcheron appliqué et sans âme. Les rushes retravaillés par Vidal et que l’on découvre en fin du film forment un moment de cinéma assez unique, entre étrangeté, art brut et incroyable délire.
Et le film propose aussi une séquence étonnante dans laquelle Maggie Cheung, dans son costume moulant, devient le personnage qu’elle incarne, puisqu’elle dérobe un bijou, comme le fait Irma Vep, bijou qu’elle laissera bientôt s’échapper, dans une scène pleine d’étincellement étrange.

 

jeudi 13 mars 2025

Un homme qui me plaît (C. Lelouch, 1969)





Film réussi de Claude Lelouch où, après une demi-heure à tourner autour d’un tournage – avec cette idée intéressante de ne pas faire de Jean-Paul Belmondo la star du tournage mais simplement un compositeur de musique de films inconnu –, les choses se décantent avec un couple qui se forme.
Un homme qui me plaît vaut pour cette échappée des deux amants, échappée qui vire au road trip avec des joies et des éclats de rire mais sans que jamais l’idée ne les quitte que, le lendemain, ou peut-être est-ce le jour d’après, ils devront se séparer. Et face à la décontraction – légèrement et admirablement fausse – de Bebel, les regards d’Annie Girardot, avec cette tristesse tragique au fond d’elle, sont très beaux.
Le montage fait habilement éclater à l’écran la tristesse de ce couple qui n’a pas le droit d’exister. Le gros plan pensif de Girardot – et que Lelouch fait durer –, apparaissant en cut brusque après une soirée à Las Vegas, est magnifique. En un plan, Lelouch saisit une vie : les regrets, la douleur, la vie ratée qu’on n’a pas eu, le temps qui a passé et qui file beaucoup trop vite, la liberté qui n’existe pas.


Sur ces instants, le film évoque Brève rencontre ou Sur la route de Madison, ces chefs-d’œuvre sensibles et tragiques.
La fin, avec notamment un autre fameux regard d’Annie Girardot, est remarquable.