samedi 6 octobre 2018

Hara-kiri (Seppuku de M. Kobayashi, 1962)




Chef-d’œuvre du chanbara, Hara-kiri impressionne aussi bien par sa puissance visuelle, mélange de rigueur calme et de vivacité, que par sa dialectique imparable. C’est que derrière un argument qui semble simple, Kobayashi en arrive à un message de portée universelle, splendidement amené.
Hara-kiri, en effet, n’est pas un simple film de sabres dans lequel des samouraïs s’affrontent : il commence en s’appuyant sur des rituels ancestraux très ancrés (l’honneur, les codes très rigoureux, le suicide, etc.) pour mieux les retourner. Et le scénario, très habile, nous piège totalement. En effet Kobayashi nous met d’abord dans la position de l’intendant : on prend fait et cause, dans un premier temps, contre Motome qui a déclaré vouloir se faire hara-kiri, et son châtiment s’il est particulièrement cruel, ne semble pas complètement immérité (c’est lui qui a évoqué un code d’honneur et il se trouve forcé, en quelque sorte, de respecter sa parole et son honneur, fut-ce au prix d’une souffrance inouïe).
Le film trouve ainsi un premier climax avec cette séquence terrible du hara-kiri de Motome, extrêmement violent et qui prend, en s’abritant derrière des codes rigoristes, une tournure rapidement sadique. Mais cette séquence n’est pas gratuite et servira à appuyer la démonstration de Kobayashi.
C’est alors que le récit est repris en main par Tsugumo, personnage porté par l’extraordinaire interprétation de Tatsuya Nakadai, tout de solennité, de force et d’expressivité. Son jeu très théâtral et le masque tragique de son visage emplissent peu à peu le cadre et vont renverser notre compréhension du récit.



Les flash-backs sombres et tragiques qui viennent éclairer la réalité d’une situation, derrière les apparences, vont permettre de relire complètement l’histoire de Motome, de comprendre le personnage et de s’interroger sur ce qui l’a poussé à agir ainsi (faire un acte déshonorant qu’il était le premier à condamner). On en vient alors à se questionner (question que jette Tsugumo à l’intendant) : « Qu’auriez-vous fait dans la situation de Motome ? Réduit à la même extrémité que lui, auriez-vous agit différemment ? ». Cette interrogation dénonce le jugement catégorique, celui qui est fait sans se poser de question, sans tenter de comprendre ce qui peut pousser un homme à agir.
Kobayashi alterne des plans d’ensemble avec des champs-contre-champs serrés qui montrent l’opposition entre Tsugumo et l’intendant. Il alterne l’éclat du décor du hara-kiri avec l’intimité sombre des flash-backs. Et la construction du décor (Tsugumo isolé dans la petite cour) renforce la puissance progressive des révélations de Tsugumo.
Mais ce chanbara n’oublie pas les scènes de sabre, notamment celle, très emblématique, dans le champ d’herbe dans le vent, avant la folie finale, travaillée à grands coups de travellings, avec les ravages de Tsugumo.



Finalement le clan préfère le mensonge à la perte de l’honneur, confirmant la sentence de Tsugumo : les rituels n’ont plus aucune signification parce que l’honneur n’est qu’une apparence, qu’une coquille vide de toute substance (avec l’admirable métaphore de l’armure vide du samouraï). La société, tant qu’elle s’en tient aux apparences, ne peut qu’être sclérosée, sans affect et, par là même, inhumaine.


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