jeudi 2 octobre 2014

Le Bon, la Brute et le Truand (Il buono, il brutto, il cattivo de S. Leone, 1966)










Troisième film de Sergio Leone, il est aussi
bien meilleur que les deux précédents. Si Leone a gardé (et continue de
perfectionner) ce style si caractéristique, il parvient, beaucoup plus qu'auparavant, à intégrer de l'humour. L'humour ne consiste plus seulement en quelques bons mots, mais s'appuie sur une mise en situation qui est drôle et qui
montre la lignée de Leone avec la comédie italienne des années 60. Cet héritage
se manifeste non seulement par le traitement de l’humour mais aussi par la mise
en scène de la pauvreté des milieux et des personnages rencontrés (les péons
rappellent les habitants des bidonvilles des villes italiennes).


Toute la première partie du film (hormis la
séquence d'ouverture) est d'ailleurs traitée sur un mode franchement comique
(alternance de capture et de libération de Tuco par Blondin), le montage
achève de rendre comique la séquence, le personnage d'Eli Wallach servant
d'ailleurs de contrepoint comique à la Brute (très bon Lee Van Cleef, dont le
personnage, lui, n'est pas là pour rigoler). Clint Eastwood, de son côté, continue d'inscrire son personnage dans l'histoire du cinéma.










On remarquera la
complexification progressive de l’intrigue, puisque les trois compères qui cherchent à récupérer un magot sont rattrapés par la Guerre de sécession. La
petite histoire se trouve alors confrontée à la grande. Et, ironie noire de la
guerre, Setenza, le chasseur de primes, voit même son sadisme transformé en une
qualité indéniable lorsqu’il s’agit de faire parler les prisonniers.




La séquence finale – le duel à 3 dans le
cimetière – est un bon résumé à la fois du style (qui est une reprise maniérée
des grandes séquences classiques du western) et du génie de S. Leone, avec ici
par exemple une façon de dilater le temps par le montage qui est exceptionnelle.










Bien sûr, malheureusement, le film n'a pas
grand sens. Leone est un formaliste pur et dur : on a vite fait le tour du scénario  (quand bien même, ici, les grands scénaristes Age et Scarpelli sont de la partie).
Mais il ne faut pas bouder son plaisir : le maniérisme de Leone (qui
culminera avec son chef-d'œuvre Il était une fois dans l’Ouest) ajouté à la partition de Morricone rend le film
réjouissant.




L'influence du film   de même que les autres westerns de Leone    est considérable, à la fois sur le genre mais aussi sur le cinéma en général. On notera, par exemple, que la seconde séquence du film (lorsque la brute Lee Van Cleef rend visite au
fermier qu’il finira par abattre) contient tous les
ingrédients du cinéma, à venir, de Quentin Tarantino : le rythme est lent, le réalisateur
prend son temps, s’attache à des détails triviaux (une discussion tout en mangeant
de la soupe), avec une tension sous-jacente qui monte (on sait qu’il va se
passer quelque chose). L’explosion de violence est soudaine et radicale. Tarantino
refera très précisément cette séquence (au début d’
Inglourious Basterds) mais c’est, de façon plus générale, tout son
cinéma qui est irrigué par cette manière de faire. C’est d’ailleurs à la fois
une qualité de Tarantino (il est passionné par une esthétique précise) et un défaut, puisqu’il fait à la manière
d’un maniériste. C’est donc un style, ontologiquement, assez caricatural. Reste
que sa vista lui permet de faire « à la manière de Leone » de
façon brillante, enlevée, facilement jouissive, fluide et en déclinant dans de
très nombreuses variantes ce schéma de base.




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