jeudi 31 août 2023

Open Range (K. Costner, 2003)

 



Western assez classique mais bien filmé par Kevin Costner qui s’appuie sur un argument déjà vu (les éleveurs qui font transiter leurs bêtes s’opposent aux cultivateurs qui barrent la prairie de leurs barbelés) mais qui reste efficace. Sur ce thème les positions varient d’un film à l’autre : si dans The Big Country on voit le problème par le prisme des propriétaires terriens, ici l’on est du côté des éleveurs qui transitent.
On regrette peut-être des personnages caricaturaux du côté des méchants, bien moins fouillés et travaillés que les éleveurs, qui retiennent toute l’attention du réalisateur. C’est que Charley (Kevin Costner, très convaincant) n’a pas toujours été cow-boy et il traîne derrière lui un passé oublié qu’il lui faut faire resurgir. Cet ancien gunfighter, abîmé par son passé (il est typiquement un descendant de Ethan Edwars), a trouvé dans cette façon de vivre en conduisant des bêtes tout au long de l’année, de feu de camp en feu de camp, un substitut de civilisation. Comme Ethan Edwards, il ne peut guère se poser et rejoindre les siens.

Pourtant, après l’inévitable règlement de compte (où, bien à regret, Charley doit recomposer avec son efficacité passée un colt à la main), la fin reste optimiste et apaisée, comme si l’Ouest, malgré tout, avançait et, que le temps faisant, Charley pouvait délaisser les bêtes et vivre à nouveau au milieu de la société des hommes. On notera que, comme bien souvent dans le western fordien, c’est par le bien d’une femme – plus encore que par l’amitié, autre élément fondamental – que cette impossible réinsertion se fera.






lundi 28 août 2023

Le Horla (M. Desseigne Ravel, 2022)

 



Adaptation fade de Maupassant, ce Horla peine à passionner. Il cherche à retranscrire avec assez de fidélité la nouvelle dans un univers contemporain, mais le doute et l’incertitude restent flous et ne font guère basculer le récit dans l’obsession fantastique.
Bastien Bouillon, au jeu sobre, sent bien le rôle mais il ne parvient pas à sauver un film trop terne pour marquer le spectateur.

 



vendredi 25 août 2023

Tess (R. Polanski, 1979)





Application policée et qui peine à démarrer du beau roman de Thomas Hardy. Mais plus le film avance et plus on est convaincu par Polanski et touché par ses acteurs. Peter Firth, en particulier, qui joue Angel avec une sensibilité fragile, est très bon. Et l’on plonge peu à peu dans les méandres du drame vécu par Tess, croisant la douceur et la cruauté cynique et mêlant l’Angleterre victorienne aux intérieurs raffinés qui viennent s’opposer à la boue des campagnes. Malgré une histoire fidèle au roman, le film, pourtant, mais c’est manifestement une volonté de Polanski, n’atteint jamais la noirceur dure de Hardy.

 



mercredi 23 août 2023

Illusions perdues (X. Giannoli, 2021)




Adaptation appliquée mais assez fade du roman de Balzac, le film de Xavier Giannoli laisse de côté – forcément – de nombreux fils de l’immense toile tissée par l’écrivain. Il n’en reste qu’un regard un peu simple et facile des espoirs et désespoirs de Lucien, attiré puis brûlé par Paris sur fond de presse à scandale que le film ne ménage pas.
L’interprétation est réussie, malgré un Benjamin Voisin en Lucien de Rubempré un peu terne – surtout dans la première partie – mais avec des seconds rôles bien tenus (le casting se veut un point fort du film, avec Vincent Lacoste, Xavier Dolan, Depardieu, etc.).
En revanche, en filmant ce Paris du XVIIIème siècle, le film peine à sortir de son cadre spatio-temporel. On sent combien, chez Balzac, toutes les situations, tous les sentiments, toutes les aspirations, toutes les relations entre chacun des personnages ont une valeur universelle, et qu’il s’agit bien de tous les hommes et en tous lieux. Chez Giannoli, en revanche, on ne sort guère du XVIIIème siècle parisien, on ne sent pas cette universalité. On voit bien que les attaques contre la presse ont des résonances modernes mais, pour le reste (c’est-à-dire l’essentiel), on reste confiné loin de notre monde. Alors que la finesse de Balzac, elle, garde une acuité éternelle.



lundi 21 août 2023

HHhH (C. Jimenez, 2017)





Biopic faiblard de Cédric Jimenez, qui, très vite, se bonifiera dans ses réalisations ultérieures. Mais, ici, il tombe dans le travers de nombreux films retraçant la vie d’un personnage : l’ensemble ressemble à une fiche biographique dont on a surligné quelques moments forts ou célèbres et que le film met en image.
On voit ainsi Heydrich réagissant à telle ou telle frustration, tantôt amant aimant, tantôt mari violent, tantôt encore père jouant avec ses enfants. Jimenez, bien entendu, nous le montre aussi donnant ses directives à la conférence de Wannssee ou chapeautant inflexiblement des Einsatzgruppen.
Si le film suit aussi la trajectoire des deux résistants qui iront jusqu’à son assassinat, cet aspect du film est moins passionnant, il faut bien dire, que de suivre un monstre dont on s’attendrait à ce que le film nous dise quelque chose. Mais HHhH, in fine, n’explore pas grand-chose de ce que fut Heydrich, c’est-à-dire – hélas – bien plus qu’un monstre froid : il fut un concepteur efficace et zélé, maillon essentiel qui a permis à l’Allemagne d’Hitler de franchir plusieurs étapes conduisant à la solution finale en 1941-1942.
Mais on ne rentre pas un instant dans la tête du personnage. Heydrich, terrifiant monstre dans une époque qui n’en a pas manqué, aurait pu être scruté de beaucoup plus près. Ou alors on aurait pu voir la caméra buter à la barrière de son crâne, incapable de sonder ce qu’il y avait derrière et qui produisait autant d’inhumanité. On aurait eu là un geste cinématographique fort. Mais ce HHhH décevant nous dit simplement qu’Heydrich était monstrueux. Certes. Est-ce là tout le propos ? Y avait-il besoin d’un film pour le dire ?
Il faut reconnaître aussi que le film est desservi par Jason Clarke dont l’interprétation est tout à fait creuse et sans âme. On a du mal à comprendre le choix de l’acteur, à la morphologie peu ressemblante (ce qui pose problème puisque justement le film ne va guère plus loin que l'apparence) et tout à fait incapable d’épaissir son personnage. L’acteur Stephen Graham qui campe Himmler – que l’on voit finalement assez peu (1) –, est beaucoup plus convaincant. Et l’on se souvient, à titre de comparaison, de l’interprétation hallucinée de Bruno Ganz (qui est bien sûr un acteur d'un tout autre calibre) en Hitler dans La Chute de Hirschbiegel.



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(1) : Le titre HHhH signifie « Himmlers Hirn heiβt Heydrich »  que l'on peut traduire par « le cerveau de Himmler s'appelle Heydrich ».

 


vendredi 18 août 2023

Barbie (G. Gerwig, 2023)

 



Cette comédie au grand succès planétaire est rapidement ennuyeuse. On comprend vite le jeu proposé par le film avec cette dualité de monde imaginé pour l’occasion (l’idée de Barbyland, en soi, est bien vu). Mais, ensuite, le film tourne à vide sur un comique de répétition qui n’avance pas et qui montre ses limites : Barbie cherche à faire sourire et à rebondir avec les différences ou les ressemblances entre les deux mondes, et à jouer des influences réciproques.
Bien sûr on a là une critique – au second, troisième ou énième degré, on ne saurait dire – de la société d’aujourd’hui et des rapports homme-femme. A la décharge de Greta Gerwig, il semble bien difficile de produire un propos pertinent sur ce thème de nos jours sans risquer une tempête médiatique. Or l’on sait combien les producteurs d’Hollywood craignent les tribunaux médiatiques et combien ils cherchent à aplanir la moindre rugosité. C’est ainsi que, à part quelques saillies ou bons mots (et encore...), on s’ennuie ferme.

A travers ce rôle, si Ryan Gosling continue d’être lénifiant, ce qui, il faut bien l’admettre, n’est pas un frein quand il s’agit de jouer Ken (
le problème est plutôt que, second degré ou non, il semble bien difficile à cet acteur de produire une expression), Margot Robbie, de son côté, à travers ce rôle, assume pleinement son statut de nouvelle bimbo.



mercredi 16 août 2023

Indiana Jones et le Cadran de la destinée (Indiana Jones and the Dial of Destiny de J. Mangold, 2023)

 



Né sous de merveilleux auspices (le premier film de la saga est une belle réussite), ayant ensuite grandi avec délice (La Dernière Croisade est un chef-d’œuvre dans son genre), Indiana Jones a ensuite bien mal vieilli (Le Crâne de cristal est une catastrophe) et l’on pensait bien que l’aventurier serait laissé tranquille, d’autant plus que l’ami Harrison Ford commence à se faire vieux pour s’en aller cabrioler par monts et par vaux.
Las, James Mangold le sort de sa retraite et le revoilà donc à parcourir le monde une nouvelle fois. Mais la sauce ne prend guère. Lorsque Indi remet son chapeau et sort son fouet on a bien du mal à y croire. La saveur des premiers épisodes n’est plus là, les passages obligés et les clins d’œil encombrent le film, les incohérences sont légion, les personnages contradictoires (le comportement de Helena échappe à toute logique) et la fin sirupeuse à souhait. Comme quoi cumuler des séquences d’action ne suffit pas pour donner du punch à un personnage et à un film.

Harrison Ford lui-même, qui a si souvent su trouver le juste ton entre traits d’humour et ronchonnades, ne joue plus qu’un vieux héros bougon sans cesse houspillé par une petite jeune. Sans doute ne suffit-il pas de jouer sur l’âge de l’archéologue-aventurier pour s’en affranchir.

Mangold jouait déjà, dans Logan, avec des héros vieillissants mais, en ce qui concernait ces héros usés et de moins en moins capables, son film n’était pas inintéressant (il était mauvais sur d’autres points). Rien de tout cela ici : même à la retraite, usé et bougon, Indiana Jones reste inarrêtable et toujours aussi efficace dès qu’il s’agit de se dépêtrer d’une troupe de vilains lancée contre lui ou de démêler une énigme restée mystérieuse. Indiana Jones est donc vieux, on nous le montre et on en blague mais, finalement, le film ne l’entérine pas et il reste héroïque comme au bon vieux temps : c’est peut-être là qu’est la grande incohérence et le grand malaise de ce (espérons-le) dernier opus.

 



lundi 14 août 2023

Equalizer 2 (The Equalizer 2 de A. Fuqua, 2014)

 



Dans cette suite sans saveur d'un premier épisode déjà d’une fadeur rare, Antoine Fuqua récidive en appliquant la même recette, entre prétention de mise en scène et petite morale à deux sous. Denzel Washington cachetonne tranquillement.
Si le film est transparent pour le spectateur (on le voit et, hop ! on l’oublie), il est en revanche une belle planche à billets. On a bien compris que les producteurs savent parfaitement ce qu’ils font.

 

 



samedi 12 août 2023

Daylight (R. Cohen, 1996)

 



Film catastrophe insipide et inutile, servant à la gloire (toute petite gloire, bien sûr) de Sylvester Stallone, qui enchaîne, à cette période, les films consternants. Peut-être en a-t-il conscience puisqu’il surprendra dans son film suivant, le bon Copland de James Mangold, avec un rôle iconoclaste pour lui et très bien tenu.

 


 

jeudi 10 août 2023

Pi (D. Aronofsky, 1998)

 


Dans cette première œuvre qui oscille sans cesse entre cinéma expérimental et film fauché, Darren Aronofsky se perd un peu. Il cherche à filmer une obsession et s’il met en place une esthétique, on ne saurait trop dire si elle vient d’un projet artistique ou d’une contrainte financière. Les œuvres suivantes du réalisateur, sans grand rapport esthétique, nous faisant plutôt dire qu’il s’agit d’un manque de moyens. Derrière les idées de thriller noir et paranoïaque, cette esthétique le coince d’ailleurs un peu au moment de faire avancer son récit. C’est que Max Cohen, s’il semble avoir mis le doigt sur une clef de voûte mathématique du monde, se noie peu à peu dans sa paranoïa et dans ses hallucinations. Dès lors, au-delà de sa forme originale, le film se résume à scruter une obsession, obsession qui sera un des sujets majeurs de Aronofsky.




mercredi 2 août 2023

Les Saveurs du palais (C. Vincent, 2012)

 



Il est dommage que ce film, qui cherche à titiller les papilles en évoquant la cuisine du terroir, les vieilles recettes de grand-mère et les belles traditions soit aussi insipide. Hormis quelques moments de cuisine où, justement, le réalisateur cherche à nous plonger au cœur des saveurs et des mélanges, Les Saveurs du palais ne captive guère, jonglant entre la base antarctique perdue dans le froid rocheux et le raffinement du palais de l’Élysée.
On notera, aux côtés de Catherine Frot (dont le rôle n’est pas bien difficile), l’interprétation difficilement supportable de Jean d’Ormesson en président de la République. Bien loin de la simplicité traditionnelle qu’il appelle de ses vœux en cuisine, son personnage en fait des tonnes et il vient alourdir bien inutilement des séquences qui se veulent décisives dans le film.