vendredi 28 avril 2023

Pour Bresson, le cinéma se rapproche de la musique



Une proposition intéressante de Robert Bresson, pour qui le cinéma se rapproche davantage de la musique que de la peinture :

« La cinématographie est une écriture en mouvement avec des images et des sons. Si l'on tient à trouver une analogie, il faut chercher du côté de la musique et non du côté de la peinture car on aboutirait à la carte postale. »

 


 

mercredi 26 avril 2023

Milliardaire pour un jour (Pocketful of miracles de F. Capra, 1961)

 



Ce dernier film de Frank Capra est un remake de Grande Dame d’un jour, mais en plus long et avec davantage de moyens qui envahissent l’écran (le casting, les studios, les décors, etc). Milliardaire pour un jour, comédie volontiers burlesque, est empli de bons sentiments où même les gangsters n’en sont pas vraiment : Glenn Ford en bootlegger dandy apporte son charme particulier sans qu’aucune mauvaise onde ne traverse le film. Mais l'histoire, sans être désagréable, n’est guère prenante et l'on suit sans réellement se passionner les aventures de cette clocharde autour de laquelle on s’agite.
On notera néanmoins le rôle de Peter Falk – alors habitué aux seconds rôles – dont le personnage, par son look, annonce Columbo, alors que la fameuse série ne débutera que quelques sept années plus tard. Bien sûr le personnage n’a rien d’un lieutenant de police, mais, avec le même imper, le même chapeau et la même façon de tenir son cigare en se grattant la tête, toute la dégaine de Columbo est déjà là.





lundi 24 avril 2023

Créance de sang (Blood Work de C. Eastwood, 2002)





Polar très (trop) conventionnel de Clint Eastwood. Le film cherche à tisser des liens étroits entre le meurtrier, la victime et le flic, mais, malgré de bonnes idées et de bonnes séquences, l’ensemble n’est guère convaincant. Non seulement ces relations entre personnages semblent trop forcées mais ni l’ambiance, ni le rythme, ni une humeur particulière – autant d’éléments que, dans d’autres films Eastwood utilise à merveille – ne capte particulièrement.
Créance de sang
reste un petit film d’Eastwood : Mystic River, son film suivant qui joue lui aussi de liens complexes d’amitiés entre meurtriers, flics et victimes, lui est très supérieur.



samedi 22 avril 2023

Le Corbeau (The Raven de R. Corman, 1963)

 



Dans la série de ses adaptations de Edgar Allan Poe, Roger Corman surprend avec cet opus qui est beaucoup plus comique que les autres et qui, en réalité, ne se relie à l’auteur américain que par la première séquence – celle de l’arrivée du corbeau – où le poème à l’origine du film est quelque peu mis en image. Le reste du film – que l’on peut résumer à un duel entre magiciens dans l’ambiance typique des adaptations de Poe par Corman – est quant à lui détaché de toute référence à Poe.

La distribution est admirable (Vincent Price, Boris Karloff, Peter Lorre et même, pour l’anecdote – car rien dans son jeu ne laisse présager l’immense acteur qu’il sera –, Jack Nicholson) mais elle tourne un peu à vide. Tout ce petit monde cabotine, il n’y a que Karloff qui est très au-dessus des autres en campant remarquablement Scarabus.

Mais l’on s’amuse des matte-painting grossiers, des effets spéciaux incongrus qui renvoient à la science-fiction et, finalement, de ce ton de comédie qui incite à l’indulgence.

 



jeudi 20 avril 2023

Le Vent se lève (Kaze tachinu de H. Myiazaki, 2013)





Très beau film de Hayao Miyazaki, avec une teneur plus personnelle et intime que ses réalisations précédentes. Il y a beaucoup de ses propres rêves dans ceux de Horikoshi.
On retrouve, bien sûr, toute la poésie douce du réalisateur japonais. Il parvient d’ailleurs à éviter (autant que faire se peut) les jeux de guerre, alors que le film s’appuie sur la biographie de l’ingénieur qui va bientôt concevoir les terribles chasseurs Zéro de la seconde guerre mondiale. Miyazaki, alors, fidèle à son regard et à son esthétique filme avec douceur et onirisme cette histoire, abandonnant les contes fantastiques (Nausicaä, Chihiro, etc.) pour se tourner vers l’enfance et la réalisation de ses rêves.

 




mardi 18 avril 2023

Mad God (P. Tippett, 2021)

 



Dans cet OVNI cinématographique, Phil Tippett – célèbre directeur d’effets visuels – après trente années de travail minutieux (et en pointillés, rassurons-nous, puisqu’il n’a avancé sa réalisation que petit à petit), propose un film à la fois cohérent et délirant. Cohérent par cette ambiance incroyable qu’il a créée, avec un enchevêtrement improbable de personnages, de monstres et de décors ; et délirant par ces visions cauchemardesques qui se succèdent au fur et à mesure de l’exploration incertaine du personnage, comme si Mad Max avait quitté la rectitude de la route pour s’enfoncer dans l’enchevêtrement d’une ville engloutie dans un labyrinthe de ferraille.
Tourné essentiellement (mais pas seulement) en stop motion, le film impressionne, aussi bien dans ses jeux d’animation que dans la multiplicité des couches de décors qui semblent s’étendre à l’infini.

Fort de plusieurs scènes franchement gore dans un ensemble volontiers horrifique, Mad God, avec son imagination débordante, construit une esthétique, qui emprunte à la première guerre mondiale (le masque à gaz du personnage en mission) autant qu’à de multiples films (du savant fou de Frankenstein au bébé monstrueux façon Erasearhead).


Il est dommage que le scénario ne propose pas une histoire qui se tienne quelque peu, puisque l’on a bien du mal à rabouter les unes aux autres ces différentes séquences.

Il reste une plongée – autant pour le spectateur que pour le personnage principal – dans les entrailles inouïes d’un univers urbain post-apocalyptique et cauchemardesque.

 



vendredi 14 avril 2023

Fumer fait tousser (Q. Dupieux, 2022)

 



Continuant de travailler sur des scénarios parodiques et absurdes, Quentin Dupieux ne se recycle guère avec Fumer fait tousser, mais il reste fidèle à ses habitudes : quelques très bonnes séquences et très bonnes réparties alternent avec des moments plus convenus ou moins emballants.
Sa parodie des super-héros à la Power Rangers est bien vue et le narcissisme bas du front des personnages provoque un contraste très drôle. Le film est servi par des acteurs impeccables et, même s’il ne mène pas bien loin (c’est là un reproche fréquent que l’on peut adresser à Dupieux), le film se laisse regarder sans déplaisir, pour peu que l’on adhère à l'univers et au ton particuliers du réalisateur.


 

mercredi 12 avril 2023

Sully (C. Eastwood, 2016)

 



Avec Sully, Clint Eastwood continue de travailler la figure du héros, ici le héros humble, image de celui qui ne fait que son devoir et se défend de tout héroïsme. On comprend que l’exemple de ce pilote qui est parvenu à un amerrissage d’urgence – au mépris de toutes les procédures et en suivant son instinct de pilote expérimenté – l’ait inspiré. Il est le prototype de ce héros désigné par des circonstances, loin du policier ou du soldat dont la vocation est de sauver les uns ou les autres. On sait qu’Eastwood aime ce genre de personnage (que l’on retrouve dans Le Cas Richard Jewell ou dans Le 15h17 pour Paris) qui lui permet de discuter ce qu’est un héros. En conclusion, comme souvent, Eastwood s’en remet à des images d’archives, dont la signification est claire : est un héros celui qui est désigné comme tel.
La construction du film suit les habitudes d’Eastwood, qui aime mélanger les nappes du temps entre le présent (la commission d’enquête), le passé récent (l’accident qui vient d’avoir lieu) ou des souvenirs plus anciens (Sully qui se remémore son passé de pilote de chasse). On ne dira jamais assez combien le montage des séquences, chez Eastwood, lui permet d’équilibrer ses films et de leur donner une harmonie étonnante qui trouve peu d’équivalents chez d’autres réalisateurs.

Tom Hanks est très bien dans un rôle qui n’est pas difficile mais dont la tranquille sobriété est nécessaire.

 

lundi 10 avril 2023

La Malédiction d'Arkham (The Haunted Palace de R. Corman, 1963)

 



Cette sixième adaptation de Poe par Roger Corman (même si les sources du film sont multiples, en allant chercher notamment du côté de Lovecraft) est dans la lignée des précédentes : Corman construit une ambiance surnaturelle et riche en évocations, mais en se gardant bien de trancher, in fine, sur la réalité des sortilèges et autres malédictions qui traversent le temps.
Misant beaucoup sur les décors, les jeux de brouillards et sur son château aux pièces cachées et aux oubliettes effrayantes, La Malédiction d’Arkham est un exemple parfait de fantastique à l’écran, fantastique dans la lignée littéraire du XIXème siècle, tout en suggestions. Il met aussi en scène, par deux fois, l’effrayante meute de villageois, armés de fourches et de torches, venus incendier et tuer, motif directement issu du Frankenstein de Whale.
Et Corman continue de s’appuyer sur le grand Vincent Price, épaulé ici par de solides acteurs de seconds rôles (Lon Chaney Jr., Elisha Cook Jr.).




vendredi 7 avril 2023

Tarkovski : l'artiste et l'œuvre



La création d'une
œuvre selon Andrei Tarkovski :

« C'est une erreur de dire qu'un artiste « cherche » son sujet. Celui-ci mûrit en lui, comme la gestation d'un enfant jusqu'à l'accouchement. L'artiste n'est pas le maître, mais le serviteur d'une situation. La création est pour lui la seule forme d'existence possible. Chacune de ses œuvres est en lui comme une poussée irrésistible. »

 



mercredi 5 avril 2023

Les Évadés de l'espace (Uchu kara no messeji de K. Fukasaku, 1978)

 



Star Wars kitsh à la sauce japonaise, Les Évadés de l’espace, aujourd’hui, ne peut guère se regarder qu’avec une grosse dose de second degré, le mieux étant d’être entre amis, une bière à la main.
Kinji Fukasaku, qui abandonne ses habituels films de yakuzas, s'en donne à cœur joie : il mélange les habitudes de science-fiction du cinéma japonais (féru de space opera) et l'esthétique de Tokusatsu avec mille inspirations du film de George Lucas. Et, dans ce curieux mélange, aussi bien les personnages, les décors que les trucages concourent à donner une version caricaturale, bouffonne et drolatique malgré elle du blockbuster américain. On retrouve ainsi, entre deux attaques de vaisseaux (le film est très rythmé), autour d’un Darth Vader à la sauce nippone, des versions étranges, quelque peu ratées (et, par là même, très drôles) de Léïa, Han Solo ou R2D2.
Mais Les Évadés de l’espace, s'ils sont un pastiche de Star Wars, procèdent d'un aller-retour amusant puisque l'on sait combien le film américain est inspiré de Kurosawa (s'appuyant sur La Forteresse cachée notamment).
Le film étant sorti au Japon avant celui de Lucas (c'était bien là le but des producteurs que de couper l'herbe sous le pied aux américains), il fit un carton au box-office. A tel point qu’il fut largement à l’origine de la série à succès San Ku Kaï.




lundi 3 avril 2023

Big Fish (T. Burton, 2003)

 



S’éloignant de son imagerie si caractéristique (celle de Sleepy Hollow notamment, mais déjà perdue dans La Planète des singes), Tim Burton retrouve son goût de conteur dans Big Fish. Il y met en œuvre sa maîtrise des richesses grammaticales du cinéma pour nous emporter, de séquences en séquences, dans les histoires étranges de Ed Bloom. Personnage étonnant, qui entremêle sans cesse la réalité et la fantasmagorie, l’exagération et l’anecdote réelle, pour le plus grand délice du spectateur.
Sans beaucoup d’artifices, avec un grand talent de narrateur, Burton s’amuse. On retrouve ses goûts enfantins, mais appliqués à un monde adulte qui ne se prend pas au sérieux et qui préfère rêver. On pense à Proust quand il nous dit qu’« il vaut mieux rêver sa vie que la vivre, encore que la vivre, ce soit encore la rêver ».
Et c’est, dans Big Fish, tout ce qui reste de l’enfant dans l’adulte qui cherche coûte que coûte à s’exprimer, pour s’écarter du chemin et conquérir le monde de l’imaginaire.