lundi 27 novembre 2023

Le Bal des vampires (The Fearless Vampire Killers, or Pardon Me, But Your Teeth Are in My Neck de R. Polanski, 1967)





Cette comédie de Roman Polanski, si elle contient quelques bonnes idées et quelques bonnes séquences, a assez mal vieilli. Cette revisite, en forme de parodie, des films de vampires est très convenu et le gag ou le comique de situation vont assez mal à Polanski qui distille bien plus d’humour dans des films en apparence plus sérieux mais où toute son ironie et tout son art du détail font merveille. On est loin du Locataire par exemple.
On a beau adorer le vampire vert qui vient remplacer le lion de la MGM, cela ne sauve guère le film dont les personnages autant que les situations forcées manquent de finesse.

 

 

 

vendredi 24 novembre 2023

Les Vieux de la vieille (G. Grangier, 1960)

 



Gilles Grangier l’annonce d’emblée : il filme une farce. Dès lors Les Vieux de la vieille reste centré sur trois vieux qui s’en donnent à cœur joie, perdus dans leur petit village vendéen pour ce qui est une ode – assumée – au temps d’avant, ce fameux « bon vieux temps ». Bien sûr, maintenant que le film a plus de soixante ans, une mise en abyme s’est créée et les jeunes que ces vieux conspuent à longueur de journée sont bien vieux, à leur tour, aujourd’hui. Et un tel film, à ce point réactionnaire, aurait bien du mal à être financé, même sur le registre de la farce.
Grangier s’en remet à ses acteurs : Jean Gabin, Pierre Fresnay et Noël-Noël cabotinent à tout-va et surjouent les râleurs grincheux pour qui toute chose est bonne à être critiquée. Mais leur plaisir est communicatif et plusieurs tirades font mouche.

Bien sûr le film ne va pas beaucoup plus loin que ce plaisir de lâcher des acteurs devant la caméra (la séquence initiale – où le livreur s’étonne de voir les cloches sonner en avance et le déluge de critiques qu’il reçoit en retour – résume parfaitement le film) mais il reste ces bons mots, ces réparties, ces perpétuelles engueulades et ces incessantes réconciliations à savourer.




mercredi 22 novembre 2023

Le Jour où la terre prit feu (The Day the Earth Caught Fire de V. Guest, 1961)

 



Film de science-fiction réalisé en pleine course aux armements, Le Jour où la Terre prit feu s’appuie sur un argument un peu outré puisque, nous dit le film, du fait d’essais nucléaires simultanés, la Terre s’est inclinée davantage sur son axe, avec toutes les conséquences désastreuses que l’on peut imaginer. Bien sûr, toutes les Tsar Bomba sans doute stockées dans les réserves stratégiques de par le monde pourraient éclater en même temps que la Terre n’en tournerait pas plus mal (même si l’humanité, elle, s’en trouverait certes terriblement diminuée). Mais c’est bien le propre de la fiction de franchir les pas qu’il lui semble bon de franchir.
Malheureusement, au-delà de cette idée de scénario, le film hésite un peu entre l’enquête du journaliste (et sa romance) et le film catastrophe typique. Il en ressort une absence de rythme et de fil conducteur qui rend le film moins prenant que ce qu’il aurait pu être (une enquête au cordeau aurait pu tenir en haleine).

On retient l’image finale (ou, disons, celle qui arrive juste avant la fin) qui est intéressante, puisque l’on voit les deux « unes » du journal prêtes à sortir, « unes » que tout oppose : dans un cas la Terre est sauvée, dans l’autre la Terre est condamnée. C’est un peu dommage que le film ne s’arrête pas là : il aurait gagné à s’abstenir de trancher dans la toute dernière image.




lundi 20 novembre 2023

Big Eyes (T. Burton, 2014)

 



Si Tim Burton s’applique à retracer l’histoire de Margaret Keane – peintre restée longtemps sous la coupe de son mari escroc –, on ne retrouve pas l’aisance habituelle du réalisateur. C’est que l’histoire reste collée à un réalisme que Burton peine à rendre merveilleux. Ce carcan réaliste le coince un peu et son univers habituel ne se déploie pas : Big Eyes apparaît alors bien conventionnel, sans un univers bien particulier à l’image et manquant de poésie. C’est d’autant plus dommage qu’il y avait un jeu poétique à tirer des peintures de Margaret, peintures qui, certainement, parlent à Tim Burton et auraient pu l’inspirer davantage.
Cela dit, les personnages n’aident pas le réalisateur : même si leur histoire est originale en terme narratif, leurs personnalités restent bien ternes. Christoph Waltz cabotine beaucoup et le réveil progressif de Margaret est attendu et ne surprend guère.




samedi 18 novembre 2023

Jodorowsky's Dune (F. Pavich, 2013)





Après trois films iconoclastes et détonnants, Alejandro Jodorowsky se tourne vers l’univers de Franck Herbert et veut réaliser un film à partir de son roman fleuve  Dune. Mais, si cette adaptation qui ne s’est jamais faite (« le plus grand film de science-fiction jamais tourné » comme le dit très justement l’affiche), ce documentaire montre comme nul autre ce que Alejandro Jodorowsky a dans la tête.
On comprend comment il fonctionne, comment il est animé par des idées, des images, des exagérations, des ambitions. Il visualise des scènes, il les décrit, allant jusqu’à des détails qui montrent combien les choses vivent dans sa tête.
L'idée n'est pas de transposer directement l’univers de Herbert, son intention est ailleurs et Jodorowsky a cette formule à la fois très dure et très juste : pour adapter Dune, il ne s’agit pas de suivre simplement le roman ou de le simplifier pour le mettre en images, il lui faut, dit-il, violer Herbert.
Très vite, il réunit autour de lui une équipe d’artistes qui, comme lui, ont le feu sacré. Et Jean Giraud, H. R. Giger ou Chris Foss – qui ont tous, comme lui, des images plein la tête et une esthétique particulière – sont de la partie.
Ayant besoin d’effets spéciaux complexes et ambitieux, Jodo file à Hollywood et rencontre Donal Trumbull, le maître en la matière. Mais on comprend très bien que, face à un artiste qui se vit comme tel, avec sa vision, sa frénésie, son élan et son insatiabilité, un technicien (aussi brillant soit-il) comme Donald Trumbull, habitué à Hollywood où il était adoubé comme le plus grand, n’avait pas sa place dans ce creuset d’artistes rassemblés par Jodorowsky. Et l'on comprend très bien la frilosité des producteurs américains devant un tel artiste fou : Jodo est génial mais, pour un financier, il est effrayant.
En fin de documentaire, le réalisateur montre avec beaucoup de justesse l’influence que le film a eue – quand bien même il n’existe pas. Les dessins de Giraud/Moebius, les peintures de Foss ou, bien sûr, l’esthétique singulière de Giger (Ridley Scott et son Alien, lui doivent beaucoup) ont laissé des traces à Hollywood.
Mais, derrière le rêve et la vision de Jodorowsky, on sent aussi que les effets spéciaux d’alors (nous sommes alors dans le mitan des années 70, avant les grandes avancées en la matière de Star Wars) n’auraient pas permis un film visuellement convaincant. Avec une telle ambition, les transparences, les surimpressions, les montages, les maquettes et autres jeux de lumière n’auraient pas suffi. Dans ce sens Jodorowsky est trop ambitieux pour son temps. Aujourd’hui, avec la révolution numérique, bien des choses auraient été possibles. On se prend alors à rêver à nouveau de ce Dune jamais réalisé mais dont on retrouve des motifs épars.

 



mercredi 15 novembre 2023

Espion lève-toi (Y. Boisset, 1982)

 



Un peu comme dans Cadavres exquis, le personnage campé par Lino Ventura – qui n’est plus un inspecteur enquêtant mais un espion dormant réveillé – se fait manipuler tous azimuts, sans savoir à quel saint se vouer. Et c’est là une qualité du film : si, d’ordinaire, Yves Boisset peint presque toujours à gros traits les situations qu’il évoque, il parvient ici à maintenir flous la plupart des protagonistes, de sorte que l’on ne sait pas, au milieu de tous ces espions, qui trahit et qui ne trahit pas. Le film a une sécheresse bienvenue (que n’a pas, bien souvent, Boisset) qui se marie bien avec cette incertitude et avec le jeu de ses acteurs.
Il faut dire que l’autre atout du film est la confrontation de Lino Ventura avec Michel Piccoli. Ne serait-ce que pour ce plaisir de les voir confronter leurs jeux et leurs puissantes personnalités, il faut voir cet Espion lève-toi méconnu.

 



lundi 13 novembre 2023

Trois milliards d'un coup (Robbery de P. Yates, 1967)

 



Film de braquage efficace et bien mené avec ce « coup du siècle » classique (un train postal dévalisé après un casse soigneusement préparé et minuté) qui tient l’essentiel de l’intrigue (1).

Peter Yates montre parfaitement la préparation du coup (le recrutement, les repérages, etc.) en même temps qu’il suit les investigations de la police qui tourne autour de la bande.

On regrette peut-être, en fin de film, la facilité un peu trop grande avec laquelle la police progresse tout à coup. Après avoir si bien mené leur affaire, la bande pouvait continuer à montrer son professionnalisme quelques jours de plus.

Récit sec et efficace, d’un sérieux quasi-documentaire, sans temps mort et sans véritable ralentissement (si ce n’est le moment où Clifton discute avec sa femme, moment qui prend un relief important en toute fin de film). A ce récit rigoureux et ultra-précis, répond une image grise, triste, qui englobe le film dans une atmosphère humide et sombre.

La longue séquence de course-poursuite, en début de film anticipe, ainsi Bullitt (et convainc peut-être Steve McQueen de choisir Yates pour le réaliser) : avec ce film très réussi, Peter Yates, au bout de deux films seulement, s’ouvre grand les portes de Hollywood
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(1) : Le scénario s’appuie sur le braquage spectaculaire d’un train postal anglais en août 63 où une somme record a été dévalisée. Le Cerveau de Gérard Oury, s’inspire lui aussi de ce braquage.

 



jeudi 9 novembre 2023

Samedi soir, dimanche matin (Saturday Night and Sunday Morning de K. Reisz, 1960)

 



Dans ce film iconoclaste et réussi, Karel Reisz saisit très bien la volonté de liberté et d’émancipation de la jeunesse britannique, pour sortir de la gangue sociale et de son déterminisme.
On comprend parfaitement combien, dans ce Nottingham des années 60, le temps a passé : les parents, qui ont connu la guerre, se satisfont désormais d’une vie tranquille, téléguidée socialement, organisée entre le boulot et le pub. Mais, pour la génération suivante, qui, elle, n’a pas connu la guerre, cela ne saurait suffire. En tous les cas, pas pour Arthur, qui veut sortir de cette gangue. Même si la fin, très bien amenée, montre combien il lui sera difficile d’échapper à ce destin qui se mettra en place et qui, petit à petit, l’enserrera.
Albert Finney, pas toujours convaincant (il est assez pénible dans Voyage à deux) est ici parfait en tout point, avec son air goguenard et juvénile.
On tient là, avec quelques autres films (Deep End, If, etc.), le cœur du free cinema, ce cinéma anglais plus indépendant et qui se penche sur les problèmes de la vie quotidienne et de cette jeunesse qui s’interroge.

 




lundi 6 novembre 2023

Les Grands espaces (The Big Country de W. Wyler, 1958)

 



Western à gros budget efficace et réussi de William Wyler, qui est assez à l’aise avec les grosses productions clairement destinées à contrecarrer l’arrivée de la télévision dans les ménages. Technicolor, cadre étendu qui permet de magnifier les paysages, acteurs stars, format de près de trois heures, tout est réuni.
S’appuyant sur sa star Gregory Peck, bien épaulé par de grands seconds rôles, le film brosse assez intelligemment une situation classique de l’Ouest où des propriétaires de bétails se battent autour de terres et de points d’eau. Si ce type d’affrontements est courant dans le western, le scénario a l’intelligence de nous conduire, l’air de rien, du côté du plus virulent et impitoyable des patriarches. De sorte que, progressivement mais inévitablement, le héros se détache du parti qui était d'abord le sien et se rallie à la juste cause. Le prix de son intégrité est la perte de sa fiancée, ce qui est assez radical et surprenant dans la norme hollywoodienne d’alors.
On remarquera Charlton Heston, qui campe un personnage peu sympathique (même s’il reste intègre) que refuserait de jouer une star. Mais l’acteur n’est pas encore l’égal, en renommée, de Gregory Peck. Ce sera le cas dès le film suivant de William Wyler, Ben Hur, où Charlton Heston deviendra alors à son tour la super star que l’on sait.

 



vendredi 3 novembre 2023

Le Crocodile de la mort (Eaten Alive de T. Hooper, 1977)

 



Rien de bien palpitant dans ce deuxième film de Tobe Hooper qui reprend plusieurs grandes lignes du coup de tonnerre de Massacre à la tronçonneuse.
Un détraqué, des jeunes insouciants, une maison loin de la civilisation – îlot de wilderness qui reprend le principe de Massacre… – et un vilain crocodile bien pratique pour achever les uns ou faire disparaître les cadavres des autres. Hooper use d’une image sale, tantôt rouge-sang, tantôt emplie de brumes : on ne peut guère lui en vouloir de reprendre l’esthétique trash et sordide du Massacre. Mais au-delà de ces reprises un peu faciles, rien de bien nouveau, déjà, dans ce film, qui peine à tenir en haleine, tant tout est entendu dès les premières minutes.




mercredi 1 novembre 2023

Killers of the Flower Moon (M. Scorsese, 2023)





L’air de rien, du haut de ses quatre-vingts ans, Martin Scorsese a toujours la même vista. Il n’y a certes plus l’énergie folle des Affranchis ou du Loup de Wall Street, mais son long film, construit comme une fresque, a son rythme propre, plus assagi mais qui correspond bien au propos. On retrouve un des thèmes habituels du cinéaste qui, de Casino au Loup de Wall Street, nous dit à nouveau que c’est l’appât du dollar qui dirige le monde. Il montre combien cette avidité peut conduire, comme ici, à des machinations qui s’étalent sur des années et semblent sans limite.
S'appuyant sur un fait divers réel, il construit très bien son idée, épaissit ses personnages, prend le temps d'ellipses ou de non-dits qui ne se révèlent que progressivement.
Si le rôle de Robert De Niro est bien tenu, ce personnage du vieil oncle autour duquel tout gravite, derrière son hypocrisie de façade, est assez simple, surtout pour un acteur de ce calibre. Leonardo Di Caprio tient lui un rôle plus difficile puisque son personnage, mené de bout en bout, est beaucoup plus complexe : derrière ses dehors benêts, ses sentiments le font hésiter et tergiverser. Écrasé par l’oncle et le frère, il ne surnage que trop tard et à grand-peine. Di Caprio joue très bien cette façon qu’a son personnage d’être englouti, de comprendre qu’il lui faut se dépêtrer sans y parvenir.