mardi 30 août 2022

L'Exorciste (The Exorcist de W. Friedkin, 1973)

 



Si L’Exorciste peut s’enorgueillir d’un succès colossal et d’être aujourd’hui une des grandes références du genre, il est pourtant assez loin, dans son traitement et dans ses choix, des standards habituels. C’est que William Friedkin prend son temps et s’attache à créer une atmosphère en même temps qu’il développe ses personnages.
Il ouvre ainsi le film autour avec le prêtre exorciste, dans une séquence qui mettra beaucoup de temps avant d’être resituée par le spectateur. De même, il passe du temps au côté du père Karras : on le voit visitant sa mère malade et, là aussi, ce sont autant de jalons qui seront réutilisées plus tard, notamment dans des images mentales très réussies. Cette construction qui s’assemble peu à peu impose un rythme paradoxalement assez lent et le film hormis le climax final, délivre ses images chocs avec parcimonie. D’autant plus que les séquences d’horreur qui touchent toujours plus la petite Regan sont souvent interrompues rapidement par des cuts brusques.

Le film, alors, trouve son efficacité dans cette atmosphère étrange autant que dans les courtes scènes chocs où la petite Regan est de plus en plus envahie par le démon. Le genre du film d’horreur, bien souvent, oubliera cette vertu de (relative) sobriété pour accumuler en plein cadre et jusqu’à plus soif des séquences d’horreur. Le film bénéficie aussi du charisme un peu étrange mais pénétrant de Jason Miller avant que Max Von Sydow n’apparaisse, dans la lumière du réverbère, sur le pas de la porte, dans une image tout droit sortie de La Nuit du chasseur.


La séquence de l’exorcisme en elle-même est très spectaculaire avec cette lutte des deux prêtres contre le démon qui se débat. Et le fameux moment où Regan se soulève du lit en lévitation alors que les deux prêtres continuent de psalmodier est particulièrement saisissante et envoutante.

 



samedi 27 août 2022

Whisky à gogo ! (Whisky Galore! de A. Mackendrick, 1949)

 



Avec Whisky à gogo !, Alexander Mackendrick réalise un film loin de ses meilleures réussites (notamment le délicieux Tueurs de dames). Le pitch est amusant mais le rythme n’y est pas et le jeu du chat et de la souris entre les villageois et la police devient trop convenu et pas assez enlevé. Dès lors, malgré quelques bons moments, on n’est guère emporté par ce film bien peu marquant.

 


jeudi 25 août 2022

Le Hussard sur le toit (J.- P. Rappeneau, 1995)

 



Après le triomphe de Cyrano, Jean-Paul Rappeneau adapte Giono et plonge à nouveau dans le film d’époque en costumes. Las, bien loin de la verve de Cyrano, malgré son application, malgré sa volonté de réalisme (les séquences dans les villages, dans les centres de quarantaines), il manque au Hussard sur le toit un souffle épique, quelque chose qui sorte de l’écran et emporte le spectateur.
Malgré de bonnes séquences et quelques bons jeux visuels (la très belle ellipse finale qui démarre sur le gros plan du regard d’Angelo lorsqu’il voit accourir le mari de Pauline), tout cela manque de saveur. La faute à une réalisation qui manque de force et, surtout, à des acteurs trop quelconques, depuis Olivier Martinez peu convaincant (il dit ses tirades parfois comme au théâtre) jusqu’à Juliette Binoche tout à fait insipide, en passant par Jean Yanne qui est étonnamment mauvais dans ce film. Sa composition contraste même violemment avec celle, très bonne pour le coup, de Pierre Arditi (mais qui n’est présent que dans un petit rôle) : les deux personnages ne peuvent, en fait faire partie du même film, ou disons que leur cohabitation, dans un même film, montre que quelque chose cloche, que le ton n’y est pas.

On notera aussi le court passage – amusant et génial – de l’ami Depardieu, qui n’est même pas crédité au générique.

 


lundi 22 août 2022

La Cité des enfants perdus (J.- P. Jeunet et M. Caro, 1995)

 



Jouant à fond d’une ambiance steampunk qui envahit chaque surface de l’image, Jean-Pierre Jeunet cherche à immerger le spectateur dans son univers mais, en fait, il finit par le noyer, tant son maniérisme fatigue.
C’est qu’il n’est pas un angle de vue reposant, pas un personnage conventionnel, pas une couleur classique : son style forcé règne à chaque image. Mais tout cela est exagéré et ce n’est pas l’originalité, l’imaginaire ou l’incongru que l’on retient mais une lassitude saoulante. L’histoire, qui n’est pas ce qui passionne le plus le réalisateur, ne convainc guère non plus et le film, finalement, est décevant et vite oublié.

 

vendredi 19 août 2022

L'Armée des ombres (J.- P. Melville, 1969)

 



Très grand film de Jean-Pierre Melville, L'Armée des ombres est une magnifique ode à la Résistance.
Interrompant son œuvre sur le polar, Melville a, très opportunément, mis de côté son expérimentation le conduisant vers une abstraction toujours plus poussée (avec l’aboutissement du
Samouraï) pour ne garder que les éléments les plus caractéristiques de son style, avec son rythme lent, son découpage calme, ses intérieurs sombres, ses personnages taiseux, ses amitiés viriles qui savent rester silencieuses. On comprend que ce style serve parfaitement un film sur l’humilité sombre de la Résistance, de même qu’il servait déjà, sur un thème proche, le propos du Silence de la mer.
Le charisme puissant et tout en retenue de Lino Ventura convient parfaitement au personnage et domine un casting remarquable où chacun joue juste (même Paul Meurisse, souvent tenté par le cabotinage, reste sobre).

Peut-être plus que tout autre film sur la résistance, L’Armée des ombres montre combien celle-ci est faite d’une chaîne de tout petits maillons, essentiel chacun à sa mesure, même loin de tout héroïsme ou d’action d’éclat. Chaîne tragique puisque chacun des maillons – qui est toujours un homme (ou une femme) seul, empli de failles, d'hésitations et de doutes – risque de tomber à chaque instant, quand la chaîne, miraculeusement, continue de tenir.

 



mardi 16 août 2022

Steack (Q. Dupieux, 2007)


 



Dans ce qui est son second long-métrage, Quentin Dupieux – qui n’exprime pas encore sa volonté de passer à l’absurde jusqu’à éclater la narration – joue surtout à mettre en scène le duo de comiques (faiblard) Eric et Ramzy. Il y a quelques bonnes scènes mais rien de très fringant et l'ensemble est loufoque et manque de finesse, même si l’on se gardera de donner une signification à tout cela. C'est d'ailleurs un des défauts récurrents de Dupieux : son film tourne un peu à vide et ne mène nulle part.
Dupieux épingle l’Amérique, les codes des bandes de jeunes, le culte de l’apparence, le monde ancien et le monde moderne, si l’on veut. Ce côté foutraque lui va bien même s’il pâtit de la présence des deux comiques qui sont de piètres acteurs et qui manquent aussi cruellement de puissance comique. C’est ce qui est curieux dans leur célébrité : aucune vis comique, aucune épaisseur de jeu – on est très loin d’un Benoît Poelvoorde par exemple ou même d'un François Damiens.


 

vendredi 12 août 2022

Le Comte de Monte-Cristo (R. Vernay, 1943)

 



Intéressante adaptation du fabuleux roman de Dumas (autant Les Misérables a été adapté plusieurs fois, autant le roman de Dumas se fait rare sur les écrans). Le film est découpé en deux parties ce qui est bien un minimum pour rendre compte un peu de l’enchevêtrement de l’intrigue de Dumas.
Le film est assez foisonnant (moins, bien entendu, que le roman !) mais les interprètes (qui sont toujours ce que l’on guette quand il s’agit d’interpréter des personnages qui ont envahi la culture populaire) sont inégaux. Pierre Richard-Wilm campe un Dantès/Monte-Cristo convaincant – même s’il est meilleur en Monte-Cristo –, Alexandre Rignault est un très bon Caderousse, Marcel Herrand un Bertuccio parfait tandis qu’Henri Bosco déçoit en Morcef et que Michèle Alfa est quelconque en Mercedes.


On retiendra deux graves fautes scénaristiques qui viennent ternir l’ensemble : la première est la disparition pure et simple de Danglars (ce qui est quand même une sacrée lacune !) et, corollaire de cette première faute, une seconde, plus grave encore : Dantès, finalement n’épargne personne (puisque c’est à Danglars qu’il pardonne finalement dans le roman). Dès lors c'est la signification même de cette histoire de vengeance qui est modifiée, puisqu’il ne reste que le glaive de la justice porté par Dantès, et non pas le pardon.





mercredi 10 août 2022

Passeport pour l'enfer (Boat People de A. Hui, 1982)

 



Féroce dénonciation du régime vietnamien, Boat People renonce au spectaculaire et nous fait découvrir, en même temps que le photographe japonais, les faux-semblants, les villages Potemkine et, bientôt, l’envers du décor de la société vietnamienne prise dans le satrape communiste.
À rebours de tant de films « engagés » qui dénoncent à gros traits et font feu de tout bois (on pense à Salvador par exemple), Boat People est un bel exemple de film humble, fin, sensible, et, en même temps, très fort. La fin, des plus tragiques, est très réussie et achève de donner une coloration terrible au regard du spectateur.