Intéressant deuxième film de N. Ray, qu'il
faut voir comme une deuxième approche du problème de la délinquance des jeunes (après celle des Amants de la nuit) qui le conduira à
La Fureur de vivre. Ici encore, comme dans Les Amants de la nuit, les jeunes
adultes sont des criminels. Nick Romano est un délinquant beau gosse que l’avocat
Morton tente d’innocenter du meurtre d’un policier, en même temps qu’il
justifie les actes qui ont fait de lui une petite frappe des rues (étrange
dualité s’il en est). Le propos est clair, parfaitement rousseauiste (l’homme
naît bon, c’est la société qui le corrompt) et Humphrey Bogart est le porte-parole du
réalisateur. Sa plaidoirie finale, pour touchante qu’elle puisse être, est malgré tout
très moralisatrice et très convenue. Cela dit le propos se veut fort (« tout
le monde est coupable », en particulier le monde adulte qui a des devoirs
envers les jeunes) mais il est amoindri parce qu'aucune solution n’est esquissée. Au contraire, il est difficile
de ne pas sentir de l’impuissance face à l’origine sociale de la délinquance
juvénile. Impuissance renforcée par le coup de théâtre final du film.
jeudi 30 avril 2015
mercredi 29 avril 2015
Le Guépard (Il Gattopardo de L. Visconti, 1963)
Sous une facture
classique (on est loin d’Ossessione
ou de La Terre tremble qui rattachent
Visconti au néo-réalisme, mais dans la lignée de Senso), Visconti filme une fresque majestueuse pour montrer un
moment de l’histoire de la Sicile, prise dans le Risorgimento qui aboutira à l’unification de l’Italie, dans la
seconde moitié du XIXème siècle. Visconti, le marxiste descendant d’une grande
famille d'aristocrates, n’hésite pas à montrer comment les grandes familles
aristocratiques n’ont pas hésité à accompagner la révolution, afin de mettre en
place un roi et « pour que tout
change pour que rien ne change », comme le dit parfaitement la fameuse
formule de Lampedusa, répétée plusieurs fois dans le film. Il montre aussi
comment la mise en place d’une monarchie constitutionnelle continuera d’exclure
le peuple (qui n’avait pas son mot à dire en régime de monarchie absolue et qui
ne l’aura toujours pas).
Le Prince Salina, dont l’image est attachée pour l’éternité à Burt Lancaster, est un reflet du passé :
il est trop vieux pour aimer et être aimé, il est trop vieux pour se battre
pour la Sicile. Il encourage alors les liens entre la vieille aristocratie qu’il
représente et la nouvelle bourgeoisie riche qui monte en puissance. Et Salina,
vieux lion magnifique, choisit de s’exclure de l’Histoire et reste seul, mais
non sans comprendre parfaitement le monde qui l’entoure (« nous étions les guépards, les lions, ceux qui les remplaceront seront les chacals, les hyènes, et tous, tant que nous sommes, guépards, lions chacals ou brebis, nous continuerons à nous prendre pour le sel de la terre »).
Visconti laisse le
plus souvent la révolution hors-champ (hors du temps peut-être aussi, tant le
monde de Salina, pris dans des couleurs passées et empoussiérées, est une image du
passé) et il filme avec une beauté fascinante la mort lente de ce monde que l’actualité
dépasse.
La splendeur de
la mise en scène de Visconti, avec sa lumière chaude et ses plans-séquences voluptueux,
l’ampleur narrative, le casting légendaire (choisir Burt Lancaster semble une
évidence qui ne l’était pas à l’époque), des séquences à la beauté époustouflante
: tout concourt à un film somptueux et inoubliable.
lundi 27 avril 2015
Une femme sous influence (A Woman under the Influence de J. Cassavetes, 1974)
Film typique de Cassavetes, très âpre,
difficile, qui explore chaque séquence jusqu'au bout d'elle-même, dans une
espèce d'essentialisme forcené : Cassavetes ira au bout du bout de ce qui peut
être sorti de la scène, de ce qui peut être extrait des personnages. Cette
façon de filmer, radicale, rend le film lourd, difficile, ralentit le rythme (il
se passe peu d’événements, chaque séquence s'étirant en longueur) mais peut
hypnotiser le spectateur qui est pris dans les tourments de Mabel et de son
mari, dans leur relation complexe, parfois malsaine, emplie d'explosions, de
délires, d'exagérations, mais si humaine et si touchante.
Cassavetes met en scène le corps de l'acteur,
son visage, avant même l'histoire de son personnage. Pour Deleuze c’est un
cinéma du corps, c'est-à-dire qui cherche à s'approcher au plus près des personnages pour les sonder avec
le maximum d’acuité.
On a, dans les relations qu'ont les
personnages, une approche extraordinaire de la réalité des interactions : rien
n'est si complexe, rien n'est si contradictoire, étrangement équilibré et
instable qu'un couple.
Gene Rowlands est incroyable, toute de
fragilité dans ses délires ; Peter Falk est touchant, explosif, blessé.
Une femme sous influence est un très grand
film, dans un style unique, et puis, il faut bien le dire : on n’a jamais filmé comme Cassavetes.
dimanche 26 avril 2015
Violence et gonflement du représenté : une déficience généralisée
Une intéressante réflexion de G. Deleuze (dans L'Image-Temps, 1985) :
« On peut toujours dire que le cinéma s’est
noyé dans la nullité de ses productions. Que deviennent le suspense d’Hitchcock,
le choc d’Eisenstein, le sublime de Gance, quand ils sont repris par des
auteurs médiocres ? Quand la violence n’est plus celle de l’image et de
ses vibrations, mais celle du représenté, on tombe dans un arbitraire
sanguinolent, quand la grandeur n’est plus celle de la composition, mais un pur
et simple gonflement du représenté, il n’y a plus d’excitation cérébrale ou de
naissance de la pensée. C’est plutôt une déficience généralisée chez l’auteur
et les spectateurs. Pourtant, la médiocrité courante n’a jamais empêché la
grande peinture ; mais il n’en est pas de même dans les conditions d’un
art industriel, où la proportion des œuvres exécrables met directement en cause
les buts et les capacités les plus essentielles. Le cinéma meurt donc de sa
médiocrité quantitative. »
Le Vol du grand rapide (The Great Train Robbery de E. S. Porter, 1903)
Il est difficile de discuter de la
qualité de ces productions datant des premiers temps du cinéma. Il
faut le dire malgré tout : ici comme dans bien d’autres films de l’époque (chez Méliès par
exemple), les acteurs sont épouvantables. Le travail réalisé sur les décors
ou sur la narration (plusieurs aspects de l'histoire sont montrés, même si la juxtaposition des séquences est encore maladroite) disparaît derrière les gesticulations des acteurs qui montrent
à quel point ils ignoraient le pouvoir de l’image : ils en font des tonnes et
apparaissent bien ridicules.
Mais on tient là le premier western. Le thème évoqué engendrera des centaines et des centaines de reprises. Son importance historique est donc capitale, et, en
prime, l’image finale (avec le hors-la-loi qui brandit son revolver et tire sur le spectateur) est
restée célèbre.
mercredi 22 avril 2015
Prometheus (R. Scott, 2012)
Très grosse déception que ce préquelle
dont on pouvait légitimement attendre bien des choses. Non pas que R. Scott
soit un réalisateur fiable, mais Alien
est son chef-d’œuvre et voir son réalisateur se tourner vers lui, 33 ans plus
tard, pouvait laisser espérer un bon film.
Las, il n’en est rien. On est transbahuté
d’invraisemblances en choix idiots, de caricatures en déroulements scénaristiques navrants. Si, dans les films de la saga, les humains enfantent
de monstres, ici Ridley Scott enfante d’un film grotesque et boursouflé. On pense à Spielberg et à son
épouvantable Indiana Jones et le Royaume du crâne de Cristal, c’est
dire. Même film lamentable, même sensation d’une trahison du réalisateur de ses propres œuvres.
lundi 20 avril 2015
La Règle du jeu (J. Renoir, 1939)
C’est un film
étourdissant, devant lequel – pour qui sait voir – on reste à la fois stupéfait et estomaqué. Aussi
bien dans le déroulement du drame, que devant le délire fabuleux et inépuisable
de toute la longue séquence dans le château, avec les intrigues des maîtres et
des valets qui se croisent et se superposent, avec la mise en abîme du cinéma,
avec la dissection aiguë de la société, et, bien sûr, la frénésie folle qui
émane du film.
On sait que le film est
passé par mille maux avant et après sa réalisation, depuis le choix des acteurs
jusqu’aux coupures de post-production. On sait aussi combien il fut rejeté
avant d’être réhabilité et devenir un film mythique. Sa facture est
éblouissante, son propos dur et très dense.
Les personnages en sont
maintenant légendaires, les acteurs collant à leur rôle. Renoir lui-même – qui
avait conscience de ses limites en tant qu’acteur – joue un Octave à la fois
drôle et pathétique qui parvient à lier entre eux les différents niveaux du
drame : il est l'ami de Madame, tout en courtisant avec légèreté Lisette.
Une histoire d’amour –
un amour sincère et tragique – traverse le film. Elle permet à Renoir de
déambuler dans une société légère, décadente, tout en perte de repères. Cette
décadence est l’expression pour Renoir des désastres à venir – désastres qu’il
pressentait.
Renoir s’inspire des Caprices de Marianne, et, comme Musset, oriente sa comédie vers le drame. Renoir choisit donc un ton de comédie pour décrire
la décadence qui conduit à la tragédie : l’assemblage des deux tons est au
cœur de son idée.
Mais on n’a pas ici
l’idée d’un film parfait, loin s’en faut. C’est plus une truculence incroyable
que le déroulement exceptionnel d’une histoire. Quand on pense à un film
parfait on pense à certains films de Hitchcock ou de Mizoguchi ou encore, en
France, au Jour se lève de Carné. Mais Renoir a ce génie, cette folie créatrice merveilleuse.
C’est un film que l’on peut
revoir infiniment. Claude Chabrol explique l'avoir vu une centaine de fois et François Truffaut disait à son propos qu’on pourrait le voir tous les
jours, pour voir s’il s'y passait les mêmes choses.
samedi 18 avril 2015
Welcome (P. Lioret, 2009)
Film lourd et idéologique qui est
un bel exemple de prêt-à-penser. L'idée n'est pas de chercher à comprendre le problème des
réfugiés qui veulent passer en Angleterre et se retrouvent coincés comme dans
une nasse. Le réalisateur ne réfléchit pas à ce problème et, bien plus, il ne
propose pas non plus au spectateur de réfléchir. Il énonce simplement ses
positions comme autant de vérités d'évidence : le réfugié est bon, la société
est endormie, le flic est un salaud, la loi écrase le bon samaritain, etc. Tout
cela est évidemment exposé par des personnages caricaturaux (comment peut-il en
être autrement ?) : l'ex-femme militante, le flic retors et le personnage
principal (le héros ?), qui, de grand méchant, devient bon, au contact du réfugié
qu'il aide.
Welcome fait partie de cet ensemble de films
militants, qui, sous couvert de la dénonciation d'une situation, propose un
prêt-à-penser impeccable. C'est dommage
car la situation dénoncée est très complexe et ses tenants et aboutissants mériteraient
d'être exposés avec finesse pour que le spectateur ait une chance de
comprendre. Mais là n'est pas ce que cherche P. Lioret, il ne veut pas que le
spectateur se pose des questions, il veut simplement qu’il ressente une
émotion : c'est par l'émotion qu'il cherche à convaincre le spectateur et non
par la réflexion (or voilà bien un exemple où l'émotion doit céder le pas à la
compréhension). Ici il s'agit simplement d'un zoom sur une toute petite partie
du problème, sans en comprendre les causes, sans en chercher les conséquences.
Le spectateur est prié de s'émouvoir – de pleurer le cas échéant – et, ensuite,
de penser comme il faut.
Si le Cinéma est un immense vecteur d'émotion
on ne peut que regretter de voir ici utiliser l'émotion au service d'une idéologie.
On est navré d'apprendre que ce film est
proposé à des collégiens ou des lycéens, prétendument pour les faire réfléchir
au problème posé par les migrants. En utilisant précisément ce film on comprend bien qu'il
ne sera pas demandé aux élèves de réfléchir, mais qu’il s’agit simplement de
leur expliquer ce qu’il faut penser.
On préférera, sur le même thème, Le Havre, le beau film de A. Kaurismäki, qui montre qu'on peut aborder un sujet polémique sans lourdeur ni militantisme, et, surtout, avec une humanité bien supérieure à la vaste caricature qu'est Welcome.
On préférera, sur le même thème, Le Havre, le beau film de A. Kaurismäki, qui montre qu'on peut aborder un sujet polémique sans lourdeur ni militantisme, et, surtout, avec une humanité bien supérieure à la vaste caricature qu'est Welcome.
mardi 14 avril 2015
Alien, le huitième passager (Alien de R. Scott, 1979)
Très bon film de science-fiction,
qui a apporté une grande renommée à son réalisateur. A partir de ce film, Ridley Scott a bénéficié pendant quarante ans de l’aura de grand réalisateur. Si c’est
parfois justifié, on semble oublier qu’il ne garantit nullement un bon
film : R. Scott a réalisé un grand nombre de films quelconques,
parfaitement commerciaux, vite oubliés sitôt vus.
Dans un premier temps le film parvient à tenir longtemps dans l’ignorance de ce à quoi les astronautes sont confrontés. On sait qu’il va se passer quelque chose, mais on ne sait pas quoi. L’astronaute Kane est attaqué par une créature qui lui saute au visage et s’y maintient, on cherche à le dégager, finalement il va mieux et tout redevient normal : on ne sait pas trop ce qui va se passer ensuite. Dans un deuxième temps, quand la créature s’est révélée, le suspense est entier : on sait que la créature va attaquer, mais on ne sait pas quand ni qui elle attaquera. Cette progression dans le suspense est réussie d'autant plus que le scénario, finalement, ne révèle qu’assez peu de surprise et que, surtout, l’issue finale est prévisible.
Dans un premier temps le film parvient à tenir longtemps dans l’ignorance de ce à quoi les astronautes sont confrontés. On sait qu’il va se passer quelque chose, mais on ne sait pas quoi. L’astronaute Kane est attaqué par une créature qui lui saute au visage et s’y maintient, on cherche à le dégager, finalement il va mieux et tout redevient normal : on ne sait pas trop ce qui va se passer ensuite. Dans un deuxième temps, quand la créature s’est révélée, le suspense est entier : on sait que la créature va attaquer, mais on ne sait pas quand ni qui elle attaquera. Cette progression dans le suspense est réussie d'autant plus que le scénario, finalement, ne révèle qu’assez peu de surprise et que, surtout, l’issue finale est prévisible.
L'impact du film est important : il oriente la science-fiction vers l’horreur. Jusqu’ici la science-fiction pouvait être repoussante (une multitude de monstres difformes en caoutchouc ont peuplé les imaginaires) mais sans aller jusqu’à l’horreur comme ici (à commencer par la séquence célèbre où l’alien sort du ventre de l’astronaute). Et la créature elle-même pousse le réalisme du monstre très loin. J. Carpenter (avec The Thing notamment) ou D. Cronenberg (avec La Mouche) prendront la suite de cette tendance à l’horreur de la science-fiction.
dimanche 12 avril 2015
Nosferatu le vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens de F. W. Murnau, 1922)
Nosferatu est un des films les plus exceptionnels du cinéma
muet et l'un des plus incontestables. Sa renommée et son influence sont
considérables.
F. Murnau adapte le Dracula de B. Stoker (il en change le nom pour s'éviter des
problèmes de droit d'auteur mais garde la trame précise du récit) et met en scène avec génie son monstre. Le film est structuré en différents
mouvements (arrivée d’Hutter dans la demeure du comte, départ du comte, etc.), comme pour une symphonie (symphonie à laquelle se réfère le titre original), qui font progresser le film de l’inquiétude à la
peur puis à la terreur (Murnau parvient à écraser ce pauvre Hutter sous l’emprise
d’Orlock ; ville envahie par la peste). Le dénouement est difficile : la ville est sauvée au prix d’un
sacrifice.
Max Shreck campe un Orlock inoubliable, et
ses apparitions – rares – sont autant de chocs reçus par le spectateur. Il faut
remarquer combien l’apparence du personnage que lui donne Shreck contraste avec
d’autres compositions ultérieures (celles de Bela Lugosi ou de Gary Oldman, beaucoup
plus romantiques).
La mise en scène du monstre est toujours
extraordinaire, la puissance de l'image est ici totale. Parmi dix autres
exemples on peut citer la séquence fascinante où Ellen se sacrifie en s'offrant
à Orlock et l'attire. Le style expressionniste est à son apothéose : l’ombre
de Orlock qui glisse dans l'escalier, l'ombre de sa main qui vient se fermer
sur son cœur, tout cela est un aboutissement stylistique et ouvre une nouvelle
porte immense pour les cinéastes qui peuvent alors se passer de montrer
directement et chercher simplement comment suggérer.
Mais si Nosferatu est un aboutissement de l’expressionnisme
(voir la séquence du sacrifice d’Ellen) il en est aussi un dépassement :
Murnau utilise des décors extérieurs (ce qui s’oppose à la tradition allemande
de l'expressionnisme) qu’il fait baigner dans des lumières étranges et variées. Et
il donne libre court à son art du contrepoint en multipliant les narrations
parallèles (attente d’Ellen, arrivée du bateau envahi par la peste, retour
d’Hutter, etc.).
Orlock et Hutter représentent les deux faces
de la pulsion qui les attire vers Ellen : à la pulsion d’amour du jeune
homme répond la pulsion de mort du vampire. Ce sont les deux aspects du héros
romantique qui sont représentés.
La veuve de Bram Stoker a intenté différents procès pour faire détruire les copies du film. Elle réussit partiellement mais son décès ainsi que la réapparition de copies cachées ont pu sauver ce film de la destruction, avant une restauration de l'oeuvre dans les années 80.
vendredi 10 avril 2015
Copie conforme (A. Kiarostami, 2010)
Quelle surprise que ce
film ! On découvre d'abord un film bien différent des réalisations habituelles de Kiarostami.
On trouve le réalisateur embourgeoisé, à nous raconter cette histoire d’une jeune femme qui fait
visiter la Toscane à un écrivain. La jeune femme étant Juliette Binoche et
l’écrivain étant séduisant : on sent poindre le début d’un amour bien
convenu autour d’une comédie sentimentale légère. Et puis pas du tout : le
film bascule soudainement. C’est alors que toute la subtilité de Kiarostami
s’exprime réellement et la légèreté tranquille de la première partie laisse
alors place à un drame sentimental beaucoup plus profond.
On retrouve alors, et avec quelle virtuosité, le
mélange vrai/faux de Close up, dans
cette façon qu’ont les deux protagonistes à la fois de s’inventer une vie de
couple et de régler leur désordres passés et l’aigreur héritée de leurs
expériences de la vie. Alors on finit par se perdre avec délice dans les
zigzags de ce couple, à démêler le vrai du faux.
Et, après avoir ouvert
mille possibilités d’interprétation (s’agit-il d’un ancien couple ?),
Kiarostami atteint la grâce en fin de film : on tend alors clairement vers Voyage en Italie.
lundi 6 avril 2015
Le Champion (Champion de M. Robson, 1949)
Film assez conventionnel, mais la fin est
réussie. Il reprend une trame bien connue : lors d'un combat de boxe amateur un quidam gagne quelques dollars
pour remplacer un adversaire absent. Le gaillard encaisse bien et a du punch,
il n'en faut pas plus pour qu'il se mette réellement à la boxe.
Le jeu très expressif de K. Douglas incarne très bien le boxeur et son personnage assez caricatural dans une première partie du film prend une certaine épaisseur dramatique qui accompagne la noirceur de ton que l'on ressent finalement.
Faire sortir de la misère un pauvre type, c'est le rôle habituel de la boxe dans les films américains, qu'il y ait un échec ou une victoire à la fin. Selon les cas la boxe sert alors de révélateur positif (par exemple dans Marqué par la haine) ou de révélateur négatif des particularités de chacun. Ici l'individualisme jusqu'au-boutiste du personnage lui permet de gravir un à un tous les échelons du succès (au prix de trahison, d'égoïsme, etc.) avant, finalement, d'avoir raison de lui.
Le jeu très expressif de K. Douglas incarne très bien le boxeur et son personnage assez caricatural dans une première partie du film prend une certaine épaisseur dramatique qui accompagne la noirceur de ton que l'on ressent finalement.
Faire sortir de la misère un pauvre type, c'est le rôle habituel de la boxe dans les films américains, qu'il y ait un échec ou une victoire à la fin. Selon les cas la boxe sert alors de révélateur positif (par exemple dans Marqué par la haine) ou de révélateur négatif des particularités de chacun. Ici l'individualisme jusqu'au-boutiste du personnage lui permet de gravir un à un tous les échelons du succès (au prix de trahison, d'égoïsme, etc.) avant, finalement, d'avoir raison de lui.
dimanche 5 avril 2015
Paris, Texas (W. Wenders, 1984)
Très bon film de
Wim Wenders qui exprime ici à la fois sa fascination pour le western (et ce dès
le début, avec Travis qui occupe l’espace archétypal de la Frontière : un
désert où le manque d’eau est mortel) et qui joue avec les liens complexes
entre l’Europe et les Etats-Unis (liens entrevus dès le titre du film).
Les images, la
musique, le ton lent de la narration, tout cela confère une impression forte
qui émane du film et marque le spectateur.
Travis surgit de
nulle part et veut reconstruire sa famille. Une fois rapproché de son fils, ils
partent en quête de la mère, mais la relation avec elle est impossible et Travis
cherchera simplement, finalement, à rapprocher la mère de son fils, avant de
repartir à nouveau vers l’inconnu en fin de film, comme tant d’autres cowboys
avant lui.
Wenders illustre
parfaitement cette impossibilité de communication entre Travis et Jane :
si Travis surgit dans des espaces ouverts à l’infini, Jane est au contraire sans
cesse encadrée, cloisonnée, jusqu’à l’étouffement de la pièce du peep-show. La
séquence de cette tentative de communication, au travers de la glace sans tain,
avec le jeu de miroir, est magnifique.
vendredi 3 avril 2015
Memento (C. Nolan, 2000)
Film original de Christopher Nolan, même s'il ne s'agit que d'une originalité de scénario qui est habilement utilisée par le montage. On reste longtemps perdu devant cette histoire découpée en petits morceaux que Nolan recolle peu à peu. Et ce n’est qu’à la fin que l’on a une vision enfin claire et nette de l’histoire. Nolan joue parfaitement avec le passage du noir et blanc à la couleur pour mélanger ce qui est du ressort du souvenir ou ce que l'infortuné Shelby oublie aussitôt. Et l’idée du personnage qui doit écrire ce qu’il ne doit pas oublier – sur son corps notamment – est très bonne.
Le film annonce bien sûr Inception qui, comme Memento, jouera le même tour au réalisateur en reposant trop sur un scénario alambiqué que Nolan se contente de dérouler avec application. Du coup si le film est efficace, il lui manque un supplément d'âme, celui qu'aurait pourtant permis un tel scénario.
mercredi 1 avril 2015
Les Dents de la mer (Jaws de S. Spielberg, 1975)
Très bon film de
Spielberg, qui parvient à secouer le spectateur avec une (relative) économie de
moyens. En fait les moyens sont présents et visibles dans la dernière séquence,
mais, pendant une grande partie du film le talent de Spielberg lui permet de
jouer très efficacement sur l’attente, la surprise ou le hors-champ.
L’intelligence de la construction du film produit un suspense grandissant et
oppressant. Tout n’est que suggestion pendant la première heure du film et on
ne voit le fameux requin qu’ensuite, jusqu’aux dernières séquences, très
spectaculaires. Le succès colossal du film montre l’efficacité de la patte de
Spielberg.
L'image fameuse, montrant une nageuse par en-dessous, suggérant le requin qui va fondre sur elle, est une citation de L’Étrange Créature du Lac noir de J. Arnold.
Et Spielberg laisse aller sa maestria à de nombreux moments, que ce soit dans le fameux travelling compensé fixé sur Roy Scheider qui surveille la plage ou dans la dernière partie du film où il construit parfaitement l'étau du requin qui se resserre progressivement autour du bateau. Bateau sacrifié par Quint, le chasseur de requins, qui entraîne peu à peu Brody et Hooper dans sa folie.
Ce personnage de
Quint doit beaucoup au capitaine Achab et on comprend que la traque du requin prenne
pour lui des proportions dantesques : son terrible récit de la guerre (où
il s’est trouvé, parmi d’autres marins, perdu en mer et attaqué par des
requins) montre combien son âme est rongée de haine. On retrouve la folie
peinte par Melville dans Moby Dick : « En se précipitant sur le monstre, couteau au poing, Achab n’avait
guère fait qu’obéir à une soudaine et furieuse animosité toute physique ; et
lorsqu’il avait reçu le coup qui l’avait déchiré, il n’avait vraisemblablement
ressenti que le martyre de la lacération charnelle et rien d’autre. Mais
lorsque, après ce choc, il avait été forcé de virer de bord et de mettre le cap
sur sa maison ; lorsque pendant d’interminables jours et de longues semaines
et des mois infinis, Achab et son angoisse avaient partagé le même hamac,
allant en plein hiver doubler le sinistre et hurlant cap de Patagonie, ah !
c’est alors que son corps déchiré et son âme poignardée avaient saigné l’un
dans l’autre, et, se confondant, l’avaient rendu fou. »
Ce film a eu
aussi un impact immense de par son succès : il a montré que l’été était,
contrairement à ce que pensaient les producteurs, une très bonne période pour
sortir un film. On ne compte plus, depuis Les
Dents de la mer, les films précisément sortis à cette période pour tenter
de connaître le même destin. Devant l’énormité du succès financier (le film
rapporta en salle près de cinquante fois son budget), on peut considérer qu’on
tient là le premier blockbuster.
Ces grosses
superproductions américaines, destinées à envahir les écrans de par le monde
(après un déferlement promotionnel parfois effarant), si elles sont souvent abrutissantes
et fabriquées pour rapporter un maximum d’argent, peuvent parfois être de très
bons films, comme c’est le cas ici. Mais il faut dire aussi que Spielberg, qui
est à bien des égards LE réalisateur de blockbusters (terme pris ici dans le sens de superproductions que vient soutenir une énorme campagne de promotion), est un réalisateur
exceptionnel.
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