Chef-d’œuvre du
chanbara, Hara-kiri impressionne
aussi bien par sa puissance visuelle, mélange de rigueur calme et de vivacité,
que par sa dialectique imparable. C’est que derrière un argument qui semble
simple, Kobayashi en arrive à un message de portée universelle, splendidement
amené.
Hara-kiri, en
effet, n’est pas un simple film de sabres dans lequel des samouraïs
s’affrontent : il commence en s’appuyant sur des rituels ancestraux très
ancrés (l’honneur, les codes très rigoureux, le suicide, etc.) pour mieux les
retourner. Et le scénario, très habile, nous piège totalement. En effet
Kobayashi nous met d’abord dans la position de l’intendant : on prend fait
et cause, dans un premier temps, contre Motome qui a déclaré vouloir se faire
hara-kiri, et son châtiment s’il est particulièrement cruel, ne semble pas
complètement immérité (c’est lui qui a évoqué un code d’honneur et il se trouve
forcé, en quelque sorte, de respecter sa parole et son honneur, fut-ce au
prix d’une souffrance inouïe).
Le film trouve
ainsi un premier climax avec cette séquence terrible du hara-kiri de Motome,
extrêmement violent et qui prend, en s’abritant derrière des codes rigoristes,
une tournure rapidement sadique. Mais cette séquence n’est pas gratuite et
servira à appuyer la démonstration de Kobayashi.
C’est alors que
le récit est repris en main par Tsugumo, personnage porté par l’extraordinaire
interprétation de Tatsuya Nakadai, tout
de solennité, de force et d’expressivité. Son jeu très théâtral et le masque
tragique de son visage emplissent peu à peu le cadre et vont renverser notre
compréhension du récit.
Les flash-backs
sombres et tragiques qui viennent éclairer la réalité d’une situation, derrière
les apparences, vont permettre de relire complètement l’histoire de Motome, de
comprendre le personnage et de s’interroger sur ce qui l’a poussé à agir ainsi
(faire un acte déshonorant qu’il était le premier à condamner). On en vient
alors à se questionner (question que jette Tsugumo à l’intendant) :
« Qu’auriez-vous fait dans la situation de Motome ? Réduit à la même
extrémité que lui, auriez-vous agit différemment ? ». Cette interrogation dénonce le jugement catégorique, celui qui est fait sans se
poser de question, sans tenter de
comprendre ce qui peut pousser un homme à agir.
Kobayashi
alterne des plans d’ensemble avec des champs-contre-champs serrés qui montrent
l’opposition entre Tsugumo et l’intendant. Il alterne l’éclat du décor du
hara-kiri avec l’intimité sombre des flash-backs. Et la construction du décor
(Tsugumo isolé dans la petite cour) renforce la puissance progressive des
révélations de Tsugumo.
Mais ce chanbara
n’oublie pas les scènes de sabre, notamment celle, très emblématique, dans le
champ d’herbe dans le vent, avant la folie finale, travaillée à grands coups de
travellings, avec les ravages de Tsugumo.
Finalement le
clan préfère le mensonge à la perte de l’honneur, confirmant la sentence de
Tsugumo : les rituels n’ont plus aucune signification parce que l’honneur
n’est qu’une apparence, qu’une coquille vide de toute substance (avec
l’admirable métaphore de l’armure vide du samouraï). La société, tant qu’elle
s’en tient aux apparences, ne peut qu’être sclérosée, sans affect et, par là
même, inhumaine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire