dimanche 8 février 2015

Orange mécanique (A Clockwork Orange de S. Kubrick, 1971)




Film culte de Stanley Kubrick, qui a eu une influence considérable, à la fois sur le cinéma et sur la culture pop des années 70.
Formellement le film est exceptionnel. Kubrick maîtrise de façon éblouissante son art, il filme avec délice, maturité, ironie. Il se permet tout une séquence au ralenti auquel il fait répondre un accéléré amusant ; il cale sa caméra dans un coin ou la transporte avec allégresse, il glisse dans un de ses fameux travellings ou bien agite sa caméra avec frénésie, accompagnant la violence d'Alex. La bande originale répond au film de façon fascinante et crée un univers décalé et baroque.
Le personnage d’Alex est le pivot du film, Malcolm McDowell fait ici le rôle de sa carrière et le spectateur aura bien du mal à oublier le regard bleu insolent et cruel qui fixe la caméra.



La structure narrative est un modèle du genre : Alex « soigné » suit le même itinéraire que celui suivi en début de film. C’est une structure de conte qui accompagne la narration et l’entraîne presque vers une allégorie.
Le film, évidemment, aborde la question complexe de la violence dans la société. Il se désintéresse de l'origine de cette violence (Alex est donné comme étant le Mal, sans chercher d'explication ou d'excuses), la question étant bien plus de savoir que faire de cette violence. Et, au-delà du constat de cette violence, le film explore une réponse, qui se situe dans l’alternative libre-arbitre vs traitement Ludovico.


Kubrick délivre un double message sur la violence : il y a non seulement la violence d'Alex sur la société, mais aussi la violence de la société sur Alex. La structre en miroir du film (avant et après le traitement) reprend cette inversion : la violence que fait subir Alex dans la première partie, devient la violence qu'il subit. Et Kubrick est clair : cette violence de la société qui tente de rééduquer Alex (mais que faire d'Alex ?) est un échec.
Mais le point orignal du film – et sans doute le plus fondamental – est ailleurs. Il se situe dans le constat de la personnalité d’Alex : Alex est mauvais. Il fait le mal, il jouit du mal, ses fantasmes évoquent des meurtres, des viols, etc. La position de Kubrick est clairement anti-rousseauiste : Alex n’est pas né bon et il n’a pas été corrompu par la société. Il est né mauvais, c’est ainsi. Le film se situe ainsi aux antipodes des thèses habituelles sur ce thème (par exemple dans Les Ruelles du malheur, où N. Ray rend chacun de nous responsable de la délinquance juvénile). Et Orange mécanique va plus loin : il suggère qu’il n’y a rien à faire vis-à-vis d’Alex. Le guérir ? La méthode Ludovico n’est qu’un lavage de cerveau au bout duquel Alex n’est plus Alex.
On peut alors interpréter le film d'une manière plus "psychanalytique" : au début du film, Alex est à l'état de nature, sauvage, sans frein à ses pulsions. Le traitement Ludovico consiste à civiliser Alex, pour le rendre apte à la vie en société (le traitement inhibe ses pulsions, comme le cortex préfrontal le fait normalement). L'incapacité d'Alex, sa maladie, vient alors de la névrose de l'Homme dans la société. Et le terrible "je suis guéri" qui clôt le film évoque une guérison du traitement subi : Alex, à nouveau, est à l'état de Nature, ses pulsions ne sont plus réprimées, comme l'évoque son dernier fantasme.
Cette position anti-rousseauiste est très intéressante. Plus en tous les cas que la réflexion sur le choix et le libre-arbitre (que pose le prêtre quand il critique la méthode Ludovico) qui est assez classique.



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