Le film a beau être très spectaculaire,
on peut avoir du mal à prendre du recul face au manichéisme primaire du
scénario. D’un côté les méchants militaires, accoquinés avec le encore-plus-méchant industriel,
et de l'autre les gentils Na’vis. D’un côté la méchante civilisation qui abat les arbres
sans discernement, de l’autre la Nature harmonieuse qui se défend. Bien entendu
il faut dépasser cette réduction ridicule de l’intrigue : très vite on sait très
bien où l'on va et l'on n’imagine pas un instant que le vilain colonel ou que
l’arriviste représentant des industries vont imposer leur loi. Et puis on connaît Abyss : on sait que, chez Cameron, l’amour et la
nature vont gagner.
Alors certes Avatar convoque des ressorts typiques du western (l'avancée des militaires avec le massacre des Na'vis évoque forcément le sort réservé aux Indiens) et le film est bien plus qu'un simple film de scénario, mais on peut malgré tout être surpris de cette incapacité à proposer un scénario un poil plus fin pour un film par ailleurs aussi ambitieux.
Alors certes Avatar convoque des ressorts typiques du western (l'avancée des militaires avec le massacre des Na'vis évoque forcément le sort réservé aux Indiens) et le film est bien plus qu'un simple film de scénario, mais on peut malgré tout être surpris de cette incapacité à proposer un scénario un poil plus fin pour un film par ailleurs aussi ambitieux.
C’est un peu dommage tant,
évidemment, la richesse de l’image est étonnante : on est submergé par
toute cette couleur et cette inventivité numérico-technologique.
Pourtant l’essentiel est ailleurs. En
effet Avatar est à regarder non pas comme un film à effet spéciaux ou
comme popularisant la 3D (insupportable 3D, on a l’impression de regarder un
dessin animé) mais bien plus comme un film de gamers. Le film propose en effet au spectateur, aussi bien qu’au héros Jake Skully, de plonger dans un autre monde, exactement comme face à un jeu vidéo : on choisit un personnage et on va à l’aventure avec
lui.
Jake Sully est handicapé, il est
coincé sur un fauteuil comme le spectateur et il entre dans un univers virtuel
avec son avatar dont il découvre les possibilités au fur et à mesure (il
marche, court, puis se bat, communique avec la nature…) et il affronte
ensuite des dangers sans cesse plus grands. On a évidemment un parallèle avec
les jeux vidéo où le joueur choisit un personnage, subit un entrainement ou une
initiation, et doit ensuite affronter des dangers qui croissent palier par
palier. Ici Skully (ou plutôt son avatar) doit d’abord dompter un petit dragon
et il finira par dompter un grand dragon.
Il y a là une dimension déjà travaillée dans Fenêtre sur cour, où James Stewart, pareillement coincé sur un fauteuil roulant, envoyait Grace Kelly pour agir à sa
place. Ici, merveille de la technologie, c’est un autre lui-même qui fait
l’action.
On comprend la simplicité du
scénario : de même dans bien des jeux vidéo le fil scénaristique est très mince (dans bien des jeux de guerre, par exemple, le manichéisme gentil/méchant
est très simple).
Cette dimension de jeux vidéo a été
initiée récemment par eXistenZ (et
encore avant par Tron mais en 1982 les jeux vidéo n'en étaient qu'à leurs balbutiements, l’effet n’est donc pas
du tout le même) qui joue à perdre peu à peu le spectateur ; et on la retrouve de façon encore plus nette dans Edge of tomorrow qui fait un parallèle assumé avec les jeux de plateau (Matrix aussi proposait des allers
retours entre la réalité et la virtualité mais sans l’aspect jeux vidéo).
Cela dit la fin est très inquiétante
(si l'on s'en tient à cette interprétation et qu’on dépasse la fin poussive du film
où les vilains militaro-industriels sont chassés et où la gentille harmonie de la
nature l’emporte) : Skully renonce à sa condition d’humain (mais qu'a-t-il à perdre, n'était-il pas rejeté de toute part avant de se faire
recruter ?) et choisit l’avatar : comme un ado qui s’enfermerait dans
sa chambre pour ne vivre socialement qu’à travers l’avatar de son personnage de
jeux vidéo. On frémit à cette vision pessimiste d’ado qui, en fait, refuserait
de vivre.
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