Si ce premier
film de Quentin Tarantino rencontra un bon succès, il faut dire que son style –
style qu’il déploiera davantage encore dans ses films suivants – est déjà très
marqué : la caméra va et vient, tantôt s’éloignant, tantôt se rapprochant
au plus près des personnages ; et l'on sent le plaisir du manieur de caméra
derrière ces effets, un plaisir pur à jouer avec ses personnages et sa
narration. L'on sent de même la puissance visuelle du réalisateur, capable de
capter une énergie en un plan, de faire pulser tout à coup la tension et la
violence dans son image.
L’éclatement de
la narration est aussi un élément fort du film puisqu’il démarre alors que la
scène classiquement centrale (le hold-up) est achevée et le film fonctionne ensuite
avec une succession de flash-backs qui viennent progressivement éclairer
certains aspects de l’histoire. C'est une narration qui se permet aussi des ellipses
spectaculaires (le hold-up, malgré les retours en arrière, ne sera finalement jamais
montré). Tarantino s’inspire beaucoup du polar hongkongais de Ringo Lam City on fire : il en reprend la
séquence finale et travaille son film à partir de celle-ci. Et Reservoir Dogs a la bonne idée d’emmener
au bout la fameuse scène de l’impasse mexicaine où tout le monde se met en joue
(présente dans City on Fire, mais
sans que personne ne tire).
On trouve aussi dans
Reservoir Dogs les deux principaux
éléments de style qui ne quitteront guère Tarantino : d’une part le goût
pour les discussions sans grand intérêt, dans des scènes qu’il étire
volontiers. Ici on parle de Madonna, là on parle de cheese burgers (dans Pulp Fiction) ou l'on prend son temps pour
raconter avec force détails une histoire bien secondaire (Les Huit salopards). Si d’aucuns ont pu dire que, comme par magie,
il parvenait à parler de rien sans ennuyer, il y a là un bémol certain :
cette manie de Tarantino garantit au contraire de trouver des moments d’ennui –
plus ou moins longs, plus ou moins lourds – dans chacun de ses films. Ces
moments sont comme un élastique que le réalisateur étire : avec peu de
choses le temps s’allonge.
Seconde manie
tout aussi nette : son goût pour la violence explosive, pour le
barbouillage de sang, pour le gore. Ici Mr Orange baigne volontiers dans son
sang, Mr Blonde joue de son rasoir pour torturer un policier en musique et la
violence bruyante et crue emplit l’écran.
Ces deux
éléments indissociables du réalisateur provoquent ainsi ce malentendu du
spectateur : les films de Tarantino sont toujours violents, mais ils ne
sont pas toujours des films d’action.
Cela dit Reservoir Dogs est une réussite :
il revisite à sa façon le polar, jouant avec les codes (le flash-back est un
élément classique du polar, mais sans aller jusqu’à éclater la narration comme
ici), le dotant d’une énergie éruptive qui déboule sans crier gare. Et Tarantino,
passionné et talentueux, place délibérément son film dans le registre
outrancier qu’il affectionne.
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