samedi 18 novembre 2023

Jodorowsky's Dune (F. Pavich, 2013)





Après trois films iconoclastes et détonnants, Alejandro Jodorowsky se tourne vers l’univers de Franck Herbert et veut réaliser un film à partir de son roman fleuve  Dune. Mais, si cette adaptation qui ne s’est jamais faite (« le plus grand film de science-fiction jamais tourné » comme le dit très justement l’affiche), ce documentaire montre comme nul autre ce que Alejandro Jodorowsky a dans la tête.
On comprend comment il fonctionne, comment il est animé par des idées, des images, des exagérations, des ambitions. Il visualise des scènes, il les décrit, allant jusqu’à des détails qui montrent combien les choses vivent dans sa tête.
L'idée n'est pas de transposer directement l’univers de Herbert, son intention est ailleurs et Jodorowsky a cette formule à la fois très dure et très juste : pour adapter Dune, il ne s’agit pas de suivre simplement le roman ou de le simplifier pour le mettre en images, il lui faut, dit-il, violer Herbert.
Très vite, il réunit autour de lui une équipe d’artistes qui, comme lui, ont le feu sacré. Et Jean Giraud, H. R. Giger ou Chris Foss – qui ont tous, comme lui, des images plein la tête et une esthétique particulière – sont de la partie.
Ayant besoin d’effets spéciaux complexes et ambitieux, Jodo file à Hollywood et rencontre Donal Trumbull, le maître en la matière. Mais on comprend très bien que, face à un artiste qui se vit comme tel, avec sa vision, sa frénésie, son élan et son insatiabilité, un technicien (aussi brillant soit-il) comme Donald Trumbull, habitué à Hollywood où il était adoubé comme le plus grand, n’avait pas sa place dans ce creuset d’artistes rassemblés par Jodorowsky. Et l'on comprend très bien la frilosité des producteurs américains devant un tel artiste fou : Jodo est génial mais, pour un financier, il est effrayant.
En fin de documentaire, le réalisateur montre avec beaucoup de justesse l’influence que le film a eue – quand bien même il n’existe pas. Les dessins de Giraud/Moebius, les peintures de Foss ou, bien sûr, l’esthétique singulière de Giger (Ridley Scott et son Alien, lui doivent beaucoup) ont laissé des traces à Hollywood.
Mais, derrière le rêve et la vision de Jodorowsky, on sent aussi que les effets spéciaux d’alors (nous sommes alors dans le mitan des années 70, avant les grandes avancées en la matière de Star Wars) n’auraient pas permis un film visuellement convaincant. Avec une telle ambition, les transparences, les surimpressions, les montages, les maquettes et autres jeux de lumière n’auraient pas suffi. Dans ce sens Jodorowsky est trop ambitieux pour son temps. Aujourd’hui, avec la révolution numérique, bien des choses auraient été possibles. On se prend alors à rêver à nouveau de ce Dune jamais réalisé mais dont on retrouve des motifs épars.

 



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