Après
trois films iconoclastes et détonnants, Alejandro Jodorowsky se tourne vers
l’univers de Franck Herbert et veut réaliser un film à partir de son roman
fleuve Dune. Mais, si cette adaptation qui ne s’est jamais faite (« le
plus grand film de science-fiction jamais tourné » comme le dit très
justement l’affiche), ce documentaire montre comme nul autre ce que Alejandro
Jodorowsky a dans la tête.
On
comprend comment il fonctionne, comment il est animé par des idées, des images,
des exagérations, des ambitions. Il visualise des scènes, il les décrit, allant
jusqu’à des détails qui montrent combien les choses vivent dans sa tête.
L'idée n'est pas de transposer directement l’univers de Herbert, son intention est ailleurs et Jodorowsky a cette formule à la
fois très dure et très juste : pour adapter Dune, il ne s’agit pas de suivre simplement le roman ou de le
simplifier pour le mettre en images, il lui faut, dit-il, violer Herbert.
Très
vite, il réunit autour de lui une équipe d’artistes qui, comme lui, ont le feu
sacré. Et Jean Giraud, H. R. Giger ou Chris Foss – qui ont tous, comme lui, des
images plein la tête et une esthétique particulière – sont de la partie.
Ayant
besoin d’effets spéciaux complexes et ambitieux, Jodo file à Hollywood et
rencontre Donal Trumbull, le maître en la matière. Mais on comprend très bien
que, face à un artiste qui se vit comme tel, avec sa vision, sa frénésie, son
élan et son insatiabilité, un technicien (aussi brillant soit-il) comme Donald Trumbull,
habitué à Hollywood où il était adoubé comme le plus grand, n’avait pas sa place dans ce creuset d’artistes
rassemblés par Jodorowsky. Et l'on comprend très bien la frilosité des producteurs américains devant un tel artiste
fou : Jodo est génial mais, pour un financier, il est effrayant.
En
fin de documentaire, le réalisateur montre avec beaucoup de justesse
l’influence que le film a eue – quand bien même il n’existe pas. Les dessins de Giraud/Moebius,
les peintures de Foss ou, bien sûr, l’esthétique singulière de Giger (Ridley
Scott et son Alien, lui doivent
beaucoup) ont laissé des traces à Hollywood.
Mais,
derrière le rêve et la vision de Jodorowsky, on sent aussi que les effets
spéciaux d’alors (nous sommes alors dans le mitan des années 70, avant les
grandes avancées en la matière de Star Wars) n’auraient pas permis un film visuellement convaincant. Avec une
telle ambition, les transparences, les surimpressions, les montages, les
maquettes et autres jeux de lumière n’auraient pas suffi. Dans ce sens Jodorowsky est trop
ambitieux pour son temps. Aujourd’hui, avec la révolution numérique, bien des
choses auraient été possibles. On se prend alors à rêver à nouveau de ce Dune jamais réalisé mais dont on
retrouve des motifs épars.
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