lundi 2 décembre 2024

Le Dernier duel (The Last Duel de R. Scott, 2021)





Ridley Scott propose ici un film intéressant et assez réussi, qui emmène son idée au bout, en faisant planer longtemps une incertitude sur les faits qu’il raconte. Le réalisateur nous ayant habitué, ces derniers temps, à des films tellement décevants et laborieux, on en est presque surpris.
Le Moyen-Âge est filmé avec des tons très sombres qui rejoignent l’imaginaire commun d’une période correspondant à des temps obscurs, ce que vient contredire l’image (fascinante), vue plusieurs fois en arrière-plan, de Notre-Dame en train d’être construite.
Le film est construit selon le procédé développé dans le Rashōmon de Kurosawa, où la même séquence est racontée successivement par différents personnages, avec ce que cela suppose de variations et de contradictions (1). Ici on a bien du mal à extirper le vrai du faux et – c’est bien là le but – à savoir qui dit la vérité dans cette affaire. Et, dans cette histoire de viol et de trahison, de façon assez curieuse – mais c’est là une curiosité qui est une qualité –, aucun des deux personnages du duel à venir n’apparaît sympathique. Ni Jean de Carrouges (Matt Damon), lourd et rustaud, ni Jacques le Gris (Adam Driver), hypocrite intrigant. Ce choix du réalisateur freine beaucoup l’identification du spectateur à l’un des deux, même si l’on prend, très progressivement, fait et cause pour l’intègre Carrouges, largement floué et moqué. Et c'est cette manière de faire qui permet d’emmener assez loin l’incertitude du dernier duel du titre.
Mais, dans la dernière séquence où le duel proprement dit est enfin mené, on regrette – sans être surpris : on connaît Ridley Scott – qu’il soit l’occasion de tous les passages obligés fatigants des réalisations modernes, à coups de travellings, de ralentis fatigants et de musique pompeuse. L’affrontement s’étire inutilement. La sécheresse d’un combat ferait tant de bien. Nous parlions de Kurosawa : il est bien dommage que la leçon du duel final de Sanjuro soit aujourd’hui complètement oubliée.



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(1) : On notera que ce procédé, s’il est célèbre depuis Kurosawa, est moins efficace que le jeu de champ-contre-champ, tel qu’il apparaît dans Mademoiselle par exemple, où la deuxième partie du film n’est pas l’interprétation d’un même épisode mais son complément. Elle est ce qui manque à la première, comme deux pièces de puzzle qui s’emboîtent.

 

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