samedi 4 mai 2024

Le Nom de la rose (J.- J. Annaud, 1986)

 


Ce fameux film – adaptation du tout aussi fameux roman de Umberto Eco – plonge avec plaisir le spectateur dans un mélange des genres très réussi : à la fois film d’époque (le Moyen Âge est parfaitement retranscrit à l’image), film policier (avec le délicieux personnage de Guillaume de Baskerville en enquêteur), film théologique (moins que le livre, certes, mais enfin la fameuse question du rire irrigue le film) et même une touche de fantastique. Cet équilibre est très réussi et vient parfaitement épouser l’atmosphère qui imprègne le film. Jean-Jacques Annaud a réussi cette gageure de passionner par tous les aspects du film (comme le roman le faisait lui aussi), sans tomber dans la facilité ou le racolage. Son Moyen Âge est crédible, austère, rigoureux, avec cette abbaye qui règne au milieu d’un monde de paysans (dépeints de façon un peu misérabiliste tout de même, le début du XIVème siècle n’était pas un siècle si noir que cela, moins, d’ailleurs que le furent certains des siècles ultérieurs).
Annaud a construit un décor gigantesque, résultat de la très longue préparation d’avant tournage. Le décor a ainsi pu être construit en anticipant le rôle des différents éléments : l’extraordinaire bibliothèque en forme de donjon est à la fois centrale dans le décor et dans le film. On notera les écarts de manière de faire entre réalisateurs : Claude Chabrol, par exemple, à l’opposé de Annaud, découvrait les décors au moment du tournage (c’est son équipe qui les choisissait pour lui) et ce n’est qu’au dernier moment qu’il réfléchissait aux endroits où il allait pouvoir poser sa caméra. Annaud, lui, sait très précisément où il va. 
Le casting est remarquable : Sean Connery est impeccable (il trouve le ton juste pour interpréter ce moine sagace aux idées modernes) et l'on n’oublie pas qu’il a dû se battre pour le rôle puisqu’Annaud, pour jouer son moine enquêteur, voulait un parfait inconnu. Mais Sean Connery, pour notre grand bonheur, a réussi à s’imposer. Michael Lonsdale, avec cette retenue pincée qui le caractérise, est parfait, de même que les autres acteurs aux trognes mémorables (Ron Perlman s’en donne à cœur joie en Salvatore).
On retrouve donc, au cœur du film et de l’abbaye cette bibliothèque fascinante aux multiples métaphores. Le pouvoir du savoir enfermé dans ce labyrinthe et protégé par Jorge : tout cela donne au lieu un mélange de fascination, de mystère et de caprices d’imagination. Il faut préciser que cette architecture avec de nombreuses cellules sur plusieurs niveaux avec de petits escaliers dans tous les sens est une pure création cinématographique : il y a chez Eco une erreur puisque la bibliothèque, dans son roman, est en deux dimensions, ce qui la rend peu crédible, vu le nombre de pièces.
Cela dit il faut préciser que le film donne une image assez biaisée de l'époque et du rôle des monastères : alors que la reconstitution de Annaud est minutieuse à l’image (allant jusqu’à demander des précisions qui furent des défis pour les historiens), son discours sur les monastères est très caricatural. Les Bénédictins, au XIVème siècle, ne sont pas tant des officines obscurantistes que des lieux de savoir dont l’influence sur le développement intellectuel (savoir livresque mais aussi architectural par exemple) est considérable, ne serait-ce que par l’essaimage de l’ordre au travers de l’Europe (l’ordre de Cluny, notamment, comprendra plus de mille monastères).
Avec les bûchers de l’inquisition, la fin peut sembler un peu excessive et manquer de retenue (en plus d’être anachronique), mais elle donne une belle progressivité à l’intrigue qui file au bout de son idée : le Diable est dans les murs pensent les religieux, il faut l’en extirper, quoi qu’en pense Guillaume de Baskerville et ses raisonnements rigoureux.

  

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