Important film
de science-fiction des années 2000, Matrix
(ainsi que ses deux suites, qui, si elles cherchent à boucler la boucle, sont nettement
moins réussies) a beaucoup marqué à la fois les spectateurs mais aussi les
critiques, puisque le film a soulevé nombre d’exégèses. Il faut dire que l’idée
de départ est excellente avec cette idée de matrice qui construit une illusion
dans laquelle les hommes baignent. Le film semble une expression de l’idée
beaudrillardienne du simulacre, comme quoi tout n’est pas ce qui semble être et
que l’essentiel, c’est-à-dire la réalité de ce qui est sous les choses, n’est
pas montré. Ce qui nous est montré n’est qu’un leurre. Le livre Simulacres et stimulation, de Jean
Beaudrillard est d’ailleurs clairement cité.
Le film est
alors une version imagée de l’allégorie de la Caverne de Platon, où s’opposent
le monde tel que nous le voyons, qui est illusoire, et le monde intelligible que
seuls les initiés peuvent connaître. Le monde que
nous connaissons n’est qu’une illusion nous disent alors les frères Wachowski.
Le film va même
plus loin puisqu’on peut poser la question des rebelles (réunis autour de
Morpheus et de Néo) qui viennent combattre la Matrice : ils ne sont sans
doute qu’une émanation de la matrice elle-même, un bug informatique si l’on
veut, qui consiste à donner aux hommes l’illusion qu’un changement est
possible, leur donner l’illusion qu’il est possible de s’échapper.
On retrouve
alors l’idée que la révolution dont Néo est porteur n’est pas un réel changement
mais qu’elle est au contraire nécessaire pour garder l’ensemble du système en
équilibre. On retrouve là une idée classique selon laquelle la révolution n’est
qu’une illusion de changement (la BD S.O.S.
Bonheur l’exprime par exemple très bien).
Le film joue sur
d’autres aspects philosophiques, notamment l’existentialisme, abordé par la
question du choix individuel. L’univers de la matrice se devant d'être réaliste pour continuer de donner aux hommes l’illusion du choix. La
Dialectique du maître et de l’esclave de Hegel, trouve une résonance au
travers des machines qui maintiennent les hommes endormis mais qui se doivent,
par moments, de leur laisser des illusions pour ne pas qu’ils s’éveillent et
pour qu’ils continuent d’accepter l’illusion de la Matrice.
On s'arrêtera peut-être un instant sur le traître, qui voudrait ne pas connaître la réalité et préférerait vivre dans l'illusion, sans une question, regrettant de n'être pas un simple d'esprit (« Heureux les simples d’esprit »).
On s'arrêtera peut-être un instant sur le traître, qui voudrait ne pas connaître la réalité et préférerait vivre dans l'illusion, sans une question, regrettant de n'être pas un simple d'esprit (« Heureux les simples d’esprit »).
Formellement le
film est très innovant puisqu’il part de la chorégraphie que l’on trouve
typiquement dans les combats des films d’arts martiaux de Hong-Kong, mis au
goût du jour par des effets spéciaux efficaces. Ainsi les fameux bullet-time, réalisés avec une armada
d’appareils photographiques synchronisés et dont l’image, ensuite, est traitée
par ordinateur. Aujourd’hui, à l’ère du numérique, tout cela semble simple à
réaliser, mais il s’agissait alors d’une belle avancée avec un rendu visuel
spectaculaire. Bien sûr l’intrigue ne va pas sans quelques simplifications ou
caricatures (la plus regrettable étant qu’elle enferme chaque personnage dans
un rôle) mais, au-delà des réflexions que le film peut proposer, il est aussi
un film d’action efficace. Ce fut ce second point, évidemment, qui fut d’abord
à l’origine de son succès.
Choix entre une vérité désagréable ou d'une tranquille ignorance |
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