dimanche 22 février 2015

El (L. Bunuel, 1952)




Extraordinaire film de Buñuel (peut-être son meilleur), qui, avec maestria, explore les confins de la paranoïa.
Le film commence comme un mélodrame conventionnel (le riche Francesco parvient à séduire Gloria, qui était pourtant fiancée, et ils se marient). Mais, très vite, la relation entre Francesco et Gloria devient complètement délirante, à cause d’une jalousie totalement paranoïaque et morbide de Francesco qui transforme la vie de Gloria en cauchemar. Dès la nuit de noces, Francesco doute («  Dis-moi, à qui penses-tu en ce moment ? », demande-t-il à sa femme) et la vie de Gloria va devenir un enfer.


Une image qui annonce des scènes célèbres de Vertigo
Bunuel explique très bien son idée quand il prend cet exemple à propos de la paranoïa : « supposons que la femme d'un paranoïaque joue une mélodie au piano. Son mari sera persuadé que c’est un signal qu'elle envoie à son amant, caché dans la rue ». Il va alors s'appliquer, tout au long du film, à montrer comment le désir de Francesco se transforme au fur et à mesure en délire, jusqu’à une tentative de faire subir à Gloria des sévices sadiques épouvantables.

Que va faire Francesco à sa femme ? ose à peine se demander le spectateur ?
Buñuel est très à l’aise, et ajoute des touches d’humour noir (par exemple lorsque, craignant qu’on l’épie, Francesco glisse une aiguille par le trou de la serrure) ou de fétichisme (fétichisme des pieds, présenté ici comme une déviation du rituel religieux de la première scène, et que l’on retrouve dans d’autres films du réalisateur). La montée de la tension est très bien rendue : « mais jusqu’où ira-t-il ? » se demande le spectateur perplexe, avant de refuser de croire ce qu'il voit (il supplicie sa femme façon Sade !?).
Buñuel, tout en maîtrise, achève son film sur une image finale à la fois simple et géniale.


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