Premier film (1) de
Luchino Visconti qui jette un pavé dans la mare fade du cinéma italien éreinté par le satrape mussolinien.
S’il reprend un
polar américain (Le Facteur sonne
toujours deux fois de James M. Cain), Luchino Visconti se désintéresse
largement de l’intrigue elle-même (il se contente de suivre la structure
générale du récit) et son vrai propos est ailleurs : le drame social qu’il
décrit lui sert de support à une peinture de la campagne pauvre de l’Italie,
une campagne miséreuse et frappée par le chômage et que Visconti scrute et
filme avec une touche réaliste tout à fait absente, alors, du cinéma italien
(embourbé dans les fadaises du cinéma des téléphones blancs). Ce que fouille
Visconti ce n’est pas le drame qui se noue (le meurtre du mari gênant est même traité
par une ellipse), c’est l’analyse psychologique de chacun (avec les hésitations de Giovanna, les remords et les tentations de Gino) et l’arrière-plan social si dur.
Assistant de
Renoir sur plusieurs films (notamment Les Bas-fonds et Toni), Visconti en
retient une attention décisive sur les détails, les petits riens qui font tant,
auprès de chaque personnage, qui est dépeint avec une justesse et une puissance
visuelle étonnante. Et le film est enveloppé d’une noirceur rare.
Le film est
ainsi le premier qualifié de « néoréaliste », quelques années avant que
Rossellini ou De Sica ne filment, aux-aussi, l’Italie de la rue, telle qu’elle
se présente à leurs caméras. Il faut noter, cependant, que si Ossessione, à l’époque, semble
particulièrement réaliste, on peut lui trouver, aujourd’hui (surtout par
rapport à d’autres films néoréalistes ultérieurs), un certain lyrisme, avec,
par exemple, une caméra qui innove beaucoup ou encore ces airs d’opéra que
glisse Visconti ici et là.
(1) : Film dont on préférera le titre original Ossessione, le titre
français sonnant terriblement faux et racoleur.
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