samedi 24 novembre 2012

Les Amants diaboliques (Ossessione de L. Visconti, 1943)




Premier film (1) de Luchino Visconti qui jette un pavé dans la mare fade du cinéma italien éreinté par le satrape mussolinien.
S’il reprend un polar américain (Le Facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain), Luchino Visconti se désintéresse largement de l’intrigue elle-même (il se contente de suivre la structure générale du récit) et son vrai propos est ailleurs : le drame social qu’il décrit lui sert de support à une peinture de la campagne pauvre de l’Italie, une campagne miséreuse et frappée par le chômage et que Visconti scrute et filme avec une touche réaliste tout à fait absente, alors, du cinéma italien (embourbé dans les fadaises du cinéma des téléphones blancs). Ce que fouille Visconti ce n’est pas le drame qui se noue (le meurtre du mari gênant est même traité par une ellipse), c’est l’analyse psychologique de chacun (avec les hésitations de Giovanna, les remords et les tentations de Gino) et l’arrière-plan social si dur.
Assistant de Renoir sur plusieurs films (notamment Les Bas-fonds et Toni), Visconti en retient une attention décisive sur les détails, les petits riens qui font tant, auprès de chaque personnage, qui est dépeint avec une justesse et une puissance visuelle étonnante. Et le film est enveloppé d’une noirceur rare.



Le film est ainsi le premier qualifié de « néoréaliste », quelques années avant que Rossellini ou De Sica ne filment, aux-aussi, l’Italie de la rue, telle qu’elle se présente à leurs caméras. Il faut noter, cependant, que si Ossessione, à l’époque, semble particulièrement réaliste, on peut lui trouver, aujourd’hui (surtout par rapport à d’autres films néoréalistes ultérieurs), un certain lyrisme, avec, par exemple, une caméra qui innove beaucoup ou encore ces airs d’opéra que glisse Visconti ici et là.





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(1) : Film dont on préférera le titre original Ossessione, le titre français sonnant terriblement faux et racoleur.

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