lundi 10 décembre 2018

La Mort a pondu un œuf (La morte ha fatto l'uovo de G. Questi, 1968)




Film étrange et iconoclaste, La Mort a pondu un œuf commence comme un giallo avant de prendre des chemins de traverse. Le film s’écarte rapidement des codes du genre (après une scène d’ouverture très typique mais parfaitement filmée) et, sur fond d’élevage de poules en batterie, déroule un scénario étrange,
Le film, en effet, fait feu de tout bois : il est question à la fois de politique (avec la mécanisation de l’usine qui rend les ouvriers inutiles), de recherches génétiques (avec la création de poulets sans tête !), d’un mari insatisfait, de trahisons répétées (la petite nièce qui passe d’un amant à un autre), d’héritage industriel, le tout sur fond de meurtres de prostituées. Certains accents du film sont étonnamment annonciateurs de maux industriels à venir : par exemple les recherches biologiques pour créer un poulet avec moins d’os et plus de viandes. Le tout avec un soupçon d’absurde et d’horreur.



Et Giulio Questi coule ce scénario abracadabrantesque dans une forme sans cesse surprenante qui ressemble à un cinéma expérimental ou avant-gardiste (mais très réussi) : le film joue de gros plans improbables, d’inserts curieux, de mouvements de caméra surprenants, d’angles de vue outranciers, de raccords dissonants, d'images délirantes (les poulets dans des classeurs). Et une musique parfois complètement discordante, avec des variations jazzi omniprésentes, enveloppe le tout et donne une tonalité unique à l’ensemble. Le film a ainsi des accents godardiens ou même parfois lynchiens avant l’heure, avec une image moins bien léchée, mais tout aussi étrange et qui confine à l’horreur (les meurtres ou les poulets sans tête, violemment écrasés).


Derrière une certaine froideur, le ton est volontiers ironique (et va jusqu’à l’humour noir). La métaphore du poulet en batterie est très riche (cette usine caquetante évoque même, quelque part, l’usine de La Classe ouvrière va au paradis de Petri), de même que ces poulets sans tête, qui horrifient Marco (excellent Jean-Louis Trintignant, toujours très bon pour interpréter des personnages renfermés, absents et brisés), mais réjouissent, par ailleurs, tout le monde.
Il se dégage de cet ensemble disparate et sans cesse surprenant comme une curieuse agitation, presque une frénésie, qui rappelle bien sûr les poules dans l’usine, dont les têtes hirsutes surgissent au travers des barreaux et qui picorent à tout va.



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