lundi 29 janvier 2024

Anatomie d'une chute (J. Triet, 2023)

 



Après une rapide entame qui conduit au drame, le film se dirige vers le genre particulier (et parfois passionnant) du film de procès. Et alors le cinéphile peut se faire piéger : le titre Anatomie d’une chute fait immédiatement écho avec Autopsie d’un meurtre, autre fameux film de procès. Or, dans ce film de Preminger, plus le meurtre est décortiqué, plus les débats avancent, moins l’on sait à quoi s’en tenir et, en fin de film, le spectateur est laissé dans une indécision parfaite. On se doute, alors – un peu comme si l’on nous avait révélé maladroitement la fin – que le film ne tranchera pas vraiment entre meurtre et suicide concernant la mort du père au cœur du procès. Dès lors on sait que si la ligne de crête sur laquelle reste le film est étroite, on n’en descendra jamais : la culpabilité de Sandra restera en suspens.
Cela dit le film est très bien mené et le couple se dévoile progressivement avec habileté même si, il faut bien dire, les révélations sur les heurts et tempêtes au cœur du couple ne sont guère passionnantes. On comprend que tout n’était pas rose, la belle affaire. Les histoires de rivalité ou de jalousie sont assez convenues.

Sandra Hüller (déjà vu dans le réussi Toni Erdmann) est remarquable et son personnage intéressant, bien plus, en tous les cas, que celui, très fade, du mari. Le jeune Milo Machado Graner joue très bien le rôle toujours difficile de Daniel, l’enfant tiraillé qui subit le procès autant qu’il y participe.

Si l’indécision règne, on notera cependant que, d’une part, juridiquement il n’y a pas grand suspense (puisqu’au bénéfice du doute la mère ne peut qu’être acquittée) et que, a contrario, visuellement (cinémato-graphiquement pourrait-on dire) le film tranche : Sandra est coupable. En effet le flash-back raconté par Daniel est différent des autres flash-backs (puisque le père parle avec la voix de Daniel). Cela signifie donc, cinématographiquement, que cette séquence est inventée. Dès lors on comprend que l’enfant ment pour sauver sa mère en accréditant la thèse du suicide. À cela s’ajoute une remarque de Sandra pendant le procès (disant à son avocat que le tableau qu’il vient de peindre d’un mari dépressif est faux) et, en toute fin de film, Sandra qui vient se réfugier dans les bras de son fils (et non le contraire) indiquant combien elle lui doit son acquittement. De sorte que l'on est un peu gêné : le film travaille beaucoup l'incertitude et, dans le même temps, donne des indices clairs indiquant la culpabilité de la mère.



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