Dernier volet de la trilogie de l’appartement (après Répulsion et Rosemary’s Baby), Le Locataire marque un premier achèvement dans la
carrière de Polanski (il se tournera ensuite vers des productions à plus grand
spectacle (Tess, Pirates, etc.) où il délaissera en partie son style si particulier).
Le film – au pitch par ailleurs très banal – penche rapidement vers un
ton de folie absurde qui emporte le petit employé Trelkowski. Très
vite on ne sait plus ce qui tient de la réalité ou de la paranoïa (y a-t-il une
oppression des voisins coalisés contre lui ?). Si Trelkowski interprète
chaque petit élément du quotidien comme autant de pièces d’une machination qui
se referme contre lui, Polanski, très intelligemment, reste toujours
sur la crête étroite de l’incertitude (conservant cette ligne directrice qui était déjà au
cœur de Rosemary’s Baby), empêchant
le spectateur de trancher. En effet si certaines interprétations de Trelkowski
sont délirantes, il n’en reste pas moins que de nombreuses questions resteront
en suspens (qui a cambriolé l’appartement ? pourquoi une dent est-elle
cachée dans un trou du mur ? pourquoi le buraliste sert-il obstinément à
Trelkowski du chocolat et lui propose-t-il toujours des Marlboro ?, etc.).
C’est là que la virtuosité de Polanski fait mouche, à sa façon de cadrer un
détail, de s’attarder sur un petit élément du plan, de jouer d’un contraste,
d’une anamorphose, etc.
On regrette que la transformation progressive de Trelkowski en Simone
Choule (ah, ces noms qui résument à eux seuls l’humeur absurde et grotesque du
film !) se fasse si rapidement et de façon finalement peu surprenante.
Le final est quant à lui génial (avec la double défenestration aux
allures d’exécution publique) et Polanski s’amuse à boucler la boucle de son
scénario en une image à la fois comique et horrible.
Le casting participe de l’étrangeté et du ravissement du film, en mêlant, dans une distribution improbable, des acteurs hollywoodiens confirmés (Shelley Winters ou Melvyn Douglas) et des acteurs
français (Isabelle Adjani, Bernard Fresson, et même les jeunes acteurs
du Splendid comme (Michel Blanc, Gérard Jugnot ou Josiane Balasko). Au milieu de ce mélange improbable,
Polanski lui-même fait très bien le petit employé timide qui perd pied, se
féminise (thème déjà croisé dans Cul-de-sac)
et devient complètement fou.
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