vendredi 26 octobre 2018

Le Locataire (R. Polanski, 1976)




Dernier volet de la trilogie de l’appartement (après Répulsion et Rosemary’s Baby), Le Locataire marque un premier achèvement dans la carrière de Polanski (il se tournera ensuite vers des productions à plus grand spectacle (Tess, Pirates, etc.) où il délaissera en partie son style si particulier).
Le film – au pitch par ailleurs très banal – penche rapidement vers un ton de folie absurde qui emporte le petit employé Trelkowski. Très vite on ne sait plus ce qui tient de la réalité ou de la paranoïa (y a-t-il une oppression des voisins coalisés contre lui ?). Si Trelkowski interprète chaque petit élément du quotidien comme autant de pièces d’une machination qui se referme contre lui, Polanski, très intelligemment, reste toujours sur la crête étroite de l’incertitude (conservant cette ligne directrice qui était déjà au cœur de Rosemary’s Baby), empêchant le spectateur de trancher. En effet si certaines interprétations de Trelkowski sont délirantes, il n’en reste pas moins que de nombreuses questions resteront en suspens (qui a cambriolé l’appartement ? pourquoi une dent est-elle cachée dans un trou du mur ? pourquoi le buraliste sert-il obstinément à Trelkowski du chocolat et lui propose-t-il toujours des Marlboro ?, etc.). C’est là que la virtuosité de Polanski fait mouche, à sa façon de cadrer un détail, de s’attarder sur un petit élément du plan, de jouer d’un contraste, d’une anamorphose, etc.


On regrette que la transformation progressive de Trelkowski en Simone Choule (ah, ces noms qui résument à eux seuls l’humeur absurde et grotesque du film !) se fasse si rapidement et de façon finalement peu surprenante.
Le final est quant à lui génial (avec la double défenestration aux allures d’exécution publique) et Polanski s’amuse à boucler la boucle de son scénario en une image à la fois comique et horrible.

Le casting participe de l’étrangeté et du ravissement du film, en mêlant, dans une distribution improbable, des acteurs hollywoodiens confirmés (Shelley Winters ou Melvyn Douglas) et des acteurs français (Isabelle Adjani, Bernard Fresson, et même les jeunes acteurs du Splendid comme (Michel Blanc, Gérard Jugnot ou Josiane Balasko). Au milieu de ce mélange improbable, Polanski lui-même fait très bien le petit employé timide qui perd pied, se féminise (thème déjà croisé dans Cul-de-sac) et devient complètement fou.

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