jeudi 27 novembre 2025

Force majeure (P. Jolivet, 1989)

 



Force majeure, s’il dispose d’un scénario intéressant, pâtit d’une réalisation qui ne donne aucune force au sujet. C’est bien dommage, avec la question que pose le film il y avait de quoi sonder les âmes de Philippe et Daniel, les deux personnages rattrapés par leur passé. D’autant plus que, intelligemment, le film dit très peu de Hans, personnage clef, que l’on voit à peine et que le spectateur – comme les deux personnages d’ailleurs – connaissent mal.
Mais la réalisation, si elle est appliquée, reste très terne. Il n’y a rien qui viennent épaissir, dramatiser, faire gonfler d’effroi Philippe et Daniel qui, s’ils tergiversent, ne sont pas fouillés jusqu’au plus profond d’eux-mêmes (ce que la situation, pourtant, devrait provoquer)
Il faut dire aussi que les personnages sont trop caricaturaux et qu’ils sont trop construits en antinomie l’un par rapport à l’autre pour être vraiment crédibles (le normalien parisien aspirant-chercheur opposé au chômeur lillois à la vie déjà traversée de misère sociale). D’ailleurs quand ils se retrouvent après un an et demi, ils n’ont plus grand-chose à se dire, tant leurs deux mondes s’opposent. Et Daniel (François Cluzet, qui surjoue comme bien souvent) en rajoute dans l’impulsivité irresponsable (l’achat d’un blouson neuf sitôt l’argent encaissé est ridicule et fige son personnage).
La fin, néanmoins, est réussie puisque l’incertitude de la réaction des deux protagonistes (et donc de leur départ vers l’Asie) est conservée habilement jusqu’au bout.


lundi 24 novembre 2025

Manchester by the Sea (K. Lonergan, 2016)

 



Très beau et très dur film de Kenneth Lonergan qui emporte le spectateur dans une petite communauté de marins-pêcheurs aux côtés de Lee, dont on comprend vite que le passé l’a ravagé. Une partie du film se fait d’ailleurs dans l’attente de ce qui a pu se passer autour du personnage alors que, dans le même temps, un autre drame se joue (la mort du frère de Lee qui se retrouve avec son neveu perdu au milieu).
Le film joue alors d’un montage savant pour entremêler des séquences en flash-backs qui, peu à peu, mènent jusqu’au moment du terrible drame. Lonergan choisit de le faire revenir à la mémoire de Lee lors d’un moment de crise (nouvelle crise donc) puisqu’il voit son neveu lui être confié par testament. Et le moment de drame – et quel drame ! –, s’il est amené au milieu d’un fait quotidien parfaitement banal, est surligné par l’adagio d’Albinoni dans un choix osé (tant la musique surligne les images) mais que Lonergan parvient à faire passer. On admire la dernière image de cette terrible séquence, avec les bateaux amarrés au port qui tanguent sous la neige.
Le film, pourtant, devient plus puissant encore lorsqu'il s'éloigne un peu de son personnage proincipal. Plutôt que de tourner presqu’exclusivement autour de Lee – personnage éteint et traumatisé qui mettra beaucoup de temps avant de montrer une quelconque fêlure comme indice d’humanité – le film devient brillant quand il fait un pas de côté pour montrer comment la vie dans la petite communauté parvient à repartir après le traumatisme. La rencontre entre Randi et Lee, à ce titre, est prodigieuse. C’est dans cette scène filmée au hasard d’une rencontre que la caméra vise juste en montrant comment la vie, peu à peu, malgré le passé, malgré les souffrances, malgré les contradictions (Randi qui aime Lee, avec qui plus rien n’est possible, envers et contre tout), la vie, donc, continue et reprend son cours, comme elle peut. Le fils aussi, malgré son deuil et sa vie paumée entre la petite communauté où il veut rester et Boston juste à côté, qui navigue d’une fille à l’autre, poursuivant à tâtons sa vie de jeune adulte, avec ses espoirs, ses colères, ses crises d’angoisse (la séquence du congélateur), tout cela est parfaitement saisi par la caméra de Lonergan. Plus, finalement, que Lee, fermé et impénétrable, chez qui la vie ne semble pas parvenir à repartir.
On notera combien les acteurs – avec Casey Affleck dans le rôle principal (l’acteur est parfait même si son personnage est un peu excessif dans son renfermement) mais aussi dans les différents rôles secondaires – sont tout à fait remarquables.


jeudi 20 novembre 2025

La Légende de Zatoïchi : Le Masseur aveugle (Zatōichi monogatar de K. Misumi, 1962)

 



Grand classique japonais du chanbara des années 60, le film donnera lieu à une multitude de suites. Dans la foulée du film matriciel Yōjinbō et du Sanjuro de Kurosawa, le film ravira les fans qui verront une des premières pierres d’un genre majeur du cinéma asiatique.
Mais, loin des habitudes endiablées du genre (avec les films de Chang Che ou Fujita) ici la mise en scène est calme et lente, avec peu d’action, celle-ci se contentant d’éclatements brusques (un peu suivant l’exemple de Sanjuro) même si le combat final s’étale davantage.
Le personnage de Zatoichi, très travaillé, s’épaissit de façon originale (au milieu de personnages trop caricaturaux, sauf peut-être pour son adversaire principal habilement rapproché par le scénario) : mélancolique et sage, il cherche à être en retrait du monde et toute l’intrigue vient de ce monde (celui des yakuzas) qui ne le laisse pas tranquille (sa position d’ancien yakusa le contraignant à se positionner et à s’impliquer, malgré lui).


lundi 17 novembre 2025

Les Combattants (T. Cailley, 2014)

 



Premier film réussi de Thomas Cailley qui montre une énergie et un ton assez plaisants.
Pourtant le combat des combattants du titre, s’il se veut très moderne – le film montre des jeunes d'aujourd’hui face au désarroi du monde, face à ses désordres et face aux peurs qu’il provoque –, ce combat, donc, oublie que les jeunes adultes ont toujours été une zone de balancement des marées à l’heure de se jeter dans la vie active, à l'heure des premières romances sérieuses ou de la pression du monde adulte. Madeleine, d’ailleurs, par bien des aspects, représente tout à fait cette hésitation de la fin de l’adolescence, lorsqu’il faut se jeter dans le monde adulte. Mais l’habileté du film est dans le too much de Madeleine, dont le mutisme boudeur et renfrogné trop exagéré devient un élément comique. L’échappée belle, en revanche, lorsque les deux partent en mode survivalistes, ne convainc guère.
Le film doit beaucoup à cet humour décalé qui est comme une teinte donnée au film, un coloris savamment dosé et qui, sans en avoir l’air, change tout. Toute la lourdeur, le trop plein de sérieux (les sentiments, le frère aîné, la vision de cette jeune adulte un peu paumée) sont lissés par ce décalage bien trouvé par l’humour.
C’est le personnage de Madeleine qui est réussi, avec Adèle Haenel au jeu efficace (mais faussement sobre) est pas si simple à jouer : à la fois souple et butée, elle apparaît sans cesse en porte-à-faux du monde, toujours à côté, aussi bien dans son rapport aux autres, à ses parents, aux éléments, qu’à l’armée, évidemment, dont elle rêve mais à laquelle est bien incapable de se soumettre.
Si le film est très dans l’air du temps, il se contente d’en extraire une situation et on lui sait gré de ne pas en faire un discours. La fin, d’ailleurs, est amusante : malgré leurs avatars et l’échec de leur échappée survivaliste, le duo se retrouve avec toujours la même volonté de combattre. Un combat pur, en soi, sans que Cailley n’édicte réellement le contre qui ni le contre quoi.
Le film renvoie d’une certaine façon à Take Shelter de Nichols, qui restait très sérieux et allait vers des interrogations graves questionnant jusqu’à la santé mentale du personnage. Ici Cailley aborde le sujet par un autre bout, sincère et plus léger, entre jeunes et humour, décalage et dérision.


samedi 15 novembre 2025

Sur un fil (K. Reda, 2024)

 



Sur un fil, pourtant empli de bonnes intentions, peine à émouvoir et à emporter le spectateur. Le film est un peu cousu de fil blanc et joue d’un registre un peu facile.
Il faut dire que chercher à émouvoir en passant les trois-quarts d’un film auprès d’enfants malades dans un hôpital est un peu convenu et, pour tout dire, un peu exaspérant.
On notera aussi qu’Aloïse Sauvage, qui tient le rôle principal, n’est guère convaincante et elle est bien peu émouvante, avec ce personnage de clown naïf et timide – qui sert de relai dans cette découverte des enfants malades – et qui se prend au jeu peu à peu, exactement comme on pouvait s’y attendre. Et, bien sûr, le personnage se guérit autant qu’il guérit les autres, là non plus on ne s’y attendait pas.
Dès lors le film est sans véritable enjeu, sans surprise et il emmène là où l’on pensait bien qu’il emmènerait : difficile, alors d’être pris, surpris, ému par les personnages ou les situations.


mercredi 12 novembre 2025

Hiver à Sokcho (K. Kamura, 2024)

 



Axé sur une relation qui n’en est pas une et qui ne mènera nulle part (ce que l’on pressent tout de suite), Hiver à Sokcho est peu prenant et peu émouvant. La faute peut-être à cette manière de convoquer d’emblée des codes du film asiatique qui provoque une attente : contemplatif et lent, le film renvoie à cette humeur si particulière et si typique que l’on retrouve dans tant de films asiatiques, de Hou Hsia Hsien à Kore-eda en passant par Jia Zangke, pour prendre différents univers cinématographiques. La faute peut-être aussi à Roschdy Zem qui surjoue son personnage dans un registre qui se veut pourtant sobre. L’acteur devrait faire peu et rester renfermé mais il en fait trop et la sauce ne prend guère (le personnage, en soit, est très crédible, mais Zem ne parvient pas à l’habiter réellement).
Il y a bien un traitement esthétique dédié à chacun des deux personnages et tout le scénario joue du rapprochement entre eux – aussi bien dans la narration que dans l’esthétique (cela fonctionne bien dans la séquence au restaurant notamment) – rapprochement qui, on l’a dit, n’aboutit pas. Cela dit, si l’entente entre les deux personnages avait dû aboutir, aurions-nous été surpris ? Le film alors, semble coincé dans des codes de représentation et dans des jeux scénaristiques desquels il ne parvient pas à s’extraire réellement. Et si la visite dans la zone démilitarisée ou la recherche d’un restaurant sont des séquences réussies, Hiver à Sokcho peine à convaincre.


vendredi 7 novembre 2025

Overdose (O. Marchal, 2022)

 



Auteur de solides polars qui ont fait sa réputation, Olivier Marchal se perd en route : film après film ses intrigues se réduisent, ses personnages s’amincissent et il ne reste que l’apparat (les scènes d’action) qui s’enchaînent autour d’une histoire à laquelle on a bien du mal à accrocher.
C’est bien dommage, il avait cette faculté à mélanger des personnages, à leur donner une épaisseur tragique, à les coincer dans des engrenages qui les dépassaient peu à peu. Tout cela est laissé de côté, dans Overdose, au profit d’un go fast qui dégénère.
A dire vrai, si l’on est déçu, on est peu surpris : Marchal suivait une pente descente dans ses derniers films. Les Lyonnais, puis Bronx étaient déjà très en-dessous de ses meilleurs films et il n’y avait guère que Benoît Magimel pour tenir Carbone à bout de bras.


mercredi 5 novembre 2025

Harry dans tous ses états (Deconstructing Harry de W. Allen, 1997)

 



Sans être un film majeur du réalisateur, on pourrait choisir Harry dans tous ses états si l’on voulait montrer ce qu’est, presque dans son essence la plus pure, un film de Woody Allen.
Le film met ainsi en scène un personnage, Harry Block, qui fait largement écho au réalisateur et qu’il interprète évidemment (il s’agit donc bien sûr d’un intellectuel juif new-yorkais écrivain qui parle en long et en large de ses névroses et de ses histoires de femmes). Le film s’amuse ensuite à des mises en abymes permanentes jouant de plusieurs niveaux de la fiction dans la fiction : comme les romans de Harry mettent en scène sa propre vie (tout comme le fait Woody Allen dans ses films), le film s’amuse à le confronter avec les personnages qu’il invente dans ses romans et autres nouvelles, mélangeant ainsi les couches de fiction, dans un joyeux bazar très réussi, empli de trouvailles (le personnage qui devient flou !) et de bavardages en tous sens. Harry s’emmêle les pinceaux entre les personnages qui peuplent sa vraie vie et ceux qu’il a inventé et qui sont largement inspirés, il faut dire, de ceux qu’il côtoie. Il vaut mieux rêver sa vie que la vivre, encore que la vivre, ce soit encore la rêver disait Marcel Proust. L'ami Woody en fait une version toute personnelle : à croire qu’il faut mieux s’inventer une vie que la vivre, nous dit-il, encore que.
Le film évoque bien sûr le brillantissime Stardust Memories, que Allen avait réalisé quelques années plus tôt, comme quoi ses sempiternelles interrogations ne semblent guère trouver de réponses.
C’est ainsi que le film plaira, sans doute, aux afficionados du réalisateur, quand les autres, de leur côté, seront sans doute rapidement lassés des facéties bavardes du génial Woody.


mercredi 29 octobre 2025

Spéciale Première (The Front Page de B. Wilder, 1974)

 



Comédie assez quelconque de Billy Wilder, Spéciale Première rappelle très vite La Dame du vendredi qui lui est très supérieur (les deux films sont en fait inspirés par la même pièce de théâtre) et dont la vista comique et trépidante est ici tout à fait absente.
Le film est axé sur le jeu comique de Jack Lemmon, avec, en complément, son compère habituel Walter Matthau. Mais la comédie ne s’élève guère : il n’y a pas le jeu à cent à l’heure de Hawks, il y a trop de situations rocambolesques et peu crédibles et de nombreux personnages deviennent des pantins sans intérêt (les journalistes qui peuplent la salle de rédaction notamment). Le film se suit alors sans déplaisir mais sans grande passion, même si la petite chute finale (le coup de la montre) est amusante.


lundi 27 octobre 2025

Offre d'emploi (J. Eustache, 1980)

 



Très intéressant court-métrage de Jean Eustache où, après un entretien d’embauche, c’est en fait la lettre de motivation demandée au candidat qui est suivie et décortiquée, passant de main en main et déterminant, au bout du compte, le destin professionnel du chômeur. Et l’on ne saura pas, finalement, si cet homme que l’on a vu sera celui retenu.
La déshumanisation bat son plein puisque c’est la feuille, l’encre et l’analyse graphologique qui vient remplacer l’humain et ce qu’il a à dire pour expliquer qui il est. Il faut voir la graphologue balayer d’un revers de main les trois-quarts des candidatures, à la seule lecture des lettres de motivation, sans en connaître les auteurs, du haut de son analyse pseudo-scientifique. Et ce seront ces analyses qui détermineront, parmi les candidats, celui qui sera choisi.
Eustache, en une vingtaine de minutes, fixe avec sa caméra la déshumanisation qui s’annonce, déshumanisation non seulement de l’emploi lui-même, mais bien de la relation avec l’employé, puisque la manière même de le choisir se fait sans le voir et sans même le connaître.

 

jeudi 23 octobre 2025

Glengarry (Glengarry Glen Ross de J. Foley, 1992)

 



La réalisation de James Foley, beaucoup trop terne et lourde, ne met aucune de patte cinématographique sur ce scénario adapté du théâtre qui, finalement, n’offre qu’une succession de scènes bavardes et poussives.
Bien sûr on sent la haine, la pression venue d’en haut qui écrase les uns et raffermit les autres, on comprend l’enjeu social, mais tout cela est très forcé et peu passionnant.
Et l’on est empli de regrets tant la distribution, magistrale, semblait de bon augure. Mélangeant les anciennes stars avec les nouvelles, il y avait tout le matériau pour de belles confrontations. Las, tous les acteurs, de Jack Lemmon à Al Pacino en passant par Ed Harris ou Kevin Spacey, restent largement sous-employés.


mardi 21 octobre 2025

Une bataille après l'autre (One Battle After Another de P. T. Anderson, 2025)

 



Film après film, Paul Thomas Anderson montre ses très grandes qualités de metteur en scène. Peu à peu il peint un portrait de l’Amérique (hormis avec Phantom Thread), surprenant, contrasté, souvent en rupture, un peu comme s’il commentait différentes façons d’être américain, avec une caméra toujours prenante et souvent virtuose.
C’est ainsi qu’Anderson prend ici le contre-pied de son très bon Licorice Pizza – qui mettait en scène un jeune adulte à l’esprit très libre et entrepreneurial – pour se tourner vers une toute autre frange du spectre politique et social : celui des activistes de gauche qui militent et agissent autour du sujet des immigrés clandestins.
Comme à son habitude, il peint sur des années une forme de fresque, s’amusant à sauter d’une génération à l’autre. Sa maîtrise formelle est totale, plusieurs séquences sont remarquables. Et même si ses films peuvent être empreints d’humour (pas toujours mais cela est parfois très présents), ici la dose est largement augmentée : des personnages entiers sont à la limite du cartoon (notamment le colonel Lockjaw, joué par Sean Penn mais aussi le Sensei Carlos campé avec bonhommie par Benicio del Toro) et des séquences entières sont volontiers (et volontairement) caricaturales (celle avec les suprémacistes Blancs notamment). Anderson parvient même à réinventer avec humour la course-poursuite en voiture, séquence pourtant filmée mille fois mais savamment filmée ici.
On regrette la fin très convenue et presque lénifiante (la lettre lue avec émotion et, ensuite, Willa, confortée, qui repart au combat avec l’aval de son père).
Le film renvoie bien sûr à Running on empty, qui, lui aussi, explorait les conséquences des actes passés quinze ans plus tard. Une bataille après l’autre y renvoie nettement avec la traque qui ne s’arrête jamais et le rapport générationnel qui sont au cœur des deux films.
Enfin Leonardo Di Caprio montre à nouveau son grand talent. La star se fait rare en tournant assez peu mais, film après film, elle se construit une filmographie d’une qualité exceptionnelle, sans guère de fausses notes.


samedi 18 octobre 2025

Fanfare d'amour (R. Pottier, 1935)





Si cette amusante comédie a un peu vieilli, elle est néanmoins fondamentale pour tout cinéphile : elle n’est rien moins que le film qui a inspiré Certains l’aiment chaud qui en est un remake certes virtuose et très au-dessus de l’original, mais un remake quand même. C'est  d'ailleurs un élément regrettable pour le film de Richard Pottier : il est bien difficile de le regarder avec un oeil neuf en oubliant le film de Billy Wilder.
Ce film matrice, donc, s’il n’est pas exempt de défauts, est passionnant à regarder : il démarre doucement mais il propose ensuite une belle envolée à coup de déguisements, de jeux et de quiproquos amoureux très vaudevillesques.
Il est bien sûr captivant de regarder ce que le film de Wilder conserve et enlève à partir de ce matériau. Au-delà des ajustements scénaristiques (en particulier l’apparition, dans le remake, du danger de la pègre qui motive le travestissement d’urgence et que l’on retrouve en fin de film) et si Billy Wilder conserve bien entendu le travestissement au cœur du jeu comique, le film de Richard Pottier s’amuse à transformer sans cesse Jean et Pierre, qui apparaissent tantôt déguisés en femmes et tantôt en séducteurs se disputant la même femme. Plus le film avance et plus ils mettent et enlèvent leurs déguisements. Ce jeu très drôle sera simplifié chez Wilder puisque l’on sait que seul Tony Curtis cherchera à séduire Marilyn Monroe (prenant au passage la voix de Cary Grant) quand Jack Lemmon, lui, conserve perruque et voix féminine de bout en bout (sauf pour la réplique finale !). On imagine les hésitations qui ont dû tourner en boucle dans la tête de Diamond et Wilder – les scénaristes de Certains l’aiment chaud – avant de décider d’abandonner ce jeu comique propice à de nombreuses situations très drôles. Ils ont alors imaginé un autre jeu très drôle lui aussi : pendant que Tony Curtis draguait Marilyn, Jack Lemmon était dragué de son côté par un vieillard millionnaire (donnant ainsi une importance beaucoup plus grande à un gag qui existait déjà mais en mode mineur).
Ce n’est pas la première fois qu’un remake ose ainsi enlever une pièce clef d’un film pour prendre la même idée par un autre bout (1) et l’on admire cette prise de risque (il était facile pour Wilder de s’en tenir au triangle amoureux doublé d’un travestissement) qui, finalement, démultiplie encore l’efficacité du scénario d’origine.
Reste la toute fin : un peu rapide et survolée chez Pottier, parfaite et légendaire chez Wilder.




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(1) : On pense à La Mouche qui fait des modifications considérables par rapport à La Mouche noire : refusant une transformation radicale qui offrait une sidération et une chute marquante, Cronenberg opte pour un changement progressif de son personnage, changement qui devient peu à peu le sujet du film.


mardi 14 octobre 2025

The Lobster (Y. Lánthimos, 2015)

 



Film d’anticipation qui, par son traitement distant et clinique, propose un regard terrifiant sur le monde de demain. Mais il est bien difficile d’être pris par cette organisation sociale qui semble bien peu crédible et par cette atmosphère qui ne captive guère.
Pourtant le film  de Yórgos Lánthimos traite d’idées intéressantes (les individus mis dans des cases précises, les faux-semblants de la société, l’injonction au bonheur, les recettes du bonheur conjugal) et, en cela, il est intelligent et met le doigt sur les jeux de tyrannie sociale, sur le conformisme ou sur la difficulté à être soi-même au sein d’un groupe. Autant de questions tout à fait passionnantes mais qui ne rendent pas le film lui-même passionnant.
Que ce soit dans les séquences de l’hôtel ou ensuite dans les bois, les avatars des personnages passionnent peu, malgré un ton qui oscille entre l’absurde, teinté d’humour noir, et le dramatique. Et ce n’est pas la fin ouverte (intelligente, là encore) qui sauve le film.


samedi 11 octobre 2025

L'Accident de piano (Q. Dupieux, 2025)

 



Amusant film de Quentin Dupieux qui propose à nouveau un film empli d’humour noir et reposant sur des personnages décalés. Après ses dernières facéties narratives (Le Deuxième acte notamment), Dupieux propose une narration simple et presque linéaire (à l’exception de quelques flash-backs amusants) et il parvient à réellement finir son film (ce qui n’est pas si fréquent : ici il emmène son histoire jusqu’au bout).
On se délecte du personnage immature et crétin (très bien joué par Adèle Exarchopoulos qui ne ménage pas son image) qui est au cœur du film et de cette histoire acadabrantesque qui rappelle les cascades et les défis idiots de Jackass des années 2000. Comme il se doit, avec drôlerie, Dupieux pousse le curseur plus loin avec son personnage jusqu’au-boutiste.
On notera la présence de Jérôme Commandeur dans un second rôle : sa présence rappelle la place singulière de Dupieux dans la comédie française : ses films n’ont rien à voir avec ceux habituellement fréquentés par l’acteur. Cette présence presque incongrue renvoie à cette différence : ses acteurs ne sont pas les mêmes, ses films n’ont rien à voir.
On peut aussi voir une mise en abyme amusante dans la réponse de Magalie à la journaliste : ce qu’elle fait n’a ni queue ni tête bien entendu, ce qui pourrait être une réponse de Dupieux à une question similaire. La somme de ses films ne semble pas dessiner un portrait particulier ou prendre une direction véritable. Il explore simplement les méandres peu fréquentés de l’absurde auquel il ajoute, selon les films, avec une imagination débordante, des touches d’humour noir, de glauque, de franc délire ou de burlesque.


mercredi 8 octobre 2025

Maniac (F. Khalfoun, 2012)

 



Film outrancier et sans âme, où vient se perdre Elijah Wood (qui vient prêter son visage angélique au maniaque du titre). Ce n'est pas la large utilisation d'une caméra subjective qui parvien tà donner une tension ou une intention quelconque.
Ce film n’est qu’un énième exemple où les images outrancières cherchent à capter un certain public supposant que cela suffira pour le satisfaire. Mais un cinéma qui ne respecte pas son public – quel qu’il soit – ne va jamais bien loin. Ici Maniac ne va à peu près nulle part.


lundi 6 octobre 2025

Le Témoin (Il testimone de P. Germi, 1946)

 



Si Pietro Germi, dès ce premier film, s’appuie sur un fort accent néoréaliste (le regard sur l’Italie de l’après-guerre ne cache pas la pauvreté, les difficultés, les arrangements), ce n’est qu’un arrière-plan pour ce qui constitue en réalité le cœur du film : le parcours de Pietro, filmé d’abord comme un condamné qu’une combine de son avocat va tirer d’affaire et filmé ensuite, en fin de film, comme suivant un chemin de rédemption, avec une humeur chrétienne très forte.
Alors que Pietro était tout à fait tiré d’affaire et que, même, le vieil homme qui tenait la preuve de sa culpabilité en était venu à mourir, le voilà assailli par la culpabilité. Alors qu’il avait relancé sa vie en tournant la page loin de toute criminalité, la rencontre avec ce témoin n'avait pas fait naître la peur du châtiment – châtiment qu’il avait entrevu terriblement plus tôt dans le film –, mais bien la culpabilité. Alors qu’il est tout à fait blanchi, le voilà incapable de faire un pas de plus en avant, malgré la sincérité de ses sentiments pour Linda.
Cette dimension supplémentaire donnée à Pietro illustre combien Germi saura, tout au long de ses films – et en particulier dans ses drames – scruter au plus près ses personnages, chercher à les comprendre sans jamais les réduire pour rester proche d’eux.


samedi 4 octobre 2025

Léo le dernier (Leo the Last de J. Boorman, 1970)

 



Étonnant et remarquable film de John Boorman, qui tranche avec beaucoup de ses autres films (dans une filmographie, cela dit, qui ne manque pas de variations en tous genres). C’est qu’ici le film est centré sur un personnage et ne le lâche pas, épousant même bien souvent son regard pour voir le monde autour.
Mais davantage que le sujet (un riche héritier s’intéresse aux déshérités de son quartier) c’est le traitement cinématographique par Boorman qui est captivant. La photo est incroyable, dans des tons sombres et sépias, tandis que la caméra et le montage captent parfaitement tantôt le désarroi et tantôt la frénésie.
Il y a bien quelques éléments datés (un peu psychédéliques), quelques séquences un peu en rupture et une dénonciation un peu facile (avec le portrait de la misère des rues de Londres qui s'oppose à la décrépitude physique et morale des grands bourgeois décadents) même si cette dénonciation ne se méprend pas (la naïveté de Léo qui veut faire sa révolution). Mais Léo regarde les oiseaux (pour détourner son regard des vautours qui l’entourent ?), voit le monde à travers sa petite longue-vue, délire, s'emporte, tremble et le film avec lui.

 

jeudi 2 octobre 2025

Le Miroir à deux faces (A. Cayatte, 1958)

 



Intéressant drame d’André Cayatte, qui joue très bien avec deux acteurs qu’il utilise, de façon étonnante, complètement à contre-emploi.
En effet le film s’appuie sur Bourvil qui campe un mari d’abord mesquin puis de plus en plus insupportable. Il est vrai que l’acteur sortait des Misérables où il tenait le rôle de Thénardier, néanmoins cela reste, pour Bourvil, un rôle loin des benêts naïfs et comiques qui constitueront une part importante de sa filmographie et qui feront son immense renommée. Rien de tout cela ici, dans ce rôle où il commence avec de la bassesse et des mensonges pour finir en étant tout à fait détestable.
Face à lui, Michèle Morgan est enlaidie une large partie du film et le scénario joue beaucoup de cette absence de beauté. 
Le film reprend un peu l’idée, en moins extrême, des Passagers de la nuit où Bogart reste le visage couvert de bandages la moitié du film. Ici on voit l’actrice, mais elle est méconnaissable. Ce n’est qu’en fin de film que Michèle Morgan retrouve son beau visage. Une grande partie du film tourne autour de cette transformation chirurgicale du personnage et de la réaction – emplie d’abord d’amertume et ensuite tout à fait haineuse – du mari (qui se voit pourtant avec une femme beaucoup plus jolie au bras).
Cette utilisation des acteurs est une véritable curiosité et il faut dire qu’avec des acteurs inconnus le film n’aurait pas, aujourd’hui, le même impact.


lundi 29 septembre 2025

La Lune dans le caniveau (J.- J. Beineix, 1983)

 



Film qui se veut décalé, surchargé de symboles et avec une volonté permanente (et pesante) de poésie de la part du réalisateur qui développe, dans chaque plan du film, un style lourdement maniériste. Et le film, alors, arnaché de tous ces artifices, tourne complètement à vide et sonne faux.
Dans ces décors très théâtraux où tout n’est que symbole, Jean-Jacques Beineix se perd : comme si seule la forme comptait, comme s’il voulait personnifier les émotions, tout est peint avec un pinceau trop large et dégoulinant de peinture. Entièrement esthétisant mais ne dégageant, paradoxalement, aucune émotion, le film reste froid et impersonnel.
On mesure d’autant plus l’échec à émouvoir que c’est là que se situe la réussite de son film suivant, le pulsionnel 37°2 le matin, qui, lui, tout au contraire, faisait vibrer à travers l’écran une émotion de tous les instants.

 

samedi 27 septembre 2025

Mes petites amoureuses (J. Eustache, 1974)

 



Centré sur un personnage de jeune adolescent déraciné tout à coup (Daniel est envoyé vivre avec sa mère à Narbonne qu’il ne connaît pas et doit bientôt arrêter le collège pour commencer un apprentissage), Jean Eustache construit un récit faussement classique et en réalité empli de dissonances. Le film, à l’importante dimension autobiographique, suit alors une forme de récit initiatique autour de la vie amoureuse, comme l’indique le titre, mais pas seulement (on trouve aussi le rapport à sa nouvelle ville, à sa mère, à la vie adulte avec l’apprentissage).
Dans sa construction, le film propose non pas de nombreuses ellipses mais bien de véritables manques : certaines séquences sont interrompues avant leur fin, sans que le spectateur puisse conclure. Et d’autres séquences surviennent alors que l’on ressent qu’il manque une scène avant, qui aurait été une scène à faire mais par-dessus laquelle le film passe (par exemple on découvre que son jeune personnage, qui ne fumait pas, a désormais l’habitude de fumer, sans que l’on ait vu la scène attendue où il commence à fumer). Le film, en ce sens, évoque (des situations, des moments de vie), il laisse aussi le spectateur insatisfait.
Dès lors, bien plus qu’à la Nouvelle Vague, c’est à Bresson que Eustache se rattache. C’est que le film procède de la même distanciation vis-à-vis de l’émotion : la manière de raconter est volontairement très déceptive (c’est-à-dire qu’elle se veut sans émotion), avec des phrasés atones, l’absence d’effets cinématographiques qui insisteraient sur l’émotion (des gros plans, de la musique, etc.) et, bien sûr, une direction d’acteurs et une voix off qui renvoient à Bresson. La voix off d’ailleurs, plus travaillée qu’il ne semble, puisqu’elle est celle de l’enfant qui comment le film (et non pas celle de l’adulte « qui se souvient »). Et cette voix off est étonnamment présente dans des moments anodins et absente dans des moments clefs.
Mais le film s’écarte de la veine bressonienne en ce qu’il est empli de lumière, avec des adultes qui y sont comme éteints : la vie est bien du côté des adolescents.
On notera l’intervention du personnage joué par Maurice Pialat (1) qui visite le garage où Daniel est apprenti : Pialat vient contredire complètement son rôle d’instituteur dans La Maison des bois. Ici, en parlant à Daniel, il attaque l’école qui ne parviendra jamais, dit-il, à l’extraire de sa condition.



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(1) : La présence de Maurice Pialat dans le film est un indice, en soi, que Eustache ne se rattache pas à la Nouvelle Vague (que Pialat détestait).


jeudi 25 septembre 2025

Hi Mom! (B. De Palma, 1970)

 



Ce film de jeunesse de De Palma fait partie de ces films où le jeune réalisateur, encore brouillon mais plein d’énergie, promène sa caméra de façon encore désordonnée mais très libre.
La passion de De Palma pour Hitchcock se dévoile ici et même si dans Meurtre à la mode, sa cinéphilie s’exprimait déjà clairement, ici il s’appuie sur un film précis – Fenêtre sur cour – et cherche à en développer le thème. Il garde donc le principe du voyeur mais change quelque peu la situation (notamment par l’intentionnalité du personnage qui scrute ses voisins d’en face, les filme et cherche même à modifier leur vie pour capter quelque chose de croustillant à montrer ensuite).
Le film bénéficie de l’abattage de Robert De Niro dont le charisme joue déjà à plein. Six ans avant la révélation de Taxi Driver, l’acteur a déjà cette aisance, cette façon d’emplir l’écran et de magnétiser.



samedi 20 septembre 2025

Au plus près du paradis (T. Marshall, 2002)

 



Film assez décevant de Tonie Marshall, qui s’appuie sur une Catherine Deneuve qui est de tous les plans pour suivre les hésitations de Fanette, qui passe d’une préoccupation à l’autre, file de Paris à New-York, fait des rencontres, évite des hommes du passé et en cherche d’autres. Le cœur du personnage – et du film – est sa cinéphilie : elle voit et revoit sans cesse Elle et Lui – écrasante référence dont ne semble que faire, finalement, la réalisatrice – et Fanette, comme Terry et Nickie, rêve d’un rendez-vous avec l’homme qu’elle aime en haut de l’Empire State Building.
Le film est un peu décalé et étrange, avec le rythme décousu imposé par son personnage incertain. Mais il se perd en chemin et l’on s’ennuie peu à peu devant ces personnages qui vont et viennent, ces allers-retours, ces rêves qui ne mènent pas bien loin. Les citations éblouissantes (la réalisatrice montrant rien moins que la dernière séquence du film de McCarey) finissent, par contraste, à effacer tout à fait le film lui-même. On pourrait se dire que Au plus près du paradis donne envie de revoir Elle et Lui pour s’émouvoir et pleurer encore. Mais, en réalité, il n’est pas besoin du film de Tonie Marshall : Deborah Kerr et Cary Grant ne nous quittent jamais tout à fait…


mercredi 17 septembre 2025

Touche pas à la femme blanche ! (Non toccare la donna bianca de M. Ferreri, 1974)

 



Dans cette parodie de western qui se passe en plein Paris, Marco Ferreri, fidèle à ses habitudes de provoquer et de secouer le spectateur, propose un film étrange et inclassable, revisitant (de très loin) la bataille de Little Big Horn. Mais, sans sourciller, il fait déambuler ses tuniques bleues en plein Paris, pendant que les Indiens traversent le chantier des Halles (le futur Forum étant alors en construction).
Ferreri mélange les lieux et les époques, joue d’incongruités et d’anachronismes, ridiculise ses personnages, rajoute des touches morbides ou grotesques et, surtout, il passe du coq à l’âne sans cesse, interrompant son histoire, la reprenant, s’amusant de détails, allant de touches d’humour bien vu ou incongrues (le personnage qui chante des airs de country, les soldats qui se mettent au garde à vous au bistrot avant de se rasseoir devant leurs verres, le canon qui détruit des bâtiments) à des slapsticks lourdingues (les tomates lancées sur l’éclaireur). Le film a beau assumer ce grand n’importe quoi – avec notamment des personnages de bouffons et de fous –, cela ne mène pas bien loin pour autant et l’ensemble tourne à vide. Ce malgré une distribution étonnante mêlant notamment Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve, Philippe Noiret, Ugo Tognazzi ou Serge Reggiani. Et l’on donnera une mention spéciale à Michel Piccoli en Buffalo Bill et à Darry Cowl en empailleur d’Indiens.


samedi 13 septembre 2025

Larmes de clown (He Who Gets Slapped de V. Sjöström, 1924)

 



Grand film de Victor Sjöström où le monde est montré comme un gigantesque cirque impitoyable. Le héros trop vertueux est balayé par la cupidité et la trahison et il laisse bientôt sa place au clown sur lequel s’abattent les claques.
Et dans ce cirque impitoyable, plus les malheurs s’abattront, et plus le clown prendra de claques et plus il rira fort. Ce masque de clown qui fige le sourire là où il faudrait pleurer est porté, comme une évidence, par l’immense Lon Chaney, auquel le film doit beaucoup. Il annonce ses grands rôles – en particulier chez Tod Browning – avec cette expressivité magnifique, ces regards si perdus et si tristes d’où surgit, tout à coup, la folie. Folie inévitable qui vient, comme un exutoire, tout rattraper.
En montrant en plein cadre ce clown être humilié pour le divertissement des spectateurs, Victor Sjöström, sans sourciller et avec maestria, à grands coups de plans serrés et avec son montage au rythme parfait, tend un miroir sévère et sans concession vers les spectateurs.
On retrouvera évidemment des accents du film chez Browning (dans L’Inconnu ou, bien sûr, dans Freaks) avec cette ambiance foraine et cette horreur finale (où le père et le baron  sont dévorés par un lion).
On notera qu’il s’agit du premier film produit par la MGM, futur major et maillon essentiel de l’usine à rêves hollywoodienne depuis lors (à se demander d’ailleurs, comme un symbole, si ce n’est pas le lion de la MGM qui dévore les vilains du film et rétablit la morale) et l’on y croise, en plus de Lon Chaney, John Gilbert et surtout Norma Shearer, futures stars de la major.

 

jeudi 11 septembre 2025

Miroirs N°3 (C. Petzold, 2025)





Ce drame de Christian Petzold n’est guère convaincant : la première partie du film est très décevante (les personnages et les situations sont étonnamment caricaturales et sans âme) et, après l’accident qui lance le film, on comprend très vite le jeu trouble qui se noue entre Betty et Laura.
Le film, alors, qui se veut tout en ellipses et en non-dits, est cousu de fil blanc et rien ne se passe plus guère, ni à l’écran, ni entre les lignes, ni dans le cœur des personnages. L’arrivée du mari et du frère permettent de souffler un peu (les deux acteurs sont nettement plus convaincants) mais cela n’épaissit guère le récit (au moment de la révélation de la réalité de la situation par le frère à Laura, il y a bien longtemps que l’on a compris). Et si, formellement, le film se veut épuré, sa lenteur manque de poésie et l’ensemble reste très plat, sans ampleur ni humeur particulière.



mardi 9 septembre 2025

Gangsters (O. Marchal, 2002)

 


Dès ce premier long-métrage, Olivier Marchal cherche à plonger au sein de l’univers des policiers, entrant dans les bureaux et les quartiers généraux plutôt que de rester dans les rues, les banques ou les appartements des mafrats, comme le veut souvent le genre. Là il fouille les passes d’armes entre indics et inspecteurs fatigués, guettant les corruptions et les magouilles, les petits arrangements et les grandes traîtrises.
Si le film souffre d’un scénario assez simple et d’une réalisation basique, il bénéficie en revanche du charisme de Richard Anconina (dont le personnage reste longtemps impénétrable) et l’ensemble, avec son cortège de flics usés ou blasés, est assez efficace.

 

lundi 8 septembre 2025

Blue Jasmin (W. Allen, 2013)

 



Intéressant film de Woody Allen qui s’écarte un peu de son univers habituel pour peindre un personnage sorti, justement, du monde allenien classique (la bourgeoisie new-yorkaise) pour filer dans la bohème plus pauvre de San Francisco. Ce personnage issu du monde de Woody Allen est ainsi confronté à des prolétaires peints sans grande finesse (la sœur, ses amants) qui la mettent sans cesse à porte à faux.
La grande bourgeoisie, alors, apparaît comme décadente et emplie de valeurs négatives (la superficialité, la condescendance, le mensonge, les faux-semblants, l’escroquerie la plus vile même, concernant Hal, sorte de Madoff), valeurs négatives absentes le plus souvent chez Allen (il faut dire que, bien souvent, là n’est pas le sujet) mais qu'il entremêle ici savamment. Jasmine alors, partie de plus haut, cherche à endiguer la descente, est mythomane pour se sauver, se raconter des histoires, ne pas perdre la face devant sa sœur, y croire encore et chercher à se reconstruire.
Cate Blanchette est remarquable en bourgeoise brisée. Il y a du Gena Rowlands (celle filmée par Cassavetes dans Une femme sous influence notamment) dans son interprétation de femme fissurée mais pas totalement brisée, qui s’accroche et se délite en même temps.

 

vendredi 5 septembre 2025

L'Invité du mardi (J. Deval, 1950)

 



Drame assez convenu articulé autour d’un scénario classique avec le coup monté par la femme et l’amant à l’encontre du mari. Mais, malgré quelques bonnes séquences (notamment celle, clef, du moment où le mari trompé comprend tout) la sauce ne prend guère : l’ensemble est cousu de fil blanc et le rythme n’est guère trépidant.
Bernard Blier est assez peu à l’aise en mari banal, pantouflard et sans passion, mais il retrouve toute sa facilité habituelle en deuxième partie de film, après cette fameuse séquence où il comprend tout et où l’intrigue, pour un moment, se noue.