lundi 18 novembre 2024

Le Chemin de l'espérance (Il cammino della speranza de P. Germi, 1950)

 



Si ce film des débuts de Pietro Germi a une réelle ambiance et s’il exprime parfaitement la détresse des Siciliens, il n’a sans doute pas la force du Disque rouge ni, bien sûr, la richesse corrosive de ses comédies ultérieures.
Mais le propos est plus franc et direct : il met en avant ce combat interne et propre à l’Italie avec la Sicile, pauvre parmi les provinces pauvres, qui cherche, tant bien que mal, à s’en sortir. Par cette façon de montrer la misère telle qu’elle est, le film renvoie au néoréalisme, mais sans s’y rattacher vraiment, du fait du romanesque de l’histoire, avec ses nombreuses péripéties et sans la même façon de filmer simplement les douleurs du monde.



mercredi 13 novembre 2024

Borg/McEnroe (J. M. Pedersen, 2017)

 



Film original puisque la rivalité entre deux sportifs est rarement filmée en cherchant à mettre l’affrontement sportif au cœur du film. Cela dit le propos est contradictoire puisqu’en cherchant son climax dans ce fameux match à Wimbledon, il cherche à nous parler de Borg (plus que de McEnroe) en nous montrant tout ce qui pouvait bouillonner derrière le crâne et l’impassibilité apparente du champion. Le scénario semble alors hésiter entre l’histoire d’un affrontement (le temps d’un match) et l’intérieur du crâne du champion suédois.

Mais le film – et c’est là une limite cinématographique du projet – occulte presque l’essentiel de ce qui opposait les deux hommes : ce n'était pas tant dans leurs caractères qu’ils s’opposaient, mais bien plus dans leurs jeux, l’un et l’autre étant le parangon des deux manières de jouer au tennis, et c’est bien là – sportivement mais pas du tout cinématographiquement – que se situe tout le sel de leur affrontement.
Cela dit un match de tennis aurait pu être un terrain de jeu cinématographique intéressant puisque c’est l’un des sports les plus travaillés par l’image : au plan resté fixe pendant de longues années avec le cours montré en plein cadre, ont succédé, de plus en plus, au fur et à mesure des avancées techniques, des montages combinant une multitude de caméras qui viennent insérer des gros plans, des travellings aériens, des contre-champs, des ralentis sous des angles divers, toute une grammaire cinématographique, en somme, qui cherche à rendre encore plus palpitant le match, l’objectif étant d’augmenter l’attrait du tennis pour garder captif devant l’écran, tant que faire ce peut, un spectateur pas forcément passionné. 
C’est d’ailleurs ce que fait – un peu – Janus Metz Pederson en filmant de façon moderne ce match, qui à l’époque, ne disposait pas des moyens techniques actuels. Il rajoute donc des inserts et autres ralentis qui n’existaient pas lors de la diffusion du match en 1980.
Mais le réalisateur reste très bridé par le déroulement réel du match (les points joués ont existé, de même que le scénario, écrit à l’avance et que le spectateur connaît), de sorte que ces petites touches rajoutées ne disent pas grand-chose. L’idée de se centrer sur ce match sommet montre alors ses limites (1).

Et le film touche aussi à un autre point problématique du genre : une reconstitution, avec des acteurs qui imitent (même très bien) les personnages, laisse forcément le spectateur sur sa faim. En effet, pour qui est passionné par cet affrontement, on ne saurait mieux faire que de retourner voir le match qui oppose les deux duettistes. Ce reproche est d’ailleurs général et concerne beaucoup de biopics centrés sur un évènement : dans
Bohemian Rhapsody, reconstituer le concert à Wembley n’a guère d’intérêt cinématographique. De même voir Coluche rejouer ses fameux sketchs dans Coluche, L’Histoire d’un mec. On mesure la différence avec un film comme Raging Bull où, lors des combats, l’intérêt n’est pas – loin s’en faut – dans le mimétisme avec les combats de boxe historiques de Jake LaMotta, mais dans ce que dit Scorsese de son personnage à travers ses combats. La liberté cinématographique du réalisateur est alors totale et sa manière de faire devient sa manière de dire. Tout le contraire d’une reconstitution appliquée qui, par définition, n’a plus grand-chose à voir avec une création cinématographique.



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(1) : Les limites du scénario sont d'autant plus flagrantes que l’affrontement entre ces deux champions ne peut se résumer à ce match qui, s’il est bien le plus spectaculaire et indécis, n’est pas le plus décisif et ne résume pas du tout cette opposition, bien au contraire. En le battant l’année d’après successivement à Wimbledon et à l’US Open, McEnroe fera bien plus que gagner deux matchs : il stoppera net la carrière de Borg qui arrêtera ensuite purement et simplement sa carrière.


samedi 9 novembre 2024

Laissez-passer (B. Tavernier, 2002)

 



Intéressant film choral de Bertrand Tavernier, même si l’on peut être dérouté dans un premier temps, avec cette multiplicité des personnages qui donne une impression de désordre un peu difficile à suivre. Mais le film, peu à peu, se met en place et l’aspect choral du film, avec de multiples histoires qui sont suivies et qui se croisent, prend une belle ampleur et illustre parfaitement les déboires des tournages sous l’Occupation, autour de nombreux personnages importants de la période (réalisateurs, scénaristes, etc.). Dans cet hommage magnifique au cinéma – avec ses héros et ses traîtres, ses courageux et ses lâches – Tavernier exprime tout son amour pour le cinéma.
Vu le nombre de personnages la distribution est riche mais de qualité variable (Jacques Gamblin est impeccable quand Denis Podalydes, lui, en fait toujours des tonnes).


mercredi 6 novembre 2024

Quelque part dans la nuit (Somewhere in the Night de J. L. Mankiewicz, 1946)

 



Intéressant film où Joseph L. Mankiewicz joue parfaitement de deux originalités de scénario qui, mises bout à bout, construisent une trame très aboutie.
George Taylor, amnésique à son retour de la guerre, cherche son identité et, pour cela, il suit les indices qui doivent le mener à Larry Cravat, dont on comprend qu’il est le méchant de l’histoire. La découverte progressive de la véritable identité de ce Larry Cravat amène à un coup de théâtre quand on comprend que George Taylor n’est autre que ce Larry. Hollywood joue ainsi avec ses propres codes puisque le bon était en réalité le méchant. Bien sûr une amnésie vient sauver la morale (en réalité il était méchant mais il est devenu bon) mais ce retournement reste un très bon fil conducteur. D’autant plus que le scénario dispose d’un deuxième double fond : le personnage que l’on recherche est aussi celui qui le cherche. Autrement dit On retrouve là aussi une idée rare. On a bien, dans Assurance sur la mort, Police Python 357 ou dans La Grande horloge, des personnages qui savent qu’ils sont la cible de leur enquête mais ici George ignore longtemps l’identité de celui qu’il recherche. Mankiewicz enserre alors son personnage dans une intrigue en forme d’entonnoir de plus en plus étroit dont il ne s’extirpera que de justesse.


samedi 2 novembre 2024

La Marche sur Rome (La marcia su Roma de D. Risi, 1962)

 



Très intéressant film de Dino Risi qui utilise avec intelligence un scénario très bien vu pour planter sa caméra droit dans les yeux des Italiens et leur parler du lourd passé de la montée du fascisme. On admire l’habileté de Risi à traiter ce sujet difficile sans manichéisme ni facilité.
Le film bénéficie des grandes compositions de Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi qui campent deux personnages pauvres, lâches et volontiers pitoyables qui se trouvent pris dans l’engrenage des chemises noires, engrenage dont ils auront bien du mal à s’extirper. Mais leur zèle empli d’obséquiosité aura fait des dégâts.
Cet angle de vue est très porteur : il montre à la fois combien le fascisme a su attirer à lui les Italiens, combien il fut tentant et, aussi, combien les Italiens y virent des promesses qui les tentèrent. Mais il montre en même temps les Italiens simplets qui ne résistent guère et se posent peu de questions. Même si Umberto, le plus benêt pourtant des deux compères, reste lucide et liste, au fur et à mesure, les promesses non tenues des fascistes, tandis que Domenico, qui refuse de voir les choses en face, reste sourd et aveugle très longtemps. L’image finale, très intelligente, montre l’ampleur de la tragédie qui se joue.

 

mercredi 30 octobre 2024

Le Bagarreur (Hard Times de W. Hill, 1975)

 



Si Le Bagarreur est un film typique des années 70, c’est au travers de l’époque qu’il met en scène (les années 30) et les personnages qui l’animent, qui sont pauvres, magouilleurs, sans le sou, vivant dans les bas-fonds et cherchant à gagner quelques dollars à force de bonnes combines ou de paris de boxe. Mais ce n’est guère par la mise en scène de Walter Hill (dans sa première réalisation), très conventionnelle et peu prenante.
Charles Bronson et James Coburn font un bon duo de personnages, l’un taiseux et énigmatique, l’autre hâbleur et magouilleur.
Mais le film reste trop distant de ses personnages et ceux-ci restent trop lisses pour que l’on s’y accroche réellement et qu’ils restent en mémoire.



samedi 26 octobre 2024

Il boom (V. De Sica, 1963)

 



Vittorio De Sica, célébré pour ses films néoréalistes, a ensuite suivi le mouvement des comédies italiennes. Il boom est sans doute sa meilleure réussite, en portant un regard corrosif et très sévère sur l’Italien moyen qui, au milieu des glorieuses années 60 italiennes, veut devenir, en un claquement de doigt, l’égal des grands bourgeois et est prêt à tout pour y parvenir. De Sica construit parfaitement son personnage : Giovanni a de l’ambition mais il n’est pas capable, il aimerait en être mais il n’en est pas. La fin, très réussie, est particulièrement dure.
Dans cette farce cynique, l’abattage d’Alberto Sordi est extraordinaire et il rend crédible ce personnage de Giovanni par la richesse de son jeu où se mélangent à la fois le hâbleur et le lâche, le désespéré et le fier, le timide et l’hypocrite. Très peu d’acteurs sont à ce point capable de nuances et d’intonations différentes, ici pour montrer tout ce qui bouillonne et se contredit dans le crâne de l’infortuné Giovanni.


jeudi 24 octobre 2024

Twisters (L. I. Chung, 2024)

 



Reprenant l’idée principal du Twister des années 90, ce film catastrophe très américain ne va pas beaucoup plus loin. Il fait déferler sur l’écran des tornades toujours plus grosses et ravageuses et il met en scène une fine équipe avec une citadine et un cow-boy qui s’opposent d’abord pour finalement – coup de théâtre inattendu – tomber dans les bras l’un de l’autre. Le petit couplet sur les chasseurs de tornades qui sauvent les braves gens touchés de plein fouet est assez pénible et, si quelques séquences sont spectaculaires – effets numériques oblige –, l’absence totale de suspense rend le film bien peu palpitant.

 

mardi 22 octobre 2024

Une poignée de plomb (Death of a Gunfighter de Don Siegel, 1969)

 



Intéressant western qui s’appuie sur un personnage principal peu héroïque et mal aimé : le film raconte sa résistance face à ceux qui veulent le voir quitter la ville.
Autrefois nettoyeur de ville efficace, le shérif Frank Patch est maintenant devenu indésirable : trop violent, s’attirant des haines, il ancre par trop la petite ville dans son passé. La bonne société veut tourner la page mais elle reste empêtrée dans les promesses qu’elle a pu faire à ce personnage qui lui a jadis sauvé la mise. Le titre original dit d'ailleurs très bien ce qui se joue.
Le film montre cette transition difficile entre la loi des colts, où la force était reine, et ce règne de la loi et du choix des citoyens. On retrouve alors, en plus simple et moins abouti, des réflexions qui étaient au cœur de L’Homme qui tua Liberty Valance. Et, sans avoir la maestria de Ford, Don Siegel trouve un bon angle de vue et reste très intéressant. Une poignée de plomb doit aussi beaucoup à Richard Widmark, dont le jeu complexe convient très bien à ce personnage dont le temps est passé mais qui refuse de l’entendre.

 

jeudi 17 octobre 2024

Les Larmes du soleil (Tears of the Sun de A. Fuqua, 2003)

 



Film de guerre sans intérêt où l’ami Bruce Willis, à la tête d’un commando, doit retrouver et exfiltrer un docteur (campé par Monica Bellucci : il faut sacrément croire en la médecine pour la voir crédible en chirurgien perdue dans la forêt nigériane).
Le film se résume à des coups de force qui sont l’occasion de montrer toutes les horreurs des guerres africaines, avec des milices impitoyables qui font des razzias sur les villages. On préfère oublier le discours lourd et rabâché (il est vrai que la guerre est atroce mais quel besoin de le montrer une énième fois, avec force gros plans sur des horreurs ?), à moins qu’il soit préférable d’oublier le film lui-même, insipide.

mardi 15 octobre 2024

Mort un dimanche de pluie (J. Santoni, 1986)

 



Intéressant et rare thriller horrifique français où un couple bourgeois est harcelé par une famille en caravane. Mort un dimanche de pluie, démarrant sur des bases inquiétantes (cette ombre qui déchire le plastique faisant office de fenêtre et à travers lequel la tempête rugit), ira au bout de son idée pour finir dans l’horreur. C’est d’ailleurs une des grandes réussites de Joël Santoni que de faire débuter son film sur des séquences qui mettent mal à l’aise avant, progressivement, de l’emmener vers le sordide (la petite fille attachée nue sur les cabinets) puis dans l’horreur avec des éclaboussures de sang éparpillées sur les murs. Et le film exploite très bien l’ambiance de pluie et de boue grasse qui entoure cette maison d’architecte, contemporaine et froide, qui va bientôt devenir un écrin glauque.
On regrette les séquences dans le studio en Suisse, dont la musique et le ton viennent interrompre maladroitement la tension qui monte et qui se referme sur le couple dépassé qui ne comprend que tardivement ce qui se joue.
Le film pâtit aussi de la très médiocre interprétation de Nicole Garcia et de Jean-Pierre Bacri qui ne jouent pas juste. C’est bien dommage, puisque, en face, le couple de psychopathes (Jean-Pierre Bisson et Dominique Lavanant) est très bien tenu. Jean-Pierre Bisson, notamment, est faussement affable et visqueux à souhait.
On notera l’image finale risible (la mère emmenant avec elle non seulement sa fille retrouvée mais aussi la petite Brinsky) qui entache quelque peu le très bon jusqu’au-boutisme du film.

 

mercredi 9 octobre 2024

Opération finale (C. Weitz, 2018)

 



Film historique très quelconque et qui manque de saveur pour passionner. Le sujet est pourtant en soi porteur (l’histoire du commando envoyé pour enlever Eichmann et le ramener en Israël) mais le film, qui se veut une reconstitution minutieuse et appliquée, déroule avec une platitude mécanique ces différents évènements. Ce n’est pas la faute des acteurs mais plutôt de la réalisation sans relief et d’un rythme perdu en cours de route (après l’enlèvement, les dix jours de latence sont mal intégrés dans la trame). L’ensemble, beaucoup trop fade, est vite oublié.


lundi 7 octobre 2024

Les Racines du monde (Die Adern der Welt de B. Davaa, 2021)




Si Les Racines du monde nous emmène en Mongolie, passé l’exotisme de la situation (la vie dans les yourtes, les trajets pour aller à l’école, les mineurs qui exploitent de pauvres trous creusés dans le sol), le sujet apparaît assez pauvre et, surtout, très naïf.
Si le rapport au père était intéressant dans la première partie du film, ce père disparaît très vite. Et le concours de chanson (dont on se doute qu’il sera décisif) est oublié très longtemps et devient seulement un artifice scénaristique peu convaincant.
Le film saisit bien des paysages, en cherche la beauté et l’ancrage des siècles, mais lorsque l’on voit le jeune Amra saboter les moteurs des machines en pensant influer la marche du monde, on comprend que le film se fourvoie.
On est bien loin de la réussite de Où est la maison de mon ami ?, qui permettait au spectateur d’épouser le drame de l’enfant (drame, qui, dans une vision d’adulte, n’en est pourtant pas un). Ici c’est tout le contraire : on voit Amra se réjouir d’avoir mis en panne un moteur, mais l’on sait bien que cela ne changera rien à ce qui se joue dans la steppe (les troupeaux des nomades seront repoussés par l’arrivée des sociétés minières qui viennent exploiter les sous-sols). On est donc dans l’exact opposé du film de Kiarostami : au lieu de nous amener à ressentir ce que ressent l’enfant, on juge à l’aune d’un adulte ce que l’enfant perçoit. Si Byambasuren Davaa nous donne à voir un enfant qui vit ses drames (la disparition du père, ses détresses, ses renoncements), elle ne parvient pas à filmer à hauteur d’enfant, ce que Kiarostami faisait de façon éblouissante.

 

samedi 5 octobre 2024

Né pour tuer (Born to Kill de R. Wise, 1947)





Film noir qui a eu une grande renommée dans les années 50, ce qui peut surprendre, tant Sam Wilde, le personnage masculin au cœur du film, reste caricatural. Mais Lawrence Tierney impose une masse dure et tranchante, qui peut marquer les esprits (et qui peut expliquer que Tarantino ait fait appel à lui dans Reservoir Dogs).
Le personnage féminin d’Helen, en revanche, tenu par une Claire Trevor épatante, est très intéressant. Helen s’avère en effet, à la grande surprise du spectateur, pire encore que l’impitoyable Sam. Robert Wise déporte ainsi progressivement l’axe du film vers Helen dont on ne soupçonne pas tout d’abord le jeu de séduction/répulsion.
Le film, alors devient un joli prototype de film noir avec ce personnage féminin qui est un stéréotype de la mante religieuse manipulatrice et fatale qui convient si bien au genre.

 


mercredi 2 octobre 2024

Un homme est mort (J. Deray, 1972)

 


Jacques Deray, entre ses deux Borsalino, file au États-Unis et propose un film très américain, qui n’a pas d’autre originalité que ce Français (Jean Louis Trintignant, assez terne) qui parcourt le film.
Pour le reste, du sujet à la musique en passant par la mise en scène et les séquences conventionnelles qu’il propose, l’ensemble fait très américain. On a donc droit aux lieux habituels (l’hôtel, le parking dans lequel on déboule en voiture, le bar avec ses entraineuses, la riche villa…), peuplés de personnages stéréotypés (un tueur taiseux, un second tueur qui pourchasse le premier, un fils riche qui agit contre son père…) et qui se retrouvent dans des séquences attendues (course-poursuite, trahison, fusillades, etc.). La musique – américaine elle aussi et très typée années 70 – convient assez mal à l’ambiance du film.
On notera néanmoins l’apparition de Michel Constantin qui, plus que Trintignant, donne une singulière touche française au milieu de tous ces américains. Et l’explication finale dans le funérarium est bien vu.

 

lundi 30 septembre 2024

Cure (Kyua de K. Kurosawa, 1997)





Etonnant film de Kiyoshi Kurosawa (mais tout à fait dans la manière de faire habituelle du réalisateur), qui construit une ambiance prenante et sait tirer sur quelques fils ténus qui suffisent à titiller le spectateur.
Kurosawa montre très bien ce mystère diffus et impalpable qui hante l’inspecteur et qui, peu à peu, le contamine, alors même qu’il cherche à progresser dans son enquête.
Bien loin de tout dire et de tout montrer (ce qui est une grande qualité du réalisateur qui s’en remet au spectateur pour suivre, accepter les manques et combler les lacunes), il laisse avec habileté des ellipses et des questions sans réponses. On comprend suffisamment pour n’être pas sûr et l’on reste toujours porté par cette atmosphère de mystère, de fantastique et d'incertitudes qui est la grande réussite du film.

 


jeudi 26 septembre 2024

Les Centurions (Lost Command de M. Robson, 1966)

 



Intéressant film de guerre de Mark Robson, auteur de plusieurs films très variés et remarquables (La Septième victime) ou très originaux (Bedlam).
D’emblée le casting international surprend : autour d’Alain Delon ou de Maurice Ronet (de nouveau dans le mauvais rôle face à Delon, après Plein soleil et avant La Piscine), on trouve Michelle Morgan ou Claudia Cardinale et, au cœur du film, en colonel meneur d’hommes, Anthony Quinn. On n’est pas très sûr que ces choix soient pertinents : Claudia Cardinale n’est pas forcément convaincante en femme arabe échappée de la casbah, de même que George Segal est peu crédible en indépendantiste algérien.
Mais la force du film tient dans son propos : démarré à Diên Biên Phu, le film, ensuite, donne une version de la Bataille d’Alger vue par les parachutistes français. Le film oppose des personnages qui, d’abord unis dans la défaite, vont peu à peu suivre des trajectoires différentes et ils finiront par s’opposer du tout au tout. Ce sont ces trajectoires croisées qui passionnent, d’autant plus que Robson prend le temps de travailler ses personnages, leur donnant une épaisseur qui les rend crédible. Delon, comme à son habitude, propose un personnage complexe qui sortira de la guerre avec les idéaux en berne quand le colonel – pur maître de guerre – deviendra général. Les réussites françaises aux premiers jours de la bataille a un goût très amer pour Robson. Et l’on n’oublie pas que Gillo Pontecorvo, la même année, tourne la fascinante Bataille d’Alger, qui, dans un tout autre style, donne à voir un point de vue plus multiple. Mais si le film de Pontecorvo est sans doute plus happant et complexe, Les Centurions reste un très bel exemple de ce que le cinéma international peut produire en proposant un discours complexe sur un sujet encore brûlant au moment du tournage.

 


mercredi 25 septembre 2024

Decision to Leave (Park C., 2022)

 



Magnifique film de Park Chan-wook qui, film après film, apaise l’énergie folle de ses débuts (Old Boy) et déploie son évidente virtuosité dans des films plus posés, formellement très aboutis, amples et riches. Il y a une fascinante évolution dans sa filmographie, entre Old Boy, Thirst, Mademoiselle et ce dernier film.
La richesse de Decision to Leave, bien au-delà du scénario à tiroirs, est dans ces jeux d’images qui viennent s’impressionner les uns sur les autres, donnant une profondeur supplémentaire aux personnages et à leurs émotions. Tout se mêle à l’écran puisque tout se mêle dans leur tête.
Park aime beaucoup jouer avec des images mentales qui permettent de pénétrer, avec une aisance étonnante, au cœur des pensées des personnages. Et Park maintient longtemps Hae-joon – le policier qui enquête et dont on épouse le point de vue – sur la crête étroite de l’incertitude : il ne démêle que très progressivement ce qu’il y a de sincère et d’insincère chez Seo-rae, son hésitation persistant d’autant plus que ses sentiments viennent brouiller les pistes rationnelles qu’il suit dans son enquête. Et il y a des relents de Vertigo, par moment, dans sa façon de voir et de revoir Seo-rae. Le film, alors, parvient à mélanger sans cesse une progression de polar avec l’intimité d’une romance.
La fin à la fois sombre et belle, donne une ampleur supplémentaire au film, non seulement formellement (sur cette plage où la marée monte et engloutit le sable peu à peu) mais aussi émotionnellement puisque, alors, les choses sont dites et Hae-joon ne comprend que trop tard la réalité des sentiments de Seo-rae.



lundi 23 septembre 2024

Une saison blanche et sèche (A Dry White Season de E. Palcy, 1989)

 



Dans Une saison blanche et sèche, Benjamin Du Toit, professeur Afrikaner de Johannesburg, découvre la violence inique et sans limite qui s’abat sur les Noirs.
Euzhan Palcy filme avec beaucoup de crudité la terrible condition des Noirs dans une Afrique du Sud qui apparaît sans pitié pour eux. Le film est un solide réquisitoire contre l’apartheid, vu au travers de Du Toit qui ne comprend que progressivement le monde dans lequel il vit, compréhension qui se fait au travers de ce que subit son jardinier et sa famille.
On retrouve ainsi dans le film bien des éléments déjà présents dans le Cry Freedom de Richard Attenborough où Donald Woods découvrait, au contact de Steve Bicot, la réalité de la condition des Noirs. La démarche intéressante (identique, en cela, dans les deux films) est que le personnage principal (à chaque fois Blanc et de classe aisée) ignore totalement un aspect fondamental du monde dans lequel il vit (l’oppression des Noirs, qu’il ignore et, dans un premier temps, qu’il refuse de croire) et sa prise de conscience, progressive, amène un revirement et une révolte contre le système. Ici Palcy est pessimiste puisque cette révolte apparaît vaine (Du Toit y laissera la vie sans que rien ne change), là où Attenborough terminait son film de façon positive et emplie d’espérance.
On notera le très bon casting autour de Donald Sutherland 
 impeccable comme toujours – et de Marlon Brando qui campe avec un mélange de désinvolture et de malice l’avocat.

 

vendredi 20 septembre 2024

L'Enigme du lac noir (The Secret of Convict Lake de M. Gordon, 1951)

 



Western intéressant qui sort des canons du genre et qui se fixe sur un groupe d’évadés du bagne mais dont émerge très vite une figure positive (Glenn Ford, impeccable), entourée de bad guys (en particulier Jacques Lambert mais aussi Zachary Scott, convaincant). Tout ce petit monde se retrouve dans un hameau uniquement peuplé de femmes, avec Gene Tierney au milieu. On se doute un peu, Hollywood oblige, de ce qui va advenir.
Néanmoins, sans être original, donc, le film est bien emmené : il parvient à construire une ambiance sombre sur un fond de neige auquel répond bien le noir et blanc de l’image. Et le happy end, même si on l’on attendait un peu, est très bien amené et réussi.




mercredi 18 septembre 2024

Les Démons de Jésus (B. Bonvoisin, 1997)

 



Film iconoclaste qui dresse un portrait haut en couleur et réussi d’une famille de gitans sédentarisés dont on suit les magouilles, les rencontres, les bagarres et autres démêlés avec les flics du coin.
L’ensemble est rythmé et porté par des personnages bien campés avec en particulier Thierry Frémont et Patrick Bouchitey, qui tiennent les rôles des deux frangins. Le film de Bernie Bonvoisin a alors un peu des allures de Affreux, sales et méchants à la française.
Il est bien dommage que Les Démons de Jésus s’achève sur une note complètement édulcorée et mollassonne, avec cette dernière séquence, un an plus tard, où le film, bien loin du jeu de massacre auquel il s’est livré jusque-là, nous montre la famille apaisée, calme et tranquille, nageant dans une harmonie familiale bon enfant. En cinq minutes regrettables, cet épilogue décevant dénature et affadit complètement le reste du film.

 


lundi 16 septembre 2024

Oranges sanguines (J.- C. Meurisse, 2021)

 



Film surprenant de Jean-Christophe Meurisse mais qui, sous des dehors volontiers choquants, est finalement assez décevant.
Le film développe pourtant un scénario qui part dans plusieurs directions et qui s’ingénie à faire se croiser les personnages, souvent dans des moments d'abord comiques qui deviennent ensuite plus grinçants à mesure que la scène s'étire. Certaines séquences sont très réussies et drôles mais d’autres en revanche ne prennent pas du tout (les colères soudaines dans le jury de rock ou le dîner familial au restaurant, faussement acide et en fait très banal). Et Meurisse n’hésite pas, dans des séquences qui se veulent outrancières et choquantes, à secouer le spectateur avec le ministre drogué et violé (le film propose ici une version française du redneck dégénéré de Delivrance) ou l’adolescente Louise d’abord violée puis vengeresse qui émascule bientôt son bourreau. Certaines scènes relèvent du film de genre, tout en lorgnant du côté de Tarantino (Pulp Fiction, par exemple, est clairement cité).
Mais ce qui gêne le plus, peut-être, dans le film, c’est que derrière une image qui se plaît à aller jusqu’au trash le plus gore, le discours du réalisateur est bien loin d’être subversif. Et ce qui pouvait être un joli jeu de massacre tombe finalement à l’eau. En effet, l'on s’aperçoit peu à peu que le film, bien loin d’aller jusqu’au bout de son idée, finit par retomber sur des bases bien sages : les gentils s’en sortent, les vilains sont punis. Et même le couple de vieux endetté, s’il se suicide, n’est pas accablé : dans une belle séquence, leur mort est filmée avec une sérénité douce-amère qui dénote au milieu de scènes beaucoup plus violentes.
Le film ensuite, propose même une succession de conclusions qui viennent appuyer la bonne morale : le ministre vicieux et cynique est définitivement humilié, le pervers fou martyrisé, Louise vengeresse est innocentée. Tout retombe bien sagement sur ses pieds. De sorte que cette volonté de choquer n’en est pas une : il n’y a que l’image qui est subversive et volontiers trash, alors que le discours reste lui politiquement correct, en allant même très loin dans ce sens avec Louise qui va jusqu’à chercher l’approbation du spectateur par un clin d’œil de connivence très malvenu. Malgré les apparences, il semble donc que le réalisateur n’ait pas grand-chose à dire. Et c’est là, sans doute, que Meurisse fait fausse route : il est bien difficile de choquer tous azimuts tout en ayant une morale impeccablement bien-pensante.
Si le ministre avait retourné à son avantage son viol (retournant finalement le retournement qu’il subit), la chose aurait été autrement acide ; si le détraqué sexuel émasculé s’en était sorti tandis Louise avait pris quinze ans de prison (au lieu d’être libre et acclamée par les féministes), là aussi le malaise aurait été autrement plus grand. Tout le contraire, finalement, de ce que fait le film, qui réhabilite les bons et achève les méchants. Et comme l’avocat jusque-là falot sauve finalement Louise, alors le film se devait de punir le chauffeur de taxi qui l’avait humilié. Ce qu’il ne manque pas de faire dans le générique de fin. La morale est sauve et les salauds sont punis. Ce n’est pas précisément l’idée que l’on se fait d’un film corrosif.



vendredi 13 septembre 2024

Whiplash (D. Chazelle, 2014)

 



Dans son deuxième long métrage, Damien Chazelle nous emmène du côté off de la scène, dans les méandres d’une école de jazz réputée, lors des répétitions et de l’apprentissage d’Andrew, jeune batteur qui veut percer. Si Damien Chazelle cherche à capter quelque chose de la virtuosité des artistes il passe pourtant, nous semble-t-il, à côté de son sujet.
En effet Whiplash, essentiellement didactique, illustre les sacrifices demandés ou attendus pour parvenir à réaliser un rêve. Mais le film souffre de n’être qu’une illustration : il ne cherche pas à émouvoir musicalement et l’on voit Andrew dans ses efforts, ses échecs et ses réussites, ses espoirs et ses déceptions, mais on ne le voit pas dans une dimension artistique. Il n’y a pas d’émotion dans ce qu’il produit. Le spectateur n’est pas non plus le public que le film refuse obstinément au jeune batteur : seul Terence Fletcher, l’intransigeant chef d’orchestre, est son juge.
De sorte que le sous-entendu du film est tout de même surprenant : il confine l’aboutissement du musicien à la virtuosité technique. Comme si Charly Parker – dont il est souvent question dans le film – n’était qu’un virtuose. Non bien sûr, loin s’en faut, il était bien davantage : il possédait un génie créatif, tout ce qui ne s’apprend pas, tout ce qu’avaient, en réalité, les grands musiciens de jazz dont nous parle le film. Mais il n’y a rien de tout cela ici : mesurée par le terrible Fletcher, seule la capacité du batteur à tenir un rythme complexe ou très rapide sera décisive. Certes le bebop se voulait une apothéose technique (a contrario, justement, du cool jazz contre lequel il s'élevait) mais le musicien, réduit dans Whiplash à une unique dimension technique, apparaît comme un simple artisan performant mais non pas comme un artiste.
Et l’on reste circonspect devant ce Fletcher jusqu’au-boutiste qui a tout du sergent Hartmann (Full Metal Jacket est clairement cité). Il exige la perfection technique et reste seul maître du choix (encore une fois exit ici le public, ce qui est curieux concernant le jazz).
Et le film, donc, concentré sur la quête purement technique de son héros, oublie lui aussi la dimension émotionnelle. Ne saisissant pas le médium cinéma pour filmer la musique en train de se faire – c’est-à-dire montrer l’empreinte du génie créatif et l’émotion musicale – le film ne dépasse pas, émotionnellement, les déboires psychologiques de son personnage. La musique est à peu près nulle part émotionnellement.

On mesurera l’écart avec des films comme Amadeus ou Tous les matins du monde qui, dans des styles et avec des ambitions très différentes, sont emplis de musique,  avec All That Jazz (pour rester dans les coulisses d’un spectacle qui se monte), avec Bird (plusieurs fois cité, qui cherche à capter quelque chose de la musique de Charly Parker) ou encore, pour montrer combien le cinéma peut se saisir d’un art et en faire un véritable objet cinématographique, avec Les Chaussons rouges de Powell.

 


lundi 9 septembre 2024

Mais où est donc passée la septième compagnie ? (R. Lamoureux, 1973)

 



Il y a bien des films qui rencontrent non seulement un très grand succès populaire et, en même temps, sans être forcèment remarquables, ne sont pas dénués d’intérêts. Pourtant, ici, l’on a bien du mal à comprendre d’où vient la notoriété du fameux film de Robert Lamoureux.
Sans intérêt, sans grande séquence mémorable, avec des acteurs quelconques et sans charisme, sans rythme, sans réellement de contenu (il ne se passe pas grand-chose, finalement, dans ce film), sans vis comique, Mais où est passé la septième compagnie ? ennuie et son succès laisse perplexe. Les quelques répliques qui ont envahi la culture populaire (« J’ai glissé chef ! ») ne renvoient à rien de bien mémorable. On pourra peut-être, si l'on veut, saluer la volonté de faire rire quand l'histoire tourne autour d'une grande défaite de l'armée, particulièrement tragique.
Mais on est très loin, c’est rien de le dire, d’un film comme
La Grande vadrouille (pour rester dans le cadre de la seconde guerre mondiale) qui est lui rythmé, empli de séquences fameuses, de répliques délicieuses (« Hélas il n’a pas d’hélice, c’est là qu’est l’os ! ») et qui confronte deux acteurs géniaux aux ressorts comiques inépuisables.
Las, cette comédie, donc, a rencontré un tel succès que, très vite, des suites sont tournées, et, à l’instar du Gendarme de Saint-Tropez (autre grand succès mystérieux), elle reste un de ces divertissements adoubés par le public, quand bien même l’on a bien du mal à l’expliquer.

 



lundi 2 septembre 2024

Big Guns : Les Grands fusils (Tony Arzenta de D. Tessari, 1973)





Intéressant polar italien qui part pourtant sur un argument classique (un tueur souhaite se retirer mais on ne se retire pas de la mafia). Mais Duccio Tessari trouve le bon rythme (à la fois de l’action, mais aussi des moments de calme qui s’accordent avec le jeu de Delon) et, surtout, la distribution est remarquable : Alain Delon en tueur à gages repenti et Richard Conte, tout juste auréolé de son rôle dans Le Parrain, qui campe à nouveau un chef mafieux.



vendredi 30 août 2024

Cent jours à Palerme (Cento giorni a Palermo de G. Ferrara, 1984)

 



Dans ce film de mafia de facture très classique, Lino Ventura, efficace, reprend un peu le prototype du personnage intègre et décidé qu’il tenait dans Cadavres exquis (ici en général des carabiniers, quand il était inspecteur dans le film de Rosi) et il partage le même travers : celui de ne pas voir ce que le spectateur comprend très bien de son côté et qui conduira tout droit à son assassinat. Guiseppe Ferrara reprend ainsi la même dénonciation – treize ans plus tard – de l’imbroglio de la mafia qui irradie sa corruption jusqu’au plus profond de la société italienne.

 

mercredi 28 août 2024

In a Violent Nature (C. Nash, 2024)

 



Film de genre sans intérêt qui prend un argument minimaliste (un tueur zombie réveillé qui part en chasse) et un choix stylistique qui se veut novateur (dans de longs plans séquences, la caméra suit de quelques pas le meurtrier) comme prétexte à ce qui ne sera finalement qu’une déferlante de gerbes de sang et de meurtres plus gores les uns que les autres, suivant la tendance actuelle des slashers. Rien de bien captivant, donc, derrière la pseudo-originalité de la forme.



lundi 26 août 2024

L'Or de Naples (L'oro di Napoli de V. De Sica, 1954)

 



Cette comédie italienne qui se veut une peinture en plusieurs tableaux est assez moyenne et inégale. On comprend l’ambition, tableau après tableau, de dresser un portrait composite et haut en couleur de Naples, mais l’ensemble n’est pas vraiment convaincant, malgré de bonnes séquences.

 

samedi 24 août 2024

Parade (J. Tati, 1974)

 



Jacques Tati a composé son film à partir de représentations de son cirque, dans un spectacle familial et une ambiance bon enfant. Le montage donne un ensemble assez désuet et commun avec certains tours qui sont très classiques et d’autres bien vus.
Mais on retiendra surtout les interventions du réalisateur qui, en plus de tenir le rôle de Monsieur Loyal, se fait plaisir en proposant plusieurs sketchs mimés qui sont délicieux. Il revient ainsi à ses débuts au cabaret, avant son succès cinématographique.

 

jeudi 22 août 2024

Le Comte de Monte-Cristo (A. De La Pattelière et M. Delaporte, 2024)

 



Après Les Trois Mousquetaires revisité récemment, voici donc une nouvelle grosse production française qui s’occupe de mettre en image un fameux roman d’Alexandre Dumas. On se réjouit que, de même que Les Trois Mousquetaires, ce film rencontre un public.
On retiendra bien sûr la prouesse d’avoir fait tenir dans un format de trois heures l’intrigue fabuleuse du roman. Les grandes lignes sont tenues et le film se laisse voir avec plaisir, porté par l’intrigue de Dumas bien sûr, et par une distribution intéressante. Plus que Pierre Niney, qui manque de charisme et qui est plus convaincant en Dantès qu’en Monte-Cristo (d'ailleurs son Monte-Cristo est bien peu Italien : il nous évoque beaucoup plus Dracula tenu par Gary Oldman, et, par son style et son allure générale, il semble plus venir des Carpates que des bords du lac de Côme), on retiendra Laurent Laffite qui est très bien en Villefort (1). Plusieurs saillies dans les dialogues (dont l’amusante citation anachronique de Cyrano) font mouche et quelques séquences sont très réussies (le dîner dans la maison où Villefort a tenté de commettre l'infanticide en particulier).
La fin, cependant déçoit beaucoup. On a bien du mal à comprendre (et à accepter) que le légendaire final du roman soit balayé et remplacé par un autre, bien moins abouti et qui n’emmène pas bien loin. Ce n'est pas la première fois que le cinéma s'occupe ainsi de revisiter maladroitement (ce n'est rien de le dire) la fin du roman, Robert Vernay était déjà tombé dans le même travers. Rappelons, dans le roman, ce qu'il advient des trois ennemis, Villefort devient fou, Morcerf se suicide et Danglars, finalement, alors qu’il était laminé, ruiné et à sa merci, est finalement gracié par Monte-Cristo qui le laisse partir. Ici, dans le film, il en est autrement du sort des troi sennemis : Villefort est tué lâchement, le second est laissé vivant après un combat au sabre que Monte-Cristo a failli perdre pour le second (Morcerf n’est pas achevé justement pour ne pas que l’honneur dû aux morts ne le sauve) et Danglars, une fois ruiné est invité à disparaître mais sa vie n'est pas menacée. Bien entendu, toute l’idée de la vengeance à la fois comme plan parfaitement abouti, pensé et déroulé disparaît en partie (André tue Villeford ce qui n’était pas prévu et Morcerf manque de tuer le comte) mais, surtout, le pardon qui sauve Danglars – idée cardinale s’il en est dans le roman – disparaît tout à fait. La vengeance assouvit, nous dit le film, ce n’est pas du tout ce que nous dit le roman, loin s’en faut.
Mais un détail devait nous prévenir : dans le film, lorsqu’il s’échappe du château d’If, Dantès retourne chez lui et y apprend que son père est mort. C’est seulement à ce moment qu’il part pour fomenter sa vengeance. Mais alors, si son père n’avait pas été mort, il ne serait pas devenu Monte-Cristo ? C’est là une grave entorse non pas seulement au récit  mais au personnage lui-même, qui a vu sa colère gonfler tout au long des années de prison



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(1) : Parmi les précédentes adaptations, le quatuor Depardieu/ Arditi/ Rochefort/ Aumont, dans la mini-série en quatre parties de Josée Dayan en 1988, constituaient une distribution exceptionnelle de référence pour chacun de ces rôles difficiles et légendaires.


lundi 19 août 2024

Autant en emporte mon nunchaku (Satsujin ken 2 de S. Ozawa, 1974)

 



Suite inévitable (vu son succès) du premier opus, celle-ci n’apporte rien si ce n’est de resservir strictement le même plat, ce qui est à peu près la définition du cinéma d’exploitation. On retiendra le titre français amusant qui ne cherche pas à cacher le peu de valeur du film.
Et l’on s’amuse (au milieu d’un long bâillement bien difficile à réfréner) d’une ou deux frappes de Sonny Chiba, dont celle, dans la nuque, qui fait sortir de leurs orbites les yeux du méchant : vu les effets spéciaux, on ne saurait dire si les spectateurs, en 1974, riaient comme nous aujourd’hui ou s’ils se réjouissaient des performances de leur champion.



vendredi 16 août 2024

Le Souffle de la tempête (Comes a Horseman de A. J. Pakula, 1978)

 



Western d’Alan Pakula peu convaincant, malgré un casting solide et la volonté de filmer au plus près des prairies et des grands espaces (on ne va quasiment jamais en ville, ce sont les banquiers qui viennent dans les ranchs). Mais les personnages, posés d’emblée, ne sortent jamais de la case bien nette qui leur est donnée. Jason Robards, notamment, en grand méchant patriarche, peine à épaissir quelque peu le personnage, coincé par le déroulé scénaristique qui ne lui laisse aucune marge de manœuvre. De même pour Jane Fonda, de sorte que le film doit beaucoup à James Caan dont la forte personnalité d’acteur lui permet de s’exprimer.
Et, malgré le titre français, le film manque cruellement d’un certain souffle, d’un certain élan.
Si le film reprend l’histoire très classique d’une guerre entre propriétaires terriens, on notera la grande originalité de situer l’action en 1945, et si l’époque fait irruption dans le film (au travers notamment de l’exploitation pétrolière), Le Souffle de la tempête déroule tout un univers se rattachant à la fin du XIXème siècle.