mercredi 30 juillet 2025

Portrait de femme (The Portrait of a Lady de J. Campion, 1996)

 



Malgré une grande beauté à l'image, le mélodrame de Jane Campion s’étire, d’autant plus que sa trame est assez convenue. La réalisatrice, qui aime jouer d’un rythme lent, en prenant le temps de s’arrêter sur les choses, rallonge le fil mais sans trouver ce rythme particulier qu’elle affectionne. Et comme l’intrigue est assez simple, on regarde Isabel se débattre dans les filets tissés par Osmond sans être complètement pris par ses émotions.
Pourtant Jane Campion, l’air de rien, parvient à créer un désordre, celui, habile et fin, qui percole dans La Leçon de piano ou Bright Star (même s’il s’agit d’un désordre moins net et radical que dans Sweetie ou Un ange à ma table).
La fin, ouverte, est remarquable, avec ce jeu stylisé réussi du ralenti et de l'incertitude sur laquelle se clôt le film. Et l’on retiendra Nicole Kidman, dans un rôle pas simple, qui est excellente (de même que John Malkovich, lui aussi très à l’aise, mais dans un rôle plus facile).



lundi 28 juillet 2025

Near Death Experience (B. Delépine et G. Kervern, 2014)

 



Near Death Experience, film très dépouillé et minimaliste dans sa forme, joue avec l’image de Houellebecq en reclus, loin du monde et de ses fureurs. Mais, étonnamment pour les réalisateurs Delépine et Kervern qui ne sont pas coutumiers du fait, le film semble bien prétentieux : comme si les réalisateurs espéraient que images proposées, accompagnées de la voix off, allaient se lever et parler d’universalité, comme si Paul pouvait avoir une puissance qui le dépasse et nous parle. Pourtant non, entre la voix off volontairement atone et banale et la nature filmée au plus près, l’équilibre ne se fait pas. La nature est arpentée mais elle ne surgit pas à l’écran, les paysages ne deviennent rien d’autre qu’eux-mêmes (ils ne sont pas un ailleurs, ni un rêve, ni un autre monde), la voix n’emporte pas le spectateur mais elle le coince dans un misérabilisme décevant. Et ce ne sont pas les accents très houellebecqiens des dialogues (qui ne sont pourtant pas de lui) ni la collusion très étroite entre Paul et l’écrivain/acteur qui peuvent faire décoller réellement le film.
Film qui manque aussi de cet humour grinçant et parfois très noir que les réalisateurs savent d'ordinaire si bien utiliser (da Aaltra à I Feel Good en passant par Mammuth). Là les choses, plus sérieuses, deviennent prétentieuses et tout tombe à plat.


vendredi 25 juillet 2025

Tartarin de Tarascon (R. Bernard, 1934)

 



Adaptation appliquée mais sans génie de la nouvelle de Daudet, Raymond Bernard (qui sera bien plus inspiré, la même année, pour adapter Hugo dans un film d'une toute autre ampleur) parvient à créer une atmosphère pittoresque dans le village, certes sans montrer beaucoup d'originalité mais avec une certaine efficacité. Si plusieurs séquences trouvent parfaitement leur ton, d'autres scènes, en revanche, s’étirent un peu et paraissent encore plus désuètes maintenant que le temps a passé.
Mais tout repose, bien entendu, sur Raimu qui transcende le film et le rend, aussitôt, truculent. Sa verve, son ironie, ses changements d’humeur et de ton, sa facilité à exprimer le personnage fantasque de Tartarin valent pour eux-mêmes. Aussitôt le personnage est attachant, aussitôt on pardonne au film nombre de ses défauts.

 

mercredi 23 juillet 2025

Les Gorilles (T. Aurouet, 2015)


 


Affligeante comédie, pénible et sans âme. Le film reprend les codes du buddy movie mais il se saborde d’emblée : si le genre s’amuse à assembler des personnages mal assortis, ils n’en restent pas moins issus du même genre (que l’on se souvienne de L’Arme fatale). Ici le duo est construit entre un personnage complètement issu de la comédie (et même de la comédie la plus lourde et la plus caricaturale) et un autre qui, lui, refuse la comédie et reste dans le drame (avec, là aussi, toute la lourdeur possible, Joey Starr surjouant sans cesse).
Evidemment rien n’est crédible dans ce qui se déroule sous nos yeux et, surtout, rien n’est drôle, tout est éprouvant, mal joué, forcé, sans rythme, sans rien sentir de ce qu’est une comédie, le film cherchant simplement à surfer sur la notoriété (toute relative) des acteurs. Manu Payet, qui s’agite sans cesse et qui se rêve en vis comique, est l’élément le plus difficilement supportable du film et, malheureusement, il est de tous les plans.

 

lundi 21 juillet 2025

Holy Smoke (J. Campion, 1999)

 



Film bien décevant de Jane Campion qui reste empêtré dans la relation un peu malsaine et étrange (mais surtout très inintéressante) entre Ruth, adepte de son gourou, et Waters, qui veut l’exorciser. Bien sûr cette relation se complexifie (on s’en doutait), mais sans déboucher sur rien de bien passionnant (malgré le duo d'acteurs stars). Et, bien plus que ce scénario basique, c’est la forme même qui est décevante, Campion ne parvenant pas à donner au film cette patte particulière qu’elle met si souvent, à demi-poétique et à demi-contemplative. Ici, alors que l’occasion s’y prêtait – avec cette baraque perdue dans le désert – Campion semble sans inspiration, sans cette photo splendide qui accompagne souvent ses réalisations et sans parvenir, finalement, à donner à son film une humeur particulière.

 

vendredi 18 juillet 2025

L'Amour ouf (G. Lallouche, 2024)

 



Cette réussite en termes de spectateurs (plus de quatre millions d’entrées) est pourtant très quelconque et elle déçoit beaucoup. La première partie passe sans doute davantage (lorsque les protagonistes oscillent entre l’adolescence et le début de l’âge adulte, avec des acteurs intéressants), mais le film reste très lourd, tout étant surchargé, peint avec un pinceau beaucoup trop appuyé et insistant.
L’Amour ouf, alors, qui se veut une sorte de saga sur quinze ans, ne surprend guère, chaque personnage suivant impeccablement la destinée esquissée dans la première partie. On sait que Clotaire et Jackie se retrouveront, que Clotaire basculera de la petite à la grande délinquance, qu’il ira en prison, en sortira, s’amendera, etc. Tout est compris aussitôt, il n’y a là rien de surprenant, les acteurs faisant tranquillement leur job.
Gilles Lellouche cherche à donner du style à cette matière mais il s’épuise en jeux de caméras et autres effets, sans parvenir à épaissir son histoire ou ses personnages qui restent prévisibles et très peu épais. On notera quand même avec amusement que le film cite nettement Le Parrain ou Les Affranchis au détour de quelques séquences (reprenant notamment la légendaire entrée au Copacabana).
On retiendra également la séquence initiale, à laquelle renvoie la fin du film. Cette séquence en flash-forward, finalement, ne sera pas vécue par le protagoniste et elle apparaît donc comme une séquence fantastique, qui aurait pu se produire mais ne s’est pas produite (et qui fait faussement dévier le personnage : on s'attendait évidemment à cette rédemption). Bien sûr les ficelles sont grosses et naïves (c’est l’amour qui sauve Clotaire) mais ce destin tragique et violent qui sera démenti est une forme de chausse-trappe pour le spectateur qui ne peut s’attendre à cette touche de fantastique dans un film par ailleurs assez réaliste. Cela donne l’impression (amusante mais un peu bancale) que, finalement, après-coup, alors que le film est commencé, la fin en est changée.


mercredi 16 juillet 2025

Les Granges brûlées (J. Chapot, 1973)

 



Film bien terne mettant un juge (Alain Delon) aux prises avec un meurtre perpétré aux abords d’une ferme tenue par une femme forte et intègre (Rose, campée par Simone Signoret).
Le film joue de l’opposition entre ces deux personnalités, mais l’on n’est guère emporté, la situation restant longtemps figée et, finalement, tout le monde a raison. En effet la personnalité de Rose nous incite à croire en son innocence et le juge, malgré les indices qui vont dans un autre sens, le pense aussi : ce sera le cas. L’entourloupe finale sur les coupables ne convainc guère et sert juste à faire retomber maladroitement le scénario sur ses pieds.
Fixé sur ses deux stars, Jean Chapot oublie peut-être le troisième élément central du film : le décor enneigé du Jura en hiver, le froid qui gèle et recouvre tout, la dureté de la vie dans ces hameaux perdus et le juge citadin qui débarque et vient se cogner contre ce monde paysan. Il y avait peut-être là une humeur à capter qui n’a pas intéressé le réalisateur.

 

samedi 12 juillet 2025

La Vache (Gāv de D. Mehrjui, 1969)

 



Important et novateur film iranien qui prend des accents néoréalistes par sa description du quotidien et sa façon de plonger au cœur du village. Mais le film s’en éloigne presqu’aussitôt par son étrangeté et son dénouement avec cet homme frappé de folie qui, ne pouvant affronter la réalité, se prend pour une vache.
Cette fin dure, sombre et sans issue frappe le film d’une puissance marquante : l’on comprend l’influence qu’il a pu avoir en Iran, autant par son regard néoréaliste que par son humeur poétique et tragique.

 

jeudi 10 juillet 2025

Le Filmeur (A. Cavalier, 2005)

 



Consistant en un montage en forme de collage de vidéos prises sur le vif par Alain Cavalier au fil des ans (un peu comme une sorte de journal filmé), l’ensemble forme un film qui saisit sur le vif tantôt des moments très personnels – et parfois tout à fait quelconques –, tantôt des moments curieux, un peu poétiques ou décalés. L’ensemble forme une expérience qui renvoie à d’autres films (comme ceux de Jonas Mekas) et procède d’une création expérimentale. Chacun sera alors sensible à l’humeur générale qui émerge de l’ensemble ou bien à des séquences très belles qui ressortent ou bien sera un peu interloqué de voir ces séquences quotidiennes parfois banales mises bout à bout.

 

lundi 7 juillet 2025

Gladiator 2 (R. Scott, 2024)

 



On a beau connaître Hollywood, on a du mal à s’y faire. Le très bon Gladiator de Ridley Scott se suffisait à lui-même et il était un beau fleuron du péplum au début des années 2000, revitalisant étonnamment un genre alors passé de mode.
Las, Hollywood n’a pu s’en empêcher et il est allé chercher sa suite, cherchant à exploiter le filon, quelques vingt-quatre années plus tard. Ridley Scott, une nouvelle fois (après Prometheus qui venait plus de trente ans après Alien), est aux manettes et il déçoit comme si souvent (on est toujours surpris de l’écart de qualité entre ses plus grandes réussites et d’autres de ses films, tout à fait médiocres). Il s’ensuit un film lourd, sans saveur, convenu, s’appliquant à suivre les règles des blockbusters sans chercher autre chose que le recyclage et la surenchère sans âme. Tout ce qui faisait la réussite du premier film est passé aux oubliettes. C’est bien dommage : désormais, quand on parlera de Gladiator, il faudra toujours préciser, pour se prémunir, « le premier », tant il ne faudra pas confondre avec ce Gladiator « deux » mauvais et oubliable.


jeudi 3 juillet 2025

Le Miraculé (J.- P. Mocky, 1987)

 



Comédie assez lourde de Jean-Pierre Mocky qui s’attaque avec ses gros sabots non pas tant à l’Église elle-même qu’à sa déclinaison mercantile et intéressée autour de Lourdes.
Mais cette histoire d’arnaque à l’assurance sur fond de miracle n’est guère convaincante. Il n’y a guère que Jean Poiret qui retienne l'attention : en campant le rôle central de Papu, il sort de ses rôles habituels (ceux de personnages policés ou raffinés) pour incarner un chiffonnier magouilleur, hâbleur et vulgaire. Mais, en dehors de sa prestation, le film accumule des situations ou des gags entendus ou quelconques. Pourtant la chute finale, bien qu’attendue, est réussie et elle rétablit au moins en partie l’Église (ce qui est, pour le coup, est une surprise, venant de Mocky).