mercredi 30 novembre 2022

L'Équipée du Cannonball (The Cannonball Run de H. Needham, 1981)

 



Comédie lourde et sans saveur, rapidement bête et vaine. On est même gêné pour tous ces acteurs (Burts Reynolds, Roger Moore, Dean Martin, Jack Elam, etc.) embrigadés dans une mélasse dont rien ne sort et qui sombre dans le potache de bas étage.
Non pas qu’il y ait eu au départ une grande idée, mais filmer des voitures qui se ruent d’un bout à l’autre du continent, derrière l’inanité d'apparence, est un thème qui a produit des films bien plus aboutis, comme Macadam à deux voies ou Point limite zéro, films importants et iconoclastes, ou encore La Course à la mort de l’an 2000, film de second rang mais qui reste étonnant par plusieurs aspects. Mais ici, avec cette Équipée du Cannonball, il n’y a rien d’autre qu’une comédie abêtissante, qui subvertit le genre et navre profondément.




lundi 28 novembre 2022

Duel dans le Pacifique (Hell in the Pacific de J. Boorman, 1968)

 



Avec Duel dans le Pacifique, John Boorman prend un parti pris risqué : il réduit un film de guerre à l’affrontement de deux personnages – joués, qui plus est, par deux stars –, ce qui est presqu’une gageure, tant il est difficile d’éviter les longueurs, les cabotinages ou les digressions inutiles. Mais Boorman s’en sort bien (même si le récit aurait pu être plus resserré) et les deux ennemis se tournent autour, se combattent, se rapprochent et, finalement, s’apprivoisent peu à peu.

Lee Marvin et Toshiro Mifune parviennent à ne pas trop cabotiner et ils donnent une vraie substance d’opposition à leur affrontement qui est une métaphore – à la fois simple mais pas facile à gérer – de l’affrontement américano-nippon. L’idée de leur entraide pour parvenir jusqu’à une autre île déserte est très bonne même si la fin (imposée par les producteurs) serait à revoir, avec l’explosion ultime qui coupe court à la réflexion.

 



vendredi 25 novembre 2022

The Best Offer (La migliore offerta de G. Tornatore, 2013)

 



Avec ce beau film, Giuseppe Tornatore nous plonge habilement dans le monde de l’art pictural qu’il conjugue étroitement avec une relation sentimentale qu'il développe peu à peu. Très tardivement on comprend que le film cache une chausse-trappe dans lequel est embarqué le spectateur, qui suit le film au travers du regard et du ressenti de Virgil Oldman. Ce coup de théâtre est efficace même s’il est assez classique puisqu’on retombe sur le prototype du film d’arnaque. Mais The Best Offer en est une déclinaison assez originale et qui reste longtemps cachée.
Le film est complètement centré sur le personnage de Virgil Oldman et il doit beaucoup à Geoffrey Rush, parfait en commissaire-priseur raffiné qui va s’humaniser à ses dépens. C’est que ce personnage, qui achète mille portraits (en profitant avantageusement de son métier) pour les soustraire aux yeux du monde dans une pièce cachée, découvre un jour une version vivante de ces portraits féminins. Et c’est lui, l’expert en contrefaçon, qui finalement, ne voit rien.

On notera que sa collection est fabuleuse, avec plusieurs œuvres (dont La Fornarina) sont des pièces maitresses de musées célèbres. Et ce n’est que très tardivement que l’on comprend que c’est cette collection – dont la constitution dirige la vie de Virgil – est au cœur du film.

Même si l’histoire sentimentale est un peu facile, la jolie symétrie entre la sagacité de Virgil à voir ce qui se cache derrière un palimpseste et son aveuglement devant le trou par lequel Claire observe le monde est très belle.

Et puis le film vagabonde au milieu d’œuvres d’art qui, il faut bien, dire réchauffent considérablement le cœur.



jeudi 24 novembre 2022

Une femme est une femme (J.- L. Godard, 1961)





Ce troisième long-métrage de Jean-Luc Godard ne lorgne plus du côté du polar (comme le faisait À bout de souffle) mais bien de la comédie, en particulier de la comédie musicale, qui tente beaucoup le réalisateur. On sent qu’il veut mettre de la légèreté dans son film, même si cela se traduit par des séquences faussement décontractées, peu naturelles.
Le film est empli d’innovations de la part de Godard (la couleur, le tournage en studio, le son synchrone), et c’est la première apparition devant sa caméra d’Anna Karénine – qui donne un certain peps au film –, elle qui sera si importante ensuite.

Mais, malgré son trio d'acteurs, malgré une liberté de ton (le sujet lui-même est sensible) et malgré son évidente modernité, le film peine à emporter le spectateur et il se perd dans ces jeux de dialogues qui n'en sont pas, dans le faux-semblant de son traitement et dans la superficialité, il faut bien dire, de son sujet.

 




 

mardi 22 novembre 2022

Le Syndrome chinois (The China Syndrome de J. Bridges, 1979)





Sans être véritablement original – il faut dire qu’il est d’une facture très classique – Le Syndrome chinois, assez habilement, mélange l’enquête journalistique (en lorgnant même du côté des films de paranoïa typiques des années soixante-dix) et le film catastrophe puisque le cœur du film est le risque d’un accident nucléaire.
La configuration est néanmoins assez traditionnelle, entre des journalistes qui sentent qu’il y a anguille sous roche et un ingénieur (Jack Lemmon, décidément à l’aise dans tous les rôles) qui prend conscience du risque et veut les dire. Et tout ce beau monde se trouve à affronter les exploitants de la centrale – grands méchants qui ne pensent qu’à l’argent – qui veulent à tout prix cacher les risques et le scandale. 
Le film a eu le mérite de tomber juste puisque sa sortie a coïncidé avec l’accident nucléaire de Three Mile Island qui lui donnera une résonance inespérée.

On notera néanmoins que – peut-être pour la première et unique fois dans l’histoire du cinéma – la réalité est allée beaucoup plus loin que la fiction puisque dans le film la catastrophe frôlée – mais évitée – est une fusion du cœur, alors que, dans un des réacteurs de la centrale de Three Mile Island, le cœur a réellement fondu. Dépassant alors les pires craintes du chef d’équipe Godell, le monde du nucléaire a découvert les risques d’une telle fusion et a dû revoir mille et un protocoles de sécurité.

On notera aussi, sur ce sujet de l’accident nucléaire, la bonne série Chernobyl de Johan Renck. Elle parvient, en quelques épisodes, à faire le tour du déroulement de la catastrophe et se veut réaliste. Si elle l’est effectivement dans son rendu à l’image, elle ne peut se faire l’économie de quelques raccourcis narratifs. Néanmoins la série est très prenante même si elle prend le parti de maximiser systématiquement les effets de la catastrophe (en particulier dans sa conclusion).
Mais la série reste sérieuse et prenante même si elle ne s’écarte pas de la simple « mise en image » d'un scénario, ce qui est souvent le défaut des séries qui n’ont pas d’esthétique propre.



vendredi 18 novembre 2022

Novembre (C. Jimenez, 2022)

 



Cédric Jimenez, décidément toujours influencé par le cinéma outre-Atlantique, entreprend avec Novembre une démarche très américaine en se saisissant d’un traumatisme qui a bouleversé la France.
C’est que le cinéma américain a – depuis toujours et parce qu’il est le médium qui a pris en charge le récit de la Nation – très rapidement parlé des différents traumas que la société a pu subir. Le cinéma français n’a pas ce même rôle et son rapport à l’actualité de la société est très variable. On sait, par exemple, que les films français sur la guerre d’Algérie, s’ils existent, sont assez peu nombreux, et encore plus rares sont ceux qui abordent les sujets les plus polémiques (les tortures, les injustices, etc.). Il a donc fallu sept ans pour que le cinéma français se saisisse du traumatisme des attentats de novembre 2014 (c'est le second film sur le sujet, après Revoir Paris) et l’on peut voir dans ce film l’équivalent, par exemple, de Vol 93 de Paul Greengrass.


Novembre
, alors, a le bon goût d’éviter de montrer les attentats directement (il n’y a qu’une seule séquence où des victimes sont interrogées à l’hôpital) pour se concentrer sur les premiers pas de l’enquête. Cherchant à dépasser aussitôt la sidération, les services de police foncent tous azimuts, cherchent, s’égarent, repartent dans une autre direction, doutent, suivent une piste improbable et, finalement, parviennent à avancer. L’ensemble est réussi et trouve dans l’assaut contre l’appartement de l’organisateur des attentats un climax efficace.
La présence du très populaire Jean Dujardin en patron des services anti-terroristes est importante puisque son personnage prend en main, à l’écran, la mobilisation pour contrer le terrorisme. S’il retrouve là un rôle très proche de celui qu’il tenait dans La French (avec déjà Jimenez aux commandes), sa présence participe de l’appropriation par le spectateur des attentats, beaucoup plus que si son personnage avait été tenu par un acteur inconnu ou de second rang.



mercredi 16 novembre 2022

Yol, la permission (Yol de Y. Güney, 1982)

 



Magnifique film de Yilmaz Güney qui, au travers de trajectoires croisées, dresse un portrait très sévère de la Turquie, coincée entre des traditions ancestrales (rapport aux femmes, vendetta, etc.) et une police et une armée violentes et inquisitoriales. Güney, incroyablement, dirige le film depuis la cellule où il purge une longue peine de prison, ne sortant que ponctuellement pour affiner le tournage (qui est effectué sur le terrain sous la direction de Serif Gören). On comprend alors la puissance qu’il parvient à mettre dans ses personnages et dans les situations – parfois très dures – qui constituent Yol.
De façon très habile, Güney montre à quel point les différents personnages sont coincés, prisonniers de forces qui les dépassent et les obligent. Sauver l’honneur, respecter des traditions, supporter le regard féroce et impitoyable de la société : dans tous les cas il n’y a pas de place pour un destin individuel.
Pour ces détenus de droit commun, la permission d’une semaine, finalement, les déplace d’une prison vers une autre.
Plusieurs séquences sont à la fois très belles et très dures, en particulier lorsque Seyit Ali, pourtant perclus d’amour pour sa femme, s’en remet à l’ordalie traditionnelle et que celle-ci doit traverser le col enneigé seule.

C’est là la grande réussite du film : il ne se contente pas de dresser un portrait terriblement incisif sur la société turque mais il happe par la véracité et la puissance de ses personnages et de ses situations.




lundi 14 novembre 2022

À couteaux tirés (Knives Out de R. Johnson, 2019)




Prototype de film à scénario – scénario alambiqué et très proche de ceux d’Agatha Christie pour le coup –, À couteaux tirés s’en remet à son intrigue pour captiver le spectateur. En cela il ne déçoit pas et il joue d’ailleurs habilement d’une fausse révélation du nœud de l’affaire en milieu de film pour rebondir parfaitement.

Mais le problème est que non seulement la réalisation est un peu molle et convenue (on retrouve des effets habituels dans ce genre de production, avec par exemple l’image qui illustre les propos du détective qui explique les dessous de l’affaire), mais les personnages sont ou bien insipides ou bien tout à fait caricaturaux. Le film a du mal, alors, à ne pas paraitre superficiel. Il est bien dommage que Rian Johnson n’ait pas cherché à développer quelques personnages qui auraient donné une épaisseur supplémentaire au film, au lieu de se reposer sur ses lauriers et de ne produire, finalement, qu’un banal suspense policier. Les acteurs, alors, font ce qu’ils peuvent et, à l’image de beaucoup d’autres, Daniel Craig ou Chris Evans surjouent de façon un peu pénible.

Le film, dès lors, reste un Cluedo un peu simple, bien loin de Gosford Park, pour prendre l’exemple d’un film policier qui déborde largement la simple illustration d’un scénario.