vendredi 29 avril 2022
Rage (Rabid de D. Cronenberg, 1977)
mercredi 27 avril 2022
Quels films faut-il voir ?
Qu’importe le film, nous dit-il, ce qui compte, c’est le regard que l’on porte sur lui. Oui, certes. Mais derrière cette réponse très démagogique et moderne, Jullier semble ignorer (ou il feint d’ignorer) la méconnaissance abyssale des étudiants en cinéma, même dans les filières dédiées. Ils consomment ce qu’on leur donne à consommer et leur consommation est d’une uniformité à peu près totale. Il est très rare qu’il y ait une curiosité qui les emmène vers des formes différentes, des œuvres originales ou des genres variés.
Or
l’on se demande un peu comment un regard peut se former sans qu’il y ait
exploration. Et si l’on dit à des étudiants « allez
où vous voulez », force est de constater qu’ils n’iront souvent pas
bien loin. Pour reprendre un exemple déjà cité dans ce blog, parmi les très
nombreux fans de Star Wars, très peu
sont allés voir les films antérieurs de Lucas (en particulier THX1138), ou les œuvres qui ont pu
l’inspirer : Silent Running de
Trumbull, Dark Star de Carpenter, La Forteresse cachée de Kurosawa, etc.
Pourtant, avec ce simple exemple on voit combien un peu de curiosité peut ouvrir
le champ cinématographique. Non, bien souvent le fan se cantonne à son objet
fétiche.
Nous
pensons quant à nous que former un regard ne peut se faire qu’en se confrontant
à des œuvres patrimoniales, œuvres qui ont déjà formé le regard d’autres
cinéastes, un peu comme les peintres français ou allemands du XVIème et XVIIème
siècle parcouraient l’Italie pour découvrir l’œuvre des maîtres. Ici aussi, il est
difficile de faire l’économie d’une rencontre avec des œuvres majeures.
On
comprend bien que, dans la logique pédagogique et académique qui destitue la
verticalité – logique relayée évidemment dans les enseignements artistiques – on
en vient à promouvoir le banal, l’inauthentique, l’industriel, le bâclé. Mais
si l'on s'en tient à dire que peu importe le support et que seul le regard compte, on ne
différencie plus Rocky 4 de Pickpocket (pas plus qu’on ne distingue La Comédie humaine des romans de Marc
Lévy).
Dès
lors on commet une double faute auprès des étudiants.
D’une part on fait l’impasse
sur un pan important du rôle de pédagogue, c’est-à-dire celui qui accompagne autant
qu’il guide, celui qui oriente et permet de s’y retrouver.
D’autre
part, éduquer au goût c’est apprendre à
discriminer. Tout ne se vaut pas et mettre au même niveau Châteaubriant et
Guillaume Musso, ou mettre Chaplin ou Renoir au même niveau que Rob Cohen
(réalisateur de Fast and Furious)
c’est trahir sa fonction. En effet cela revient à dire : moi qui aie un
regard formé, je ne fais pas la différence entre Partie de campagne et Fast
and Furious, tout se vaut. Au contraire, la moindre des choses que l’on
peut attendre de celui qui a un regard formé est qu’il sache s’en servir :
qu’il discrimine.
Jullier
oublie ainsi d’être pédagogue et devient un universitaire abstrait et
mécanique : tout est étudié dans la moulinette de son regard professionnel
où l’objet étudié, en soi, n’a plus d’importance. Si ce regard universitaire
est fondamental pour une analyse professionnelle, on regrette qu’il soit
répondu à un étudiant curieux et demandeur que le choix du film importe peu. C’est
ne porter sur les films que le regard froid et ciselé du professionnel.
Mais,
sans doute, Jullier ignore-t-il qu’un puits ne se creuse pas n’importe où.
Inutile en effet de forer directement du granite ou du gneiss, inutile de se jeter à coups de pelle dans une roche perméable : encore faut-il étudier les terrains,
rechercher des plis ou des fissures, découvrir les agencements des couches imperméables en profondeur, comprendre
l’hydrogéologie du bassin versant. Ensuite, alors, quand on a compris comment déterminer un aquifère, on apprend à creuser. Et
ensuite encore, seulement, on peut dire à l’étudiant : maintenant que tu
sais tout cela tu peux voyager à ton aise. En effet, c’est une fois qu’il a
formé son regard, quand il a découvert des styles, senti l’histoire des formes ou expérimenté des originalités, que l’on peut alors dire à l’étudiant que, maintenant
que son regard est formé, il peut regarder ce que bon lui semble.
Il
faut donc se confronter aux œuvres (celles que nous proposons ou que d'autres spécialistes institutionnels proposent), former son regard à leur contact et ensuite
seulement, si on le souhaite, s’attarder sur le banal, l’industriel, la série
bas de gamme, rentable ou bâclée. Mais encore faudra-t-il, dans ce cas, en avoir
envie. C’est
que s’attarder longuement sur ces films, quand on a formé son regard, c’est
comme de forer dans le sommet d'un massif cristallin pour y trouver de l’eau au prétexte qu’on sait
creuser un puits : tout cela apparaît laborieux et bien inutile.
lundi 25 avril 2022
OSS 117 se déchaîne (A. Hunebelle, 1963)
Les différences sont faciles à repérer et laissent songeurs : avec quelques atours de plus, les différents films de Hunebelle auraient pu avoir une glorieuse descendance.
Il est bien entendu que Kerwin Matthews dans le rôle titre n’a pas le charisme de Sean Connery, loin s’en faut. Il reste tout à fait terne, que ce soit dans l’action ou dans la séduction (avec la scène risible ou il finit par embrasser Gisèle, qui loue des voitures, après une drague ridicule, mal amenée et forcée).
Autour du héros point de grand méchant non plus, ce que la série des Bond, comprenant la leçon d’Hitchcock, a parfaitement su retenir. Ici les scénaristes l’oublient : OSS 117 passe son temps à côtoyer des sous-fifres sans intérêt.
Point d’exotisme non plus, alors que l’histoire se passe à Bonifacio avec sa ville perchée et ses falaises incroyables. Mais Hunebelle nous coince dans des intérieurs quelconques, avec des séquences sans âme et sans punch. Malgré le titre, tout cela est bien mollasson.
Si le film démarre en nous faisant miroiter un danger planétaire (en parvenant à repérer les SNLE français, c’est la fragile paix du monde qui serait déséquilibrée), l’enquête ne s’extrait pas du meurtre initial et piétine longtemps autour du sieur Renotte, second couteau dont on se demande quand OSS 117 s’en débarrassera. Et s’il y a bien un sonar fantastique caché dans une grotte, on ne le voit guère, et on reste loin de l’ambition de débusquer le repaire du méchant. En fait, tout ce qui fait le piment de Dr No est ici absent.
Comme polar d’espionnage qui aimerait avoir un certain charisme et dépasser le genre, on préférera nettement, pour donner quelques exemples français, Le Gorille vous salue bien, avec l’ami Ventura, ou encore les facéties d’Eddie Constatine en Lemmy Caution (Cet homme est dangereux par exemple). On préférera aussi les récentes adaptations d'OSS 117 avec Jean Dujardin dans le rôle titre, même si elles sont sur un registre très différent, entre parodie et hommage.
samedi 23 avril 2022
Qui a peur de Virginia Woolf ? (Who’s Afraid of Virginia Woolf? de M. Nichols, 1966)
En face, le jeune couple apparaît tout aussi malade mais il n’est pas rongé par le même mal. Ce n’est pas l’usure de la vie mais bien plus l’ambition et la soif de paraître qui les pervertit. Le film, très cruel, laisse tout ce petit monde en lambeaux.
Si le film montre un moment cathartique dans un ordinaire qui semble bien dépravé, Nichols poursuivra sa dissection de l’Amérique avec Le Lauréat.
mercredi 20 avril 2022
Quelques jours de la vie d'Oblomov (Несколько дней из жизни И. И. Обломова de N. Mikhalkov, 1980)
samedi 16 avril 2022
La Vie privée d'Elisabeth d'Angleterre (The Private Lives of Elizabeth and Essex de M. Curtiz, 1939)
Il faut vraiment tout le talent de Bette Davis pour tenir la narration et rendre crédible l’histoire.
mercredi 13 avril 2022
Un seul amour (Jeanne Eagels de G. Sidney, 1957)
Le personnage, alors, montre une fragilité contrebalancée par une ambition immense, un talent rattrapé par une autodestruction. L’ironie est que Jeanne Eagels ne trouve son équilibre qu’aux côtés de Sal, mais il s'agit d'un équilibre destructeur puisque l’un et l’autre, sans cesse, sont en décalage, ne s’accordant pas sur leurs ambitions ou sur leurs destins.
George Sidney capte alors parfaitement la fatalité qui s’abat sur ce personnage seul et qui ne parvient pas à équilibrer son ambition, ses émotions et ses faiblesses.