lundi 30 octobre 2023

Casino Royale (J. Huston, 1967)

 



Pastiche de James Bond, ce film réalisé à plusieurs mains manque complètement sa cible. Les personnages sont grotesques et inintéressants au possible, les situations trop abracadabrantesques lassent très vite, maintes séquences sont ratées. L'extraordinaire distribution ne fait qu'accentuer cette sensation de gâchis. Et ce n’est pas d’assumer la comédie et la parodie qui aide à tenir cette lourdeur omniprésente.
Plusieurs réalisateurs ayant participé à ce naufrage (même s'il est attribué généralement à John Huston), on ne sait trop vers qui tourner nos regrets et l’on préfère oublier bien vite ce Casino Royale à la fois insipide et navrant.

 




samedi 28 octobre 2023

La Maison rouge (The Red House de D. Daves, 1947)

 



Drame aux allures de thriller, La Maison rouge est d’abord captivant – notamment lorsque Nath se perd dans les bois dans une séquence qui annonce les grands classiques des films d’horreur qui viendront des décennies plus tard – mais le film reste assez vite figé par un scénario un peu répétitif et trop conventionnel.
Bien que Delmer Daves joue beaucoup sur la nuit, sur les ombres, sur les noirs qui envahissent l’image et sur une certaine incertitude fantastique, le film, finalement, peine à créer une ambiance alors même que, à tout point de vue (scénaristique, psychologique, visuel), il n’aspirait qu’à cela.
Derrière Edward G. Robinson, les acteurs sont très fades. Mais Robinson lui-même est assez mal utilisé, le scénario rendant son personnage trop étriqué : il est d’abord affable puis sujet d’une réminiscence en soi intéressante mais trop caricaturale.
L’image finale, avec la voiture prise dans la boue (motif que l’on retrouvera dans Psychose) est néanmoins très réussie.

 



mardi 24 octobre 2023

Soul Kitchen (F. Akin, 2009)

 



La principale réussite de Soul Kitchen est de parvenir à conjuguer, dans un bel équilibre, un ton de comédie avec un arrière-plan social assez complexe et lourd. Les personnages évoluent en effet dans la basse classe laborieuse, des petites frappes qui sortent de prison, jusqu’aux sphères davantage argentées (voilà Nadine riche par héritage) et dissonantes (Zinos va jusqu’à tout plaquer et part pour Shanghai avant de se raviser in extremis). Et les ennuis, alors, ne font que déferler sans cesse sur Zinos, coincé de toute part (avec même une hernie discale qui le paralyse) et qui s’en sort, en bringuebalant, entouré d’amis, gardant une espèce de foi en la vie qui lui permet toujours de continuer à s’embourber ou à s’extirper d’un énième avatar.
Fatih Akin en profite pour dresser un portrait tout en contraste de Hambourg, depuis les banlieues délaissées jusqu’aux canaux, en passant par les buildings du quartier des affaires.

Il en ressort un film rythmé et plein de punch, qui distille, comme souvent dans les films ainsi équilibrés, une énergie positive surprenante.

 




samedi 21 octobre 2023

Les Favoris de la lune (O. Iosseliani, 1984)





Film très réussi de Otar Iosseliani, qui présente toute une galerie de personnages, jouant un peu du motif des cadavres exquis, avec ces individus qui se croisent, interviennent le temps d’une ou deux séquences puis disparaissent. On n’est pas loin, par moment, du Buñuel du Fantôme de la liberté. Et Buñuel rode aussi au détour de quelques images étranges et décalées, comme ce cheval qui traverse un salon bourgeois, renversant  et piétinant la vaisselle. Vaisselle qui apparaît comme un (fragile) fil rouge entre toutes ces saynètes et tous ces personnages.
Le film donne la part belle aux escrocs, voleurs, clochards et autres anarchistes (les fameux favoris de la lune), tous ceux qui glissent plus ou moins franchement et avec plus ou moins d’hésitations du côté du mal et de la mauvaise morale. On notera d’ailleurs la modernité étonnante de cette affaire de détonateurs destinés à des poseurs de bombe. 
Iosseliani saisit avec beaucoup de richesse toute une société, et, par-dessus tout, de façon assez impalpable, il distille une forme de poésie étrange dans ce ballet de tous les jours. Et ce regard sur Paris, empreint de poésie, d’un faux réalisme et d’une douceur un peu étrange évoque aussi bien René Clair que Jacques Tati. Iosseliani, d’ailleurs, un peu comme Tati, se passe parfaitement des dialogues, jouant à les faire disparaître comme lorsqu’il filme une rencontre au loin, à travers la vitre d’un bar.

 




jeudi 19 octobre 2023

Le Chocolat (L. Hallström, 2000)





Film assez fade de Lasse Hallström, organisé autour d’un scénario très convenu et avec des personnages bien peu intéressants et qui restent sagement tels qu’ils sont définis. Le maire, dans sa caricature, est presque un personnage de comédie. Le pirate bad guy, le prêtre frêle, Juliette Binoche en bonne fée du chocolat (on se demande bien pourquoi, avec une composition si quelconque, elle a été nominée à l'Oscar de la meilleure actrice) : pas grand-chose à retenir de ce film gentillet et sans surprise.




mardi 17 octobre 2023

Benedetta (P. Verhoeven, 2021)

 



On retrouve, dans Benedetta, un Paul Verhoeven fidèle à lui-même : s’il n’y a plus ici la verve folle et pulsionnelle de Turkish Délices, le naturalisme propre au réalisateur jaillit au dehors, naturalisme qui mélange les pulsions et les forces enracinées dans les êtres. Qu’il s’agisse de la foi ou du sexe, d’une honnêteté ou d’une manipulation, Benedetta Carlini a des pulsions enfouies qui resurgissent.
Virginie Elfira sent très bien son personnage, en jouant d’une fausse sincérité, condition de ce surgissement pulsionnel dans l’univers calfeutré du couvent. On regrette, en revanche, que ce ne soit pas le cas de Daphné Patakia, beaucoup plus rustre dans son jeu et dont le personnage, immédiatement, est beaucoup moins crédible. Et on regrette aussi, et il s’agit là d’une forme d’anachronisme, que le corps des deux héroïnes, très mis en avant dans le film puisqu’on les voit plusieurs fois nues, ait une apparence moderne (forme pulpeuse, peau soyeuse, etc.) dont on sent bien qu’elle participe de l’attirance et de la jouissance. Mais ces corps sont bien loin, sans doute, d’une vie carencée et faite de manques, l’une étant censée vivre au couvent depuis dix ans, l’autre étant la fille d’un chevrier à la très basse condition. On a bien du mal à croire, à l’écran, à ces corps beaucoup trop parfaits, comme hors du temps. Ce, d’autant plus que Verhoeven nous donne à voir d’autres corps, qui, eux sont marqués par la peste ou la vieillesse.
Le film souffre aussi d’une forme d’arnaque beaucoup plus problématique, surtout visible dans la première partie, et qui consiste à montrer à l’écran, les visions de Benedetta. On pense vraiment, en tant que spectateur, que celle-ci a des visions, que le Christ s’adresse à elle. Il y a là une tromperie puisque Benedetta ment aux sœurs et qu’elle s’inflige elle-même les stigmates. Pendant un temps le spectateur est berné, non pas par l’indécision du scénario mais par l’image elle-même qui nous trompe. Cet élément est très surprenant (et très décevant) de la part d’un cinéaste aussi brillant que Verhoeven.

 




jeudi 12 octobre 2023

Le Roman de Mildred Pierce (Mildred Pierce de M. Curtiz, 1945)





Très bon film noir de Michael Curtiz qui joue habilement des flash-backs pour dresser le portrait d’une mère dont les vertus multiples de dévouement, d’amour et de travail ne suffiront pas à sauver sa fille aînée. C’est que cette dernière, comme souvent chez Curtiz, traîne son cortège d’ambition, de cynisme, de revanche à prendre sur le monde, ce qui la conduit dans les pires excès. Et, en face, coincée dans son amour maternel, Mildred Pierce fait ce qu’elle peut.
On notera combien le film est moderne au travers du portrait de cette mère qui, quittée par son mari, se retrouve seule avec ses deux enfants et doit trouver du travail. S’ensuit une réussite matérielle qui rappelle la trajectoire de Beatrice (rôle tenu par Claudette Colbert) dans Images de la vie.
Curtiz reprendra plusieurs éléments de Mildred Pierce dans le très bon Boulevard des passions, en s’appuyant notamment à nouveau sur Joan Crawford, dont il faut admettre que le jeu suranné a assez mal vieilli.


 

 

lundi 9 octobre 2023

Sur les quais (On the Waterfront de E. Kazan, 1954)

 



Remarquable film d’Elia Kazan, dont l’art de la peinture sociale est à son apogée. Le rythme et la fluidité du récit, les personnages qui s’épaississent progressivement, le drame qui se noue : tout concourt à captiver de bout en bout. On mesure combien Marlon Brando, après le jeu tout en puissance masculine d’Un tramway nommé Désir, compose ici un personnage beaucoup plus en retenue et tiraillé. C’est d’autant plus surprenant que Terry Malloy, ancien boxeur, aurait pu dégager la même puissance virile que le Kowalski du Tramway. Mais Brando, avec sa variété de jeu extraordinaire, propose tout autre chose, et c’est ce mélange de puissance et de fragilité, de brusquerie et d’hésitation qui construit peu à peu le personnage. Et Kazan entoure sa pépite d’excellents seconds rôles (dont l’immense Karl Malden).
Notons que Kazan, en grande délicatesse durant cette période (avec ses dénonciations lors du maccarthysme), tente sans doute de se justifier en présentant une situation où la trahison est morale et le silence immoral. Il n’en reste pas moins que le réalisateur, film après film, dresse un portrait de l’Amérique extrêmement riche et varié et dont Sur les quais est un jalon essentiel.






samedi 7 octobre 2023

Réveil dans la terreur (Wake in Fright de T. Kotcheff, 1971)





Très australien dans ses motifs – pays vide et désertique, chasse aux kangourous, bleds paumés emplis de gens tout aussi perdus où l’éloignement fige les vies – Réveil dans la terreur est aussi très typique des années 70 par son image, ses personnages et son regard désabusé.
Malgré un rythme inégal, le film tisse assez bien la plongée de cet instituteur qui veut partir en vacances et se fait attraper en chemin par des lieux de perdition : jeux, alcool, mauvaises fréquentations. Sa descente aux enfers est bien filmée, notamment parce qu’elle est plus retranscrite par cette ambiance qui salit tout et bride tout espoir plutôt que par le jeu du scénario lui-même.
Gary Bond est convaincant dans le rôle principal, bien épaulé par de bons seconds rôles, notamment Donald Pleasance, visqueux, indéchiffrable et dégoulinant à souhait.


jeudi 5 octobre 2023

L'Aile ou la cuisse (C. Zidi, 1976)

 



Profitant de la gloire de Louis de Funès, Claude Zidi ne se pose pas de question : il réserve le cadre à sa star qui est de tous les plans et lui laisse libre cours pour déverser sa force de frappe visuelle et comique. Mais le film est très décevant : le talent comique de de Funès est gâché, le film est le plus souvent navrant.
Il faut dire que le scénario est idiot et les personnages (en particulier celui du fils, joué par Coluche) le sont tout autant. Il n’y a que de Funès pour surnager quelque peu par son jeu exubérant. Il y avait pourtant quelque chose à dire du sujet de la gastronomie et de la malbouffe, mais le scénariste se borne à créer des situations pour mettre en avant la star.
L’Aile ou la cuisse est ainsi un bon représentant de ces films faits en série pour profiter de de Funès sans chercher plus loin qu’un carton au box-office. Sur ce plan-là – et c’est bien le seul – le film atteint son objectif avec plus de cinq millions de spectateurs…

 



 

mercredi 4 octobre 2023

La Petite (Pretty Baby de L. Malle, 1987)

 



Louis Malle retranscrit parfaitement l’ambiance de ce bordel du début du XXème siècle de la Nouvelle-Orléans, jouant des lieux et de cette atmosphère particulière de cette grande maison où tant de gens se croisent, se retrouvent et se vendent. La cruauté de ce monde n’est pas énoncée directement mais elle est montrée à travers l’itinéraire de la petite Violet, fille de prostituée et bientôt prostituée à son tour.
Le film révèle la jeune Brooke Shields, très à l’aise, qui évoque bien sûr Tatum O’Neal dans La Barbe à papa, en reprenant cette même façon de jouer à la femme adulte du haut de ses douze ans. Son intrication au milieu des prostituées et des différents clients est très réussie.
Mais, bien sûr, La Petite va beaucoup plus loin que La Barbe à papa, puisque Violet devient rapidement elle-même une prostituée, en même temps que l’égérie du photographe. Louis Malle n’hésite pas et l’on voit la mise aux enchères de la défloration de Violet avant de la filmer nue, plein cadre, posant sur un canapé, la saisissant comme la saisit le photographe. On comprend que, quand bien même l’on est à la fin des années 70, le film ait fait scandale et que des coupes aient été imposées.

 



lundi 2 octobre 2023

Meurtre sous contrat (Murder by Contract de I. Lerner, 1958)





Il est bien dommage, dans cet habile film de série B, que le réalisateur perde un peu le fil de son histoire. Alors qu’il était parti pour composer un récit sec, efficace et au rythme enlevé, le film s’affaisse brutalement dans sa seconde partie, à partir du moment où Claude tourne en rond pour parvenir à exécuter son contrat. Lui, imperturbable et si malin, devient désemparé, revient sur ses principes (achat d’une arme) et tergiverse.
Qu’il joue de malchance est une belle idée, mais qu’il s’effondre tranche trop avec le personnage. Et puis le rythme plus lent casse la belle dynamique.

Cela dit, Meurtre sous contrat, dans son originalité et dans sa fraicheur est assez réussi et l’on comprend que le jeune Scorsese ait pu en dégager des idées, une manière de voir les choses, une façon de jouer avec le genre, notamment en tirant parti de cette idée d’un tueur étranger au monde des truands.