dimanche 28 février 2016

La Dolce vita (F. Fellini, 1960)




Premier film véritablement fellinien, dans lequel le style si particulier de Fellini explose. Le film est sans scénario véritable, il montre quelques jours (le sait-on vraiment ?) de la vie du journaliste Marcello (Marcello Mastroianni, parfait) et le film se déroule au fil des épisodes, un peu comme une improvisation de jazz. Ces différents moments sont autant d’images qui se succèdent, furieuses, inventives, symboliques, baroques. Visages excentriques et vains de la vie moderne trépidante, futilité de ces remous continuels : c’est un foisonnement ininterrompu. Autant qu’un personnage, Marcello est un témoin embarqué et il déambule dans la nuit, sans affect, superficiel, ballotté.


Le génie de Fellini s’exprime pleinement dans ces images décalées, désabusées, futiles ou surprenantes. A un petit chat qui erre dans une rue, succédera bientôt la frénésie médiatique d’un attroupement dans un champ, avec échafaudages et éclairages violents.
La célèbre séquence d’ouverture, à la fois fraîche et incongrue, avec la statue du Christ emporté par un hélicoptère qui passe au-dessus de quelques femmes qui bronzent à une terrasse et qui sont interpellées par Marcello, résume le film à elle seule.


vendredi 26 février 2016

Le Procès (The Trial de O. Welles, 1962)



Le Procès Orson Welles Affiche poster

Etonnant film de O. Welles qui fait subir sa maestria baroque à l’étrangeté du Procès de Kafka. La mise en scène de Welles, ultra-démonstrative, brillante et excessive se marie bien avec la mésaventure de Joseph K. : les méandres qu’il subit (méandres de l’esprit aussi bien qu’administratifs) sont créés à l’image et les bâtiments, à force d’être distordus, deviennent des labyrinthes étranges et incompréhensibles, les couloirs communiquent avec d’autres couloirs, les étrangetés se succèdent.

Anthony Perkins et Orson Welles
Welles, par nature, est baroque, mais ici il caricature son style (qui est déjà une exagération en lui-même) : il n’est pas un plan qui ne soit une construction savante et spectaculaire. Il n’y a qu’à la fin, peut-être, où Welles est rattrapé par son récit : on se rend compte alors que Welles, tout à sa force démonstrative, a un peu oublié de nous raconter une histoire.
On s’amusera du casting prestigieux du film (Jeanne Moreau, Romy Schneider, etc.), dont Anthony Perkins, qui est un très bon Joseph K., dépassé, qui tente de se débattre mais qui se fait engloutir progressivement.

Le Procès Orson Welles Affiche poster

jeudi 25 février 2016

Dersou Ouzala (A. Kurosawa, 1975)



Dersou Ouzala Affiche Poster

A l'heure où les petites soupes niaises et sucrées du prêt-à-penser écolo envahissent les médias, il faut se souvenir de Dersou Ouzala. Se souvenir à la fois du film, éblouissant éloge de cette communion entre la Nature, l'Homme et l'Univers ; mais se souvenir aussi du personnage lui-même, de la fraternité et de l'humanisme qui naissent à son contact, alors qu'il représente, quasiment par essence, l'altérité.
Et c'est de cette rencontre avec l'ailleurs que naît l'universalisme du film, qui parle à tous, qui touche chaque spectateur (rejoignant en cela le mystère de tant de films japonais de Mizoguchi ou Ozu : comment, alors qu'on nous parle d'un pays si lointain ou de périodes si anciennes, cela peut-il nous sembler si familier ?).

Cela dit, pour ceux qui ne sont pas encore revenus d'une version verte et toute gentille de la Nature gaïatisée, il faut peut-être revoir avant le terrible Délivrance de J. Boorman, où la sauvagerie de la Nature saute aux yeux - ce qui raccommode quelque peu avec la civilisation - avant de se tourner enfin vers l'unanimise et l'universalisme de Dersou.


Dersou Ouzala Akira Kurosawa

mardi 23 février 2016

Les Oscars n'ont aucun sens




La cérémonie des Oscars se rapproche. C’est l'occasion de rappeler que les Oscars ne sont en aucun cas une preuve de la qualité d'un film, d'un réalisateur, d'un acteur ou d'une équipe technique. Ceci se démontre facilement.
D'une part les Oscars se décernent chaque année : de sorte que, si, une année, deux excellents films ont été réalisés, un des deux ne sera pas récompensé. A contrario, si, une autre année, aucun film valable n'a été réalisé, il faudra bien en récompenser un malgré tout, quand bien même il n'y a que des films médiocres.
D'autre part on sait que les récompenses sont l'œuvre d'une guerre entre majors. On est alors bien loin de considérer la qualité de tel ou tel film : les producteurs discutent d'arrangements en sous-main, les acteurs font de grandes tournées promotionnelles.
On sait aussi que les opinions mainstream et la politique interviennent largement dans les attributions et que tel réalisateur ou tel acteur peuvent être proscris, indépendamment de leurs valeurs artistiques (Chaplin constituant l'exemple type).

Enfin le palmarès parle de lui -même :
- en 1959, trois films du panthéon du cinéma mondial sont réalisés : La Mort aux trousses, Certains l'aiment chaud et Rio Bravo. Pour le coup on ne sait que choisir. La cérémonie n'a rien vu de tout cela : aucun des trois n'a eu de récompenses, c’est Ben Hur, le blockbuster de l'année, qui a tout raflé.
- A. Hitchcock (1), E. Lubitsch, R. Walsh, S. Kubrick, H. Hawks, O. Welles, C. Chaplin (2) n'ont jamais été récompensés. Cette liste, sans doute, vaut mieux qu'un long discours. De même considérer qu'un acteur aussi exceptionnel que Cary Grant n'ait jamais été récompensé enlève toute crédibilité aux célèbres statuettes.

Tout ceci vaut évidemment pour toutes les récompenses nationales ou internationales.



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(1) : Rebecca a bien eu l'Oscar du meilleur film, mais Hitchcock n'a jamais eu celui du meilleur réalisateur. Lui-même insiste bien sur cette différence dans ses entretiens avec F. Truffaut.
(2) : Chaplin a beaucoup tourné avant les Oscars. Mais la première cérémonie ayant eu lieu en 1929, il y avait largement de quoi le récompenser au travers de plusieurs de ses immenses films.

samedi 20 février 2016

La Charge des tuniques bleues (The Last frontier de A. Mann, 1955)



La Charge des tuniques bleues Anthony Mann Victore Mature Affiche Poster

Ce western fait suite aux chefs-d’œuvre d’A. Mann avec J. Stewart ou R. Taylor dans le rôle principal. Difficile succession : si le film est bon, il est en-dessous de ses prédécesseurs.
Pourtant on trouve la rigueur d’A. Mann, sa profondeur de champ, ses mouvements de caméra efficaces, l’aspect crépusculaire qu’il met dans plusieurs séquences.
Pourtant le personnage de Jed Cooper est intéressant. Il oscille entre sa vie de trappeur et la civilisation (symbolisée par la loi et l'ordre du fort). On sent que Mann traite ici d'une époque charnière dans l'histoire des États-Unis : alors que, par ailleurs, se déroule la guerre de sécession (évoquée en filigrane), c'est le début de la fin de l'Ouest sauvage dont il est réellement question.
Peut-être que le personnage du colonel est trop caricatural et A. Mann avait su éviter toutes caricatures (du moins pour les rôles principaux) dans ses précédents westerns.
Peut-être que la romance est trop forcée, trop illusoire et, si elle donne lieu à une très bonne séquence (quand Cooper abandonne le colonel au fond de son trou), elle n'est pas fluide comme le reste de l'intrigue.
Peut-être aussi que Victor Mature cabotine un peu trop, et apporte à son personnage une touche trop décontractée, insouciante, parfois en porte-à-faux avec les drames qui se jouent.

mercredi 17 février 2016

Seven (Se7en de D. Fincher, 1995)




Bon thriller de David Fincher, violent et angoissant, qui met en scène un classique duo de flics mal assortis (un petit jeune fougueux et un vieux près de la retraite) aux prises avec un criminel psychopathe appliqué et patient.
Le film reprend la trame principale de L’Abominable Docteur Phibes de Fuest. Là où le docteur tuait successivement ses victimes en s’inspirant des dix plaies d’Egypte, ici le tueur part des sept péchés capitaux. De même le docteur Phibes a mûri son plan pendant des années, comme le fait John Doe dans Seven. Le film, donc, n’est pas original, mais il n’en est pas moins réussi.



David Fincher met en effet en place avec une certaine roublardise une ambiance un peu artificielle qu'il cherche à faire passer pour des effets de style. Une image numérique aux filtres chauds, un concept assez racoleur, un univers métaphorique (ici une « leçon biblique ») volontiers glauque et poisseux et qui montre (avec une certaine complaisance) tout le sordide des mises en scène des meurtres. Cela fait un peu concours d'abominations et il n’est pas certain que, pour happer le spectateur, il faille sans cesse chercher à le choquer toujours davantage.

La déclinaison en sept péchés capitaux a pour intérêt d’apporter du grain à moudre aux policiers et, surtout, cela cherche à installer le psychopathe dans la branche à la mode des psychopathes intelligents, lucides et cultivés. Or on retombe là inévitablement sur Hannibal Lecter, mémorable tueur du Silence des agneaux, et que Kevin Spacey, malgré un jeu humble et très juste, ne parvient guère à faire oublier.
Certes le personnage, par essence, se veut le plus discret possible (jusqu’à son nom de John Doe) mais c'est le machiavélisme scénaristique, bien plus que le personnage du tueur lui-même, qui marque les esprits. Comme ce sont ses actes plus que lui-même qui sont destinés à être gardés en mémoire par le spectateur (spectateur du film autant que le spectateur imaginaire des meurtres du tueur qui espère, assez stupidement, marquer son temps dès lors que l'ensemble de son « œuvre » apparaîtra dans sa totalité : voilà une pensée bien naïve pour un tueur censément intelligent), ses actes, donc, sont forcément outranciers à l'image. On le regrette un peu, tant d'une part l'atmosphère oppressante par ailleurs montrait qu'on pouvait laisser bien des atrocités hors-champ et tant, d'autre part, c'est le personnage de John Doe et sa relation avec les deux inspecteurs (personnages que Fincher a intelligemment pris le temps d'épaissir) qu'il aurait été intéressant d'approfondir.

On notera une influence néfaste du film : on ne compte plus les films de second rang ou les séries télé qui ne peuvent s'empêcher d'emmener le spectateur dans des endroits glauques directement inspirés de l'atmosphère de Seven et qui ne peuvent s’empêcher, non plus, de filmer en gros plan bien des cadavres abominables.



mardi 16 février 2016

Jurassic Park (S. Spielberg, 1993)



Jurassic Park Steven Spielberg Poster Affiche

Film assez décevant, malgré quelques bonnes séquences qui montrent ce que le film aurait pu être. Mais le bon scénario de Crichton et le talent (très grand) de Spielberg ont été lissés et affadis par Hollywood.
On a pourtant un terreau favorable avec une situation de départ excellente et captivante (des dinosaures vivants !) qu’un grain de sable va faire exploser. Les effets spéciaux sont bluffants (les dinosaures sont plus vrais que nature) : le film amorce une nouvelle ère d’effets spéciaux visuels (après les premiers pas d’Abyss ou Terminator 2). La puissance visuelle du film est incroyable par moment (à l'époque, on n'avait jamais vu ça).

Jurassic Park Steven Spielberg Poster Affiche

On imagine le plaisir de Spielberg à pouvoir mettre en scène des dinosaures, avec une telle qualité dans les effets spéciaux (c’est l’avantage des budgets colossaux). Lui qui a dû admirer dans sa jeunesse tant de films de monstres qui étaient ou bien des créatures en caoutchouc ou bien animés par la technique de l’image par image (comme dans A des millions de kilomètres de la Terre de N. Juran, qui met en scène un monstre dinosaurien qui dévaste Rome).

Mais le cahier des charges d’Hollywood est trop contraignant et empêche toute initiative, tout débridage : il faut de l’humour, des enfants, des grandes scènes qui finissent comme il faut, il faut que les personnages qui meurent soient antipathiques, etc.
Hollywood, capable de fournir les moyens d’un tel film (les effets spéciaux ont un coût effarant), empêche en même temps toute créativité.
Spielberg, qui, au milieu de tous ses blockbusters, parvient parfois à passer entre les gouttes et à faire exploser son talent (Les Dents de la mer ou Indiana Jones), ne devient, le plus souvent, qu’un réalisateur solide et très pro mais sans génie. Sa soumission aux désidérata des producteurs est décidément un beau gâchis.

samedi 13 février 2016

Le Chant de Bernadette (The Song of Bernadette de H. King, 1943)




Bon film, empreint de la foi de la jeune Bernadette : Jennifer Jones fait une composition étonnante, surtout en regard de ces rôles futurs, qui jouent essentiellement sur la sensualité sauvage qui se dégage d’elle !
Les séquences où la Vierge apparaît sont très réussies, tout à fait sobres (ce qui n’est pas évident dans le Hollywood des années 40). Henry King prend aussi le temps d'épaissir socialement l'histoire de Bernadette en approfondissant les réactions autour d'elle. On suit alors les réactions du maire ou du procureur, qui ne croient pas une seconde à l’histoire de la petite Bernadette et qui ne sentent pas venir l’émotion populaire autour de la grotte. Bernadette est alors habilement écartelée entre admiration et critique. Enfin la dernière partie du film – qui mêle les premiers miracles de l’eau de la source avec la retraite de Bernadette parmi les sœurs  permet à King d’approfondir le point essentiel de son film : le cheminement de Bernadette, depuis le dénuement de sa condition initiale, jusqu’à l’acceptation humble de sa condition de malade incurable.

mercredi 10 février 2016

Seul sur Mars (The Martian de R. Scott, 2015)



Seul sur Mars Ridley Scott Matt Damon

Film assez plaisant à suivre mais qui est uniquement « scénaristique ». C’est-à-dire que l’histoire se propose de dérouler, avec une application remarquable et une volonté de réalisme, la survie d’un astronaute abandonné sur Mars. Ce qui est original c’est que c’est un film de science-fiction mais dont l’action se situe dans un futur proche (dans quelques dizaines d’années ?) donc cela permet d’offrir une base scientifique sur Mars sans que l’on perde nos repères (les vaisseaux ne sont pas futuristes, les astronautes écoutent des musiques du XXème siècle, etc.).
En revanche le film ne génère aucun suspense quant à la fin (on sait bien que Watney va s’en sortir) mais simplement une curiosité (qui peut s’avérer passionnante si on goûte aux sciences) : comment va-t-il pouvoir cultiver quelque chose, comment va-t-il se procurer de l’eau, comment sera-t-il secouru ?… Le scénario se résume alors à une alternance question/problème un peu basique : dès lors que notre héros a réglé un problème, le scénario lui en soumet un nouveau. Et Watney devient ainsi une espèce de MacGyver de l’espace.
On aura donc bien du mal à retenir de ce film beaucoup plus qu’un intérêt scientifique passager. On se dit qu’il est réaliste, qu’il est « bien fait », mais c’est à peu près tout. Ridley Scott (dont le ratio films réussis/films quelconques est quand même bien bas) propose un film bien professionnel mais aussi sans âme. Matt Damon est un astronaute appliqué mais il reste lui aussi bien lisse (il a toujours une grande difficulté à incarner un personnage : ce n’est pas un très bon acteur).

Sur le même thème et avec un scénario tout aussi prévisible, Gravity cherche davantage à immerger dans l’image, à jouer sur la beauté et le ressenti. On a là deux approches diamétralement opposées partant d’une même idée.

mardi 9 février 2016

Buffet froid (B. Blier, 1979)




Très grande réussite de Bertrand Blier dans un cinéma absurde, froid, distant, au ton tragi-comique qui empile les cadavres et les situations ionesciennes. Dans ce film unique à bien des égards, Blier inverse tous les postulats habituels : les relations de cause et de conséquences ne fonctionnent plus, il filme normalement des scènes anormales, les réactions sont opposées à ce qui devrait être (l'assassin plus marqué par la mort de la femme que le mari). Cette inversion ne pouvait se faire qu'une fois : Blier ne procèdera plus de la sorte. Lui qui aime choquer ou bien par le ton (Les Valseuses), le sujet (Beau-père) ou désarçonner le spectateur ne jouant de la grammaire du cinéma elle-même (Merci la vie), explore ici l'absurde, se rapprochant de l'univers de Buñuel (celui du Fantôme de la liberté ou du Charme discret de la bourgeoisie). Depardieu, Blier père et Carmet sont parfaits dans des rôles au ton très difficile à trouver. Michel Serrault épate dans la légendaire séquence d'introduction (séquence très difficile à jouer, où tout ne tient qu'à un fil).
Les décors épurés, géométriques, dans une urbanité déserte d’abord, puis dans une nature froide, participent au ton étrange et irrationnel du film. Ils construisent un univers de solitude et de déshumanisation qui entoure et étreint les personnages.
Les dialogues sont savoureux, dès la première séquence qui installe le spectateur dans l’univers de Blier et donne d'emblée le ton du film, celui d’un humour noir un peu mélancolique, à la fois grinçant, solitaire et désabusé.


samedi 6 février 2016

Le Rebelle (The Fountainhead de K. Vidor, 1949)




Important film de King Vidor, qui permet de mesurer l’écart parcouru par le cinéaste durant sa carrière : alors qu’il a mis en avant dans de nombreux films l’importance de la communauté, des humbles gens, de la complémentarité entre les talents de chacun (par exemple dans La Foule ou Notre pain quotidien), il délivre ici un hymne au génie individuel, devant lequel la foule n’a qu’à s’incliner. Dans Le Rebellel’esprit libre, individuel, s’exprime au travers de sa création.


Le style de Vidor éclate dans le film : les décors sont expressionnistes, les jeux de plongé-contre-plongés sont accentués, tous les traits de style sont appuyés. Les métaphores sont nettes et sans fioritures (la séquence dans la carrière, par exemple, avec Patricia Neal qui peine à se retenir devant Gary Cooper en sueur en train de manier son marteau-piqueur). Ce style si caractéristique (qu’on retrouve dans le jeu très marqué de Patricia Neal) a sans doute vieilli aujourd’hui mais il est un mélange de la volonté très forte d’appuyer le trait de la part de Vidor et de la bride forcée qui enserre Hollywood.
Gary Cooper reste lui fidèle à son jeu habituel, tout en intériorité. Il reste laconique dans le film, hormis l'étonnante tirade lors de son procès, extrêmement longue, et qui résume la pensée profonde du réalisateur.

Si l’architecte Frank Lloyd Wright inspire le personnage de Howard Roark, la part d’autobiographie entre Roark et Vidor est manifeste : lui qui a si souvent été bridé par les studios, lui qui, aussi, ne doute pas une seconde de son très grand génie, a mis beaucoup de lui-même dans cet architecte qui refuse aux promoteurs la moindre concession et devant lequel le monde ne peut que s’agenouiller.

L’image finale, avec la contre-plongée délirante de Roark en haut de son building, est remarquable.


jeudi 4 février 2016

Chérie, je me sens rajeunir (Monkey Business de H. Hawks, 1952)




Comédie de Howard Hawks qui flirte vers la science-fiction et devient franchement loufoque. On peut regretter cette exagération (exagération que l’on retrouve, par exemple, dans L’Impossible Monsieur bébé) même si Hawks mène tambour battant son film, avec sa maîtrise habituelle.
Il faut remarquer comment, dans le propos de Hawks, l’enfance est mère de toutes les bêtises et de tous les abrutissements. Ici, retomber en enfance c’est redevenir complètement sot et inconséquent. Cette réduction, qui est certes la vis comique du scénario, laisse un peu songeur.


mardi 2 février 2016

Prisoners (D. Villeneuve, 2013)




Thriller très réussi de Denis Villeneuve qui réussit à captiver le spectateur et à l’entraîner sur bien des fausses pistes.
Deux habiletés scénaristiques rendent le film haletant et perturbant.
D’une part le spectateur est amené à prendre fait et cause pour le personnage de Keller Dover (interprété par Hugues Jackman, presqu’à contre-emploi, qui compose parfaitement ce père aveuglé par la douleur) et dont la petite fille est enlevée. On participe à sa  douleur mais, progressivement, le spectateur ne peut plus cautionner ses actes et doit s’en détacher : admettons qu’il enlève le principal suspect responsable de la disparition de sa petite fille et que la police relâche un peu trop rapidement, mais on ne peut accepter les tortures de plus en plus dures qu’il fait subir pour le faire parler. Et le spectateur est laissé en plan, parce qu’il ne peut pas non plus se rapprocher de l'autre personnage important du film, l'inspecteur Loki (Jake Gyllenhall), décidément trop lymphatique et rongé par quelque douleur ancienne.
D’autre part, le film distille des indices qui ne permettent jamais au spectateur de trancher : le doute plane toujours quant à la culpabilité de ce suspect un peu simplet mais qui sait quand même des choses. Interrogations toujours avec ces différentes pistes qui mènent à autant de culs-de-sac. Et le spectateur, ballotté et guère ménagé, ne verra l’intrigue se dénouer que très tardivement.

D. Villeneuve parvient parfaitement à maintenir une tension tout au long du film et à créer une angoisse lourde et pesante, avec ses images réalistes dans cet hiver pluvieux. Il renoue ainsi avec les thrillers noirs, qui étaient plus fréquents il y a quelques années, qu’on pense au Silence des agneaux, à Seven ou encore à Zodiac. C’est de ce dernier film, indubitablement, que se rapproche le plus Prisoners.