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samedi 6 mars 2021

La Renarde (Gone to Earth de M. Powell, 1950)

 



Film de second rang du duo Michael Powell-Eric Pressburger. Ici, bien plus que l’histoire assez conventionnelle et attendue, c’est l’esthétique, à grand de couleurs flamboyantes, de soirs tombants, de forêts en ombres chinoises, de cadrages inquiétants, qui retient l’attention. Entre la maison de Hazel et le château de Jack Reddin, c’est la Nature qui est le cadre envoutant du récit. Uniquement par la façon dont il est évoqué et traité à l’image, Powell donne une dimension presque fantastique à cet univers.
À ces rapports de force de couleurs répond le duel entre Jennifer Jones, dans son registre habituel – faussement innocente et volontiers brûlante – et David Farrar, animal au sang chaud, bouillonnant sur son cheval.
Et cette Nature puissante, à la fois rurale et très anglaise trône au cœur du film et enveloppe ce rapport de séduction et de forces, avec Hazel écartelée entre la probité calme du pasteur et le châtelain païen et chef de meute.




jeudi 2 janvier 2020

Colonel Blimp (The Life and Death of Colonel Blimp de M. Powell et E. Pressburger, 1943)




Très beau film du duo Powell-Pressburger (c’est là leur première association), dressant un tableau splendide de Clive Wynne-Candy, personnage haut en couleur dont on suit quarante ans de vie, depuis ses premières frasques jusqu’aux dernières.
Étrangement (mais le film ne manque pas d’étrangeté), Colonel Blimp est un film de guerre sans bataille. Mais, loin de manquer d’entrain, celui-ci repose sur les personnalités des personnages et sur le talent de narrateur de Powell, très à l’aise, qui change d’époque aussi facilement qu’il change de ton, s’arrête sur un moment de vie ou un détail savoureux, et joue avec d’habiles ellipses pour marquer le temps qui passe. Powell relie de façon admirable ces différentes époques avec la toute jeune Deborah Kerr, vingt-deux ans, qui interprète trois rôles différents et, en donnant une jeunesse éternelle à ses personnages, teinte le film d’une aura presque fantastique.
Le film joue avec la caricature du colonel Blimp (personnage réactionnaire farfelu et ridicule) et construit, peu à peu, un personnage loyal et sentimental, parfois magnifique de bravoure. La réussite du film doit aussi beaucoup à Roger Livesey, dans le rôle-titre, qui est exceptionnel de bonhommie et d’honnêteté un peu naïve et franche. Son vieillissement progressif est étonnant de vraisemblance et son idéalisme galant apparaît, de façon savoureuse, de plus en plus en porte-à-faux avec la modernité.



vendredi 19 juin 2015

Les Chaussons rouges (The Red Shoes de M. Powell, 1948)




Quelle merveille ! Il semble que, avec Les Chaussons rougesPowell parvient à s'affranchir de l’écran. Dans les premiers âges du cinéma, on sait que les acteurs évoluaient comme sur une scène de théâtre, sans profondeur de champ (un peu comme en peinture où le gothique fait évoluer de nombreux personnages sur une faible largeur de scène, sans qu’il y ait de perspective). Bien entendu la profondeur de champ a permis d’envoyer le regard vers l’infini, mais, ici, Powell semble entrer sur scène pour nous faire déambuler parmi les décors. Bien plus qu’avec la 3D (dont on ne dira jamais assez l’artificialité de l’image qu’elle propose) où c’est l’image qui vient vers nous, Powell nous propose d’aller au centre de l’image, de nous y incarner. Au mitan du film, les vingt minutes du ballet sont alors une immersion éblouissante : on entre dans cette séquence comme on entre dans une cathédrale et on se laisse porter. La chevelure rousse de Moira Shearer, le jeu des couleurs, le rouge des ballerines, les artifices à la Méliès, la féérie : tout concourt à l’émerveillement.
Et l’idée est là : comme avec un grand roman ou une symphonie, on doit pouvoir entrer dans un film comme on entre dans une cathédrale. Et alors on lâche les rênes et on se laisse porter.

Le personnage de Lermontov est aussi fascinant. On oscille à son sujet : en fait-il trop, en imposant à ses danseurs de vivre pour danser ? A-t-il raison de brider les amours naissants ? On pense à Rilke dans ses Lettres à un jeune poète :  « Mourriez-vous s'il vous était défendu d'écrire ? Il suffit, selon moi, de sentir que l'on pourrait vivre sans écrire pour qu'il soit interdit d'écrire. »
Powell discute d’une vision romantique de l’art : on ne vit que pour l’art lui-même. Et Lermontov est le despote tout puissant, qui tient la vie de sa danseuse entre ses mains et ne supporte pas les imperfections.
Nul doute qu’il n’accepterait pas de faire sienne cette réflexion de M. Duchamp à propos de l’art :

« Pendant l'acte de création, l'artiste va de l'intention à la réalisation en passant par une chaîne de réactions totalement subjectives. La lutte vers la réalisation est une série d'efforts, de douleurs, de satisfactions, de refus, de décisions qui ne peuvent ni ne doivent être pleinement conscients, du moins sur le plan esthétique. Le résultat de cette lutte est une différence entre l'intention et la réalisation, différence dont l'artiste n’est nullement conscient.
En fait, un chaînon manque à la chaîne des réactions qui accompagnent l'acte de création ; cette coupure représente l'impossibilité pour l'artiste d'exprimer complètement son intention. [...] Tout créateur a un projet, un cap, un programme, inévitablement transformé par l'œuvre en train de s'accomplir. [...] Cet accomplissement lui échappe en partie, pour des raisons qui font justement qu'il est un artiste et pas un simple traducteur ou exécutant de son propre projet. »