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lundi 28 juin 2021

La Forêt interdite (Wind Across the Everglades de N. Ray, 1958)

 

Très intéressant film de Nicholas Ray, au thème très novateur. Dans la lignée du Walden de Thoreau, Ray filme une confrontation entre une civilisation destructrice et une Nature sauvage mais qu’il faut préserver. Le film, si l’on veut, expose une conscience écologique, un peu comme le fera Elia Kazan dans Le Fleuve sauvage quelques années plus tard.
Avec l’affrontement entre Murdock le garde-chasse et Cottonmouth le braconnier, ce sont deux conceptions de la liberté qui s’affrontent, deux faces d’une même pièce pourrait-on dire. Murdock veut préserver la liberté de la Nature, qui doit rester épargnée de la civilisation mais aussi des hommes ; Cottonmouth revendique une liberté, liberté prédatrice mais émancipée de la civilisation. Ce personnage annonce le Kurtz de Coppola, qui reprend lui-même le personnage de Conrad dans Au cœur des ténèbres : perdu dans les marais, Cottonmouth édicte ses propres règles et règne sur son univers. Dans tous les cas c’est la civilisation – et non directement Cottommouth nous dit Ray – qui est coupable, en créant un marché pour les plumes d’oiseaux.

Réalisé par un Nicholas Ray chaotique et alcoolique, La Forêt interdite, avec son rythme changeant, son regard sur les marais, sa contemplation calme des bandes d’oiseaux qui s’envolent ou des canots qui se perdent dans les méandres, annonce le style élégiaque de Malick et démarre une lignée qui va jusqu’aux Bêtes du Sud sauvage ou Mud (qui cite clairement le film de Ray, notamment avec le thème autour des morsures de serpent).

 

samedi 4 juin 2016

Traquenard (Party Girl de N. Ray, 1958)




Très bon polar, dans lequel N. Ray insuffle à la fois un romantisme et mille couleurs baroques dans un genre qui ne s’y prête guère. Il n’hésite pas à faire se succéder des scènes de genres très différents allant du film de gangster classique à la comédie musicale, dont il reprend les couleurs chaudes.
Robert Taylor, en avocat véreux au service de la pègre et qui veut regagner son honneur (et le cœur d’une chanteuse délaissée), est remarquable. Pour l’avocat la rédemption passera par la trahison : il n’y a pas de héros dans ce film, que des âmes blessées et finissantes.


Le polar noir devient chatoyant (Cyd Charisse)
La composition de Lee J. Cobb en chef mafieux est très réussie. On voit dans ses mimiques les prémisses de celles de De Niro dans Les Incorruptibles de De Palma.

Lee J. Cobb interprète Rico Angelo le chef mafieux.
On trouve d’ailleurs dans ces mêmes Incorruptibles une scène reprise de Traquenard. Mais entre les deux films le code Hayes a été abrogé et ce n’est plus une queue de billard miniature qu’utilise le mafieux pour châtier le traître mais une batte de baseball grandeur nature. 

Rico Angelo s'apprête à punir le traître...
... de même que Al Capone mais avec une batte de baseball.
Et le gangster puni ne disparaît pas chastement sous la table qui masque les coups qui lui sont portés, mais c’est une mare de  sang qui se répand sur la table…

Le baroquisme de De Palma : vue verticale avec zoom arrière
sur la tête qui ensanglante la table blanche et bien mise

lundi 9 mai 2016

Les 55 jours de Pékin (55 days at Peking de N. Ray, 1963)




Grosse superproduction qui reprend l’épisode historique de la révolte des Boxers qui s’attaquent aux délégations étrangères à Pékin en 1900. Celles-ci se regroupent et font front contre un ennemi bien supérieur en nombre tout en attendant des renforts qui n'en finissent pas de ne pas arriver.
Mais l’ensemble est bien décevant : quelques scènes sont spectaculaires (la situation est en fin de compte proche de celle d’Alamo : il est bien évident que cela inspire le cinéma américain) et l'ensemble est distrayant, mais il y a bien peu d’émotion et encore moins de surprises.
Seul David Niven, en diplomate anglais flegmatique et mesuré, est très bien et relève le niveau des autres acteurs – pourtant prestigieux (Charlton Heston, Ava Gardner) – mais bien peu inspirés. Les 55 jours de Pékin a beau être une grosse production, c’est un bien petit film de Nicholas Ray.

jeudi 1 octobre 2015

La Fureur de vivre (Rebel Without A Cause de N. Ray, 1955)



La Fureur de vivre Nicholas Ray Poster Affiche

Un des films américains les plus connus, les plus aimés, dont les images circulent sans cesse. Le film sort un mois après la mort de James Dean qui devient immédiatement un mythe. L'impact du film est immense, la jeunesse américaine s'identifie complètement au personnage tourmenté interprété par James Dean.
Le succès est immédiat pour ce film dont la toile de fond est la société américaine des années 50. Alors que le niveau de vie s'y améliore (les voitures et l'électroménager se développent, les familles présentées dans le film vivent dans des pavillons de banlieues confortables...), le problème de la délinquance juvénile émerge : des bandes de jeunes font leur apparition, des actes de vandalisme et de violence se produisent. N. Ray a déjà beaucoup parlé de ce problème (dans Les Amants de la nuit ou Les Ruelles du malheur). Le film se veut une illustration de cette contestation des valeurs traditionnelles que connaîtront les années 60 (avec l'apparition de la contre-culture américaine).

Le film est présenté comme une tragédie, qui progresse vers un dénouement fatal (la mort sacrificielle de l’un des personnages) : selon la règle des trois unités, l'action se déroule en une journée, au même endroit ou presque (dans la même ville, avec des lieux récurrents - le planétarium, le manoir abandonné -) et l'action est centrée sur une seule intrigue. L'histoire est construite en triangle autour des personnages principaux. Ces trois personnages - Jim, Judy et Platon - sont présents dès la première séquence dans le commissariat, ils se croisent, restent isolés les uns des autres par des parois de verre, ne communiquent pas encore. Ils sont tous les trois dans une relation difficile avec leur père.

Jim trouve son père trop faible (« tu es une poule mouillée », lui dit son fils). Le père de Judy condamne sa fille qui s'épanouit et devient une femme (il l'estime provocante) et, tout à la fois, rejette la tendresse de sa fille à son égard (qu’il juge enfantine). Ce paradoxe maintient Judy dans une situation perturbante : est-elle une enfant ou une adulte ? Platon souffre lui de la démission et de l’absence de ses parents et tout particulièrement de son père. Il cherche une famille de remplacement et croit la trouver auprès de Jim et de Judy. Ce sont donc trois aspects des bouleversements de l’adolescence qui sont abordés.

L'histoire propose la résolution de ce problème posé aux trois adolescents : comment devenir adulte en 24h ? Avec, en filigrane, la question du rapport au père pour se construire. Pour cela, Jim doit traverser une série d'épreuves, de rites initiatiques (un combat au couteau, la course « chiken run »). Ce faisant, Jim résout les problèmes des trois adolescents : il affronte Buzz (qui est le chef et symbolise la force et la domination, tout ce que n’est pas son père) et n’est donc pas une poule mouillée comme lui, il séduit Judy et sait être tendre avec elle, comme un homme ; enfin, il fait office de père de substitution pour Platon. Jim se construit donc comme adulte en répondant au manque d’affection de ses deux amis.
Les épreuves qu'affronte Jim sont des scènes cultes du cinéma : le combat au couteau et surtout la course en autos (la « chiken run »). Le personnage de Jim est une des images les plus célèbres du cinéma américain.

On peut pourtant contester la finesse de l’analyse de N. Ray. Douglas Sirk, dans Tout ce que le ciel permet, suggère au contraire que ce n’est guère la jeunesse qui fera bouger la société. Et, en introduisant des références nettes à Thoreau, de dernier s'appuie avec beaucoup d’acuité sur les références philosophiques qui seront celles de la contre-culture.

jeudi 30 avril 2015

Les Ruelles du malheur (Knock on Any Door de N. Ray, 1948)




Intéressant deuxième film de N. Ray, qu'il faut voir comme une deuxième approche du problème de la délinquance des jeunes (après celle des Amants de la nuit) qui le conduira à La Fureur de vivre. Ici encore, comme dans Les Amants de la nuit, les jeunes adultes sont des criminels. Nick Romano est un délinquant beau gosse que l’avocat Morton tente d’innocenter du meurtre d’un policier, en même temps qu’il justifie les actes qui ont fait de lui une petite frappe des rues (étrange dualité s’il en est). Le propos est clair, parfaitement rousseauiste (l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt) et Humphrey Bogart est le porte-parole du réalisateur. Sa plaidoirie finale, pour touchante qu’elle puisse être, est malgré tout très moralisatrice et très convenue. Cela dit le propos se veut fort (« tout le monde est coupable », en particulier le monde adulte qui a des devoirs envers les jeunes) mais il est amoindri parce qu'aucune solution n’est esquissée. Au contraire, il est difficile de ne pas sentir de l’impuissance face à l’origine sociale de la délinquance juvénile. Impuissance renforcée par le coup de théâtre final du film.


samedi 27 avril 2013

Johnny Guitare (Johnny Guitar de N. Ray, 1954)




Étonnant western de Nicholas Ray, qui s'appuie sur des couleurs flamboyantes et baroques et sur un argument original. Délaissant les thèmes traditionnels, qui sont rejetés en marge du récit, Johnny Guitar est d'abord un magnifique mélodrame. Et Nicholas Ray va plus loin puisque le moteur dramatique du récit est un affrontement entre deux femmes, hautes en couleurs, très déterminées, jalouses, fortes et haineuses. L'une (Vienna, Joann Crawford) et l'autre (Emma, Mercedes McCambridge) vont permettre l'avancée réelle du récit, en décidant et agissant, deux rôles dévolus aux hommes dans le western.
Johnny Guitar (très bon Sterling Hayden), lui, malgré le titre du film, reste longtemps en retrait, comme spectateur du drame qui se noue, mais sa relation avec Vienna va progressivement s'intensifier. Fondé sur un amour passé qui se rallume, leur relation complexe, marquée par une rupture passée, nous vaut une scène magnifique, marquée d'une prière éblouissante (« Dis-moi un mensonge, dis-moi que toutes ces années tu m'as attendu. Dis-le-moi... »).


Nicholas Ray abandonne tout classicisme et traite ces thèmes avec un lyrisme éblouissant, jouant sur l'éclairage, les couleurs, les décors (cet étonnant saloon, à demi encastré dans la roche), les costumes ou le maquillage. Mais il joue aussi d'angles de prise de vue outrés, de mouvements de caméra surprenants, allant jusqu'à des scènes filmées caméra sur l'épaule.


L'ensemble donne un western qui souffle une incandescence surprenante, avec un lyrisme outré, une émotion à fleur de peau et un onirisme puissant, lié au décalage entre le rendu de l'image et les images conventionnelles du western, qui hantent le spectateur.