mercredi 30 octobre 2019

À toute épreuve (Lashou shentan de J. Woo, 1992)

 



Film typique de John Woo dans sa période de polars hongkongais, À tout épreuve en est peut-être le produit le plus caricatural. Mais comme le style Woo est exagéré et caricatural par essence, cette caricature au carré, en somme, est vite excessive et lassante. Dans un récit qui pourrait être sec et tendu, Woo ajoute, rajoute et rajoute encore des éléments de style. Les répétitions de motifs deviennent fatigantes, avec, par exemple, les sempiternels ralentis ou les fusillades avec des gangsters qui déchargent leurs pistolets, bras tendus, encore et encore. On a déjà vu ça mille fois chez John Woo, alors le revoir mille fois de plus dans un seul film devient indigeste.
On retrouve aussi les grands thèmes melvilliens du réalisateur, avec les amitiés viriles entre des hommes qui appartiennent à des univers différents (avec ici les deux acteurs phares de Hong-Kong, Chow Yun-fat et Tony Leung). Le Samouraï est nettement cité (le jeu avec les cages à oiseau en début de film) de même que Le Cercle rouge, lors du tir précis de Tequila, qui reprend le tir légendaire de Yves Montant lors du cambriolage.

Les scènes d’action se multiplient mais convergent vers la gigantesque séquence de l’hôpital, hypertrophiée et qui évoque bien sûr le final de La Horde sauvage. Comme le film, au sens strict, est un film d’anticipation (tourné en 1992 et se déroulant en 1997), il met en images, à travers l’explosion de l’hôpital, la rétrocession de Hong-Kong à la Chine. Le film est aussi un au revoir aux allures de feu d’artifice violent à Hong-Kong puisque John Woo, ensuite, va filer à Hollywood, où son style, certes trop appuyé ici, va s’affadir aussitôt, dès Chasse à l’homme. On ne retrouvera plus guère dans ses films hollywoodiens, sauf au détour d’une ou deux séquences ici et là, toute cette énergie destructrice qu’il filme ici.

Cela dit, pour ce qui est des séquences d’action hypertrophiées et filmées comme autant de moments de bravoure, on préférera nettement Time and Tide de Tsui Hark, frère ennemi de John Woo qui a eu lui le bon goût de revenir très rapidement à Hong-Kong après un bref séjour à Hollywood.


lundi 28 octobre 2019

The Dead Don't Die (J. Jarmusch, 2019)



On sait que Jim Jarmusch aime à se promener dans différents genres, au fur et à mesure de ses films (s'essayant tour à tour au western, au film de gangster, au film de vampires, etc.). Le voilà donc qui fait un tour du côté du film de zombies.
Comme toujours il reprend certains codes du genre et il y ajoute sa touche personnelle. Ici c’est tout à la fois le rythme du film et les personnages qui détonnent complètement. Le film est construit en effet au tour du shérif, campé par un Bill Murray plus wes-andersonien que jamais : spectateur placide et désabusé, il entraîne tous les personnages dans le sillage de son ton décalé.
Quant aux morts-vivants, ils gardent leurs addictions de consommateurs (leurs râles appelant à la wi-fi ou au Bluetooth sont très amusants), comme dans le Zombie de Romero. Et le film, en passant, s’inscrit dans les tendances écolo-collapsologiques du moment pour expliquer ce retour des morts parmi les vivants.
Jarmusch s’amuse enfin à rajouter un zeste de science-fiction incongru mais amusant et il joue avec la position des personnages qui s’extraient de leurs conditions, s'inquiètent du script qu'ils n'ont pas lu jusqu'au bout, écoutent la musique du film, puis retournent massacrer stoïquement quelques zombies.



vendredi 25 octobre 2019

Mata Hari (G. Fitzmaurice, 1931)




Si Greta Garbo est une Mata Hari convaincante (l’exotisme du personnage se liant très bien avec la froideur naturelle et le charme volontiers mystérieux de l’actrice), le film lui, l’est moins : on n’est guère passionné par ce lieutenant qui tombe éperdument amoureux (Ramon Novarro est bien fade : on voit mal la Divine s'en éprendre...), par ce vieil amiral russe, par ces jeux de dupe et d’espionnage un peu simples.
La fin en outre, s’étire pendant de longues minutes qui se veulent tire-larmes, quand une belle sobriété eût été bienvenue.



mercredi 23 octobre 2019

Le Retour (Coming home de H. Ashby, 1978)




Si le film a eu un certain succès (récompensé aux oscars notamment), il est clairement en-dessous des plus grandes réussites de Hal Ashby et l'on n’y retrouve guère son style, avec son grain de folie, sa poésie étonnante et son regard si particulier sur le monde. On notera simplement la bande-son – qui va des Beatles aux Rolling Stones – qui emmène par instant le film vers une tonalité différente.
Mais l’ensemble reste bien consensuel et dans l’air du temps : on n'y voit guère plus qu’une dénonciation de la guerre du Vietnam, au travers du difficile retour d’un soldat blessé et la relation qu’il entame avec une infirmière.
Si l’on retrouvera des motifs du film dans Né un 4 juillet ou même Forrest Gump, on reste très loin des plus grandes réussites du genre et très loin aussi, en ce qui concerne la filmographie d'Ashby, de Harold et Maude ou de Bienvenue, mister Chance.


lundi 21 octobre 2019

1941 (S. Spielberg, 1979)




Entre deux succès monstres, après son très bon Rencontres du troisième type et avant la déferlante Indiana Jones, Spielberg se perd en chemin et s’abîme dans une comédie abêtissante, sans saveur, un peu niaise, un peu sucrée, emplie de personnages idiots. 
L’histoire est navrante, ponctuée de gags laborieux, les personnages sont excessifs et faux, quand ils ne sont pas tout à fait stupides.
On notera simplement Robert Stack perdu dans ce micmac, et qui nous rappelle l’éternel To Be or Not to Be (où il jouait l’amant aviateur), de même que la secrétaire qu’excitent terriblement les bombardiers est un écho lointain à Carole Lombard.
Il faut souligner que Spielberg ne retombera jamais dans un type de divertissement aussi bas de gamme et que, s’il sera le roi du box-office, ce sera avec des films, certes non sans défauts, mais qui ne seront jamais aussi stupides, ni au service d’une histoire à ce point navrante.

vendredi 18 octobre 2019

American Nightmare (The Purge de J. DeMonaco, 2013)




Alors que l’idée du scénario était intéressante (dans le genre du thriller d’horreur, bien entendu), le film n’en fait rien, réduisant la situation à un huis-clos quelconque, vide de sens et de substance, sans le moindre suspense, sans la moindre surprise.
Au-delà de l’action elle-même (tout à fait vaine et banale), le film ne s’autorise aucune incursion dans les rues (alors que cela, sans doute, pouvait conduire le film un peu plus loin), et ne lance finalement aucune réflexion, alors que, pensait-on, le film s'y prêtait, vu les questions qu'il pouvait soulever (la violence comme catharsis social, la loi du talion, le darwinisme social chimiquement pur, la violence sans jugement, aussi bien celle de la victime que celle du bourreau, etc.).

Il est d'ailleurs curieux de voir à quel point un mauvais réalisateur parvient à faire de son film une coquille tout à fait vide et sans surprise (ce qui est quand même dommage pour un genre qui en promet…). On est bien sûr consterné que ce film (à petit budget au demeurant) ait pu rencontrer un grand succès au box-office.


mercredi 16 octobre 2019

Joker (T. Phillips, 2019)




Bonne surprise que ce Joker, puisqu’il parvient à renverser – enfin ! – la terrible tendance des dernières années à Hollywood. En effet on a pu voir, à chaque nouveau film issu de l’univers Marvel ou DC Comics sur les écrans, le cinéma s’adapter à cet univers, reprenant sans coup férir les personnages, les situations, le style, même, des BD américaines. Parfois avec réussite (le Batman de C. Nolan), parfois de façon navrante (les derniers Avengers). Ici, pour une fois, c’est le contraire qui a lieu : un personnage – fameux qui plus est – est extirpé de la BD et c’est lui qui s’adapte au cinéma. Le cinéma fait sien ce personnage au lieu d’uniquement le transposer et ce au travers d’un film intéressant, stylé, qui fait confiance à ce qu’il a à dire au lieu de s’en remettre à un scénario de type BD.
Et si c’est là une première bonne surprise, s’en ajoute immédiatement une seconde. C’est celle de voir Todd Phillips aux commandes. Ce réalisateur nous avait jusqu’ici gratifiés de comédies formatées, abêtissantes et sans saveur (la série des Very Bad Trip), le voilà qui change du tout au tout. Il crée ici un univers à la fois réaliste et poétique – d’une poésie très noire – qui enferme Arthur Fleck, l’écrase et l’aliène toujours davantage. On regrette que cet aspect soit trop appuyé : Phillips prenant le parti de tout souligner, de redire, de remontrer, d’utiliser un feutre lourd quand un pinceau plus fin suffisait.
Difficile, ensuite, de ne pas évoquer le rôle extraordinaire de Joaquin Phoenix, qui crée complètement un personnage dont on aurait pu croire qu’il existait déjà, mais qui n’était en fait qu’une apparence dénuée d’épaisseur. En effet, si l’on a déjà vu le Joker (et, bien plus que celle de Jack Nicholson, c’est l’interprétation de Heath Ledger que l’on retenait), celui-ci n’existait pas réellement sous nos yeux : il n’était qu’une version animée d’un personnage de cartoon. Délirante, excessive, mais sans aucune substance, il n’était rien d’autre qu’une tornade frapadingue. Rien de tout cela ici, où le personnage se construit – et avec quels soubresauts monstrueux – tout au long du film. La composition de Joaquin Phoenix évoque le travail de Daniel Day-Lewis et, même, de Lon Chaney, quand il joue Alonzo, l’homme sans bras de L’Inconnu de Browning. Il y a d’ailleurs une inspiration très nette de Browning dans ce Joker, notamment dans les séquences où Arthur Fleck se maquille, dans cette pièce où d’autres se préparent, dont un nain : on se croirait dans une roulotte de cirque, au milieu des monstres de foire si chers à Browning.

Cela dit, si le film est réussi, on a quelques regrets. Ce qui transforme progressivement Fleck en Joker, nous dit le film, c’est la pauvreté et la violence sociale qui viennent s’acharner sur un pauvre hère qui a déjà bien des souffrances mentales. On est là dans une dénonciation très conventionnelle. Il y avait, d’ailleurs, dans le caractère complètement démentiel du Joker de Nolan une dimension plus anticonformiste, puisqu’il laissait penser que certaines personnes sont intrinsèquement mauvaises et folles, sans qu'il y ait besoin d'aucune maltraitance sociale. Ici le discours sur la cause sociale fatigue quelque peu, et il faut y ajouter un couplet anticapitaliste (avec une fracture riche-pauvre très soulignée) lui aussi très banal. C’est un peu dommage : si Phillips dit bien les choses, il n’a pas grand-chose à dire.
Et la tournure sociale (ou plutôt « anti-sociale », puisqu'il est question de révoltes) passe progressivement devant l'essentiel : la substance folle d’Arthur Fleck est d’abord dans son rapport à sa mère – ce qui en fait un cousin monstrueux de Norman Bates – : il y avait là plus à creuser, en terme de folie, qu’un écrasement social et un rapport riche/pauvre très banals.
On regrettera aussi un certain manque de richesse stylistique au réalisateur. S’il construit – on l’a dit – un univers à la poésie sombre, il n’utilise pas les images ou le son pour marquer les différences entre séquences mentales et réelles. Il manque une patte du réalisateur, une utilisation du cinéma dans ce qu’il a de plus visuel ou sonore, pour nous faire sentir le gap entre la réalité de Arthur Fleck et ses rêves. Et, de même, si le personnage de Fleck évolue considérablement, le style, lui n’accompagne pas ce changement. La forme ne suit pas : Fleck est étrange mais l’image ne l’est pas ; Fleck devient fou mais l’image ne devient pas folle. Il faut se souvenir de la façon dont filment Polanski (Le Locataire), Frankenheimer (Seconds), Kubrick (Shining) ou encore Buñuel, Lynch, Fellini ou Jodorowski, pour ne citer que quelques exemples célèbres, pour comprendre comment, progressivement, le fond peut contaminer la forme.

Une séquence révèle d’ailleurs le manque de foi de Phillips dans le cinéma (ou dans le spectateur) : quand Arthur Fleck entre dans le salon de sa voisine Sophie, provoquant son effroi, on comprend qu’il a rêvé tous les moments où il était avec elle. On le comprend mais Phillips se sent obligé de bien nous le montrer et l’on revoit les différents moments où Sophie était là, et on la voit disparaître à l’écran, pour bien  montrer que cela n'était qu'un rêve. Quel besoin de nous le montrer ? Voilà une étonnante absence de foi dans le cinéma.



lundi 14 octobre 2019

Kika (P. Almodovar, 1993)




Film de second rang de Pedro Almodovar, qui peine à captiver avec cette histoire, en se concentrant sur la figure attachante de Kika mais en déroulant une intrigue un peu mollassonne et qui ne mène à peu près nulle part.
La pauvre Kika subit mille malheurs mais elle garde son allant – fait de fraicheur et de naïveté – et se remet aussitôt en selle, après chaque coup dur, et elle avance. Autour d’elle, les personnages retors et malsains s’accumulent et profitent, à divers degrés, de ses faiblesses.
On retiendra la très belle séquence où Ramon comprend que Nicolas est le meurtrier de sa mère : reprenant l’idée de Truffaut dans La Sirène du Mississipi (où c’est devant une bande dessinée de Blanche-Neige et les Sept Nains que Louis Mahé-Belmondo comprenait qu’il se faisait empoisonner), c’est en voyant un extrait du Rôdeur de Losey qu’il comprend ce qu’a fait son beau-père. Cette idée sera reprise dans Parle avec elle, dans lequel Almodovar ira jusqu’à tourner le court-métrage muet qui inspire Benigno.
Pour le reste, le film se plait à flirter avec des idées immorales ou basses (notamment au travers du personnage excentrique, fatigant et assez ridicule de Andrea, joué par Victoria Abril), autant d’idées qui, si elles font partie de l’univers  habituel du réalisateur, sont exposées ici sans son génie narratif habituel. Plusieurs idées ou séquences de Kika seront d’ailleurs reprises, avec beaucoup plus de bonheur, dans La piel que habito.


jeudi 10 octobre 2019

Bresson et l'importance de ce que l'on ne montre pas



Une conception de Robert Bresson qui semble bien oubliée dans le cinéma aujourd’hui (et que Deleuze reprendra) :

« Il est très important de ne pas se tromper dans ce que l’on montre mais il est encore plus important de ne pas se tromper dans ce que l’on ne montre pas ».

Claude Laydu dans Journal d'un curé de campagne
(R. Bresson, 1951)


lundi 7 octobre 2019

Rambo: Last Blood (A. Grunberg, 2019)




Dans ce dernier épisode, Rambo revient, mais il semble bien différent de celui que l’on avait laissé quelque onze ans plus tôt dans John Rambo. Retiré dans la jungle birmane, il semblait montrer une évolution possible du guerrier apparu en 1982 dans le premier épisode de la série. Mais ici, coup de théâtre, Rambo est revenu aux Etats-Unis (admettons), possède un ranch (!) et a même une famille (!). Certes il s’agit de celle de son frère, et sa fille est en réalité sa nièce, mais enfin, le film démarre sur des bases par essence bien peu crédibles : Rambo est installé et il s’est trouvé un home. Bien entendu, cela ne colle pas une seconde avec le personnage.
Le côté cowboy du personnage – évocation lourde de sens dans le cinéma américain – rappelle les grands personnages de westerns traumatisés (on peut penser bien sûr à Ethan Edwards). Mais Rambo (le film) transposait l’univers du western dans celui des films de guerre : cela n’a donc pas grand sens de le transposer, à son tour, vers l’univers du western qui lui est complètement étranger. Assez curieusement, le film évoque par moment Impitoyable (par quelques éléments scénaristiques et même une citation directe).
 Heureusement (si l’on peut dire), le Mexique tout proche est une nouvelle Frontière : il est décrit comme l’antre de la sauvagerie la plus absolue et se promener au Mexique semble aussi dangereux que de déambuler dans une fosse aux serpents. Il fallait bien une jungle à Rambo, ce sera la ville mexicaine.
Mais, à la différence d'Ethan Edwards dans La Prisonnière du désert, Rambo échoue à sauver Debbie qui meurt dans ses bras : Rambo, alors, ne retiendra pas ses coups et dans son affrontement avec 
un cartel ultra-violent, il renchérira dans la violence : les séquences finales – avec l’anéantissement un à un de la bande adverse – sont un féroce moment de boucherie avec force décollations, barres de fer en travers de la tête et autre herses fichées dans le corps. Tout cela n’a à peu près ni queue ni tête, c’est le cas de le dire. Là où la violence extrême pouvait trouver une justification dans la jungle birmane (qui formait, dans l’épisode précédent, une survivance violente de la jungle du Vietnam), toute cette violence, importée dans un ranch texan, n’a plus aucun sens.
Quant à Rambo lui-même, même si Stallone se laisse volontiers filmer en gros plan, montrant ainsi une part de difformité monstrueuse et fatiguée, il est devenu davantage prolixe : le voilà qui assène maintes phrases qui se veulent des aphorismes puissants. On en vient alors à regretter le mutisme du Rambo initial, qui contenait tout, laissant gonfler en lui tous les traumatismes.

Avec son scénario ridicule, son univers en total désaccord avec la généalogie de son personnage et avec sa violence sans retenue, ce Last Blood fatigue et navre. On souhaite qu’il s’agisse vraiment du dernier épisode de la série.

A noter, néanmoins, l’ultime image du film, où l’on voit Rambo, à nouveau sans attache, filer vers l’horizon sur un cheval : il renoue ici, in extremis, avec son personnage. Rambo est en effet un être par essence en errance et en perpétuelle recherche : recherche d’un lieu qui l’accepte, d’un lieu où ses traumatismes le laisseront en paix, une Frontière sans violence, une société qui l'accueille – autant de lieux que, bien sûr, il ne trouvera jamais.



samedi 5 octobre 2019

Bob et Carole et Ted et Alice (Bob & Carol & Ted & Alice de P. Mazursky, 1969)




Ce film de Paul Mazursky sur la libération des mœurs (mœurs sexuelles en particulier), s’il est dans l’air du temps en 1969, a aujourd’hui bien vieilli. On suit sans grande passion ces deux couples de quadra, qui s’emberlificotent l’esprit à propos de sexualité et l’ensemble, assez bavard, tourne un peu à vide. Mazursky semble un peu hésiter entre la critique des mœurs (avec les aveux d’infidélité accueillis avec joie et empathie) et la critique sociale (les protagonistes bourgeois sont joyeusement ridiculisés).
Le mérite du film est d’emmener son idée jusqu’au bout : la fin (d’où est extraite l’image avec les quatre amis dans le même lit) est tout à fait réussie.


jeudi 3 octobre 2019

Quelques jours avec moi (C. Sautet, 1988)




Comparées à ses années 70, les années 80 de Claude Sautet sont à oublier. Il tourne peu et ne retrouve ni le ton ni le regard particuliers qui en font un peintre si juste de la société française.
Ni le scénario, convenu, ni les personnages, tout à fait superficiels, ne passionnent. Sautet, qui avait su progressivement multiplier les personnages dans ses films, tout en les caractérisant, parvenant à les traiter à la fois comme un tout et comme des individualités (qu’on se souvienne de Vincent, François, Paul et les autres), semble, ici, incapable de brosser ne serait-ce qu’un portrait un tant soit peu fouillé. Même le couple au centre du film fait pâle figure (on est bien loin, là encore, des Choses de la vie ou de César et Rosalie). Les personnages secondaires sont complètement incongrus et, plutôt qu’épaissir le film, l’affadissent et, même, dans certaines scènes, l’abêtissent.
Le duo principal est à la peine avec Sandrine Bonnaire qui n’incarne guère plus qu’une prolétaire délurée et Daniel Auteuil, dont le personnage annonce Un cœur en hiver, apparaît encore très frêle, même s’il sera bientôt spécialiste des rôles introvertis et absents. Jean-Pierre Marielle cabotine à tout va alors que les autres acteurs apparaissent bien pâlichons : Vincent Lindon, Jean-Pierre Castaldi, Dominique Lavanant ou Philippe Laudenbach montrent l’abysse qui les séparent des grands acteurs qui ont pu travailler avec Sautet (Reggiani, Denner, Frey, sans parler, bien sûr, de Montand, Piccoli, Romy Schneider ou Depardieu).
Sa peinture sociale fait flop et le film reste constamment à mi-chemin entre le drame et la comédie bas de gamme.
Le changement de scénariste apparaît très préjudiciable, puisque Sautet délaisse Jean-Loup Dabadie, son grand complice des années 70, au profit de Jacques Fiesci et Jérôme Tonnerre, bien peu inspirés (ils feront nettement mieux par la suite, toujours avec Sautet).


mardi 1 octobre 2019

John Rambo (Rambo de S. Stallone, 2008)




Il faut bien entendu oublier la parenthèse regrettable (mais rentable pour les producteurs…) des épisodes Rambo 2 et Rambo  3 – tout à fait affligeants – pour comprendre à quel point le personnage de Rambo de ce film est le descendant, vingt-six ans plus tard, du héros traumatisé et dévastateur du premier opus, sorti en 1982.
En effet, on peut tout à fait imaginer, dans ce vieux soldat retiré en Birmanie, fatigué de la vie et sans aucune naïveté sur le monde, ce que serait devenu John Rambo, vingt-six ans après avoir mis à sac la petite ville de Hope, énervé qu’il était par cette société qui le rejetait et incapable, de son côté, de s’insérer socialement, ayant ramené du Vietnam trop de traumatismes et de sauvagerie. On peut imaginer que, dégénéré par la violence de la jungle, il ne soit pas resté aux Etats-Unis – pays désormais trop civilisé – mais qu’il se soit installé dans une jungle à peine moins violente que celle du Vietnam, parcourue par des bandes armées de la junte locale, qui rappelle terriblement le Viêt-Cong.
Rambo, à nouveau en terrain connu, peut alors retourner au charbon pour sauver ce qui reste d’une petite troupe de naïfs occidentaux – qui s’imaginent que la Frontière est un endroit fréquentable – et exterminer en passant tout une armée de guerriers sans foi ni loi.


Cela nous vaut notamment une séquence très violente, très longue (environ huit minutes sur un film d’une heure et demie), d’une sauvagerie absolue, où Rambo, agrippé à une mitrailleuse, déchiquette à tout va, taillant en pièces l’ennemi. On a là une contamination du film par la violence de ce que sont devenus les films d’action, une contamination également par la violence du monde (des guerres d’Irak aux attentats du World Trade Center) : l’univers de Rambo, déjà violent en 1982, mais d’une violence encore contenue puisqu’il n’y a qu’un mort dans le premier épisode, devient le théâtre d’une hécatombe démentielle qui accompagne le passage du vieux soldat.