jeudi 29 décembre 2022

Bullet Train (D. Leitch, 2022)





Tout en surenchère, partant de Tarantino et allant jusqu’aux confins des comédies les plus débiles (comme si la distance comique permettait tout), Bullet Train, qui avait des arguments intéressants (réunir une cohorte de tueurs dans un train, proposer des personnages variés – mais trop cartoonesques pour convaincre – ou encore Brad Pitt en super star), sombre dans l’exagération et perd le fil.
Les deux tueurs Citron et Mandarine, par exemple, reprennent le style tarantinien des tueurs bavards mais ils n’en gardent que le côté pénible et rapidement insupportable, continuant sempiternellement leurs bons mots.

Il semble d’ailleurs que la mode actuelle du cahier des charges des films d’action hollywoodiens aille toujours plus loin dans cette façon de commenter l’action tout en y étant au cœur : le snark (mot valise contraction de snide remark, c’est-à-dire « remarque sarcastique ») étend sans cesse son emprise.
D’autant plus que, ici, ces sarcasmes s’accompagnent de gags malvenus (se battre sans faire de bruit puisque le wagon impose le silence…) qui fatiguent.

On en oublie rapidement le fil, en se laissant noyer dans des retournements de situation incessants, jusqu'à une fin que l’on accueille avec soulagement : c’en est enfin fini de cette déferlante d’images, de ce sang, de ces citations qui ne mènent à rien, de ces blablateries vaines. Tout s’agite, le montage se veut frénétique, la musique hurle, le sang gicle – ce train qui fonce, en fait, est une métaphore du film lui-même et, peut-être, d’un certain cinéma spectacle – mais, finalement, derrière cette mayonnaise grasse qui déborde de partout, il n’y a pas grand-chose à retenir.

 



mardi 27 décembre 2022

Les Barbouzes (G. Lautner, 1964)

 



On prend les mêmes, on recommence et… rien ne fonctionne. Un an après le succès des Tontons flingueurs, George Lautner remet le couvert. Il s’appuie sur un scénario de Simonin, reprend Ventura, Blier et Francis Blanche et compte sur les bons mots d’Audiard. Las, tout ce qui fonctionnait dans le film précédent tombe à plat. Les situations sont outrées, les personnages cabotinent beaucoup trop, le scénario n’avance pas. On a du mal, même à trouver quelques répliques ou quelques dialogues qui font mouche.
Il faut dire que Les Tontons flingueurs est une parodie et que Les Barbouzes est une parodie des Tontons. De parodie en parodie, Lautner se perd en chemin et tout l’équilibre qui rendait Les Tontons réjouissant s’est évaporé. On le sait (Jacques Becker, par exemple, a lui aussi réussi ou raté des films avec la même équipe) et on le voit une nouvelle fois : entre avoir les ingrédients et réussir la recette pour que la sauce prenne, il faut qu'une alchimie ait lieu, alchimie que n’a pas su réussir, ici, l’ami Lautner.



vendredi 23 décembre 2022

Princesse Mononoké (Mononoke hime de H. Miyazaki, 1997)





Ce chef-d’œuvre de Hayao Miyazaki est l’un des points culminants de son œuvre. On y retrouve, peut-être plus explicitement que dans d’autres films, tous ses thèmes de prédilection et toute l’harmonie de son style. Il faut dire qu’il retravaille des motifs et un scénario déjà exprimés dans Nausicaä de la Vallée du vent, qui peut être vu comme un premier jet (et quel premier jet !) de Princesse Mononoké. Il en reprend notamment les principaux thèmes (la forêt, détruite et qui se défend, l’harmonie brisée qu’il va falloir retrouver, la dimension mythologique), le tout organisé autour d’un duo de jeunes héros.

Toute la poésie de Miyazaki envahit l’écran dans de très belles séquences et il parvient, comme souvent, à trouver cet équilibre étrange, entre style typiquement manga, mythologie (démons, dieux, sorts jetés), histoire du Japon (les samouraïs, le village avec ses forges et ses soldats) et une grande richesse de personnages (jeunes filles, femme forte et dominatrice, vieillard, chamane, guerriers samouraïs belliqueux, ouvrières, etc.).

Le film travaille très bien deux idées très riches : les animaux transformés par la colère en démons (ce motif existait déjà sous une autre forme dans Nausicaä) et le bras d’Ashitaka progressivement rongé par le mal.

La catastrophe finale laisse place à un monde qui renaît et qui est porteur d’espoir tout en laissant une fin étonnamment ouverte (l’harmonie nécessaire entre Ashitaka et la princesse Mononoké restera toujours fragile).

Et l’imaginaire de Miyazaki, toujours étonnant et très riche, se déploie dans de magnifiques séquences jusqu'à exploser en fin de film.

On s’amuse de retrouver, dans Avatar, de nombreux thèmes mais aussi de nombreuses images (notamment la richesse visuelle de la forêt) qui viennent tout droit de Princesse Mononoké. Mais il faut dire que le film de James Cameron, au travers de son sujet principal (les industriels qui viennent détruire l’harmonie d’une planète), rejoint nettement, mais en beaucoup moins riche – la puissance visuelle du réalisateur américain manquant de poésie et d’épaisseur mythologique – celui de Miyazaki.

 



mercredi 21 décembre 2022

Hellboy (N. Marshall, 2019)

 



Après les deux films de Guillermo Del Toro qui avait adapté avec une certaine réussite les aventures de ce héros à demi-humain et à demi-démoniaque, Neil Marshall reprend le flambeau. Mais le résultat est catastrophique : ne sachant comment s’y prendre, Marshall choisit la voie de la surenchère, à la fois scénaristique et visuelle. Son Hellboy apparaît alors très laid, autant visuellement que dans tout ce qu'il raconte. Le film est alors uniquement l’occasion pour son héros (bien campé par David Harbour, seule bonne surprise du film, puisque prendre la suite de Ron Perlman n’était pas facile), d’un enchaînement idiot et vain d’actions, le tout dans une étonnante (et bien inutile) dérive gore.
On oubliera vite ce reboot et, si l’on veut se réconcilier avec la bête, on retournera du côté de Perlman et de Del Toro.




lundi 19 décembre 2022

L'Armée des morts (Dawn of the Dead de Z. Snyder, 2004)

 



Il y a bien peu à retirer de ce remake du film de Romero même s’il faut remarquer combien le discours que pouvait avoir ce dernier sur la société américaine disparaît ici totalement. Zack Snyder n’a rien à dire, il se contente de dérouler les codes du genre.
Le genre, alors, semble désormais affadi au point de n’être rien de plus que la recherche d’une réussite d’apparence qui veut plaire à un public de fans (on scrute l’aspect et le comportement des zombies, les séquences spectaculaires en extérieur ou l’installation d’un huis clos, etc.).

Deux remarques cependant sur les zombies du film qui sont à la fois traditionnels et modernes. Ils sont en effet fidèles aux zombies de Romero en ce qu’ils sont des morts qui vivent à nouveau (quand les zombies de 28 jours plus tard ou de World War Z sont des malades (les contaminés se transforment en zombies : ils ne meurent pas)). Mais les zombies de Snyder ont néanmoins les attributs des zombies « modernes », puisqu’ils ne sont plus des êtres hagards et titubants mais des furies galopantes que rien n’arrête (comme le veut la version actuelle des zombies, depuis 28 jours plus tard jusqu’au Dernier train pour Busan). Ils ont donc troqué leur hébétude traditionnelle (que l’on rencontre encore chez Jarmush par exemple) pour une haine violente et féroce contre les humains non contaminés.


On peut voir, dans ces zombies enragés et qui ne veulent rien d’autre que déchiqueter les humains encore sains, une métaphore de la société où tous les résistants au monde moderne sont impitoyablement pourchassés et dévorés : il n’est pas question de chercher à être autre chose que ce que la société nous enjoint d’être. Pour les malheureux qui résistent, la lutte contre les zombies forcenés s’annonce vaine : à tout moment ils peuvent être attrapés, dévorés et devenir zombie à son tour.

Cette interprétation – qui n’est bien sûr pas le propos du réalisateur – met au goût du jour la pensée de Bernanos (« le monde moderne est une conspiration contre toute forme de vie intérieure ») en la mâtinant de monstruosité : les zombies dévorent les corps, là où le monde moderne dévore les âmes.




vendredi 16 décembre 2022

Nausicaä de la Vallée du Vent (Kaze no tani no Naushika de H. Miyazaki, 1984)





Dans cette adaptation de son propre manga et qui constitue son premier long métrage très personnel, on retrouve déjà toute la substance de Hayao Miyazaki, que ce soit dans les personnages (la femme chef de guerre, Nausicaä), les thèmes (l’écologie, la guerre, la confrontation civilisation/nature), le rapport au monde (un équilibre seul peut créer une harmonie) et, bien sûr, la poésie si singulière qui s’y déploie.

Jonglant avec des mythologies et des personnages multiples, jouant habilement de traditions et d’inventivité (ses multiples aéroplanes) et, bien sûr, montrant déjà une imagination foisonnante à l’image, Miyazaki réalise d’emblée un chef-d’œuvre du genre.

L’impact du film n’est pas seulement artistique mais aussi industriel et économique puisque le grand succès du film permettra au réalisateur de lancer ses propres studios.

Miyazaki reprendra la trame principale de Nausicaä dans Princesse Mononoké et en développera de nombreux motifs. De sorte que ce premier film peut-être vu comme une première version déjà très aboutie et personnelle – et que certains préféreront – du futur Mononoké.