lundi 27 février 2023

[REC] (J. Balagueró, 2007)

 




Avec ses ressorts classiques (le film est vu au travers de la caméra d’un reporter télé accompagnant des pompiers lors d’une intervention), [REC] en a à la fois les qualités – il est efficace et oppressant – et les défauts, en restant sans surprise. Jouant avec les codes du genre, il joue habilement du huis clos et distille habilement des séquences d’horreur zombiesque. Et, dans cet immeuble barricadé, Jaume Balagueró joue parfaitement d’une verticalité qui participe de l’intrigue : plus on monte dans les étages et plus on s’approche des racines du mal.





vendredi 24 février 2023

Fantôme à vendre (The Ghost Goes West de R. Clair, 1935)

 



Petit film de René Clair qui a beaucoup vieilli. Il partait pourtant avec un bon argument (un fantôme condamné à hanter un château tant qu’il n’a pas réglé une dette d’honneur) et bénéficiait d’une bonne idée scénaristique : celle de transporter ledit château pierre par pierre d’un bout à l’autre de l’Atlantique, emmenant de façon amusante le fantôme avec lui.
Le récit se veut à la fois rythmé et léger et l’ambiance est par séquence poétique (on retrouve le style du René Clair des films parlants) mais l’humour assez british du film manque de finesse, bien mal aidé par des personnages caricaturaux qui réagissent trop mécaniquement.




mercredi 22 février 2023

Trois mille ans à t'attendre (Three Thousand Years of Longing de G. Miller, 2022)


 



George Miller, sorti du rythme effréné et tonitruant de Fury Road, surprend avec ce conte qui entremêle le monde contemporain et le charme des mille et une nuits. Trois mille ans à t’attendre raconte comment deux solitudes (Alithea Binnie et le génie sorti de la lampe) se découvrent et se comprennent, même si l’on pressent très vite la révélation finale (ce qui ne gêne en rien le récit).
La première partie, avec les différentes histoires du djinn qui mélangent le chatoiement des harems avec la violence des tyrans barbares, forme un ensemble très réussi. On aime moins la seconde partie du récit, où Alithea revient à Londres avec son djinn. Beaucoup plus terne et même par moment laborieux, le film y perd son fil et le charme s’éteint quelque peu. Mais l’ensemble laisse une belle impression de conte merveilleux élégamment raconté.

 



lundi 20 février 2023

Vidéodrome (Videodrome de D. Cronenberg, 1983)

 



Dans ce film étonnant et volontiers dérangeant où il va jusqu’au bout de ses idées, David Cronenberg, fidèle à ses leitmotivs, mélange la réalité et le cauchemar, joue de pulsion, de déviance et d’incertitude. Il explore, comme souvent, le mélange de la chair et des matériaux (la télévision, les cassettes vidéos) et relie, organiquement, la main de son personnage Max avec son pistolet.
Il faut bien dire à quel point Cronenberg, par essence (1), doit montrer les choses, les fixer avec sa caméra pour les mettre au milieu du cadre. Charge à lui, ensuite, de distiller le doute dans l’esprit du spectateur (s’agit-il de la réalité ou d’illusions, d’une horreur vécue ou d’un cauchemar ?). Mais, dans tous les cas, la monstration est au cœur de son cinéma. Avec Vidéodrome, il continue sur sa lancée et l’on voit Max engloutir sa tête dans une télé, Max au ventre déchiré d’une fente verticale farfouiller dans ses intestins, où une cassette vidéo être glissée par cette même fente, comme dans un magnétoscope. Le délire fusionnel joue à plein et Cronenberg peut exposer ses idées de nouvelle chair (« the new flesh »).

James Wood est parfait dans ce directeur d’une chaîne de télévision qui cherche toujours plus loin comment appâter ses téléspectateurs et qui plonge peu à peu dans la folie.

La fin impeccable, boucle la boucle et le spectateur en ressort sonné.





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(1) : Son premier film – Stereo – brassait déjà ses thèmes favoris mais il restait très cérébral. Conscient de ses limites, Cronenberg virera sa cuti très vite, dès son film suivant, pour, à l’opposé, montrer tant et plus.

 

samedi 18 février 2023

Au petit Marguery (L. Bénégui, 1994)





Film bien décevant : alors qu’il était servi par de très bons acteurs (Stéphane Audran, Michel Aumont) et un scénario riche (un dernier repas de fête dans un restaurant juste avant sa fermeture définitive), le film s’embourbe et dérive autour de personnages secondaires inintéressants, caricaturaux et mal joués. La direction d’acteurs, d’ailleurs, pose problème, puisque même Audran et Aumont peinent à convaincre.
Nulle émotion, finalement,  ne ressort de ce Petit Marguery, alors qu’il pourrait en déborder.






jeudi 16 février 2023

Us (J. Peele, 2019)

 



Intéressant film de Jordan Peele, qui mélange plusieurs genres et sous-genres (film fantastique, apocalyptique, d’horreur, de zombies, mais aussi americana ou encore thriller avec twist final).
Us
multiplie alors les références (de Shining à Freddy en passant par Les Oiseaux,  Les Dents de la mer ou encore les zombies de Romero) mais en parvenant – c’est là une des réussites du film – à maîtriser parfaitement sa narration, avec un travail intéressant des personnages (on pense au père de famille, notamment, directement issu de la comédie, comme un rappel permanent de ce que le film ne doit pas être).
Plus que les séquences d’agression de la famille (qui renvoient à Funny Games), ce sont les séquences des explications des « liés » qui sont originales.
Et le film s’appuie sur cette bonne trouvaille des « liés », idée assez riche cinématographiquement. Les séquences en flash-backs sont d’ailleurs amusantes, avec ces cohortes de « liés » aux allures de zombies qui singent bien malgré eux les activités des américains à la surface. Mais ces « liés » sont aussi un peu fourre-tout en représentant finalement ce que l’on veut : ils sont l’Amérique réprouvée, celle des bas-fonds, celle qui a subi l’Histoire (des Indiens aux esclaves) et qui, enfin, fait son retour. Cela dit, si l’on peut jouer avec plusieurs interprétations, la signification du film ne va pas beaucoup plus loin que le retour du refoulé. Mais l’on sait combien, au cinéma, le retour du refoulé peut être sanglant.

 



lundi 13 février 2023

L'Étang du démon (Yashagaike de M. Shinoda, 1979)

 



Si le film de Masahiro Shinoda a incontestablement vieilli, si son rythme est inégal et si certaines séquences sont devenues, avec le temps, assez kitsch, il faut reconnaître que L’Étang du démon parvient à bien exploiter son idée et à la dérouler jusqu’au bout. On comprend peu à peu ce qui étreint Akira, devenu sonneur de cloche. Et la fin, que l’on comprend inéluctable, est très réussie et spectaculaire.
Les séquences étonnantes – à la fois fantastique et oniriques – où les différents crabes et autres poissons s’entretiennent dans l’étrange grotte autour de la princesse Shirayuki ont pu servir d’inspiration – ils en sont en tous les cas une étonnante version filmée – au bestiaire fantasmagorique et inventif de Miyazaki.


 

samedi 11 février 2023

Vaincre ou mourir (P. Mignot et V. Mottez, 2023)





On sait que le prisme de bien des critiques est d’abord et avant tout politique de sorte qu’une œuvre non politiquement correcte, quelle que soit sa qualité, ne saurait être regardée et considérée : elle sera bannie. Les critiques de Vaincre ou mourir sont à ce titre éloquentes : elles concernent la signification de l’ensemble, l’accuse de réécrire l’histoire, s’en prennent à la production, etc. Il n’est jamais question, dans ces critiques, de cinéma. À ce titre, les films d’Eisenstein – œuvres de propagande s’il en est et pour ne citer que cet exemple – peuvent être rangés aux oubliettes.
Mais ces critiques révèlent la position du cinéma – du cinéma français en particulier – qui n’est, beaucoup trop souvent, que prise de position ou rapport de force. Comme si le cinéma pour le cinéma – l’art pour l’art en quelque sorte –, détaché des combats, des batailles d’idées, des causes à défendre n’était plus. D’ailleurs on sait bien que les aides au financement sont assorties d’un cahier des charges qui oriente vers une bien-pensance, ce dont se sont plaints bien des producteurs ou réalisateurs.

Enfin on sait combien le cinéma français a du mal à traiter certains épisodes de son histoire ancienne (ici les guerres de Vendée) ou récente (la guerre d’Algérie par exemple).

Dès lors on comprend mieux que les critiques, voyant un film qui ne suit pas leur orientation idéologique, tirent dessus à boulet rouge, même si elles caricaturent par là même leurs positions.


Dans Vaincre ou mourir, le discours, s’il est partial, n’est pas si caricatural, pas davantage en tous les cas, que bien des films historiques – des multiples Robin des bois à The Patriot en passant par Braveheart –. D’ailleurs le général Charette, s’il est héroïque, apparaît inutilement jusqu’au-boutiste (ce que ses compagnons lui reprochent).

On regrette l’ouverture du film en forme d’interview (issue de l’ambition initiale d’une forme documentaire) ainsi que les inserts grandiloquents qui forment des images mentales où Charette s’interroge. Ces séquences alourdissent le film, comme si le personnage seul ne suffisait pas ou comme si les réalisateurs ne faisaient pas confiance à leur acteur pour montrer les doutes de Charette.

Et le film aurait mérité davantage d’ampleur, mais l’on sent combien sa production limitée le contraint. Cela dit Hugo Becker campe
un général Charette convaincant et plusieurs séquences sont réussies (les rencontres avec le député Ruelle notamment).




jeudi 9 février 2023

Coupez ! (M. Hazanavicius, 2022)

 



Reprenant l’astucieux mais foutraque Ne coupez pas !, Michel Hazanavicius en tire un film à la fois davantage maîtrisé, plus abouti et mieux interprété (mais il faut bien dire que le budget et le professionnalisme des équipes ne sont pas tout à fait les mêmes). Une nouvelle fois, après The Artist ou Le Redoutable, le réalisateur s’intéresse aux dessous du cinéma et il prend plaisir à filmer l’envers du décor.
Il n’en reste pas moins que la première demi-heure – quand bien même elle est l’argument du film – reste longue et fastidieuse. Et elle donne une sensation de second degré qui ne s’assume pas, comme si Hazanavicius n’était pas parvenu à réellement faire une séquence franchement au premier degré (ce qui est pourtant le cœur du film) et qu’il ne pouvait s’empêcher d’y glisser une forme d’autodérision qui contredit le scénario.

Mais Hazanavicius, ensuite, habile dans la comédie (ses OSS 117 montrent un sens du rythme et un sens comique certains), arrive à jouer avec le scénario pour en sortir non pas seulement une comédie potache sur le tournage d’un film de zombies comme le faisait le film original, mais un regard sur le tournage d’un navet par une équipe dépassée et un réalisateur médiocre. On retrouve un peu le même ton et le même regard que Tim Burton dans son Ed Wood.
Romain Duris qui joue le réalisateur écartelé entre la production, ses acteurs et des circonstances toujours plus plombantes, montre une belle puissance comique. Son antinomie avec son acteur principal Raphaël (Finnegan Oldfield, parfait) marche très bien et les gags s'enchaînent en même temps que les répliques fusent dans une dernière demi-heure très drôle.