lundi 30 juillet 2018

Les Collines de la terreur (Chato's Land de M. Winner, 1972)




Intéressant western de Michael Winner, qui s’inscrit dans le mouvement de considération des Indiens, typique du genre dans les années 70. Si le film part sur une structure classique où, après un forfait – en réalité une légitime défense –, un Indien (Charles Bronson) se trouve poursuivi par une meute, il va ensuite obliquer dans une direction particulière puisque l’Indien va entraîner ses poursuivants dans les collines qu’il connaît (comme l’indique le titre original) et régler ses comptes. Ici l’Indien n’est plus là simplement pour montrer l’injustice ou le racisme subi : il rend les coups. Chato’s Land (1) s’éloigne ainsi d’un film comme Willie Boy de A. Polonsky (qui démarre avec le même ressort scénaristique).
Derrière le manichéisme d’apparence (le film contient bon nombre de personnages terriblement racistes), le personnage du capitaine qui mène la milice est plus intéressant. Joué par Jack Palance, il commence par revêtir son ancienne tenue de confédéré au moment de se mettre en chasse, rappelant par-là que, après la guerre de Sécession et la défaite du Sud, si une partie des confédérés qui refusaient la défaite a pu se muer en membres du Ku Klux Klan pour lyncher des Noirs, une autre partie s’est exilée plus à l’Ouest pour, tout aussi bien, casser de l’Indien. L’insulte « red-skin nigger », employée en début de film, prend alors tout son sens.



Mais ce personnage, sous des dehors ouvertement racistes (consistant notamment à décrire l’Apache comme le mal absolu), ne cautionne pourtant pas la violence d’autres miliciens et il préférerait abandonner la poursuite. Il sent que les choses changent et que mieux vaudrait laisser l’Apache à ses collines.



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(1) : Le titre français évoque bien plus un film d’horreur qu'un western et il n’insiste pas sur la part de terre qui appartient aux Indiens, non pas juridiquement, mais bien dans un sens d’osmose, quand l’Indien voit dans le désert de rocaille ou de sable non pas des badlands austères mais une terre personnelle et ancestrale.

samedi 28 juillet 2018

Au bord de la mer bleue (У самого синего моря de B. Barnet, 1935)





Récit très poétique de Boris Barnet, qui raconte très simplement et avec beaucoup de sensibilité l’amour de deux hommes pour une même femme, qui est elle-même déjà fiancée.
La place centrale donnée par Barnet à l’océan, avec le roulement des vagues, la tempête qui se lève et les bateaux tanguant sous la houle lors de la pêche, confère une humeur  naturaliste étonnante et très lyrique.


Détaché de tout militantisme et purement sentimental ce conte est empreint de moments joyeux (qui donnent une coloration musicale au film) et d’autres nettement dramatiques, mais toujours en affichant de forts accents naïfs (avec des plans rapprochés des marins torse nu, des chants et des danses de joies simples, des contre-plongées sur Macha) qui participent de sa simplicité belle et universelle.

vendredi 27 juillet 2018

Six femmes pour l'assassin (Sei donne per l'assassino de M. Bava, 1964)





Chef-d’œuvre du giallo, Six femmes pour l'assassin regroupe tout ce qui fait le charme du genre (un assassin, des femmes et du sang très rouge) mais en l'augmentant d'une teinte baroque extraordinaire.
Mario Bava colore à chaque instant son film de mauve, d'orange ou de bleu, créant une atmosphère à la fois fantastique et étonnamment morbide. Il joue ensuite avec des cadrages travaillés, un champ et un hors-champ savants, des angles de vue surprenants ou une profondeur de champ délicieuse pour innover sans cesse, s'amuser à mettre en avant un objet ou un détail horrible.


Bien entendu le scénario est assez secondaire : si on ignore assez longtemps qui est l'assassin, c'est avant tout le plaisir de se laisse porter par cette ambiance étrange et envoûtante qui retient, davantage que le mystère policier. Cela dit, le scénario demandait que l'on ne voit pas l'assassin : le voile qu'il porte rajoute un élément visuel génial, qui achève de donner à ce giallo parfait un accent délicieusement décalé.


mercredi 25 juillet 2018

Le Gorille vous salue bien (B. Borderie, 1958)




Ce film d’espionnage à la française, par ailleurs assez peu original mais duquel se dégage une légèreté sympathique (due notamment au très bon casting), vaut surtout lorsqu’on le met en perspective avec la filmographie de Lino Ventura. Pour son premier rôle en tête d’affiche, Lino Ventura commence par un personnage caricatural : brutal, bourru, cogneur, qui distribue des baffes, en veux-tu en voilà.



Il reprendra ce type de personnage de nombreuses fois mais en l’affinant sans cesse vers des versions plus subtiles. Dans Le Fauve est lâché puis Classe tout risque, son personnage s'enrichit d'une famille qu'il cherche à protéger, puis Ventura l’oriente soit vers un ton comique (Les Tontons flingueurs) soit vers un ton plus dramatique (Le Deuxième souffle).
Ventura sera longtemps tenté de reprendre des rôles qui sont des variantes de ce personnage, qui naît donc réellement ici (après un second rôle dans Touchez pas au grisbi), même s’il parvient parfois à s’en éloigner complètement pour composer des rôles très différents (comme dans L’Armée des ombres).

lundi 23 juillet 2018

Detroit (K. Bigelow, 2017)





Film assez décevant de Kathryn Bigelow sur les émeutes qui ont secoué Détroit en 1967. Après une première demi-heure exceptionnelle où elle plonge au cœur des quartiers en ébullition pour en sentir la violence (avec un grondement qui explose et autant de confrontations auxquels s’entremêlent des images d’archives et des moments de contraste très réussis, comme la scène au théâtre), Bigelow zoome sur le moment clef qui l’intéresse (la police qui tente de retrouver un tireur isolé dans un motel) et, dès lors, perd ce regard génial. On comprend alors qu’on ne reviendra plus à cette image saisie d’une Amérique embrasée mais que l’on restera auprès de ces quelques flics racistes qui s’en prennent à ces quelques noirs innocents.
Cette séquence, très longue (presque filmée en temps réel), Bigelow l’amène jusqu’à l’insoutenable, tout autant pour les pauvres innocents harcelés, tabassés et coincés contre le mur que pour le spectateur, coincé lui dans son siège, et qui attend que Bigelow reprenne sa narration. Ce qu’elle fera finalement, pour passer presque directement, après une ellipse de deux ans, au procès des policiers, loin des émeutes.
Las, c’est sans doute dans sa reconstitution de l’ambiance de guerre urbaine que Detroit était le plus génial, et non dans son application à disséquer un événement précis.


Un des points intéressants – et que Bigelow aborde sans toutefois insister – est que, face à ces racistes qui ont le pouvoir, la prise de position est inévitable : se compromettre avec eux (ce que fait, finalement, le vigile Dismukes, qui cherche d’abord à amadouer de façon très diplomatique les policiers, avant de regarder impuissant les choses se faire) ou se recroqueviller dans sa communauté comme le fera Larry, sorti brisé de cette nuit d’enfer.

Mais on ne trouve guère de regard dans ce film – ce qui l’affaiblit considérablement – autre que celui très convenu sur la violence bornée et sans limite de quelques flics racistes. On est d’ailleurs un peu peiné de constater que, dans Detroit comme dans une vulgaire série B, les gentils ont de bonnes bouilles (qu’ils soient flics, vigiles ou chanteurs de soul) et les méchants (les flics racistes) des sales trognes un peu vicelardes. Dès lors, même si Bigelow introduit rapidement quelques contre-feux (on croise des flics sympas), la simplicité du propos politique (propos politique inévitable sur un thème brûlant comme celui de la question raciale) laisse clairement sur sa faim. Ce d'autant plus que le film, quand bien même il se situe en 1967, semble terriblement actuel, puisque, dans l'Amérique d'aujourd'hui, ces questions raciales – avec les ghettosles communautés, les terribles tensions – sont loin d'être réglées.


vendredi 20 juillet 2018

Le Fauve est lâché (M. Labro, 1959)




Film d’action assez bien mené et rythmé, même s’il n’est pas très original. Truand rangé (fauve endormi donc), Paul Lamiani est extirpé de sa retraite professionnelle par la DST qui a besoin d’infiltrer une bande de gangsters qui fait dans l’espionnage industriel. Sa nouvelle vie mise à bat, Paul replonge bon an mal an dans les embrouilles et, quand on touche à son fils, il s’énerve (voilà la fauve lâché). Le film suit donc des lignes assez classiques (un truand qui s’est acheté une conduite, des trahisons, des menaces, des méchants et d’autres méchants encore plus redoutables, une femme fatale, etc.).


On regarde aujourd’hui le film pour le charisme de Ventura (dans un rôle d’homme d’action bourru qui annonce celui de Classe tout risques où il se souciera davantage encore de sa famille) et pour quelques moments bien filmés, notamment la fameuse séquence d’Étretat avec l’escalier qui s’enfonce dans la falaise.

mercredi 18 juillet 2018

Le Petit prof (C. Rim, 1959)




Amusant film qui retrace la vie d’un citoyen ordinaire : son enfance, son adolescence sous l’occupation, jusqu’à sa vie adulte avec femme et enfant, comme professeur. Le ton léger rappelle Sacha Guitry, avec la voix off, les situations incongrues bien amenées et un air de ne pas y toucher amusant.
Le film promène un regard tendre (mais jamais stupide) sur cette France qui se vit comme neuve et libre mais qui est aujourd’hui bien désuète.
Darry Cowl est très bien dans la peau de ce personnage parfois un peu lunatique et décalé mais parfois pragmatique et efficace et certaines séquences sont très réussies.


lundi 16 juillet 2018

Histoire de détectives (Detective Story de W. Wyler, 1951)




Ce polar noir semble assez hybride : il a une volonté de raconter le quotidien de flics de quartier avec un certain réalisme (en s’attardant sur des détails et des situations communes, loin de tout héroïsme), mais, dans le même temps, Wyler, en posant sa caméra dans les locaux de la police, donne l’impression de filmer une pièce de théâtre. Assez curieusement l’ensemble tient debout et le film parvient à dégager une impression différente des habituels films hollywoodiens.
Kirk Douglas est très bien dans un rôle loin des standards hollywoodiens et les seconds rôles sont parfaitement tenus eux aussi.



vendredi 13 juillet 2018

Le Caporal épinglé (J. Renoir, 1962)




Pour ce qui sera son dernier film, Jean Renoir revient sur le film de guerre. Mais si Le Caporal épinglé reprend des questionnements de La Grande illusion, le regard de Renoir y est très différent.
Pour son dernier film, Renoir ne fait plus appel à des acteurs stars ou immensément reconnus (La Grande illusion consacrait Gabin, Fresnay, Stroheim, Carette, Dalio, etc.) mais à des petits nouveaux (Jean-Pierre Cassel, Claude Brasseur, Claude Rich, Jean Carmet) qui sont tous parfaits (on regrette malgré tout le personnage de benêt bègue surjoué par Guy Bedos).
En déplaçant l’intrigue de la première à la seconde guerre mondiale, c’est une autre perception de son pays que filme Renoir. En effet il n’y a plus, ici, la moindre trace de patriotisme : la France a disparu des radars, seuls restent des individus qui se débattent comme ils peuvent, mais jamais pour leur pays ou pour sauver ce qui peut l’être. Caporal le dit bien (« c’est à nous de nous démerder tout seul ») et Ballochet fait ses petits arrangements sans autre préoccupation que son petit confort. Il y a bien quelques petites magouilles entre soldats, mais il n’y a nulle idée de collectif dans ces camps de prisonniers : la France est battue, les soldats sont perdus. En filmant cet élan national brisé, Renoir marque l’écart avec la situation des prisonniers de La Grande illusion qui, par exemple, apprenant la reprise de Douaumont, interrompent leur petit théâtre pour chanter la Marseillaise. De même, l’inutilité de la mort de Ballochet (qui se jette dans une évasion suicide sans illusion) contraste avec le célèbre sacrifice du capitaine de Boëldieu.

Le film suit alors les tentatives répétées et incessantes du Caporal pour s’évader (mais, s’il veut s’évader ce n’est pas pour reprendre le combat ou rejoindre la résistance, simplement il n’en peut plus d’être enfermé).
Renoir construit son film autour du même axe que La Grande illusion, à savoir le jeu entre les classes sociales qui se mélangent parmi les prisonniers et entre prisonniers et gardiens. Mais les choses changent : ce ne sont plus les aristocrates qui se retrouvent (de Boëldieu et von Rauffenstein qui fraternisent) mais le petit peuple (les deux adjudants qui se plaignent des tire-au-flanc). Et, on l’a dit, ce n’est plus de Boëldieu qui se sacrifie pour permettre à ses compagnons de s’évader mais l’intellectuel Ballochet qui se lance en solitaire dans une évasion-suicide. Et les classes sociales se mélangent davantage : Caporal et Papa, l’un bourgeois et l’autre homme du peuple, ne se quittent pas et s’enfuient ensemble. L'amitié de Papa qui reste collé aux basques de Caporal (« Ma terre à moi c’est là où est mon copain ») contraste avec la distance qui restera toujours entre Maréchal, l’homme du peuple, et de Boëldieu, l’aristocrate.
Le film marque une dernière fois la disparition de toute idée de patriotisme lorsque Caporal et Papa, qui parviennent jusqu’à la frontière, croisent la route de ce Français installé à deux pas de la France mais qui n’aspire pas à y rentrer : il se sent chez lui ici, au lieu d’être exploité sur les terres des autres en France. Là aussi le film creuse l’écart avec La Grande illusion, dans lequel Maréchal quittait Elsa pour rentrer au pays.
En plus de quelques jeux cinématographiques qui émaillent le film (par exemple le montage alterné entre le défilé allemand et le déplacement des prisonniers français), le coup de patte de Renoir transparaît dans le traitement chaleureux de ces hommes et dans cette multiplicité de petits portraits et de petites situations et cette amitié qui est toujours merveilleusement filmée.



Et, en revenant une dernière fois sur l’amitié qui traverse les classes sociales (avec Caporal qui promet à Papa, alors qu’ils viennent de rentrer à Paris, qu’ils vont se revoir très vite, à la grande surprise de Papa), Renoir choisit une fin résolument optimiste.

mercredi 11 juillet 2018

Apocalypse 2024 (A Boy and His Dog de L. Q. Jones, 1969)




Film d’anticipation (situé après une apocalypse nucléaire) bien peu passionnant, qui a bien quelques bonnes idées et une certaine dose d’humour noir, mais le tout est gâchée par une réalisation sans âme, un rythme lent et une pauvreté de moyens qu’un manque d’imagination ne parvient pas à masquer.
L’idée d’un homme qui converse avec son chien n’est pas mauvaise mais elle est traitée de façon assez ridicule. De même toute la guerre pour la survie dans le désert part d’une bonne idée mais elle est bien mal reliée avec le monde des profondeurs. La toute dernière séquence, cependant, est d'un cynisme réussi.
On peut aussi trouver dans ce film quelques motifs qui seront revisités dans Mad Max : un désert post-apocalyptique, des bandes errantes qui violent et tuent, un chien pour seul compagnon, etc.

lundi 9 juillet 2018

Un mauvais fils (C. Sautet, 1980)




Petit film de Claude Sautet, qui explore non pas le monde bourgeois comme il le fait si souvent, mais la petite vie d’un ouvrier et de son fils.
Si son matériau change, il reprend ses thèmes habituels : il scrute les liens, les non-dits, les sentiments cachés, les culpabilités, les mensonges.
Le problème de Sautet est que son cinéma a besoin de très grands acteurs, capables de faire passer l’émotion sans mots, en un regard, en un léger changement d’expression du visage. Patrick Dewaere le fait très bien, un peu chien fou, toujours sur le fil du rasoir, toujours à la limite de trop en faire. Les autres acteurs font ce qu’ils peuvent mais la tâche est difficile pour Jacques Dufilho ou Brigitte Fossey. Yves Robert s’en sort mieux avec un jeu très sérieux et mutique qui finit par fonctionner.

vendredi 6 juillet 2018

The Yards (J. Gray, 2000)




Beau film de James Gray dont la patte de réalisateur parvient à sortir du tronc commun des films sur ce thème (un jeune qui sort de prison et veut bien faire se trouve emmêlé dans des histoires de corruption qui dégénèrent très vite et lui échappent). Gray ne construit pas un film d’action mais un film très sensible, en s’attachant à montrer le récit à travers les yeux de Leo (très bon Mark Wahlberg, au visage fermé d’adolescent), dont il capte toute la sensibilité de jeune homme, perdu, prenant de mauvaises décisions, croyant pouvoir faire confiance à ceux qui l’entourent (notamment Willie – très bon Joaquin Phoenix) et qui, rapidement, vont le perdre.
On voit bien que James Gray, même sur des thèmes qui pourraient appeler à un film rythmé et empli de scènes d’action, se tourne vers un rythme lent, au ton intimiste, où chaque plan est remarquablement construit, isolant parfaitement ses personnages dans le cadre (notamment Leo, de plus en plus seul), jouant de lumières ou s’amusant avec des plans étonnants (il n’hésite pas à « enlever » une cloison pour montrer deux personnages de part et d’autre d’une porte). Il ressort de son film une impression à la fois douce et prenante, comme une lente marche du destin.



On regrette la toute fin du film avec le revirement surprenant de Leo, mais il semble bien que cette fin ait été imposée à Gray, qui n’avait pas encore, à ce moment de sa carrière, la main sur le montage final.

mercredi 4 juillet 2018

Le Jour du dauphin (The Day of the Dolphin de M. Nichols, 1973)




Partant d’une idée intéressante – la subversion à des fins militaires de recherches scientifiques innovantes – le film est gâché par un rythme très lent qui ne fait qu’effleurer son sujet. Le traitement du cœur du sujet – les dauphins qui parlent – est très mal rendu et laisse perplexe : les petites phrases aiguës et laborieuses du dauphin collent bien mal avec le ton de plus en plus tragique de ce qui se trame (espionnage, commando, etc.).

lundi 2 juillet 2018

Pattes blanches (J. Grémillon, 1949)




Très beau film de Jean Grémillon qui parvient à relier deux aspects de son talent : d’une part la description d’un milieu social (ici un petit village de Bretagne, dont il brosse plusieurs portraits de villageois), et d’autre part un ton poétique et parfois même onirique qui déborde parfois de l’image. Il assemble en fait la description sociale fine telle qu’on la trouve dans Le Ciel est à vous avec la poésie folle de Daïnah la métisse.
Partant d’un ressort classique (l’arrivée dans le petit village d’une jolie femme qui déclenche les passions), Grémillon s’appuie sur des personnages complexes et contrastés, bien souvent solitaires et rejetés (Julien de Kériadec, Maurice ou Mimi) et qui construisent un enchevêtrement de destins (puisque le passé – avec les demi-frères qui se haïssent – n’est jamais loin). Le plaisir du film vient aussi de l'excellente distribution, avec notamment Fernand Ledoux qui compose un personnage à la fois dur et pitoyable, esclave de son amour. Suzy Delair est elle aussi remarquable, tout à la fois mordante et fragile, superficielle et profondément touchée.



Grémillon joue magnifiquement des extérieurs, montrant la solitude des uns, les jalousies des autres, les ressorts complexes qui unissent les personnages. Certaines séquences sont magnifiques, parfois emplies de poésie (les déambulations dans le château aux pièces recouvertes de paille) ou d’une pulsion de vie baroque et onirique (l’extraordinaire climax de la scène de mariage qui vire au conflit dans la lande). Ce mélange de motifs, souvent difficile, est ici parfaitement réussi.