mercredi 30 septembre 2015

Z (Costa Gavras, 1969)



Z Costa-Gavras Yves Montand

Le film a vieilli mais il est intéressant. Intéressant c’est une qualité, mais, en même temps, on sent bien que c’est aussi un défaut : le film n’est qu’intéressant, il lui manque quelque chose.
Mais enfin Z se veut une démonstration efficace (qui a vieilli dans son style mais aussi parce que les circonstances internationales ont changé, encore que certains pays sont toujours affligés de telles mains de fer politiques). Et le film vaut mieux que L’aveu ou Etat de siège qui sont de la même veine mais, pour le coup, bien moins intéressants.

mardi 29 septembre 2015

Eraserhead (D. Lynch, 1976)




Cauchemar étrange filmé par D. Lynch. L'ensemble est inclassable mais le sens de l'image de Lynch éclate déjà, en particulier au travers de l'ambiance qu'il crée et de son rapport à l'étrange, au monstrueux. Devant l’épouvantable fœtus autour duquel tourne le film on pense à Freaks. Lynch montre d’emblée, avec ce premier long métrage, son grand pouvoir de créateur d’images.

dimanche 27 septembre 2015

L’enseignement du cinéma mis à mal par l’idéologie de l’Éducation Nationale



Les Cahiers du Cinéma interviewent Mme M.- L. Petit, inspectrice générale de l’Éducation Nationale en charge de l’enseignement du cinéma dans le secondaire (numéro de septembre 2015) :

« […]
L’enjeu est aussi d’être en phase avec l’actualité puisque les films sont dans les salles au moment où les lycéens les découvrent. N’est-ce pas là un modèle à suivre pour l’enseignement du cinéma, qui a tendance à se replier sur des œuvres sacralisées ?
Tout à fait. Ce sont aussi les problématiques de l’enseignement de la littérature… Doit-on intégrer la littérature du 21e siècle aux programmes ? On se pose la question pour les lycéens mais aussi pour les concours de recrutement des enseignants. Avons-nous le recul nécessaire pour dire que telle ou telle œuvre est un chef-d’œuvre ou pas ? La question a été tranchée : oui, il faut y aller. Et c’est le signal qui a été donné par les concours. Pour le cinéma nous devons aussi être dans cette perspective. Si nous voulons construire un enseignement basé sur la réception des élèves – ce qui est essentiel -, nous devons partir de films qui sont proches d’eux pour les amener ensuite vers d’autres œuvres.

On peut se demander si les professeurs de cinéma, sans doute parce qu’ils sont en quête d’une certaine crédibilité, n’ont pas tendance à se replier sur ce qu’ils connaissent. De la même façon, certains sont timorés quant à la question de la grammaire cinématographique… Il y aurait donc, paradoxalement, une forme de conservatisme dans l’enseignement du cinéma ?
C’est certain. Depuis deux ans et demi que j’ai ce dossier en main – et je n’en avais aucune connaissance avant d’entrer à l’inspection générale de l’Éducation Nationale – je trouve que toutes les problématiques et tous les combats qui ont été menés en lettres sont aujourd’hui ceux de l’enseignement du cinéma, avec vingt ans de décalage. On retrouve les mêmes réflexions, les mêmes avancées, les mêmes points d’achoppement. Désormais, en lettres, le prof à la mode est celui qui travaille sur la littérature du 21e siècle. On y arrivera peut-être pour le cinéma.
[..] »



Ce n’est pas une surprise mais c’est tout de même triste à lire : l’inspectrice veut appliquer au cinéma les mêmes idées que pour l’enseignement de la littérature. Or cette façon de faire, en œuvre depuis trente ans, est une catastrophe. Non pas que l’inspectrice ne le sache pas, mais elle est idéologue. Et une idéologie, comme elle ne provient pas des faits, ne peut être contrariée par les faits.

L’interview est donc éclairante : pour enseigner le cinéma il faut faire l’exact opposé de ce qu’elle préconise. En effet il ne faut pas partir de ce que les élèves connaissent, bien au contraire (on tient là une erreur de conception de toute l’Éducation Nationale depuis trente ans) : il faut au contraire les surprendre, les brusquer, les choquer (dans le sens de « recevoir un choc »). Il faut donc leur montrer des films qu’ils ne connaissent pas et, bien plus, qu’ils ne connaîtront jamais (je parle ici d'élèves qui n’ont pas, chez eux, des parents pour leur montrer ces films).
Eh oui, une des grandes spécialités de l’Éducation Nationale est de mettre la charrue avant les bœufs. N’en déplaise aux idéologues, il ne faut pas avoir peur des élèves, il ne faut pas sous-estimer leurs capacités à recevoir quelque chose qu’ils ne connaissent pas. D’autant plus que, le plus souvent, dans les clubs cinéma, ateliers cinéma et autres options cinéma, il s’agit d’élèves volontaires et curieux.
Alors ne pas mettre la charrue avant les bœufs, c’est éviter de partir des films actuels. Non pas qu’il n’y ait pas de chefs-d’œuvre aujourd’hui, là n’est pas la question, mais c’est que la plupart des élèves aiment le cinéma (pour ce qu’ils le connaissent) et ont une culture cinéma (la leur, faite de Star Wars et de Hunger Games, ou de 16 ans ou presque et de Hollywoo). Alors il faut aller vers un autre cinéma, celui qu'ils ne connaissent pas, celui auquel ils ne se sont jamais frottés. Il faut les confronter à des films en noir et blanc et en VO (ou muets même), à des jeux d’acteur désuets, à des balles qui ne font pas de violents impacts de sang, à des personnages qui se séduisent parce qu’on ne peut montrer du sexe à l’écran, etc.

La Vie est belle (Capra), L’Aventure de Mme Muir, La Prisonnière du désert (quelle horreur, un western – même pas italien –, vous n’y pensez pas !), La Mort aux trousses, Certains l’aiment chaud, La Fureur de vivre, Le Parrain, Le Grand sommeil, Les Diaboliques, Chantons sous la pluie, Voici le temps des assassins, Jeux interdits, La Nuit du chasseur, etc. Autant de films éblouissants qu’il faut montrer à des collégiens. Et le Cinéma dispose même, en Chaplin, d’une entrée facile et prodigieuse vers le muet. Eh oui, l’inspectrice semble l’ignorer, mais les collégiens accrochent à de tels films, sont captivés et ils sont surpris, même, qu’un vieux film puisse leur plaire et puisse leur parler à ce point. C'est là qu'on entrouvre une porte merveilleuse dans l'esprit des élèves.

Las, on ne doute pas que l’idéologie prônée par l’inspectrice, délétère pour la littérature, le soit aussi pour le cinéma…

samedi 26 septembre 2015

Mes chers amis (Amici miei de M. Monicelli, 1975)




Comédie potache plus drôle que dure (les meilleures comédies italiennes savent mieux rester équilibrées), où une bande d’amis quadra invente mille et une plaisanteries, des plus légères aux plus morbides. Quelques gags sont excellents : la distribution de baffes aux départs des trains, le pauvre Righi (excellent Bernard Blier) qui se fait embobiner par la bande.
L’interprétation est très réussie (même si, dans la version originale – en italien donc – la voix de Philippe Noiret est doublée, ce qui gêne beaucoup) : comme souvent on sent la jubilation commune des acteurs et du réalisateur.
Le film reste loin, néanmoins, des meilleures réussites du genre (Le Pigeon, Le Fanfaron, etc.).

mardi 22 septembre 2015

Le Kid (The Kid de C. Chaplin, 1921)



Charlie Chaplin The Kid Poster Affiche

Merveilleux film de Chaplin qui progresse vers le long-métrage et parvient à dépasser le burlesque, qui ne le satisfait pas pleinement, en rajoutant une émotion extraordinaire. Cette histoire simple d'un enfant recueilli est l'occasion de mille gags mais aussi de situations très dures, traitées avec une facilité déconcertante (Charlot, ne parvenant pas à se débarrasser du nourrisson, hésite à le jeter dans un soupirail !).
Chaplin filme la rencontre de deux solitudes : Charlot le vagabond et l'enfant abandonné. Le petit Jackie Coogan, en imitant les célèbres tics de Charlot, est irrésistible. Durant tout le film, du charme, des rires, de la tristesse se dégagent tour à tour. Par exemple le rêve de Charlot qui s'envole pour finir abattu contre une porte : cette scène onirique est éblouissante.
On tient là le génie de Chaplin – ce mélange du comique et de l'émotion avec des scènes purement burlesques et d’autres dramatiques – qui sera le cœur de tous ses chefs-d’œuvre.

Charlie Chaplin et Jackie Coogan

lundi 21 septembre 2015

L'Assassinat du duc de Guise (A. Calmettes, 1908)



L'Assassinat du duc de Guise André Calmettes Affiche

Ce film est fondamental par son objectif et son influence : il marque une deuxième naissance du cinéma, après celle des frères Lumière.
Après une douzaine d’années d'existence, le cinéma tourne un peu en rond et peine à être autre chose qu’une attraction de foire. Certes Méliès lui a apporté beaucoup mais, malgré cela, il reste abonné aux nickelodéons et marque le pas. En 1907 des journalistes affirmaient même que le cinéma avait été un feu de paille et qu’il était fini !
Le film vaut donc surtout par son ambition : il veut donner ses lettres de noblesse au nouvel art. Passer du cinéma au Cinéma si l’on veut. L’effort apporté aux décors est important et, bien plus encore, de grands acteurs de théâtre interviennent (notamment Charles Le Bargy de la Comédie-Française) ce qui est une révolution. En effet un des grands défauts de la période étant la faiblesse de l'interprétation, les acteurs professionnels vont pouvoir la faire avancer d'un grand pas vers un jeu adapté au cinéma : moins de gesticulations, des mimiques contenues au visage, etc. Une musique est spécialement composée pour le film par Camille Saint-Saëns.
Le film fut un grand succès, en particulier auprès des milieux intellectuels et littéraires. Il lança plusieurs tendances immédiates : des adaptations littéraires en masse (L’Assassinat du duc de Guise est l’adaptation d’un récit), l’intervention de nombreux acteurs de la Comédie-Française dans le cinéma ou encore le développement d’une presse spécialisée en France.

L'Assassinat du duc de Guise André Calmettes Affiche

vendredi 18 septembre 2015

Les Trois lanciers du Bengale (The lives of a Bengal Lancer de H. Hathaway, 1935)



Les Trois lanciers de Bengale Henry Hathaway Gary Cooper Affiche Poster

Admirable film d'aventures, exotique, plaisant, parfaitement hollywoodien dans le meilleur sens du terme.
Gary Cooper est formidable, à la fois décontracté et héroïque et son ton, issu de la comédie, passe parfaitement au milieu de la rigueur des militaires et de leur sens de l'honneur.
On remarquera que le personnage du colonel Stone - officier exigeant et dont la dureté de façade cache les affects - est celui qui comprend le mieux les situations : si les autres protagonistes l'avaient écouté (et lui avaient obéi) il y aurait eu moins de dégâts, moins de morts (et moins d'aventures en somme !). Alors certes le courage et le sacrifice permettront de compenser les erreurs, mais les événements donnent raison à la dureté de l'officier supérieur. Derrière le plaisir du film d'aventures, se cache ainsi une vision de la guerre qui n'a rien d'exotique ou d'hollywoodien (vision que l'on retrouve dans les films de guerre de Walsh ou de Mann).

lundi 14 septembre 2015

Copie conforme (J. Dréville, 1947)



Joli jeu de Louis Jouvet qui tient les deux rôles principaux qui sont le nœud de l'histoire. Un escroc notoire se découvre un sosie en la personne d'un petit représentant : voilà un alibi tout trouvé pour couvrir ses forfaitures.
Le film joue donc à plein sur l'interprétation de Jouvet qui se fait plaisir en campant deux personnages très différents (dont l'escroc qui est le prétexte à une multitude de déguisements et d'attitudes). Bien entendu (et la chose est par trop prévisible), le petit représentant en boutons tombera progressivement amoureux de la belle de l'escroc et il se rebiffera juste à temps. Mais le film est sympathique et Jouvet délectable.

samedi 12 septembre 2015

Aguirre, la colère de Dieu (Aguirre, der Zorn Gottes de W. Herzog, 1972)



Aguirre, la colère de Dieu Werner Herzog Klaus Kinski Affiche Poster

Aguirre ou la colère de Dieu fait partie de ces films où l'atmosphère est telle que le spectateur est happé, à l'intérieur du film pourrait-on dire, sans qu'il s'en échappe (ou alors, il ne sera pas happé et passera au travers, c'est selon).
Klaus Kinski incarne un Aguirre magnétique et terrible (que serait le film sans l'acteur ?), à la fois handicapé (il claudique) et irrépressible dans sa folie.
Dès la première séquence – la file indienne des soldats qui s'enfonce dans la forêt en descendant des falaises escarpées et dangereuses – on entre dans un monde d'où l'on ne s'extirpe pas. La musique planante et psychédélique emporte dans une autre dimension.
Ainsi, le film est d’abord une plongée dans la nature sauvage, dangereuse, inaccessible. On ne voit pas les Indiens tirer leurs flèches, au matin des hommes sont morts, les maladies se répandent sur le radeau. Nul ne peut franchir cette Nature. Nul, pas même Aguirre : à ses délires sans limite de puissance et de gloire, s’oppose la Nature, comme un Tout qui l’englobe et le dépasse.

Mais le film est aussi une gigantesque métaphore, non pas d’Aguirre face au cosmos (puisque c’est à cela qu’aspire Aguirre dans sa volonté de conquête), mais de l'exploration de sa folie. Dans ce sens il ne s'agit pas pour le spectateur de suivre le cheminement de conquistadors à travers la forêt mais d'entrer dans le cerveau d'Aguirre de plus en plus profondément. Plus le film avance et plus on pénètre dans le cerveau ; plus le groupe se réduit autour de lui et plus on touche du doigt sa folie.
Sa folie, bien entendu, éclate dans la dernière scène : Aguirre claudiquant, sur son radeau à la dérive envahi par les singes. Cette image finale d’Aguirre est l’une des plus magnétiques du cinéma. Aguirre est seul avec sa folie, on est au cœur du cœur de son cerveau.

L'image finale du radeau à la dérive
Le film a distillé dans de nombreux films cette approche d'une Nature infranchissable, qui triomphe des conquistadors (la rivière est-elle franchissable ? Si on ne franchit pas la rivière, peut-on faire demi-tour ?), approche qui tranche avec les visions rousseauistes de paradis perdu charmant, de creux de verdure. C'est cette même Nature qui sera affrontée dans Delivrance de Boorman, dans Le Convoi de la peur de Friedkin ou encore dans Fitzcarraldo (qui est curieusement évoqué par la vision d'un bateau échoué dans les arbres...).

Klaus Kinski, les yeux plongés dans ceux du spectateur :
"Je suis la colère de Dieu".

jeudi 10 septembre 2015

Raging Bull (M. Scorsese, 1980)




Magnifique film de Martin Scorsese (qui n’aime pourtant guère la boxe !) : celui-ci s’appuie sur l’histoire du boxeur de Jake LaMotta pour brosser le portrait d’une rédemption.
La virtuosité de Scorsese est manifeste, depuis ses choix esthétiques (le noir et blanc notamment), ses choix narratifs avec des ellipses, des cuts brusques qui emmènent au cœur des combats, des répétitions (les disputes conjugales articulées autour des soupçons de Jake) ou encore des jeux d’images dont il est coutumier  (depuis le ralenti du générique jusqu’aux combats filmés in situ, en passant par le plan-séquence emmenant LaMotta des vestiaires au ring, lors de son match contre Marcel Cerdan).


La maîtrise de l’image, du rythme, de la musique ou des transitions entre séquences est parfaite. La violence, intrinsèque à tant de films de Scorsese, trouve ici, dans les coups de poing infligés ou dans l’impulsivité destructrice du héros, une nouvelle expression.
La qualité de l’interprétation fascine. Le jeu de Robert De Niro est resté célèbre : il n'a pas hésité à prendre quelques trente kilos pour interpréter un Jake LaMotta vieillissant. Interprétations impeccables, également, de la part de ses compères Joe Pesci (quasi débutant ici) ou encore Frank Vincent, qu’il retrouvera, toujours avec Scorsese aux commandes, dans Les Affranchis ou Casino.


Jake La Motta reste longtemps persuadé que tout se règle à coups de poing, sur le ring et que seuls ses combats comptent. Cet enfermement le condamne et le sort du monde dans lequel il vit, affrontant tous ses proches. C’est ainsi qu’il détruit sciemment le visage d’un adversaire, à propos duquel sa femme avait eu le malheur de dire qu’il était beau gosse, ou bien qu’il se laisse détruire à son tour par Sugar Ray Robinson, ne cherchant plus à esquiver les coups. Ce rapport au corps (l’obsession du poids, la violence des coups qui marquent) est une thématique passionnante qui traverse le film.
Ce n’est qu’après avoir rangé les gants et après avoir tout perdu (sa femme, son club), une fois qu’il est en prison, que Jake LaMotta voit combien il est vain de cogner à tout va : il comprend ce qu’il a perdu et, ensuite, il prend conscience de ce qu’il est et il s’apaise. C’est dans cette autre vie, loin des rings, loin du succès, loin des coups de poing, le corps avachi, qu’il peut recommencer à vivre, lentement, sans être en guerre sans cesse contre le monde entier.


mardi 8 septembre 2015

Old Boy (Park C., 2003)



Old Boy Park Chan-Wook Choi Min-sik Affiche Poster

Film coup de poing où Park Chan-Wook met son talent de cinéaste (quel sens de l’image  !) au service d’une histoire de vengeance à la fois jubilatoire et éprouvante.
Le quelconque Oh Dae-Soo se transforme, après sa captivité sans fin et sans raison, en un héros terrible au masque tragique. Son déchaînement est à la hauteur de son enfermement. Le rapide flash-forward de la première scène est une excellente première claque annonciatrice.

Si le réalisateur est coutumier à la fois des films très violents et des histoires de vengeance, il signe ici un film où le ton général, paradoxalement, est parfois celui d’une mélancolie qui contraste avec la violence des images (images qui sont parfois insoutenables, même si Park Chan-Wook joue entre ce qui est montré et ce qui est simplement suggéré). Le découpage, les longues séquences, les mouvements de caméra, les commentaires en voix off et une bande originale exceptionnelle (tantôt calme et lente, tantôt explosive et rythmée) confèrent au film une ambiance étrange et décalée.

L’extraordinaire plan-séquence où Oh Dae-Soo se bat contre quinze ou vingt adversaires dans un couloir avec son marteau est filmé avec calme, dans des mouvements souples de travellings, la musique permettant de se détacher du combat pour l’emmener vers une sorte d’irréalité. Plan-séquence immédiatement suivi d’une ellipse en forme de touche d’humour : la séquence est parfaite.

Old Boy Park Chan-Wook Choi Min-sik

Remake fadasse et, surtout, inutile de Spike Lee (refaire un tel film, mais pourquoi donc ? Pour le lisser, l'affadir, l’hollywoodiser ?).

dimanche 6 septembre 2015

Aventures en Birmanie (Objective Burma de R. Walsh, 1945)




Voilà un excellent film de guerre. Bien sûr c’est un film de propagande, réalisé à chaud, sans recul. Alors, évidemment, les Américains sont des héros et les Japonais des salauds. Bien, mais là n’est pas l’essentiel.
L’essentiel est dans le film lui-même qui présente l’action de guerre de manière sèche, sans autre ambition que de filmer une course-poursuite à travers la jungle. Et l’énergie et la fougue du film sont exceptionnelles.

Il semble qu’aujourd’hui on ne cherche plus à simplement filmer l’action de la guerre (peut-être encore dans La Chute du faucon noir de R. Scott, mais c’est assez rare). Filmer la guerre est bon pour les séries B et l'on est toujours soupçonné d'en faire l'apologie. Aujourd'hui on cherche, voyez-vous, à faire passer un message sur la guerre. On pourrait s’amuser à détourner l’expression d’André Bazin qui parlait de « sur-westerns » à propos de westerns qui vont plus loin qu'un simple western classique : on est passé dans le « sur-film de guerre », où la simple description des combats ne suffit plus, il faut justifier de montrer la guerre en cherchant à délivrer un message.
Alors bien sûr le risque est grand que le film finisse par dire un peu bêtement que la guerre, c'est mal. On y a droit dans Joyeux Noël par exemple, qui nous offre un message sucré, bien dans l’air du temps mais en soi complètement inintéressant. On remarquera la faille d’ailleurs : monter en épingle un événement qui a existé mais de façon tellement rare et ponctuel qu’il en est exceptionnel. En effet, qu’il y ait eu, sur quatre ans de guerre et plusieurs millions de combattants des moments ponctuels de fraternisation, certes, mais que cherche-t-on à prouver ? Que la guerre est absurde ? Qu'elle est une folie ? Voilà une idée puissante et innovante !
Mais on le sait : raisonner à partir d’une exception ne mène jamais très loin. Dans Les Sentiers de la gloire Kubrick fait la même erreur : y sont accumulés une série improbable d'événements rares qui, additionnés, rendent la thèse du film bien fragile. Mais Kubrick s’en sort (au-delà de la qualité formelle du film) par le propos qu’il cherche à dégager : c’est une réflexion sur le sens du devoir, sur le sens des responsabilités, et, surtout, ce n’est pas un film contre la guerre mais contre le fonctionnement de l’armée (il n’est pas pacifiste, mais antimilitariste).

On préférera alors les films qui montrent une réalité beaucoup plus crue : Capitaine Conan nous parle des nettoyeurs de tranchées, de ceux qui ne font pas seulement la guerre mais la gagne. Le personnage du capitaine Conan (joué par un très bon Philippe Torreton) ne vit que par la guerre. On pense évidemment au sergent Croft (joué par Aldo Ray) dans Les Nus et les morts, à propos duquel J. Lourcelles explique très justement qu’il montre à quel point il n’y a pas de vision humaniste possible de la guerre. De même le colonel Kilgore dans Apocalypse Now ou encore le sergent instructeur Hartman dans Full metal Jacket. Ce sont des furieux, des guerriers. Incongrus dans notre vie de tous les jours où ils n’ont pas leur place (voir la fin de Capitaine Conan), violents, durs, agressifs. Certes, mais il en faut pour gagner des guerres. Il faut se souvenir de la réplique du lieutenant à l’adresse du sergent jusqu'au-boutiste dans Cote 465 de A. Mann : « Que Dieu nous protège si, pour gagner cette guerre, il faut des gars comme vous ».

Mais là, c’est sûr, on touche une idée bien éloignée de l’actuel pacifisme ambiant « obligatoire », qui s’avère en fait bien naïf.

vendredi 4 septembre 2015

Intolérance (Intolerance : Love's Struggle Throughout the Ages de D. W. Griffith, 1916)




Film très ambitieux de Griffith (plus encore que Naissance d’une nation, dont le succès, malgré les critiques, l’a encouragé), au budget colossal (qui transparaît à l’écran avec l’ampleur des décors) et à la narration très novatrice. Griffith installe un grand montage parallèle pour exprimer simultanément quatre époques de l’histoire de l’humanité (l’époque babylonienne, celle de la crucifixion du Christ, celle de la Saint-Barthélemy et une histoire contemporaine).
De même que dans son film précédent Griffith cherche à mettre au même niveau des histoires individuelles (ici celle de Mary Jenkins) avec l’histoire de l’humanité (rien moins que la chute de Babylone ou la crucifixion).
Deleuze y voit une mise en image de l’histoire monumentale nietzschéenne (c’est-à-dire une vision de l’histoire où les grands épisodes se répondent et donnent à avoir un aspect universel) et de l’histoire antiquaire (c’est-à-dire celle qui a un souci archéologique de représentation).
Eisenstein critiquera beaucoup cette vision de l’histoire, puisque jamais Griffith ne s’attarde sur les causes des conflits et des injustices, se contentant de trouver des résonances à travers les époques. On peut comprendre cette critique quand on sait que le cinéma d'Eisenstein est entièrement basé sur le conflit et l'opposition et sur une dénonciation de l'oppression du peuple.


mercredi 2 septembre 2015

Albino Alligator (K. Spacey, 1996)




Petit thriller assez moyen, servi par plusieurs bons acteurs, mais avec une issue trop prévisible. Le huis clos offre ses qualités de tension habituelles mais c’est à peu près tout.