Kaurismäki filme un désastre social, avec l’irruption du
chômage chez Lauri d’abord puis très vite chez Ilona, accablant le couple qui
est comme violemment frappé par le sort (avec un mauvais tirage de cartes pour
Lauri !).Le ton du film oscille alors entre le néoréalisme italien –
avec cette mise en avant de gens ordinaires, pris dans le chômage et
l’alcoolisme et dans leur combat quotidien pour vivre – et le réalisme
poétique, avec Ilona et Lauri, le couple au centre du film, qui s’aiment
par-dessus tout, sans avoir besoin de parler, encaissant la violence sociale
qui les frappe à coups répétés.Le regard du réalisateur sur ses personnages est tout de
dignité et de respect, face à leur humilité, face à leurs tentatives pour s’en sortir,
leurs échecs, leur désarroi, avec toutes les portes qui se referment tour à
tour. Et puis, doucement, s’accrochant à
ce qu’ils peuvent, aidés par des amitiés simples, ces petites gens remontent la
pente et Kaurismäki saisit leur remontée, mélange d’espoir, d’inquiétude et de
foi récompensée.La sobriété du style ne doit pas masquer la grande maîtrise
du réalisateur qui construit avec soin ses plans : par exemple la scène du
cuisinier ivre qu’il faut maîtriser, en début de film, qui est construite autour
d’un plan fixe qui laisse délibérément l’action hors-champ, créant ainsi une
forme d’humour. Humour que dissémine d’ailleurs Kaurismäki – c’est une gageure
vu le ton du film – par petites touches discrètes mais présentes. Le travail
sur les couleurs – avec des éclats de bleu froid ou de rouge chaud sur un fond
plus terne –, le jeu taiseux et volontiers peu expressif des comédiens qui
éloignent tout sentimentalisme et tout apitoiement, le regard fin sur la
société finlandaise, font d’Au loin s’en
vont les nuages, une belle réussite, même si le film n’a pas la belle
poésie du Havre.
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mardi 11 juin 2019
lundi 5 juin 2017
Le Havre (A. Kaurismäki, 2011)
Très beau film d’Aki Kaurismäki, qui filme avec douceur et
humilité la ville du Havre et la petite vie de quartier qui s’y déploie. On y
suit Marcel, clochard bohème qui a choisi cette vie pour être proche des gens, autour
de quelques commerces, le bistrot du coin et sa maison avec la petite barrière de
bois. On pense à Tati et la vie de quartier de M. Hulot dans Mon oncle. Même charme, même refus de la
modernité (qui prend ici un relent nostalgique et doux au travers de plein
d’anachronismes), même éloge de la vie simple et attentionnée à autrui. On
pense aussi au charme naïf des films de Pierre Etaix, que l’on croise dans un
petit rôle. Le film se permet même une grâce divine, avec la guérison miraculeuse
de Arletty et une fin très belle, sur un cerisier en fleur.
Il faut rendre hommage à Kaurismäki d’être parvenu à tirer
une lumière et un charme de la ville géométrique et grise du Havre, de ses
immeubles de béton et de la froideur humide qui la revêt le plus souvent.
Le propos du film – la réaction individuelle face à la
présence d'un clandestin – n’est pas abordé sous un angle politique (on
entrevoit cette réalité politique aux travers des informations télévisées), mais
sous l’angle individuel de la charité chrétienne. C’est sur ce plan que le
personnage de Marcel est à la fois fort et touchant : sans une question, sans
une hésitation, avec l’évidence de la foi (et avec la simplicité et l’humilité
qui lui sont rattachées), il aide le petit clandestin, ment à la police, prend
des risques, donne tout son argent et bien plus encore. D’ailleurs Dieu lui
rendra ce dévouement.
On comparera la légèreté du traitement du sujet avec la
lourdeur d’un film comme Welcome qui aborde
le même thème. Chez Kaurismäki il est question de charité chrétienne alors que le
sujet prend un tour politique (ce qui est un dévoiement de la charité qui ne peut
être davantage qu’une vertu individuelle) chez Lioret. Pas seulement dans ce
qui est raconté (dans les deux films, un citoyen aide un clandestin), mais dans
le ton employé pour le faire : ici avec légèreté et poésie, là avec une pesanteur
militante et caricaturale. Welcome se
veut porteur d’un message politique, avec les gros sabots des grandes questions
existentielles, le tout enveloppé dans un émotionnel destiné à convaincre.
Kaurismäki, sans doute, donne au film sa juste place :
il est question de l’action individuelle et non pas de celle du jugement sur
l’action individuelle. Nulle morale ne vient entacher le film. Kaurismäki a, ici,
l’humilité et la simplicité de Marcel.
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