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mardi 23 août 2016

La Gueule ouverte (M. Pialat, 1974)




Film dur et éprouvant dans lequel Pialat filme la mort comme peu de réalisateurs ont osé le faire : il pose sa caméra et recueille l’agonie de la mère, longue et douloureuse, avec, à ses côtés, mais ne sachant que faire, le mari et le fils, impuissants. On pense à Cris et chuchotements, où Bergman filmait, là aussi, l’impuissance des proches. La mort y apparaît sans fard, sans espoir, comme une agonie. Voilà, pour chacun de nous, comment la vie se terminera, semble nous dire Pialat.
De même que pour son film précèdent (Nous ne vieillirons pas ensemble), Pialat injecte une forte dose autobiographique dans son film, avec Philippe Léotard, le fils, qui joue l’alter ego du réalisateur.
Le style de Pialat éclate : de très longs plans séquences, une sécheresse de ton, un jeu de caméra minimal, une volonté de réalisme des acteurs et des situations, un scénario très simple. Ce sont alors des blocs de « vie de tous les jours » qui sont accolés les uns aux autres et dans lesquels sont fichées comme  des coins la maladie, l’agonie, la détresse de la mère. Les personnages tournent autour, se raccrochent à leurs quotidiens, continuent leur toute petite vie (boire des verres de rouge et draguer à tout va pour le père ; coucher à droite et à gauche et fumer ses cigarettes pour le fils) en attendant que tout cela soit fini.

La faiblesse du film – comme dans beaucoup de films de Pialat d’ailleurs – est peut-être à trouver dans son scénario qui se veut très simple – Pialat veut sèchement montrer la mort et la regarder en face – mais qui manque malgré tout de richesse. Cela étant, l’extraordinaire acuité du réalisateur fait mouche : en trois longs métrages, il règle son compte à l’enfance (L’Enfance nue), au couple (Nous ne vieillirons pas ensemble) et, donc, à la mort.

vendredi 11 mars 2016

Nous ne vieillirons pas ensemble (M. Pialat, 1972)




Grand film de Maurice Pialat qui dissèque un couple étrange et qui tient en équilibre, on ne sait comment, ne cessant de s’éloigner et de se rapprocher. C'est un peu la chronique d'un amour destructeur. Pialat adapte au cinéma son roman autobiographique : le moins que l’on puisse dire est qu’il ne se ménage pas, Jean Yanne interprétant son double cinématographique, personnage violent, lunatique, souvent pathétique.
Jean est marié, mais il vit depuis plusieurs années avec sa maitresse Catherine. Mais cette relation est très tumultueuse : Jean est souvent goujat, agressif ou insultant, et parfois doux et cherchant à se rabibocher. De sorte que leur couple est montré comme une suite ininterrompue de disputes et de réconciliations.

Pialat filme au scalpel cette destruction progressive, que l’on croit pourtant capable de durer indéfiniment, tant, à la violence de Jean qui provoque autant de moments de rupture, succèdent des scènes de rapprochement. Il filme les amants en les écartant de plus en plus l’un de l’autre : d’abord en les réunissant dans les mêmes plans séquences, puis en les opposant dans des champ/contre-champ, puis en les séparant (l’un regardant l’autre depuis l’intérieur d’une voiture par exemple). La violence de Jean explose de plus en plus, pour de trop rares moments d’apaisement.
Et Catherine qui, depuis des années ne s’éloignait jamais complétement ou jamais suffisamment, même après des scènes ignobles de Jean, finit par parvenir à s’émanciper, à prendre ses distances et à quitter Jean pour avancer. Jean, penaud, incrédule, qui découvre que tout est terminé, que son attitude a eu raison de Catherine.
A la carrure bourrue de Jean Yanne répond la fragilité innocente de Marlène Jobert. Jean Yanne joue à merveille la dualité de son personnage, tantôt goujat brusque et violent, tantôt penaud et maladroit pour tenter de se réconcilier. Marlène Jobert exprime merveilleusement l’amour et l'admiration pour Jean, qui lui fait supporter l’insupportable, puis elle glisse progressivement vers une froide indifférence quand elle s’écarte de Jean jusqu'à, finalement, se tourner vers un autre homme.

lundi 10 juin 2013

L'Enfance nue (M. Pialat, 1968)




Très beau film de Maurice Pialat, d’une très grande puissance visuelle, avec déjà ce réalisme si particulier des films de Pialat. Avec ses acteurs non professionnels, cette application à s’ancrer dans le réel le plus dur, le spectateur atteint cette oscillation entre la fiction et le documentaire.
On trouve déjà, dans ce premier long métrage, la force du style de Pialat, fait de grandes séquences, qui sont autant de blocs, âpres, durs et directs, filmés sans filets, sans concession. Cette assemblage très typique de Pialat dépasse ce qui a trait à un déroulement narratif ou à une construction rigoureuse de chaque plan : Pialat capte les choses et voilà tout. Il capte l’atmosphère du Nord, avec le gris et la sécheresse nue qui en ressort, les moments qui rythment la vie des familles, l’errement de l’enfant qui passe d’une famille d’accueil à une autre.
Cette façon de filmer, rare et radicale, continuera film après film de constituer autant de coups de poings délivrés par Pialat.


vendredi 14 décembre 2012

À nos amours (M. Pialat, 1983)




Après avoir exploré l’enfance, la mort ou le couple, Pialat tourne sa caméra sur l’adolescence et livre un film fort, violent, tourmenté et complexe sur cette période elle-même forte, tourmentée et complexe. Il scrute ainsi, avec son acuité extraordinaire, les tourments de Suzanne, qui ne sait que faire de ses quinze ans, écartelée entre des pulsions de vie et d’amour qui ne parviennent pas à s’exprimer et perdue au milieu d’une famille qui explose (avec le père, à la fois central et terrible).

Si le film démarre avec une image lumineuse et candide (la première séquence sur le bateau), tout se disloque ensuite progressivement : Suzanne se refuse à celui pour lequel elle a des sentiments puis multiplie les rencontres d’un soir, sans intérêt, sans âme. Parallèlement le père s’efface du récit et laisse la famille en plan, avec une mère hystérique et un grand frère violent qui ne sait comment compenser ce départ. Alors Suzanne erre, titube, et le masque de tristesse de Sandrine Bonnaire (tristesse teintée d’indifférence) prend de plus en plus de place sur ce visage déjà las.
Et Pialat, fidèle à sa façon de filmer, construit son film autour de blocs de temps, organisés en moments forts, avec des explosions verbales, des déchaînements, des surprises, des incompréhensions et il scrute toujours plus profondément chaque scène pour parvenir au cœur de chaque personnage.



Le film est marqué par une incroyable scène de repas de famille, largement improvisée (la méthode Pialat, entre écriture et improvisation, produisant des moments inouïs), où le père (joué par Pialat lui-même) débarque tout à coup, à la surprise des personnages (et des acteurs, qui ignoraient l’intention de Pialat). Il s’ensuit une confrontation violente et lapidaire, dans ce style si particulier, avec une improvisation qui dure, Pialat semblant ne jamais vouloir couper sa caméra.
Ces blocs de temps filmés dans de longues séquences, Pialat les raccorde par un montage brusque, où il associe des atmosphères et des tons, bien plus qu’il ne respecte une logique scénaristique (par exemple, dans la première séquence sur le bateau, Pialat n’hésite pas à interrompre un personnage au beau milieu d’une phrase).
La complicité entre Pialat et sa jeune actrice a incité Pialat à prendre le rôle du père et à l’étoffer. Cette complicité est aussi celle, complexe et contradictoire, de Suzanne et de son père. Pialat filme merveilleusement ces moments où l’un et l’autre se parlent, comme il met en lumière parfaitement les états d’âme de son héroïne, tantôt en la prenant dans les raies de lumière du jour finissant, tantôt dans une ruelle sombre, tantôt avec une froideur particulière qui est celle de son cœur qui ne parvient pas encore (ou déjà plus) à aimer.