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mercredi 9 avril 2025

Mickey 17 (J. Bong, 2025)

 



Amusante comédie de science-fiction de Bong Joon-ho, même si le film est loin de ses plus grandes réussites où il mélangeait les tons (Memories of MurderParasite). Ici la chose est plus simple : le film ne se prend jamais au sérieux.
On remerciera le réalisateur de ne pas proposer un couplet moralisateur trop appuyé, autant du point de vue de la lecture politique possible du film (qui est certes présent mais que l'on peut évacuer sans problème, ce niveau de lecture restant comme toujours très peu intéressant) que du point de vue environnemental (le risque était grand, en voyant une armée débarquer sur une nouvelle planète emplie de bestioles dont la question de la destruction va vite se poser).
Mark Ruffalo et Toni Collette composent des personnages savoureux, le ton alerte du film est plaisant et le film parvient toujours à rebondir même lorsque Mickey 17 se trouve aux prises avec Mickey 18.
On notera combien Robert Pattinson, star maintenant confirmée et égérie de la mode, compose un personnage d’anti-héros passif et dépassé, bien loin du culte du héros que Hollywood a si souvent travaillé. Ici il met sa masculinité et son image de côté, au profit de ce personnage sympathique mais frêle et bien peu héroïque (sauf dans sa dix-huitième version, certes emplie de masculinité mais bien peu sympathique pour le coup).

 

samedi 15 juillet 2023

Okja (J. Bong, 2017)

 



Si le film démarre gentiment, sur une thématique proche de Sauvez Willy (le franchement mièvre en moins), il dérive ensuite vers la fable anti-industrielle et anticapitaliste. Mais, quand bien même il joue des codes de la comédie, l’univers brossé par Bong Joon Ho ne s’embarrasse guère de finesse. Qu’il s’agisse de la PDG dépressive et psychotique au possible (Tilda Swinton, parfaite) ou du vétérinaire allumé (étonnante composition de Jake Gyllenhall), le portrait de la société est brossé à très gros traits. Mais l’ensemble est amusant, malgré une morale facile et faiblarde qui décrédibilise trop le film.
On regrette cependant une image : celle, en fin de film, où l’on voit tous les super-cochons amassés dans un camp de barbelés et poussés vers l’abattoir. L’évocation des camps de concentration est très nette et l’assimilation à la Shoah on ne peut plus claire. Il y a là un parallèle qui fait frissonner. S’il est terrifiant et épouvantable de traiter des humains comme des cochons, on ne saurait, en revanche, dénoncer le sort des cochons en l’associant à celui des humains.



jeudi 11 juillet 2019

Parasite (Gisaengchung de J. Bong, 2019)




Brillant film de Bong Joon-ho où l'on retrouve des motifs familiers de son univers, traités avec sa virtuosité habituelle.
Parasite mélange les tons et, d'une scène à l’autre, passe du thriller au burlesque ou du drame au Grand-Guignol (ce qu'il fait très bien depuis Memories of Murder). Et le film travaille autour du motif familial cher au réalisateur (comme il le faisait dans The Host avec le même acteur principal, Song Kang-ho, très bien ici encore en père de famille débonnaire).
En suivant les péripéties d’une famille pauvre qui s’immisce dans une famille riche, Bong Joon-ho pose un regard plein de compassion sur ses personnages : on est bien loin du regard dur et acerbe d’Affreux, sales et méchants (1), autre grand film qui traite de la misère. Cette misère est pourtant directement exposée, avec cette famille coincée dans un demi-sous-sol qui regarde les pochtrons du soir pisser au bord de leur soupirail. Mais il n’y a nulle méchanceté chez ces pauvres : la solidarité et l’indulgence règnent dans cette petite famille qui bricole comme elle peut ses petits arrangements. Et lorsqu’il s’agit de commettre quelques délits, le ton humoristique relativise les choses immédiatement.
Les riches en revanche sont décrits avec férocité : si la femme est peinte en  greluche crédule et niaise mais pas bien méchante, le mari est lui d’une morgue méprisante qui ne le quitte pas (avec son expression qu’il reprend souvent de « ne pas franchir la ligne » et son aversion pour les odeurs des pauvres qui le perdra).

On suit avec délectation les stratégies qui permettent à la famille de Ki-taek de s’immiscer dans la maison des Park et le film reprend alors l’amorce de La Servante de Kim Ki-young (où une servante fait progressivement voler en éclat une famille), film matrice de tant de films coréens. On pense aussi à La Cérémonie de Chabrol, au travers de ce rapport bourgeois-valet très marqué (le film souffre d’ailleurs de cette simplification très chabrolienne qui consiste à tirer sur les bourgeois de façon à peu près continue).
On s’amuse alors de la machination assez drôle qui fait entrer toute la famille au service des Park jusqu’à leur jouissance de la maison – que l’on sait temporaire – et au grain de sable attendu qui vient ruiner leur beau projet. C’est dans leur confrontation avec l’ancienne gouvernante et son mari reclus au fin fond du bunker souterrain que Bong Joon-ho est le plus acerbe : ces deux pauvres familles ne montrent aucune solidarité de classe, et c’est ce qui les perdra. Dans le dénouement implacable qui s’annonce, le film évoque alors L’Argent de la vieille : il est écrit que les pauvres ne grimperont pas l’échelle sociale et qu’ils finiront plus bas que terre.
C’est que tout, dans Parasite, est travaillé sur le mode de la verticalité (2). La partition sociale très caricaturale donne au film le ton général d’une fable et Bong Joon-ho renforce ce thème en jouant avec sa caméra, ce qui nous vaut des plans magnifiques, depuis le soupirail d’ouverture filmé comme un cadre dans le cadre, jusqu’aux escaliers qui dégorgent d’eau, en passant par des plans à la grue qui montrent l’enchevêtrement des fils qui courent au travers de la rue, comme une toile d’araignée qui emprisonne les pauvres hères qui courent sous la pluie.
Alors Ki-taek et les siens, une fois passée la conquête de la maison des Park, devront redescendre sur terre, et même sous terre : d’abord lorsqu’ils sont plaqués sous la table basse du salon pendant que les riches jouissent (au propre et au figuré) de leur situation et qu’ils sont témoins du mépris violent de M. Park. Avec l’orage qui les inonde, ensuite, et cette cuvette des WC qui vomit comme un égout. Enfin, lors de la garden-party finale où les riches batifolent entre eux et dont ils sont, de fait, exclus. Il n’y a que Ki-jung, la fille aînée, qui joue trop bien son rôle et parvient à se fondre parmi les riches. Et c’est là, sans doute, qu’il faut chercher les causes de sa mort.

La fin, bien sûr, est très sombre : Ki-taek se retrouve coincé dans cette cave noire et son fils, s’il se permet de rêver un instant, ne pourra probablement jamais communiquer avec lui, ni parvenir à le sortir de sa prison. Finalement, rien ne pourra empêcher les pauvres de rester pauvres dans les bas-quartiers et les riches de rester riches dans leurs belles demeures.
 
Si Parasite trouve son inspiration dans plusieurs films, il s'appuie cependant clairement sur Entre le ciel et l'enfer de Kurosawa, dont il reprend de nombreux motifs, à commencer par le découpage vertical riche/pauvre et cette façon de mélanger les strates sociales. On s’amuse à voir les mille ponts entre ces deux films jusque dans des détails secondaires (comme par exemple l'enfant qui joue aux Indiens et aux cowboys, comme le font les enfants chez Kurosawa). Mais le propos de Kurosawa est beaucoup plus nuancé, en particulier parce qu'il ne déteste pas le riche Gondo, l'industriel au cœur de son film, à l'inverse de Bong Joon-ho qui est lapidaire avec les riches. Mais à ce propos nuancé, répond néanmoins une conclusion aussi sèche que dans Parasite : le rideau de fer final dans la prison scelle la séparation entre ces deux mondes.



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(1) : Après l’orage terrible qui s’est déversé et a inondé le sous-sol de la famille de Ki-teak, Mme Park, inconsciente de ce qui a pu se produire hors de son petit monde, déclare que la pluie aura fait du bien et reverdi le jardin. Bong Joon-ho, le temps de cette saillie, rejoint le ton caustique d’Affreux, sales et méchants ou des Monstres.

(2) : Le film reprend  en l'orientant différemment  le schéma très simpliste du médiocre Snowpiercer où, dans ce train fonçant à toute allure, tout n’était qu’horizontalité. Les pauvres y étaient entassés en queue de train quand les riches, disposant de places et de loisirs, vivaient luxueusement à l’avant.

samedi 21 mai 2016

Memories of Murder (Salinui chueok de J. Bong, 2003)



Memories of murder Bong Joon-ho affiche poster

Original et réjouissant  malgré un arrière-plan sordide , ce film policier est une belle appropriation par le réalisateur d'un genre qui apparaît parfois épuisé et qui est ici dynamisé.
En effet l’intrigue prend appui sur un meurtrier en série qui assassine des jeunes filles. Mais autour de ce thème initial aujourd'hui classique du thriller, Bong Joon-ho vient flirter avec d'autres genres, en particulier la comédie. La grande réussite du film est alors que le film mélange les tons avec aisance (et ce n'est pas facile) en venant distiller des moments drôles au milieu de moments tragiques, en parvenant à entrecroiser des gaffes au milieu d'un décor macabre et d'un environnement social dur. Le ton comique est trouvé au travers de la médiocrité des policiers, de leur fébrilité et de leurs ratés successifs.
Il faut noter que cet humour qui naît des personnages est bien différent de l'humour de beaucoup de films, qui est souvent un humour de calembours, faussement décontracté, et qui est souvent malhabile et sonnant faux. Ici, au contraire, malgré le ton noir qui englobe le film, Bong Joon-ho réussit un mélange très rare et très réussi.

Memories of murder Bong Joon-ho affiche poster

jeudi 24 mars 2016

Snowpiercer, le Transperceneige (Seolgungnyeolcha de J. Bong, 2013)




Film bien décevant de Bong Joon-ho. Après ces Memories of Murder ou encore The Host, il avait montré qu’il était capable de redynamiser des genres à la sauce coréenne (le film noir ou le film de monstre). Dès lors on pouvait s’attendre à mieux qu’un film au format banalement hollywoodien et sans saveur. On retrouve bien peu de l'esprit de la BD dont le film s'inspire.

Dans un futur proche les survivants d’une humanité dévastée par une ère glaciaire sont regroupés dans un train gigantesque qui fait le tour du monde sans jamais s’arrêter (en avalant de la neige il pourvoit ainsi à ses besoins, et la vie à bord est en autarcie).
C’est l’occasion d’une métaphore (très lourde et facile) sur la hiérarchie des classes sociales, depuis le fond du train (où est confiné un lumpenprolétariat délaissé) jusqu’à son sommet (où vit seul, tel un démiurge, le concepteur de la machine), en passant par une multitude de wagons qui sont autant de catégories sociales. On retrouve l'ancienne partition verticale riche/pauvre de Métropolis en une partition longitudinale. La révolte qui gronde conduit le héros, depuis l’arrière, à remonter wagon après wagon pour tenter de prendre le contrôle du train. Mais il n’y a là rien de surprenant, rien d’innovant, Snowpiercer est un film d’action on ne peut plus commun, à peine divertissant. Quelques bonnes idées sont gâchées par des scènes convenues ou caricaturales.
On est inquiet de voir un des bons cinéastes coréens réaliser un tel film, certes calibré pour l'exportation, comme si, le succès aidant, il fallait s’avachir et se couler mollement dans les formats des productions hollywoodiennes. Puissent ces prochains films nous faire mentir.

vendredi 10 octobre 2014

The Host (Gwoemul de J. Bong, 2006)



The Host Affiche poster

Film original et réussi de Bong Joon-ho. L'irruption du monstre force à se révéler des Coréens ordinaires : on est bien loin des héros hollywoodiens qui seraient venus en découdre avec le monstre. Ici c'est une famille apeurée mais coincée (il faut sauver leur petite fille enlevée par le monstre) qui les oblige à se rebeller et à affronter le mutant.
La métaphore est belle : cet intrus – dû à des produits chimiques américains bazardés imprudemment – c'est l'Amérique elle-même, dont la Corée veut s'émanciper (c'est là le propos du cinéaste).
Une des réussites du film est dans le mélange des tons : depuis des scènes de film fantastique jusqu’à des séquences de panique typiques des films d’horreur ou de monstre, le ton change et va jusqu’à la comédie burlesque, par moments, avec beaucoup de facilité. C’est une habile (et pas facile) évolution d’un genre assez classique.

The Host Bong Joo-ho