mercredi 29 juin 2022

C'est ma vie après tout ! (Whose Life Is It Anyway? de J. Badham, 1981)

 



Sacrée réussite que ce film de John Badham sur un vrai sujet difficile. Aborder la tétraplégie – avec comme corollaire la liberté de choisir sa mort, l’impossible projection dans le futur, les passions détruites, etc. – sans réaliser un film plombant et ennuyeux est une belle performance. Whose Life Is It Anyway? est de ces films rares, au sujet difficile et qui relèvent le défi avec une facilité désarmante (sur un autre registre on pense à Harold et Maude).
C’est que le film se permet, en plus des sujets qu’il aborde bille en tête, de les traiter avec un humour décapant et une légèreté même, que l’on n'osait espérer.
Badham s’appuie sur un Richard Dreyfuss épatant, qui est de tous les plans et donne le ton du film.
La fin, ouverte, est inévitable et le film, alors, loin d’écraser le spectateur dans une déprime sans nom, lui permet de regarder droit dans les yeux ce qui, sans doute, est une peur profonde de chacun (devenir tétraplégique soudainement, après un accident de la route).

 



lundi 27 juin 2022

Caprices (L. Joannon, 1942)





Amusante comédie de Léo Joannon qui est organisée autour du duo Danielle Darrieux-Albert Préjean qui fonctionne très bien.
L’intrigue est très rocambolesque, avec des revirements multiples qui vont jusqu’à la confusion en toute fin de film. Mais certaines séquences sont très réussies (la séquence du lustre qu’il faut enlever) et le film mélange agréablement les genres – de la comédie au marivaudage – et les personnages – des comédiens aux gentlemen cambrioleurs – le tout avec un ton teinté d’onirisme et une préciosité qui évoque parfois Lubitsch.

 

samedi 25 juin 2022

Grand Prix (J. Frankenheimer, 1966)

 



Version hollywoodienne du film de course automobile, Grand Prix en a les qualités avec une réalisation solide, une histoire construite avec application autour de plusieurs personnages charismatiques, du suspense, etc. Mais il en a aussi les défauts : le film est trop appliqué, trop policé pour réellement emporter le spectateur. On est en fait à l’exact opposé du film Le Mans de Katzin et McQueen qui, lui, pêche par une narration à peu près absente.
John Frankenheimer filme très bien la vitesse des bolides et il montre très bien combien le pilote, à chaque tour de piste, joue sa vie. On est loin de telles prises de risque aujourd’hui, avec des machines et des circuits largement sécurisés (du moins tant que faire se peut). Mais la folie de ces passionnés un peu dingues apparaît très bien par séquences, même si le film ne se risque pas trop à creuser la question qui ne manque pas de surgir : pourquoi mettre à ce point sa vie en jeu ?




mercredi 22 juin 2022

Le Fantôme de l'Opéra (Phantom of the Opera de A. Lubin, 1943)

 



Cette adaptation du célèbre roman de Leroux surprend par la contradiction qui l’anime : alors qu’elle met en scène une histoire très sombre où il est question de folie, de jalousie, de vengeance et de meurtres, Arthur Lubin propose une vision colorée, parfois chatoyante et baroque, avec de longs interludes musicaux (très bien amenés), s’attardant sur des personnages secondaires (avec même des jeux proches de la comédie, en particulier autour d’un triangle amoureux qui se cherche) et montrant peu le fantôme lui-même (Claude Rains, très sobre).

L’ensemble est assez disparate
 – puisque les séquences finales tout à fait tragiques ne s’accordent qu'à moitié avec le ton plus léger rencontré auparavant  – et forme un film très soft dans la série des Universal Monsters. On est loin, par exemple, de l’adaptation précédente de Rupert Julian – beaucoup plus tragique – qui mettait en scène Lon Cheney dans un de ses plus célèbres exercices de maquillages.



lundi 20 juin 2022

Prince Vaillant (H. Hathaway, 1954)

 



Cette version à la sauce hollywoodienne du célèbre personnage de BD en garde sa fraicheur un peu naïve, son élan, sa couleur et son foisonnement. Les péripéties vont bon train, avec les passages obligés du genre qui sont passés en revue (tournois, gentes dames séduites, attaque de château fort, etc.). Le film évoque bien sûr Ivanhoé de Thorpe, où Robert Taylor, Elizabeth Taylor et George Sanders laissent la place respectivement à Robert Wagner, Janet Leigh et James Mason : la structure même du casting rapproche les deux films. La différence se situe sans doute entre Robert Taylor et Robert Wagner : Taylor est plus mature et plus solide quand Wagner est plus bondissant et juvénile.

Mais le film reste un bon divertissement bien orchestré par un Henry Hataway qui, décidément, est un génial touche-à-tout (que l’on pense à l’extrême variété de ses films, depuis Peter Ibbetson et Le Carrefour de la mort jusqu’au Jardin du Diable ou Niagara).

 


vendredi 17 juin 2022

Pentagon Papers (The Post de S. Spielberg, 2017)

 



Cet hymne au journalisme courageux et indépendant (autant qu’au féminisme, à travers le personnage de Kay Graham en femme forte) reprend les grandes lignes du scandale des Pentagon Papers, épisode fondamental dans la mise en lumière du cynisme des politiciens (qui n’hésitent pas à sacrifier des soldats inutilement plutôt que de risquer de perdre la face en avouant une défaite militaire).
Spielberg rend ici hommage aux films à enquête des années 70, notamment Les Hommes du président, dont il reprend plusieurs motifs.

Bien sûr le film se veut aussi une dénonciation de la liberté de la presse menacée, même si on aura bien du mal à être sensible à la portée de ce qui est dénoncé. En effet deux éléments, peu abordés semblent plus puissants que les pressions politiques ou juridiques qui sont évoquées. Il s’agit d’une part de l’absence d’indépendance des journaux (qui appartiennent tous, peu ou prou, à des grands consortiums : une décision reposant sur les épaules d’un unique propriétaire est aujourd’hui bien souvent hors de propos) et, d’autre part, de la puissance des réseaux sociaux avec leur cortège de censure. Dès lors la dénonciation de Spielberg semble bien peu d’actualité et l’on sera plus sensible au caractère nostalgique de son film.

 

mardi 14 juin 2022

Le Traquenard (Otoshiana de H. Teshigahara, 1962)

 



Étrange film de Hiroshi Teshigahara qui démarre de façon assez conventionnelle pour, ensuite, basculer complètement lorsque le film vire au fantastique, avec ces fantômes qui regardent le monde vivre.
Teshigahara montre sa grande originalité (originalité que l’on retrouvera très vite dans La Femme des sables), aussi bien dans le thème choisi que dans son style, avec des plans curieux et novateurs et déjà, une façon bien particulière de scruter les corps, de montrer l’incommunicabilité (on n’est pas loin d’Antonioni ou de Resnais) ou de mettre en scène des aliénations. Alors qu’il est ancré dans une réalité forte (la mine, le port), son film, par moment, est comme un cauchemar éveillé (avec une bande son incroyablement dissonante).


Et Teshigahara sait se focaliser tout à coup sur une dissonance, une monstruosité, une stridence, notamment avec l’absence d’émotion de l’enfant, sauf en toute fin de film, avec cette larme qui coule silencieusement et vient clore un étonnant travelling.


 

samedi 11 juin 2022

La Vraie nature de Bernadette (G. Carle, 1972)





Si ce récit d’un retour à la Terre est devenu assez conventionnel aujourd’hui, il porte une certaine fraicheur du fait de la personnalité de Micheline Lanctôt en Bernadette. Pour autant le film peine un peu à démarrer, les dénonciations sont un peu simples et l'ensemble manque d’énergie.
La fin en revanche est étonnante : Bernadette va jusqu’au bout de son engagement, donnant une coloration très tragique à cet ensemble comico-dénonciateur.



 

jeudi 9 juin 2022

Frankenstein créa la femme (Frankenstein Created Woman de T. Fisher, 1967)

 



Au milieu de la série de films de monstres de la Hammer, Frankenstein créa la femme est une très intéressante variation sur le thème du Docteur Frankenstein avec Terence Fisher à la baguette et Peter Cushing dans le rôle-titre.
Fisher joue parfaitement d’une reconstitution volontiers baroque, avec la petite ville, la brasserie, les jeunes gens (odieux) et élégants et les simples citoyens, bien sûr, toujours prompts à se former en jury et à condamner.
Frankenstein lui-même est relégué au second plan, voire au troisième : s’il est certes celui qui permet les échanges de corps et les captures d’âme (le scénario proposant ainsi au bon docteur de poursuivre ses expériences sur la vie et la mort dans des directions captivantes), il est ensuite uniquement le témoin des résultats de ses expériences, découvrant l’étrange schizophrénie de Christina revenue à la vie.
Et, comme il aime à le faire (dans La Nuit du loup-garou par exemple), Fisher donne au personnage de Hans une lignée qui l’enferme dans un destin – « son père est meurtrier, il tuera à son tour » – destin qui emprisonne et conduit le film vers une tragédie inexorable et injuste.
La femme créée joue incarne remarquablement l’idée de séparation de l’âme et du corps jusqu’au bout, lorsqu’elle parle avec la tête décapitée qui lui commande et lorsqu’elle se suicide une seconde fois (comme s’il fallait que le destin retombe sur ses pieds) une fois la vengeance accomplie.

 



mardi 7 juin 2022

Top Gun : Maverick (J. Kosinski, 2022)

 




Arrivant trente-six ans après le Top Gun de Tony Scott, ce nouveau Top Gun s’appuie largement sur son prédécesseur : à la fois de par son scénario (on retrouve des personnages hantés par la mort de leurs pères), par son casting (au-delà de la star Tom Cruise, on retrouve le vieillissant Val Kilmer qui vient faire une pige), que par l’image (avec des rappels appuyés, des citations, etc.). On y trouve aussi, cela dit, d’étonnants rappels à La Guerre des étoiles (l’attaque en rase-motte dans un canyon étroit, la physionomie des ennemis casqués de noir dans leurs cockpits). On s'amuse aussi de retrouver un scénario évoquant un épisode de Buck Danny (L'Escadrille de la mort) quand on sait l'impact de cette BD, en son temps, sur les vocations de nombreux futurs pilotes.

Si le film de Joseph Kosinski a le bon goût de ne pas trop en rajouter en terme de romance facile, il ne parvient pas à éviter des séquences fades et assez inutiles (la première rencontre dans le bar, la partie de football américain sur la plage) qui cassent le rythme du film. Tout cela sent bon le blockbuster propre sur lui, avec bien peu de tension quant au scénario (on se doute bien que Maverick et ses pilotes vont réussir leur mission).

On ne doute pas que ceux qui voient avant tout dans un film sa dimension politique pourront être révulsés par cet hymne américain à l’interventionnisme salvateur (puisqu’il s’agit ici d’empêcher la prolifération nucléaire). Mais on ne saurait s’attendre à une autre ligne en allant voir la suite de Top Gun qui fut décrié en son temps comme un tract publicitaire en l’honneur de l’US Navy.

Cela dit ce sont les séquences de combats en avion qui sont au cœur du film et elles sont très réussies et réjouissantes. Elles ne tombent pas dans le piège pénible du montage syncopé où le spectateur ne distingue plus rien dans une bouillie d’images. Et ces scènes bénéficient à plein du grand écran de cinéma : on est heureux de voir que, bon an mal an et finalement sans autre prétention, certains films cherchent encore à jouer avec l’aspect purement spectaculaire de l’image.