mercredi 26 février 2020

Agents très spéciaux : Code UNCLE (The Man from UNCLE de G. Ritchie, 2015)



Tout en conservant son esthétique envahissante, Guy Ritchie propose une version au second degré du buddy movie d’espionnage. En associant un Américain et un Russe, on se croirait revenu quarante ans en arrière. Le film, alors, use et abuse de cette disparité, multipliant les bons mots et les situations ad hoc. Se faisant, il passe en revue toutes les scènes classiques du genre, incluant les trahisons, les sauvetages, les retournements de situation et, comme il se doit, les séductions, les femmes fatales, les diaboliques sbires, les militaires bas du front, etc.
On ne trouvera rien de bien original dans ce mélange qui ne se prend pas au sérieux mais qui est aussi très prétentieux : le style accrocheur et exubérant de Ritchie gonfle le film comme une baudruche mais sans lui donner de second souffle. Code UNCLE, en définitive, étrenne une énième fois des recettes usées jusqu’à la corde



lundi 24 février 2020

En légitime défense (A. Berthomieu, 1958)




Polar réussi de André Berthomieu, qui nous plonge dans le Paris et les bistrots des années 50. L’intrigue, quoique sans grande surprise, passe bien et le regard sur le « milieu » est assez réussi. Le film bénéficie de deux grands atouts : de très bons dialogues (de Frédéric Dard), qui donnent un rythme que n’a pas toujours la réalisation, et une très belle interprétation, avec une brochette d’acteurs qui reconstituent parfaitement le petit monde de Pigalle, avec ses prostituées, ses serveurs, ses flics et ses petites frappes.
Bernard Blier a toujours la bonhommie et le bagou qu’on lui connait, Philippe Nicaud fait très bien le bon gars dépassé par les événements, Robert Dalban est un très bon caïd racketteur avec Pierre Mondy en homme de main, et Maria Mauban est une jolie danseuse de revue.



Le cinéma a ici, entre autre, la vertu de donner une image (qu’il faut assembler à beaucoup d’autres pour constituer une peinture plus complète) de la vie de quartier de ce Paris d’il y a soixante ans.


mercredi 19 février 2020

Déjà vu (T. Scott, 2006)




Petit thriller tout à fait quelconque, servi par un scénario qui se veut ambitieux mais ajoute du ridicule au conventionnel. La distribution est hasardeuse (Denzel Washington surjoue constamment) et la réalisation reste fade et sans surprise. Le titre du film, en ce sens, annonce parfaitement la couleur.


lundi 17 février 2020

Le Petit Criminel (J. Doillon, 1990)




Si l’argument du film est assez simple (on suit un ado écorché vif et déboussolé), son traitement est très réussi. En effet, Jacques Doillon parvient à saisir avec beaucoup de finesse et d’acuité la pulsion vitale et désordonnée qui agite Marc, ado qui se cherche, perdu entre un beau-père aux abonnés absents, une mère alcoolique, des secrets de famille qui l’envahissent et une volonté de reconstruire sa vie, de se trouver une famille et de lui donner un nom. On est un peu en présence d’une version d’Antoine Doinel des Quatre Cents Coups, transposée aux années 90 (la famille est maintenant complètement éclatée) et issue de la cité. D’ailleurs, malgré le titre on est loin du film policier : Doillon scrute ses personnages, cherche à les révéler à l’écran et guette leurs failles pour les explorer aussitôt. Les trois personnages qui occupent l’écran se rejoignent d’ailleurs par leur solitude et leurs quêtes (quête d’une sœur, d’une famille, d’un nom). Gérard (très bon Richard Anconina), flic paternaliste, participe du fantasme de Marc de se construire une nouvelle famille.

Si toute la première partie du film (disons jusqu’à l’arrivée à Montpellier et l’entrée en scène de la sœur) sonne juste, en revanche, ensuite, le scénario se perd un peu, accumulant les redondances et tournant de plus en plus à vide. D’autant plus que, dans le même temps, le flic se perd lui aussi, devient de moins en moins crédible à mesure qu’il change de registre : même s’il n’a jamais eu réellement une posture de flic mais plutôt celle d’éducateur, il devient progressivement un complice aussi pommé que les autres.


Evidemment (et c’est bien dommage), on regrette que les autres personnages qui entourent Marc (notamment, à la fin, le professeur et le principal) soient des caricatures. La crédibilité de cette approche qui se voulait au départ accrochée à la réalité en prend un coup. Et l’on quitte alors le film sur une note beaucoup moins forte que celles sur lesquelles il avait commencé.


samedi 15 février 2020

Le Mans 66 (Ford v. Ferrari de J. Mangold, 2019)




Sur fond de courses automobiles, on suit assez mollement les tribulations de Carroll Shelby et Ken Miles, sans douter une seule seconde de l’issue du film. On tient là d’ailleurs le grand problème du film : la fin de l’histoire étant connue (les victoires de Ford et de la GT 40 étant parmi les plus fameuses des 24 Heures du Mans), le film aurait dû offrir autre chose qu’une forme de suspense. Or c’est bien ce qu’il ne fait pas : James Mangold bricole la réalité pour créer un suspense, il joue d’un montage, d’un rythme et d’une musique qui construisent artificiellement la tension, mais il passe tout à fait à côté de ce qu’il aurait pu faire.
L’accident fatal de Miles, en toute fin de film, à un moment dénué de tout intérêt scénaristique direct, offre d’ailleurs une idée de ce que le film aurait pu proposer : une image un peu décalée, une voiture qui s’éloigne plein pot, une sortie de route qui reste presque hors-champ, un paysage désertique, de la poussière, là-bas, au loin. A peu près l’opposé du reste du film.
Matt Damon et Christian Bale jouent mollement des rôles assez simples et Mangold reste sagement cantonné dans les canons actuels de la réalisation, s’appliquant à faire tout bien comme il faut, c’est-à-dire en faisant ce qu’on attend de lui : nulle surprise, donc à attendre du film. On peut s’endormir tranquillement devant les accélérations, les dérapages, les lunettes de soleil rutilantes, les moments d’émotion programmés, les pseudo-coups de théâtre et autres fadaises.


jeudi 13 février 2020

Requiem pour un massacre (Idi i smotri de E. Klimov, 1985)




Incroyable film de guerre, qui se veut, dans une lignée ultra-réaliste, un coup de poing à l’adresse du spectateur. Le film plonge dans l’horreur des exactions allemandes pendant la seconde guerre mondiale lors de l’avancée sur le front Est.
Très vite, au travers des yeux de Fiora, le spectateur se retrouve au cœur de l’horreur, une horreur brutale, absolue et inhumaine. Le film ne prend aucun recul : il se veut une monstration pure de ce qu’est la guerre.
Klimov, dont on sent la filiation avec le formalisme et le naturalisme de Tarkovsky (dans L’Enfance d’Ivan bien sûr, mais c’est toute l’esthétique de Tarkovsky qui est évoquée ici), offre bien à ses personnages une séquence douce et libre, sous une pluie bienfaitrice, dans l’humus de la forêt, mais, ensuite, les bombes, le froid et le brouillard envahissent définitivement l’écran. Le spectateur prend alors la place de Fiora (qui multiplie les regards caméra) et est immergé, sans secours et sans limite, au cœur de l’horreur : il est forcé de regarder la guerre sans jamais cligner des yeux.


Le film devient alors un des réquisitoires les plus durs (et les plus efficaces) sur la guerre en général et sur les exactions de l’armée allemande en particulier.
Sans doute le film n’est guère plus qu’une dénonciation jetée à la figure du spectateur (il n’est pas une réflexion, il n’est pas une analyse, il n’est pas une étude des tenants et aboutissants de la guerre et, en ce sens, il n’est pas original), mais la puissance de Requiem pour un massacre est tout à fait sidérante.


lundi 10 février 2020

Le Diable par la queue (P. De Broca, 1969)




Comédie qui se veut sans doute, dans l’esprit de son réalisateur, enlevée et tourbillonnante, mais qui est constamment navrante, lourde et vaine. Tout est précipité mais cela ne mène nulle part.
Philippe de Broca gâche une belle distribution et le scénario bâclé n’a d’égal que la bêtise des personnages. On sait qu’une mauvaise comédie se repère souvent à la présence de personnages stupides ou crétins : elle peut en admettre un ou deux, qui sont l’occasion d’un gag, d’une situation particulière ou d’un regard sur lui des autres personnages qui eux ne sont pas stupides, mais lorsque ce sont quasiment tous les personnages qui sont stupides ou crétins cela ne laisse plus guère d’espoir. Et ce ne sont pas quelques réparties bien senties de Claude Piéplu qui sauveront la mise.


vendredi 7 février 2020

Les Rebuts du Diable (The Devil's Rejects de R. Zombie, 2005)




Sans être un film d’horreur très original, Les Rebuts du Diable prend quelques libertés par rapport aux codes du genre. En se focalisant sur une famille de détraqués marginaux, Rob Zombie leur oppose un shérif tout aussi psychopathe, ce qui lui permet de jouer avec une immoralité assez bien vue (la fin, dans ce sens, est intéressante).
Et, surtout, Zombie s'applique à construire une esthétique marquée, qui sort des canons du genre et qui explosera dans son film suivant, Halloween.


mercredi 5 février 2020

Fast and Furious: Hobbs and Shaw (D. Leitch, 2019)




On sait le cinéma américain (et, malheureusement, par effet domino, le cinéma mondial) concentré sur trois types de films : les gros blockbusters qui écrasent tout, les films d’animation et les comédies lourdes et sans saveur. Et, pour ces trois types de films, la loi des séries s’applique avec une rigueur toute mathématique en suivant trois grands principes : escompter que ce qui a payé puisse payer encore ; ne prendre qu’un minimum de risques ; s’en remettre à un abattage médiatique puissant qui pourra efficacement être réactivé ultérieurement. Dès lors, les salles de cinéma se voient couvertes de films qui sont des suites de suites de suites, déclinaisons sempiternelles de l’une de ces trois recettes.
Ici les studios exploitent à nouveau la série Fast and Furious et, se disant que huit films (!) suffisent peut-être, en extraient les héros-acteurs-stars (on mélange allègrement l’acteur et son rôle, ces acteurs refaisant sans cesse le même rôle depuis quelques années (1)) et les assaisonnent des ingrédients habituels. On a ainsi une resucée du buddy movie à la sauce Tango et Cash (film déjà largement oubliable), déclinée aux modes de réalisation d’aujourd’hui (une image froide et numérique, une hyperaction en montage ultra-rapide entrecoupée de ralentis et de bonnes vannes, une pseudo-complicité avec le spectateur, etc.).
Il n’y a bien sûr rien à attendre de cette petite bouillie d’images, qui illustre platement un scénario tout à fait stupide (l’épisode aux îles Samoa étant le nec plus ultra d’un empire de bêtise). On ne s’arrêterait guère sur ce film s’il ne fallait constater, bien tristement, que, pour un coût de 200 millions de dollars, il en a déjà rapporté plus de 800 millions.
Le système, donc, fonctionne parfaitement et rappelle qu’une planche à billets qui ronronne est un bien sinistre glas pour l’art cinématographique.



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(1) : Mais peut-on leur en vouloir, quand ils se voient proposer des contrats mirobolants ? Les deux lascars, conscients sans doute des limites de leur art (disons les choses ainsi), sont sans doute bien contents de valoir aussi cher sur le marché du blockbuster (20 millions de dollars le film pour Dwayne Johnson, 13 millions pour Jason Statham…).


lundi 3 février 2020

Toni Erdmann (M. Ade, 2016)




Beau film de Maren Ade, d'où il ressort une étrange combinaison, qui mélange la froideur de la vie de la fille Ines et la chaleureuse comédie du père. Et c’est bien sûr cette figure du père qui trône au-dessus du film, père facétieux à la mission bien comprise : redonner un peu de vie à sa fille, cadre carriériste désincarnée et engoncée. L'habileté du scénario étant que l'un et l'autre sont dépressifs, sombres et, quelque part, tout à fait brisés.
Le film a ainsi une étonnante tonalité : il fait sourire, quand bien même le nombre de scènes drôles est assez rare, mais il y a toujours cette présence incongrue du père, dont on ne sait ce qui en sortira, qui irradie le film (et irradie aussi, progressivement, la fille).
L’amusante scène de la réception nue constitue à la fois le climax du film et le moment de retournement ou plutôt le moment où Ines sort de son univers vide et faux. Au-delà de la signification un peu facile (Ines, en se mettant à nu, abandonne la fausseté pour la franchise et, ce faisant, quitte le bal des hypocrites), c’est la spontanéité à demi-gênée et à demi-évidente avec laquelle elle se déshabille qui est très réussie. Son père, bien sûr, est là, comme un immense totem, sans rien dire, sans rien demander (c’est bien là sa force). Il sait qu’il a bien réussi son coup, au dernier moment sans doute, Ines n’étant pas loin d’être irrécupérable. Le film devient alors un film sur le pouvoir du rire, du décalage et de la marginalité de comportement : Maren Ade scrutant le remède (le père qui fait irruption comme un chien dans un jeu de quilles) autant que la conséquence du remède (fissurer la coquille lisse et glaciale de Ines).


On regrette un peu que, comme trop souvent dès qu’il est question d’un regard sur le monde économique, le film oublie son ton juste et bien trouvé pour taper avec facilité et caricature sur le capitalisme qui est montré, invariablement, comme inhumain et violent : tous les collègues de Ines (absolument tous, sans qu’il y ait la moindre hésitation à ce sujet) sont des calculateurs froids, égoïstes et hypocrites ; tel patron licencie un ouvrier d’un claquement de doigt ; les réunions sont des paniers de crabes où l’on se plante allègrement des couteaux dans le dos et Ines elle-même n’est pas loin de se prostituer pour garantir un contrat.
C’est un peu dommage, il n’était nul besoin de portraiturer un monde à si gros traits et sans jamais la moindre nuance pour y faire débouler l'improbable Toni Erdmann, avec sa perruque et sa prothèse dentaire.


samedi 1 février 2020

Get Out (J. Peele, 2017)




Film horrifique assez quelconque (mais qui a eu étonnamment bonne presse) de Jordan Peele. Même s’il y a bien quelques bonnes idées (principalement celle de l’hypnose, qui vaut une séquence joliment mise en images), le film ne sort guère des ornières toutes tracées du genre.
On sait parfaitement, dès les premières images trop douces et sucrées que tout ne va pas bien se passer et que, derrière l’americana à la sauce moderne qui évoque Devine qui vient dinez... (une blanche qui amène son petit copain noir chez ses parents), quelque chose se trame. On n’est donc pas surpris – comme peut l’être Chris, le boy-friend noir – de la bizarrerie de tel personnage ou de l’étrangeté d’un comportement ou d’une situation. Et, assez vite, on comprend (bien avant Chris) que le coup de l’hypnose est un piège : il ne reste plus qu’à attendre l’explication scénaristique (que fait cette famille aux Noirs ?), explication qui réussit à être la fois conventionnelle (les Blancs sont en fait des gens très très méchants) et tirée par les cheveux (il est question de transplantations de parties de cerveaux…). Et toute la séquence finale (dès lors que la révélation sur ce qui se trame est faite), avec Chris qui parvient à s’enfuir en laissant une hécatombe sanglante derrière lui, est tout à fait convenue et bien peu passionnante.