dimanche 30 juillet 2017

La Grande évasion (The Great Escape de J. Sturges, 1963)




Solide film d’action de John Sturges, qui s’appuie sur une belle brochette d’acteurs et sur un scénario qui met les petits plats dans les grands en préparant une évasion de grande ampleur. Cela dit, et quand bien même le film s’appuie sur un fait réel, les Allemands semblent bien passifs et naïfs face à ces prisonniers qui ne songent qu’à s’évader. Mais le film a l’intelligence de suivre les avatars des prisonniers après leur évasion, ce qui est un plus incontestable par rapport à beaucoup de films d’évasion. Et cela nous vaut la célèbre séquence où Steve McQueen lance sa moto à l’assaut des barbelés de la frontière.


Même si le film s’étire un peu en longueur, on apprécie le ton général, mélange de bravoure qui confine à l’épique, avec une touche d’humour. Et Steve McQueen, très bien en tête brûlée, commence à comprendre son jeu (il n’a pas encore son mutisme légendaire, mais son jeu se simplifie progressivement).


jeudi 27 juillet 2017

Split (N. M. Shyamalan, 2017)




Le très coté Manoj Night Shyamalan, capable du pire (Phénomènes) comme du plus respectable (Le Village), signe ici un film complètement quelconque, qui met en avant un personnage à multiples facettes (ce qui nous vaut une prestation tout à fait impersonnelle de James McAvoy), voulant sans doute renouveler le thème du serial killer et en faire un lointain descendant de Norman Bates, mais tout cela n’a pas le moindre intérêt. On est même surpris par cette histoire primaire, où il se dit bien peu de choses et qui ne mène à peu près nulle part.

mardi 25 juillet 2017

Le Trou normand (J. Boyer, 1952)




Toute petite comédie franchouillarde, très typée années 50, articulée autour d’un Bourvil qui fait le simple d’esprit. Mais, malgré l’atmosphère villageoise bon enfant et la brochette d’acteurs de la période (Noël Roquevert, Pierre Larquey, etc.), on aura bien du mal à se réjouir, tant tout cela est caricatural, naïf et sans aucune surprise. Bourvil est ici très quelconque, bien loin de ses meilleurs rôles comiques.
A noter la présence de Brigitte Bardot, qui n’utilise pas encore la sexualité sauvage qui émane d’elle et qui fera son mythe : sous des dehors qui se veulent agités et rebelles, son personnage n’est qu’une version très traditionnelle de la cousine revêche dont on tombe amoureux.


dimanche 23 juillet 2017

Le cinéma selon Paul Valéry



Très grand aphorisme de Paul Valéry, qui touche de très près la vérité même du cinéma :

« Le cinéma c’est faire du faux avec du vrai ».

vendredi 21 juillet 2017

L'Affaire Cicéron (Five fingers de J. L. Mankiewicz, 1952)





Brillant film d’espionnage, L’Affaire Cicéron ondule avec bonheur entre des saveurs d’espionnage à la Hitchcock (on retrouve même Bernard Hermann, qui composera plus tard les légendaires musiques que l’on sait) et l’élégance d’un film de Lubitsch, avec le même arrière-plan mondain et le même humour parfois corrosif.


S’appuyant sur un fait de trahison célèbre, Mankiewicz élève le propos bien au-dessus d’une simple affaire d’espionnage puisqu’il est question, au-delà de la trahison, de faux-semblants, de calculs cyniques et de vanité.
L’interprétation est magistrale avec un James Mason faux et avide et une Danielle Darrieux parfaite en intrigante qui composent des personnages délicieux et fascinants.
L’éclat de rire qui clôt le film est un final très réussi aussi bien dans la forme que dans la dérision qui vient englober le film.



mardi 18 juillet 2017

There Will Be Blood (P. T. Anderson, 2007)




Magnifique film de Paul Thomas Anderson, qui dépasse le thème fameux de la grandeur et de la décadence, en l’accomplissant en quelque sorte : la grandeur, nous dit Anderson, ne peut se construire sans décadence. L’une n’est pas possible sans l’autre. Il n’y a pas une grandeur puis une décadence : la grandeur apparente de Daniel Plainview n’est possible qu’au travers de sa déchéance morale.
La première séquence, sans parole, est remarquable et elle permet de lancer le personnage avec une force et une puissance étonnante. Le film, évidemment, tourne autour de Daniel Plainview, incarné par un Daniel Day-Lewis fabuleux (comme toujours) qui incarne ce personnage névrosé, insatiable et misanthrope qui finira par s’aliéner la société entière. Même son fils adoptif semble davantage un moyen d’acquérir une respectabilité sociale que de manifester un dévouement paternel. Il sera abandonné, et son faux-frère tué sans hésitation ni considération morale.
La mise en scène est brillante, multipliant les jeux de caméra (avec des verticalités magistrales), les brusqueries, les métaphores, les échos entre les images. Anderson se resserre sans cesse sur son personnage, jusqu’à le montrer perdu dans sa névrose, égaré dans son vaste palais où sa grandeur s’achève dans un bain de sang.
On pense inévitablement au célèbre (mais assez moyen) Géant de G. Stevens qui traite en fait du même sujet (la prospection de pétrole), et à Écrit sur du vent, l’excellent film de D. Sirk.

dimanche 16 juillet 2017

Intervention divine (Yadon ilaheyya de E. Suleiman, 2002)




Beau film de Suleiman qui choisit une attitude contemplative pour montrer la condition des Palestiniens, coincés dans Ramallah.
Le film est une succession de situations, très intelligemment agencés (avec, notamment, une grande part laissée au hors-champ), qui tournent au gag ou à l’absurde. Suleiman ne réalise pas un film militant, il montre l'absurdité de cette vie : ainsi les différentes séquences au check-point, mais aussi les rapports de voisinage (comme si les Palestiniens, enfermés, se retournaient contre eux-mêmes). Et Suleiman n'hésite pas à évoquer son père (jusqu'à sa mort) pour rendre plus palpable encore les déchirements provoqués par la situation géopolitique. Les moments de violence (le tank qui explose, la guerrière ninja) n’apparaissent pas comme des exhortations à la violence, mais bien plus comme des absurdités, nées d’une situation intenable.
Et, de ces moments lentement filmés, à coups de situations qui se répètent et se complètent (parfois le contre-champ d’une situation vient beaucoup plus tard), de grâce un peu folle (le ballon qui passe au-dessus du check-point), il se dégage une incontestable poésie, calme et lente, que l’on est bien en peine de trouver, d’ordinaire, dans des films partisans.


samedi 15 juillet 2017

Little Big Man (A. Penn, 1970)




Très important western d’Arthur Penn, qui s’amuse à prendre le contre-pied de bien des mythes de l’Ouest institués depuis longtemps par le cinéma et, se faisant, rompt avec eux.
Du général Custer jusqu’au nettoyeur de ville Wild Bill Hicock, chaque personnage de légende en prend pour son grade. Mais c'est évidemment le traitement des Indiens qui est complètement revu : la fameuse séquence de l'attaque du camp cheyenne par l'armée, au son du Garryowen du 7ème de cavalerie, est remarquable : la dénonciation du massacre des Indiens ne pouvait être plus claire. Cette séquence qui fait écho, pour les premiers spectateurs du film, au massacre de My Lai, montre ainsi combien la guerre du Vietnam a nourri la prise de conscience du massacre des Indiens, et montre aussi combien, en retour, le cinéma, en s'appuyant sur le massacre des Indiens, dénonce les crimes commis au Vietnam.
Cela dit, si le film est fondamental dans l'histoire du western et s'il est un des westerns révisionnistes les plus importants, il est assez inégal. A des séquences très réussies, répondent d'autres moments plus laborieux, lents ou à la dénonciation facile.

Présenté comme un immense flash-back, le film démarre ensuite comme le contre-champ de La Prisonnière du désert : la situation initiale est la même que dans le film de Ford (la capture d'un Blanc par des Indiens est un motif classique du western), mais cette fois traitée différemment puisqu'on suit le devenir de ce garçon au sein de sa tribu.
Jack Crabb (bon rôle de Dustin Hoffman qui donne une incessante naïveté à son personnage d’anti-héros) ne cessera ensuite d’être bringuebalé, passant sans cesse des Indiens aux Blancs, ce qui permet à Arthur Penn de régler son compte aux mythes de l’Ouest. Jack va donc de rencontre en rencontre au sein des deux univers, et le portrait brossé progressivement montre la violence et la culpabilité de l’homme Blanc (depuis le ridicule des grandes figures prétendument héroïques jusqu’aux batailles qui sont autant de massacres) alors que la sagesse est indienne. Sur ce dernier point le film va très loin puisqu'il rétablit la primauté des Dieux Indiens (le Grand-père, auquel les Indiens accèdent par leur esprit contemplatif et respectueux de la Nature) sur le Dieu des chrétiens (le Père). C’est ainsi rien moins que la Destinée manifeste elle-même qui est balayée par le film, achevant la révision du mythe cinématographique au profit de la réalité historique.



jeudi 13 juillet 2017

Les Demoiselles de Rochefort (J. Demy, 1967)




Comédie musicale très célèbre (en France), Les Demoiselles de Rochefort ont tout pour plaire à qui aime le genre : des chansons fameuses, des danses, les jolis minois des deux sœurs Deneuve et Dorléac, des aplats de couleurs sucrées, des jeux d’amour, une légèreté rêveuse et cajoleuse, une guest star (Gene Kelly), etc.
Pour qui ne goûte guère à la comédie musicale, du moins dans sa version française (puisqu’il s’agit d’un genre d’abord typiquement américain), on aura plus de mal à se raccrocher à ce film, bien qu’il soit, dans son genre, très réussi.

mardi 11 juillet 2017

La Fille du désert (Colorado Territory de R. Walsh, 1949)




Western qui reprend des éléments très classiques du genre mais qui l’enrichit par une trame qui doit beaucoup au film noir, avec le fatalisme qui s’abat sur Wes McQueen, son destin lié à Colorado et le final tragique et sacrificiel. On sent l’influence inévitable du film dont il est le remake, La Grande évasion, du même Walsh, qui était un pur film noir.
L’aisance narrative et la concision de Walsh font mouche. Il est capable de reprendre en quelques scènes des moments classiques du western comme l’attaque de la diligence ou le hold-up d’un train. Le personnage central de Wes (avec un Joel McCrea impeccable) s’épaissit progressivement, au fur et à mesure qu’il tente de s’amender, de construire quelque chose, mais s’en parvenir à échapper à son passé.



Walsh parvient à utiliser le décor du western pour donner au film une dimension étrange, parfois fantastique, comme un environnement implacable duquel on ne peut s’échapper, de même que Wes, qui est incapable de tourner le dos à son passé qui le rattrape inéluctablement. Cette expression ultime de l’enfermement d’un personnage au travers d’un paysage noir et blanc sans cesse plus minéral (Walsh avait joué de la même façon avec le décor dans La Vallée de la peur)  donne un ton très sombre et pessimiste au film.

samedi 8 juillet 2017

La Mort tragique de Leland Drum (The Shooting de M. Hellman, 1967)




Étrange western de Monte Hellman, qui dépouille le genre jusqu’à l’abstraction. Hellman filme une course-poursuite où il s'agit de rattraper une personne énigmatique et mal définie, avec des tenants et aboutissants que l’on saisit mal. Une femme dont on ne sait rien offre une récompense à deux cow-boys pour suivre les traces d’un homme qu’elle poursuit. Un tueur à gage, également engagé par la femme, les rejoint bientôt. Ce tueur apparaît lui, au milieu de tant de dépouillement, comme caricatural (Jack Nicholson fait penser à Jack Palance dans Shane). Et tout ce petit monde s’enfonce dans le désert, en suivant des traces dont on se demande si elles mènent réellement vers une personne qui les précède.


Au fur et à mesure que les poursuivants s’enfoncent dans le désert, la nature se dépouille, et il ne reste rien d’autre qu’un désert minéral de plus en plus dur à affronter. La soif se fait sentir, les chevaux s’épuisent, la mort, de plus en plus certainement, est au bout de cette piste sans fin. Cette abstraction progressive est très réussie. Cette itinéraire sans fin et sans guère d’illusion se retrouve par exemple dans Gerry de Gus Van Sant.



La fin est quasi expérimentale : un jeu de miroir est l’occasion d’un ralentissement extrême, qui va jusqu’à décomposer l’image. Paradoxalement le dénouement est rapide et abrupt. Hellman réitérera, sous une autre forme, ce type de fin qui vient presque interrompre le cours du film plutôt qu’achever la narration, avec la pellicule enflammée de Macadam à deux voies.



jeudi 6 juillet 2017

La représentation de l'histoire de l'Amérique au cinéma



Depuis son origine, le cinéma s’inspire de l’Histoire, dont il reprend des thèmes ou dont il s’inspire pour ses scénarios. Le cinéma s’est même appuyé sur l’Histoire pour se construire une légitimité (L’Assassinat du Duc de Guise de A. Calmettes) et des genres sont entièrement basés sur une inspiration historique (les films de costumes, les péplums, les films de guerre ou de pirates, etc.). Le cinéma, ensuite, procède de deux façons :
        - Il s’appuie sur des personnages historiques, qui sont plus ou moins connus (Louis II de Bavière dans Ludwig de Visconti, Percy Fawcett dans The Lost City of Z de J. Gray, mais aussi Spartacus ou Cléopâtre, etc.) qui peuvent être érigés en héros (le général Custer dans La Charge fantastique, Schindler dans La Liste de Schindler), devenir des symboles forts (Spartacus) ou être l’occasion de métaphores (Aguirre personnifiant la folie dans Aguirre, la colère de Dieu).
        - Il s’appuie sur un événement qui est alors le prétexte à des séquences spectaculaires (Ben Hur, de nombreux films de guerre), ou qui est l'occasion d'un hommage (L'Armée des ombres, Le Pianiste) ou encore d'une dénonciation (Les Sentiers de la gloire).


Dans le cinéma américain, la représentation de l’Histoire occupe une place primordiale : pour construire une nation (et les États-Unis sont une nation jeune), il faut un « roman de la nation ». Au-delà de l’enseignement scolaire de l’Histoire, c’est au travers d’images que ce roman se construit. Ce mécanisme joue à plein aux USA, où le cinéma règne.
Dans sa représentation de l’Histoire, le cinéma américain est ainsi passé par plusieurs étapes successives. Après une première période où le cinéma a exalté l’Amérique protestante (en l’opposant notamment au catholicisme) ce qui a donné une première image de ce pays (celle d’un pays né du labeur, de la foi, de la communauté rassemblée pour construire ensemble les villes et les églises), le cinéma a concentré son regard historique sur la guerre de Sécession et la conquête de l’Ouest, deux épisodes qui ont totalement pris le pas sur la guerre d’indépendance, qui est pourtant, historiquement, l’évènement fondateur de la nation. Alors qu’historiquement ce sont les colons et la guerre d'indépendance qui fondent d'abord l'Amérique, cinématographiquement c'est la conquête de l'Ouest. Il faut dire que la guerre d'indépendance a été supplantée par la guerre de Sécession, sommet de violence et d'horreurs.
Le cinéma, durant cette période, n’attaque jamais l’Amérique, que ce soit en tant que Nation, en tant que société ou en tant qu’ensemble de communautés diverses. C’est l’idéologie du melting-pot, illustrée par exemple par John Ford (Judge Priest, Sur la piste des Mohawks). Les Noirs, par exemple, sont rejetés dans certains rôles (les domestiques) ou certains genres (les musicals), mais le cinéma ne s’exprime pas négativement contre l’Amérique : il propose une vision conformiste de l’Histoire.
Même les films sur la crise de 29 reportent leurs attaques sur l’Amérique ou son système social, soit qu'ils recourent au comique (chez Chaplin notamment), soit, malgré tout, par la glorification finale du système américain (chez Capra par exemple).
C’est aussi l’époque de la construction de mythes. Le cinéma se saisit d'une histoire, d'anecdotes, de situations, et en fait des modèles ou des figures normatives. John Ford exalte ainsi la famille (Qu’elle était verte ma vallée) ou l’armée (Le Massacre de Fort Apache) et hisse les événements au rang d'épopées et les personnages au rang d'icônes (La Poursuite infernale). Il construit ainsi une légende que le média cinéma fait entrer dans les esprits. La version cinématographique de la conquête de l'Ouest devient une version historique pour la population (illustrant aussi la destinée manifeste du XIXème siècle). Les fresques d'église sont des versions illustrées des scènes de la Bible pour qui ne sait pas lire, les images cinématographiques deviennent une version de l'Histoire pour qui n'est pas historien, elles constituent le roman de la nation.

C’est ainsi que, cinématographiquement, la conquête de l'Ouest exprime :
- la traversée d'un territoire vierge (La Piste des géants de R. Walsh) ;
- la traversée d'un territoire hostile (La Chevauchée fantastique de J. Ford) ;
- l'installation dans un territoire hostile (Sur la piste des Mohawks de J. Ford, Le Passage du canyon de J. Tourneur) ;
- la constitution de communautés (Je suis un aventurier d’A. Mann) ;
- la loi des hommes qui remplace progressivement la loi du plus fort et la justice expéditive (L'Étrange Incident de W. Wellman, L’Homme qui tua Liberty Valance de J. Ford) ;
- la réaction de la communauté face à la violence (Le Train sifflera 3 fois de F. Zinnemann,  3 h 10 pour Yuma de D. Daves) ;
- les guerres indiennes ou la guerre de Sécession (Les Cavaliers de J. Ford) ;
- des personnages iconiques nombreux (le shérif, le hors-la-loi, la prostituée, le nettoyeur de ville, l'aventurier solitaire, le juge, le fermier, etc.).

On remarquera que le cinéma est complètement conscient de lui-même : une idée force de L’Homme qui tua Liberty Valance est bien que la légende est plus importante que la vérité historique et que la Nation a besoin de cette part de légende. Il faut noter combien le massacre des Indiens reste éludé (c’est à partir des années 50 seulement que les Indiens deviennent autre chose que des sauvages bons à être abattus, avec La Porte du diable ou La Flèche brisée).
Après la seconde guerre, il existe même une idéologie officielle et obligatoire à Hollywood, en plein Maccarthysme, d’où un report vers des genres a priori apolitiques (comédies musicales, westerns (mais qui sont parfois l’occasion d’une dénonciation de ce Maccarthysme comme dans Quatre étranges cavaliers d’A. Dwan)).

Ce n’est qu’à partir de la fin des années 60, avec l’explosion de la contre-culture, exprimée dans le cinéma par l’émergence du Nouvel Hollywood, que le cinéma américain attaque l’establishment WASP et remet en cause l’Amérique. Des films communautaires apparaissent (même s’ils ont une diffusion faible) et certains réalisateurs n’hésitent plus et lancent des attaques, aussi bien contre la « vision de l’Histoire » (La Porte du Diable), que contre la famille (La Fièvre dans le sang, Tout ce que le ciel permet), la révolte des jeunes (L'Équipée sauvage, La Fureur de vivre, Graine de violence), les médias (Le Gouffre aux chimères), etc. Et c’est dans le cinéma, plus puissamment encore que dans la Littérature, que l’Amérique s’interroge sur elle-même, sur sa société (relayant les Mouvements des droits civiques) ou, par exemple, sur sa place dans le monde (à l’occasion de la guerre du Vietnam).

Le cinéma change alors de mythe : il ne s'intéresse plus aux premiers temps de la Nation américaine mais il remet en cause le rêve américain et discute de la qualité de vie à l'américaine. C’est ainsi que le western, genre inféodé à un autre mythe, est relégué au second plan et disparaît peu à peu. De même pour la comédie musicale, qui ne discutait pas de l'American Way of Life mais qui était clairement une usine à rêves. Embellir le présent et vendre du rêve ne fait plus guère recette à partir de la contre-culture.
Quelques films, emblématiques, marquent ainsi le passage d’un regard historique au suivant et marquent ce changement de mythe. On pense à Easy Rider, qui fait ainsi le pont entre le western (c'en est un par bien des aspects) et le drame social : il critique violemment la société (l'intolérance des Red Necks) et se veut un hymne à la liberté. Ou encore Vanishing Point qui est lui aussi une transition d'un univers à l'autre, qui épouse les revendications des Noirs et critique l’Amérique blanche et policière.

mardi 4 juillet 2017

Un homme de trop (Costa-Gavras, 1967)




Bon film de Costa-Gavras sur les maquisards français. La caméra nerveuse et très mobile, associée à un montage rythmé, fait de ce deuxième film de Costa-Gavras l’un de ses meilleurs, dans un décor (les Cévennes) original et très bien rendu. Le film est prenant et, surtout, bien loin de la lourdeur militante qui caractérisera le réalisateur par la suite. On est même surpris du détachement et de l'humilité de Costa-Gavras qui n’insiste guère sur le dévouement des maquisards : ce n’est pas tant un film qui rend hommage aux résistants qu'un film qui montre leurs combats et leurs hésitations. Quelques séquences sont très réussies (l’attaque de la prison par exemple, sur laquelle s’ouvre le film).
On appréciera la belle brochette d’acteurs de la période, bien emmenée par Bruno Crémer.
L’ensemble est efficace, même si l’on regrette peut-être des personnages un peu trop caricaturaux et qui n’évoluent guère, exceptés pour cet homme de trop, libéré par erreur et dont les maquisards ne savent que faire ; personnage très bien campé par un Piccoli difficile à cerner et énigmatique, comme il sait si bien le faire.
On ne peut que regretter que Costa-Gavras ait oublié cette efficacité narrative et détachée pour se tourner vers le filon du film politique.


dimanche 2 juillet 2017

Grave (J. Ducournau, 2016)




Premier film réussi de Julia Ducournau, qui traite de cannibalisme, sujet souvent inféodé au genre des films d’horreur. On croise pourtant plus régulièrement qu’on ne pense des films sur ce sujet, même hors des sentiers des purs films de genre (on pense par exemple à Vorace, J’ai rencontré le diable, La Route, Ma Loute ou encore The Neon Demon).
Grave joue sur la révélation progressive d’une appétence pour la chair fraîche de la jeune Justine. Elle se découvre animal (l’animalité se révèle contre l’humanité), comme sa sœur, comme ses parents. Et la végétarienne devient carnassière sans coup férir, le temps d’une mue rapide (mais assez peu convaincante). Le film explore à sa façon les liens du sang et les plaisirs de la chair, et on trouvera de nombreuses métaphores à cette lignée cannibale.
L’idée de situer l’histoire dans une prépa véto est excellente, on déambule dans un univers d’animaux morts, de bocaux de formols et de dissections mais aussi autour d’un bizutage poisseux et orgiaque parfaitement réussi.
Il est dommage que le film montre un peu trop la crudité des chairs (toujours cette volonté de monstration inutile et violente avec l’irruption de moments trashs) et que l’humour tombe bien mal, puisqu’il sert à désamorcer les situations plutôt plus qu’à prendre une distance sur le sujet qui se veut lourd (mais alors, si le sujet se veut lourd, pourquoi de l’humour ?). Question ambiance, on retiendra davantage celle, glaçante, de The Neon Demon.