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lundi 30 mai 2016

Trois souvenirs de ma jeunesse (A. Desplechin, 2015)




Bon film de Arnaud Desplechin, mais qui ne présente guère de dépaysement par rapport à ses autres films (Un conte de Noël, Comment je me suis disputé…, etc.). Dès lors les choses sont simples : qui aimait les précédents aimera celui-là, qui ne les supporte pas, ne supportera pas celui-là.
Desplechin reprend son personnage habituel (Paul Dédalus), toujours incarné à l’âge adulte par Mathieu Almaric, et il se promène ensuite dans les années 80, en suivant les souvenirs de Paul, à l’enfance et à l’adolescence surtout. Desplechin s'amuse à jouer avec des fermetures à l'iris ou avec des split screen démodés pour coller aux souvenirs ou à l'époque.
Un split screen avec Paul, sa sœur et leurs amis.
Certains passages rappellent d’autres films de l’auteur, en particulier toute la partie en Russie qui fait clairement appel à La Sentinelle.

Comme toujours le récit est très ambitieux, très entremêlé, chargé de symboles, de références, de clins d’œil. Et, bien entendu, le style est toujours un peu précieux, un peu prétentieux. Quentin Dolmaire, très bon interprète de Paul lorsqu'il est jeune adulte, rappelle nettement Jean-Pierre Léaud, à la fois chez Truffaut ou dans La Maman et la putain, avec la même façon de s’exprimer, de s’écouter parler, usant d’un même ton pour des considérations triviales ou importantes.
A. Desplechin continue donc d'épaissir son personnage de Paul Dédalus, en reprenant des éléments biographiques entrevus précédemment mais en les déformant un peu et en les aménageant à son histoire (la mort de sa mère par exemple quand il était enfant, due à un cancer dans Comment je me suis disputé, due ici à un suicide). Il le construit donc en multipliant les possibles, comme s’il discutait, à sa façon de réalisateur, les existences de son personnage, de la même façon que son personnage en discute lui-même, en se cherchant, se heurtant, faisant marche à arrière ou se perdant.
L’opposition à sa mère est toujours très dure (mère castratrice qui l’empêche d’exister), la vision du père est aussi très négative : il faut, pour Paul, s’extirper de ses parents, pour pouvoir, ensuite, commencer à vivre.
Dans Trois souvenirs de ma jeunesse, une part importante de la construction de l’identité de Paul tourne autour de sa relation amoureuse avec Esther, quand il est jeune adulte. Il faut bien dire que, pour compliquée qu’elle puisse être, cette relation est bien peu originale (et évoque là aussi La Maman et la putain, un peu comme une variation sur le thème) et elle est assez peu intéressante cinématographiquement. Il faut le talent des deux comédiens et la patte de Desplechin pour parvenir à captiver le spectateur.


Esther, sûre de sa force.
Les références foisonnent comme toujours, aussi bien symboliques (ici de nombreuses allusions aux signes, grecs par exemple ou encore les rituels juifs qui sont inconnus de Paul Dedalus) que cinématographiques.
On voit un extrait du Massacre de Fort Apache de Ford et Hitchcock n’est jamais bien loin (ici l’escapade dans Minsk évoque Le Rideau déchiré et la présentation d’Esther – par l’image que Paul a d’elle adolescent – évoque la présentation de Madeleine dans Vertigo).
Un plan des deux futurs amants, filmés en travelling avec une légère contre-plongée, fait écho au même plan que celui du Conte des chrysanthèmes tardifs de Mizoguchi.


Un très beau plan de nuit chez Mizoguchi,
conduit en un long travelling, en légère contre-plongée.
Chez Desplechin une même position de caméra,
pour un plan au petit jour.

vendredi 1 mars 2013

Un conte de Noël (A. Desplechin, 2008)




Film riche et très typique du style d'Arnaud Desplechin, qui explore avec sa densité habituelle les méandres d'une famille complexe, où l'indifférence et la haine se conjuguent et se répondent. Henri, le fils mal-aimé, le petit monstre qu'il faut haïr, schizophrène et rejeté, s'avère être le seul à être compatible pour une greffe qui sauverait sa mère. Sa mère, terrible Junon (Catherine Deneuve), qui règne sur son monde, froide et contrastée.
Desplechin parvient à brosser les portraits de nombreux personnages, qui sans réellement être bien définis et bien en place (ils ont toujours autour d'eux un halo flou étrange), s'épaississent progressivement et existent de plus en plus. Cette existence est liée à la dimension familiale qui se met en place, autour de ce lien du sang, de ces rapports conflictuels entre la mère et les enfants, et entre les enfants entre eux.



Desplechin parvient aussi, dans un univers très sombre et dramatique, à insérer des touches non pas comiques mais d'une ironie sarcastique, qui donnent à certaines séquences une allure de comédie noire. Comme si, au milieu du malheur, on pouvait en rire.
Desplechin, enfin, innove constamment avec sa caméra, avec une certaine discrétion mais beaucoup de variété, multipliant les plans contrastés, jouant de l'image pour partir sur les flashs mentaux des personnages, semant le doute sur qui se rattache à quoi. Le film est aussi émaillé de nombreuses références (Hitchcock n'est jamais loin, ni la mythologie, ou encore Joyce (le nom même de Dédalus évoque inévitablement Ulysse)). La densité dramatique, les multiples apartés romanesques que se permet Desplechin (mais sans jamais rompre le rythme, complètement maîtrisé), l'habituelle famille d'acteurs du réalisateur (Matthieu Almaric, Emmanuelle Devos, Chiara Mastroianni, etc.) construisent un récit foisonnant, très typé, entre intellectualisme et plaisir de raconter.