jeudi 29 mars 2018

Les Harmonies Werckmeister (Werckmeister harmóniák de B. Tarr, 2001)




Par son style incroyable – à bien des égards unique – et ses choix techniques radicaux (le film est construit en trente-neuf plans-séquences, la plupart très longs et très lents), Bela Tarr happe immédiatement le spectateur : on entre dans son film comme on pénètre une cathédrale inconnue.
Après une première séquence qui relie, de façon étrange et virtuose, le destin du village avec la cosmogonie la plus large (le soleil et les planètes en orbite), le récit emporte progressivement Janos, et le village avec lui, dans un étrange chaos, reflet d’une guerre venue d’on ne sait où (et dictée par le mystérieux prince), qui déchire et massacre à tout va.



La virtuosité des plans n’est pas une démonstration technique (bien qu’elle soit effectivement une performance technique), elle est une immersion, progressive dans un univers. Certains plans sont somptueux : les uns très simples (la lente arrivée – hypnotique – du tracteur dans la ville), d’autres complexes (les scènes de foule). La caméra vole doucement, comme en apesanteur ou en lévitation, autour de ses personnages laissés à eux-mêmes dans le plan, parcourant le décor ou se lançant dans de longs monologues. Ainsi le musicologue Ezster, oncle de Janos, qui disserte sur la pureté de la musique et sur l’erreur d’avoir laissé à Werckmeister le soin de subdiviser l’harmonique en unités égales qui ne signifient plus rien.
Et, au-delà du village, des villageois, de Janos – rendu fou –, ce sont les harmonies infinies du monde qui devront plier : l’oncle qui ne jurait que par l’harmonie pure et infinie devra de nouveau accorder son piano selon les théories de Werckmeister… De même que la baleine, monstre inouï venu de l’océan infini, est laissée à pourrir sur place.




mardi 27 mars 2018

2046 (Wong Kar-wai, 2004)




Film envoûtant de Wong Kar-wai, qui peut se regarder comme un film unique ou bien comme une conclusion au triptyque composé de Nos années sauvages et In the Mood for Love, dont on retrouve, entremêlés, des personnages et des événements.
Le film est une plongée dans les souvenirs de Chow Mo-wan, qui repense, comme elles lui reviennent, aux femmes qu’il a rencontrées et aux occasions qu’il a laissé s’échapper. Dans une recherche du temps perdu manifeste (il dira même « il y a quelques années, je tenais mon happy-end et je l’ai laissé échapper »), il cherche à retrouver les temps forts du passé et les moments de basculement. Il revoit les visages, les lieux (les fameuses chambres 2046 puis 2047), les attentes, les joies et les tristesses.



Si l’idée d’un train qui fonce en ligne droite semble d’abord être l’idée maîtresse de la narration, le film est conçu comme un labyrinthe dans lequel Chow déambule, avec, omniprésente, cette époustouflante maîtrise du cadre de Wong Kar-wai. Il multiplie les cadres dans le cadre, puisqu’il ne cesse de découper le cadre, de recentrer ses personnages, d’en masquer la moitié ou les trois-quarts derrière une cloison ou une porte entrouverte. Il crée ainsi cette atmosphère de déambulation, dans des souvenirs à demi-effacés et qui reviennent peu à peu, avec, notamment, cette idée d’une mémoire lacunaire, qui oublie des éléments et en conserve d’autres. A ces jeux de mémoire, Chow mélange ses propres romans, dans lesquels se mélangent la fiction et la réalité de sa vie (Jing-wen devenant un androïde dans son roman).
Wong Kar-wai construit un palais dédié aux images issues de la démarche de Chow qui cherche à se souvenir : il filme les soupirs des femmes tristes, les volutes de fumée, les personnages figés et les moments perdus, ceux qui ne comptent pas, à fumer une cigarette sur la terrasse de l’hôtel, en étant accoudés derrière l’enseigne.



La vista visuelle de Won Kar-wai envahit le film : chaque plan est travaillé par un angle de caméra particulier, une lumière, un cadrage, un mouvement, une vitesse (il joue avec des ralentis francs et d’autres beaucoup moins marqués). Il colle les uns aux autres ces fragments de mémoire, comme autant de nappes de passés qui se chevauchent, se dissolvent en partie, se rattachent les unes aux autres par des motifs (les deux Su li Zhen), des lieux (les chambres de l’hôtel, le tripot), des moments (les repères de date qui se rejoignent ou se font écho), des sons (l’opéra). On retrouve l’esthétisme typique du réalisateur, très douce et onirique, avec toujours cette teinte désuète particulière (le Hong-Kong des années 60), mélangée ici avec l’univers futuriste du train fonçant à pleine allure. La bande-son envoûte elle aussi avec, en fils rouges, un thème aux violons (qui évoque forcément la mélodie de In the Mood for Love) et le merveilleux Casta Diva de Bellini. 2046 devient ainsi un opéra visuel et sonore éblouissant assorti d’une idée force (une plongée dans les souvenirs : « si un jour tu échappes à ton passé, viens me retrouver ») qu’épouse merveilleusement le style de Wong Kar-wai.


dimanche 25 mars 2018

Crash (D. Cronenberg, 1996)



Film sulfureux dès sa sortie, Crash est une nouvelle exploration de David Cronenberg qui pousse très loin le travail de l’un de ses motifs préférés, à savoir la trituration des corps et le mélange organique-mécanique (en particulier la fusion entre la chair et le métal), motif qui jalonne nombre de ses films.
Il s’appuie sur un couple échangiste en mal de sensation (pierre d’assise déjà on ne peut plus aventureuse pour le récit) et emmène ce couple vers des sensations où l’extase confine à l’autodestruction physique. On comprend le parfum subversif qui remplit le film, parfois jusqu’au malaise.

Cronenberg construit donc son film autour d’une exploration progressive, qui commence par le voyeurisme (l’excitation vient de la contemplation d’un carambolage terrible), et va jusqu’à mettre en scène ses propres accidents. Il montre par là-même que cette exploration n’a aucune limite (la réplique finale montrant bien à quel point c’est la collision ultime qui est recherchée, celle qui tuera). La métaphore avec l’acte sexuel est on ne peut plus nette, d’autant que Cronenberg relie James Ballard et sa femme, personnages vides et à la recherche de cette « autre chose », avec Vaughan, sorte de gourou qui trouve son énergie sexuelle dans la reconstitution d’accidents. L’automobile devient alors un moyen d’accéder à la jouissance et Cronenberg mélange, dans les scènes de collision, le sang, l’huile, le carburant et le sperme. Et, à la tôle froissée et au métal déchiré, répondent les terribles cicatrices, les scarifications, les broches et autres prothèses de métal.




Bien entendu cette exploration du corps répond au vide intérieur de l’Homme moderne tel qu’il apparaît chez Cronenberg. Il n’est question, pour cet Homme moderne cerné de technologie, que de ressenti, mais jamais de pensée ou de spiritualité. Les seules expériences tentées ou recherchées ont trait au ressenti physique et l’exaltation de l’esprit suit celle du corps (et l’un contredit l’autre : la souffrance physique allant avec l’exaltation). Le culte de la voiture – engin iconique de l’individualisme – est détourné vers l’objet qui permet la jouissance.

Le film, alors, cherche à capter ce frisson caché, ultime, le dernier qui reste dans cet homme déshumanisé, désincarné et qui se réduit à son corps.

vendredi 23 mars 2018

Faut-il revoir des films déjà vus ?



Daïnah la métisse (J. Grémillon)










S’il y a des films pour lesquels, incontestablement, on regrette d’avoir perdu du temps à les regarder (sauf à pouvoir dire « je sais ce qu’il en est »), on peut imaginer se poser la question, pour certains autres films, de savoir s’il faut les revoir (1). Après tout.
Interrogation purement rhétorique évidemment : revoir un film nous semble – pour qui sait voir –, bien plus qu’une « possibilité », c’est une autre manière de le voir.

Comme le dit si bien François Truffaut à propos de La Règle du jeu (mais on peut étendre son commentaire à mille autres films) : « On croit voir Renoir organiser tout cela en même temps que le film se projette, pour un peu on se dirait : « tiens, je vais revenir demain pour voir si les choses se passent de la même façon » ». Voir et revoir un film, c’est constater non pas tant qu’un film est différent à chaque vision, mais qu’il est multiple.
Le contre-champ – si l’on veut – de l’idée de Truffaut est que le spectateur aussi est différent. Dans L’Armée des douze singes de T. Gilliam, James Cole, au cinéma devant Vertigo explique : « Le film est toujours le même, il ne change pas, mais à chaque vision il semble différent parce qu'on est différent, on le voit différemment ».


Vertigo (A. Hitchcock)

Alors, sans même évoquer les films poétiques ou oniriques dont l’humeur est, par définition, insaisissable (Vampyr, Daïnah la métisse), ou les films à l’interprétation inépuisable (Le Plongeon), revoir et revoir encore Les Tueurs, La Mort aux trousses, Le Cercle rouge, Dersou Ouzala ou Le Parrain II, bien loin d’épuiser le film, le rend au contraire de plus en plus fascinant, à mesure qu’on s’en imprègne. C’est qu’une intimité se crée avec un film, intimité qui peut venir, par une alchimie étrange, dès la première vision, intimité qui peut venir petit à petit, à mesure qu’on le côtoie.

Revoir un film, alors, correspond, sans doute, à rester longuement devant un tableau (ou dans un environnement peint : rester toute une heure dans La Chambre des époux), à réécouter une symphonie ou un opéra, à relire un livre ou, tout du moins, un chapitre ou un paragraphe (« Deux jets de plomb fondu tombaient du haut de l’édifice au plus épais de la cohue » (2)), cela correspond, peut-être, aussi, à éprouver longuement, une fois encore, un paysage familier.

Le Cercle rouge (J.- P. Melville)



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(1) : On mettra également de côté les films que certains aficionados regardent en boucle, non pas pour chercher sans cesse une profondeur supplémentaire mais pour retrouver le film comme un enfant demande à ce qu’on lui relise la même histoire le soir avant de dormir : ils cherchent à retrouver un univers pour se rassurer en s’y lovant et en s’y calfeutrant. On sait que des séries, télévisuelles autant que filmiques (ou même la saga de La Guerre des étoiles par exemple), peuvent jouer ce rôle.

(2) : « Pendant ce temps-là, les pierres ne tombant plus, les truands avaient cessé de regarder en l'air. Les bandits, haletant comme une meute qui force le sanglier dans sa bauge, se pressaient en tumulte autour de la grande porte, toute déformée par le bélier, mais debout encore. Ils attendaient avec un frémissement le grand coup, le coup qui allait l'éventrer. C'était à qui se tiendrait le plus près pour pouvoir s'élancer des premiers, quand elle s'ouvrirait, dans cette opulente cathédrale, vaste réservoir où étaient venues s'amonceler les richesses de trois siècles. Ils se rappelaient les uns aux autres, avec des rugissements de joie et d'appétit, les belles croix d'argent, les belles chapes de brocart, les belles tombes de vermeil, les grandes magnificences du chœur, les fêtes éblouissantes, les Noëls étincelantes de flambeaux, les Pâques éclatantes de soleil, toutes ces solennités splendides où châsses, chandeliers, ciboires, tabernacles, reliquaires, bosselaient les autels d'une croûte d'or et de diamants. Certes, en ce beau moment, cagoux et malingreux, archisuppôts et rifodés, songeaient beaucoup moins à la délivrance de l'égyptienne qu'au pillage de Notre-Dame. Nous croirions même volontiers que pour bon nombre d'entre eux la Esmeralda n'était qu'un prétexte, si des voleurs avaient besoin de prétextes.
Tout à coup, au moment où ils se groupaient pour un dernier effort autour du bélier, chacun retenant son haleine et roidissant ses muscles afin de donner toute sa force au coup décisif, un hurlement, plus épouvantable encore que celui qui avait éclaté et expiré sous le madrier, s'éleva au milieu d'eux. Ceux qui ne criaient pas, ceux qui vivaient encore, regardèrent. - Deux jets de plomb fondu tombaient du haut de l'édifice au plus épais de la cohue. Cette mer d'hommes venait de s'affaisser sous le métal bouillant qui avait fait, aux deux points où il tombait, deux trous noirs et fumants dans la foule, comme ferait de l'eau chaude dans la neige. On y voyait remuer des mourants à demi calcinés et mugissant de douleur. Autour de ces deux jets principaux, il y avait des gouttes de cette pluie horrible qui s'éparpillaient sur les assaillants et entraient dans les crânes comme des vrilles de flamme. C'était un feu pesant qui criblait ces misérables de mille grêlons.

La clameur fut déchirante. Ils s'enfuirent pêle-mêle, jetant le madrier sur les cadavres, les plus hardis comme les plus timides, et le Parvis fut vide une seconde fois. »

(V. Hugo, Notre-Dame de Paris)

mercredi 21 mars 2018

Hostiles (S. Cooper, 2017)





Western réussi et qui fait plaisir à voir. Il faut dire que les westerns qui prennent à bras le corps des thèmes du genre pour en retravailler les motifs sont devenus bien rares. On est loin ici des versions italianisantes de westerns anciens (le récent Les Sept mercenaires) qui n’apportent rien au genre si ce n’est de faire faussement croire que les grandes heures du western sont à chercher du côté du western italien (1) et qu’un western n’est qu’un affrontement un peu enfantin de gentils et de méchants.

Scott Cooper propose un film construit sur un équilibre assez conventionnel aujourd’hui : un ensemble assez calme (et même lent) interrompu par des explosions de violences brèves mais crues. La séquence pré-générique, avec le déferlement des Comanches sur la petite famille, donne le ton.
Le film, ensuite, revisite très directement Les Cheyennes de J. Ford. La trame principale est la même (un vieux chef Cheyenne entouré des siens veut retourner mourir dans sa terre natale) et la période est similaire (c’est le difficile moment de transition post-guerres indiennes, où le territoire n’est pas encore pacifié, où les Indiens sont parqués progressivement dans des réserves, où l’Armée essaye de ne plus penser l’Indien comme un sauvage à abattre, tout en essayant de mettre la main sur les dernières bandes qui sillonnent le territoire).
Si le film de Ford était basé sur une course-poursuite, ici l’idée est différente puisque l’armée accompagne les Indiens. On retrouve néanmoins un important thème commun puisque Ford explorait le rôle de l’armée qui a décimé les Indiens avant de les laisser pourrir dans des réserves. Ici c’est le capitaine Blocker (Christian Bale, très bon avec son jeu très sobre) qui personnifie toute la haine et les massacres. Blocker a en effet participé à bien des batailles où il a pu casser de l’Indien (on apprendra même qu’il était à Little Big Horn). Il fait penser au capitaine Conan : il est un de ces guerriers jusqu’au-boutistes nécessaires pour gagner une guerre. Il a la même moustache fournie, la même dureté, la même efficacité au combat. Et la question est identique : la guerre étant finie (bien que, ici, ce ne soit pas encore tout à fait la paix), que deviennent ces soldats « massacreurs » ?

C’est évidemment la trajectoire du capitaine Blocker qui devient le centre du film : le voilà à devoir guider des Indiens, lui qui ne demande qu’à les massacrer sans coup férir. La petite troupe chemine alors à travers l’Ouest américain (on passe du désert à la forêt) avec pour ennemis des Comanches déchaînés, des trappeurs ou, bien sûr, cette haine historique entre Blancs et Indiens, tapie dans l’ombre (et qui sera incarnée par le sergent Wills).



On retrouve dans Hostiles une scène importante, qui donne l’humeur au film entier, lorsque le bras droit de Blocker, le sergent-chef Metz, raconte sa lassitude et explique que son temps a passé, qu’il ne peut plus vivre avec cette culpabilité (il a lui aussi tué des Indiens tant et plus) et qu’il lui faut quitter l’armée. Il se heurte à un Blocker arc-bouté sur ses haines. Le film, à partir de ce moment, on le sent très bien, va montrer comment Blocker va sortir de ce carcan pour comprendre que le temps des massacres et des vengeances (il a perdu bien des amis dans ces batailles rangées contre les Indiens) est passé. On trouve dans Les Cheyennes une scène similaire, où le sergent Wichowsky explique à son capitaine (Richard Widmark) qu’il ne veut plus être soldat si c’est pour continuer à massacrer des Indiens. Les deux films s’appuient donc sur la même prise de conscience que le temps des massacres est terminé.
Et si l’on sait bien que le capitaine va évoluer, reste à savoir comment il va évoluer. Et c’est là que le film est très intelligent. Il met en effet en scène – sous la forme du sergent Wills, déserteur prisonnier dont l’escorte se joint à la petite troupe – un alter-ego de Blocker : ce soldat prisonnier est en effet un ancien compagnon d’arme. Son personnage évoque L’Appât où la différence entre le chasseur de prime et le prisonnier (ancien compagnon d’arme là aussi) ne se faisait plus. Mais lui, à la différence du capitaine, ne se pose aucune question : un bon Indien est et restera toujours un Indien mort. 


L’évolution décisive du capitaine se fera en voyant le sacrifice du sergent-chef : celui-ci rattrape l’alter-ego de Blocker qui s’était échappé, le tue et se suicide dans la foulée.
C’est là que Blocker comprend que son combat appartient au passé et que ses haines n’ont plus lieu d’être. Blocker en fait, est un Ethan Edwards qui se découvre. Il va alors utiliser sa violence et sa terrible efficacité non plus contre les Indiens mais pour les Indiens. Dans les séquences finales ce sont des propriétaires racistes qu’il lui faudra affronter. On remarquera que l’objectif du capitaine n’est pas franchement une réussite puisque si le vieux chef indien meurt bien sur ses terres, le reste de sa famille se fait massacrer.

La toute fin est réussie : non pas qu’elle surprenne, mais c’est par une mise en scène inspirée – un très long plan fixe au ralenti – que Cooper parvient à nous épargner un sentimentalisme qui semblait inévitable.


Le film évoque aussi pêle-mêle Josey Wales hors-la-loi, avec cette troupe disparate qui se constitue au fur et à mesure, et la présence de Rosalie Quaid, rescapée de l’attaque initiale, évoque d’abord Le Soldat bleu puis, surtout, Le Fantôme de Cat Dancing, dans l’incongruité d’une femme blanche bien mise qui accompagne une bande de militaires et d’Indiens.

Hostiles, en reprenant des thèmes déjà abordés par le genre et qu’il retravaille à son tour, montre par-là que le western n’est pas mort. Non simplement l’univers et les codes du genre, mais le western en tant qu’il est le genre principal qui permet de discuter de l’Amérique, de son passé complexe et de ses cadavres enfouis malgré lesquels il a bien fallu construire une nation.



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(1) : Redisons-le, le western est un genre américain, qui parle d’américanité, qui discute de ce qu’est l’Amérique, qui travaille des thèmes qui sont consubstantiels à l’Amérique. Il y est en effet question de la confrontation à la Frontière, de la conquête d’un espace, de communautés à unir, etc. Dès lors il est tout à fait évident, que, transporté en Italie, le genre s’en trouve, de fait, complètement dévitalisé. Il ne reste plus que l’enrobage, avec lequel Sergio Leone s’est démarqué. Mais l’ADN du western est américain.


lundi 19 mars 2018

Cria cuervos (C. Saura, 1976)




Très beau film de Carlos Saura qui peint, au travers de la petite Ana, un très beau portrait d’enfant. Ana, hantée par le souvenir de sa mère morte, et qui traîne ce désespoir de l’enfance. Comme un petit fantôme qui traverse la maison de nuit, qui mélange à ses jeux de tous les jours des pulsions morbides, qui pense avoir empoisonné son père (qu’elle juge responsable de la mort de sa mère), qui propose à sa grand-mère paralysée de l’aider à mourir (évoquant Allemagne année zéro) et qui tente d’empoisonner sa tante, trop loin d’elle et, surtout, qui fait partie du monde de son père (elle s’acoquine avec un militaire), et dans laquelle elle ne retrouve rien de sa mère.



Saura, avec beaucoup d’habileté, construit son film dans le huis-clos de la maison madrilène (simplement entrecoupé de l’escapade en campagne et de l’image finale optimiste) et il mélange le présent et le futur, à travers des plans fixes d’Ana devenue grande qui se raconte (Ana adulte est jouée, comme sa mère, par Géraldine Chaplin, ce qui entraîne une confusion entre passé et présent, et, même, entre présent et futur, puisque Ana a neuf ans dans le présent du film, Ana adulte est un donc une image du futur). L’ensemble a une teinte triste et mélancolique, un peu figée comme un souvenir évoqué.



Dépassant la simple histoire d’Ana, le film évoque aussi, comme un double fond, la période traversée par l’Espagne qui en finit avec le franquisme et aborde une transition pleine d’espoir vers la République. Le père d’Ana qui meurt en début de film est ainsi une métaphore de Franco, qui tient l’Espagne dans sa main de fer depuis trente ans et qui meurt lorsque le film est tourné. La mère d’Ana, artiste et femme délaissée par son mari, est une image de cette Espagne écrasée et empêchée de vivre, coincée dans le satrape franquiste. La grand-mère dans son fauteuil, qui contemple les vieilles photos de sa jeunesse, est l’Espagne d’avant Franco et Ana, du haut de ses neuf ans, déjà contestataire et emplie d’une colère froide, est une image de l’avenir de l’Espagne, qui se révolte contre le franquisme (Ana va même pointer une arme chargée contre sa tante et le militaire ami de son père).
L’image finale, avec les sœurs qui sortent, enfin, de la maison madrilène au son de la douce musique de Porque te vas de Jeanette – tout à la fois douce et triste mais rythmée – est une image d’espoir pour l’Espagne qui va, enfin, pouvoir se remettre à revivre après la dictature.

samedi 17 mars 2018

Docteur Mabuse le joueur (Doktor Mabuse, der Spieler de F. Lang, 1922)





Premier grand chef d’œuvre de Fritz Lang, Docteur Mabuse parvient à tenir en haleine tout au long des 4 heures 30 de film, tout en promenant le spectateur des bas-fonds de Berlin à ses soirées aristocratiques, en passant par les casinos clandestins aussi bien que les prisons.
Formellement le film de Lang est d’une variété exceptionnelle : il parvient à construire une esthétique qui passe d’un réalisme cru (avec des rues sordides, telles qu’on en retrouvera chez Pabst) à une esthétique plus expressionniste (mais de façon mesurée et uniquement ponctuelle, au travers de quelques décors ou de quelques éclairages, alors que le cinéma allemand est très influencé par le caligarisme de Wiene), mais il innove aussi (l’influence des arts primitifs chez le comte Told) et joue des lumières d’une façon déjà très personnelle, particularité que l’on retrouvera jusque dans sa période américaine (dans J’ai le droit de vivre par exemple). Alternant des plans larges fixes, qui permettent aux personnages de se jauger tant et plus, avec des plans rapprochés ou même des gros plans qui permettent de fixer tel ou tel détail mais aussi d’entrer plus avant dans la psychologie des personnages, Lang parvient à équilibrer complètement son récit et à tenir en haleine : le rythme ne faiblit jamais malgré la durée. Et les trucages en surimpression viennent parfaitement aliéner les personnages, face au pouvoir manipulateur de Mabuse qui s’empare de leur volonté.
Il faut dire aussi que le récit – inspiré du roman-feuilleton (évoqué au travers du découpage en actes) – se prête à une multitude d’actions et de rebondissements, puisque le polymorphe Mabuse manipule à tout va, et développe sans cesse de nouveaux plans machiavéliques.
Le personnage de Mabuse (parfaitement interprété par Rudolf Klein-Rogge, expressif mais sans outrance) apparaît comme un monstre qui impose sa volonté à ses victimes. Fort de son formidable pouvoir (que Lang se garde bien d’expliquer), il joue comme ses victimes, mais non pas à des jeux d’argent, mais, comme il le dit lui-même, avec les hommes et les destins. Plusieurs séquences où il impose sa volonté à celui qui lui fait face sont extraordinaires, comme l’arnaque contre Hull, celle contre von Wenck lui-même,  ou le coup de force de la représentation théâtrale. Lang joue parfaitement de trucages efficaces ou de fermetures à l’iris pour isoler ces yeux qui vrillent l’esprit de la pauvre victime. La manière dont Lang montre le comte Told avec Mabuse un peu plus loin qui le fixe par derrière est fascinante.


Il faut remarquer que les victimes de Mabuse sont toutes (sauf von Wenck qui cherche à le coincer) issues d’une société montrée comme décadente : elles sont dépendantes du jeu ou s’ennuient, se consacrant à des passe-temps décrits comme futiles. Le regard de Lang sur le Berlin des années 20 est très dur sur ce point. Et si Mabuse impose sa volonté si facilement c’est aussi, sans doute, parce que ces représentants de l’aristocratie ou de la haute bourgeoisie sont des esprits faibles et avilis d’une façon ou d’une autre. La puissance de Mabuse est alors fondée sur la faiblesse de ses victimes et sur leur consentement plus ou moins conscient. Mabuse, offre alors pléthore de métaphores pour tenter de comprendre l’état de cette société qui a pu engendrer un pareil monstre.


Lang continuera d’ailleurs son analyse en reprenant le personnage de Mabuse, notamment dans Le Testament du docteur Mabuse : la métaphore politique se fait alors encore plus nette.

jeudi 15 mars 2018

La Forme de l'eau (The Shape of Water de G. del Toro, 2017)





Bien que couvert d’éloges et de récompenses (Lion d’or à Venise, plusieurs Oscars), La Forme de l’eau est un film bien décevant et Guillermo del Toro semble montrer ses limites.
Comme il se doit on y retrouve les motifs habituels du réalisateur : l’ambiance surannée et désuète (mais exagérée ici plus encore qu’auparavant, jusqu’à retrouver un peu l’ambiance teintée et sépia de Delicatessen – en moins glauque – de J.- P. Jeunet), le thème du monstre, le tout construisant une atmosphère fantastique et merveilleuse, annoncée dès les premiers plans et la voix off.

Ce prétexte du merveilleux pour une histoire simple et sans surprise (le film est partagé entre gentils très gentils et méchants très méchants, dont on sait très vite qui l’emportera et qui sera châtié) devient vite lassant puisque, malheureusement – et c’est là que le bât blesse réellement –, del Toro a réalisé en vérité un film à messages : La Forme de l’eau devient vite un catalogue d'idées politiquement correctes et bien-pensantes.
On y trouve en héros une handicapée, une noire et un homosexuel, en victime un monstre incompris et en méchant un mâle dominant hétéro très macho. L’Amérique (et son pendant l’URSS, puisque le film joue sur la rivalité entre les deux nations en pleine guerre froide) est décriée tant et plus (depuis les familles bien comme il faut, jusqu’à la voiture comme signe extérieur de réussite et de puissance, en passant par les dénonciations du racisme ordinaire, etc.). Le film, alors, en cochant toutes les cases du politiquement correct, devient vite fatigant et même ennuyeux. Et tout l’univers un peu merveilleux que tente de construire del Toro se noie (c’est le terme, dans ce film où l’eau est centrale) sous une leçon de morale emplie de poncifs, gnangnans et sirupeux.

Les références au cinéma sont nombreuses, avec évidemment la bestiole elle-même, tout droit issue de L’Étrange Créature du lac noir de J. Arnold, mais qui évoque aussi Abraham Sapien dans le Hellboy de del Toro.


Les comédies musicales sont aussi omniprésentes, avec en particulier une reprise de En suivant la flotte de M. Sandrich, lorsque Elisa et la bestiole dansent comme le faisaient Ginger Rodgers et Fred Astaire.


On s’aperçoit alors que si Guillermo del Toro se plaît, film après film, à travailler les mêmes motifs, il s’agit de motifs purement esthétiques – des marottes pourrait-on dire – mais que, hormis cet emballage, il n’a à peu près rien à dire au spectateur et que toute velléité poétique ou merveilleuse tourne à vide. On a de plus en plus l’impression que le très réussi Labyrinthe de Pan est une exception où del Toro parvenait à toucher le spectateur. Rien de tout cela dans ses autres films (hormis peut-être aussi Hellboy où la patte du réalisateur est intéressante) : del Toro se complaît à brasser les mêmes motifs sans jamais apporter une réflexion ou un regard original.

dimanche 11 mars 2018

Belle de jour (L. Buñuel, 1967)




Incroyable film de Luis Buñuel qui parvient à remarquablement explorer la psyché d’une femme et à jouer, à l’image, à la fois du mélange des réalités – avec la partie cachée de la vie de Séverine – et du mélange, beaucoup plus complexe, entre ses désirs assouvis et ses fantasmes.
Le film démarre, très intelligemment, par une séquence de fantasmes, à la fois pervers et violents. Sur fond de grelots, dans un landau tiré par deux chevaux, Séverine et son mari Pierre s’aiment tendrement. La scène bucolique change brusquement de ton : Séverine finit fouettée et abusée par les cochers sous l’œil de son mari. Buñuel, ensuite, convoquera régulièrement le fantasme, en marquant de moins en moins la limite avec la réalité. D’abord en faisant réapparaître le landau et les costumes des cochers, jusqu’à, en toute fin de film, simplement faire retentir les grelots.



Fidèle à ses habitudes, Buñuel explore donc les mille fantasmes de son personnage, ne se donnant aucune limite. Aucune limite non pas à l’image, qui reste étonnamment chaste, mais dans la signification ou dans le symbole. En se prostituant, Séverine explore les sexualités et les déviances les plus provocatrices. Le film les évoque par de multiples allusions, par ailleurs tout à fait claires. On retrouve cette habileté de Buñuel qui dit les fantasmes sans les dire, qui les montre sans les montrer.
Catherine Deneuve est parfaite en bourgeoise frigide qui prend du plaisir en plongeant dans ses fantasmes ou en se vautrant dans les concupiscences animales de l’appartement de Madame Anaïs, lieu de perdition et de rencontres en tous genres.



La fin, terrible, est, là encore, presque éludée par Buñuel. Il n’évoque qu’à peine (le temps d’une image) la fin réelle et dérive aussitôt vers le fantasme : Pierre se relève de son fauteuil roulant et propose de prendre un verre, tandis qu'on entend le tintement des grelots.


vendredi 9 mars 2018

Blue Velvet (D. Lynch, 1986)




Premier film de David Lynch où son style si particulier se met réellement en place, Blue Velvet est une réussite. Dans ses films précédents, Lynch avait oscillé entre l’expérimental le plus débridé (Eraserhead) et un plus grand classicisme (Elephant Man). Encore qu’Elephant Man distille une ambiance et des fulgurances qui montrent toute la puissance visuelle du réalisateur (la séquence du cauchemar par exemple).
Mais, ici, l’équilibre est trouvé entre ces deux pôles (l’excentrique et le classique) tout en mettant une touche onirique puissante qui le suivra désormais. Cela donne cette humeur particulière qui signe le film, avec un langage sonore et visuel très stylé, et des fulgurances qui surgissent par moments.
Sur fond de film noir, la trame du film est pourtant assez conventionnelle : en suivant Jeffrey dans une étrange enquête, entouré de deux femmes que tout oppose et découvrant un psychopathe dégénéré, le film s’apparente à une perte d’innocence pour Jeffrey qui découvre un monde caché – mais pas si lointain de son monde, propret et aux couleurs immaculées – maléfique et révélateur, empreint de pulsions et de violences.



Mais, si l’intrigue est classique, son traitement est très particulier et Blue Velvet montre combien la manière de mettre en scène est bien plus qu’une simple façon de raconter le récit et touche à la nature même du récit (selon le fameux mot d’André Bazin). On retrouve alors des motifs qui hanteront désormais le cinéma de Lynch : une femme blonde et une femme brune ; une dimension onirique puissante, construite à partir de jeux d’images, d’une musique des années 60 et de gros plans étranges et insistants ; un univers sonore bizarre, traversé de brusquerie et de grouillements ; ou encore des éléments visuels qui permettent de passer d’un univers à un autre (ici une oreille coupée, une boîte étrange dans Mulholland Drive).
L’ensemble crée cet univers si particulier et immédiatement identifiable que conservera David Lynch tout au long de sa carrière (c’est le cas, tout du moins, jusqu’à aujourd’hui).




mercredi 7 mars 2018

Quatre étranges cavaliers (Silver Lode de A. Dwan, 1954)




Excellent western d’Allan Dwan, sec et tendu comme un arc, qui trace un portrait peu reluisant de la société. À l’instar du Train sifflera trois fois, il dénonce la lâcheté de la communauté – qui rejette très vite celui qu’elle respectait un moment avant – et la bêtise de masse (reprenant là aussi des thèmes souvent évoqués au cinéma, de Fury à The Chase en passant par The Ox-Bow Incident).
Le film reprend aussi les deux images classiques de la femme (l’épouse fidèle, auprès duquel on fonde un foyer et la prostituée, que côtoie l’aventurier). Ces deux femmes représentent les deux moments de la vie de Dan Ballard (très bon John Payne) : il fut aventurier et le voilà respectable et prêt à s’installer. Elles seules soutiendront Dan, redonnant à la femme une position centrale dans le récit (position qu’elle a en réalité assez souvent dans les westerns).
Mais les deux femmes autour de Dan sont les seules indulgences de Dwan : Dan étant rattrapé par son passé et calomnié au prétexte du flou sur ce passé, McCarthy (Dan Duryea, très bon méchant et second rôle habituel des westerns) et sa bande n’ont besoin que de quelques insinuations venimeuses pour retourner l’opinion. L’homme respectueux devient paria avec une facilité que fustige le réalisateur.



Réalisé en 1954, la charge de Quatre étranges cavaliers sur la société a d’évidents relents contemporains : la dénonciation du Maccarthysme qui sévit est violente (le nom de McCarthy, autant que sa manière de procéder, suffise à orienter le spectateur sans grande ambiguïté).
Formellement le film est exemplaire : à un classicisme traditionnel, organisé autour d’un rythme serré et d’un découpage sec qui construisent un récit âpre, Dwan compose des plans séquences éblouissants, lorsque Dan est poursuivi à travers la ville (avec de célèbres et merveilleux travellings). L’opposition entre la ville en fête qui s’apprête à célébrer le 4 juillet et la solitude de Dan traqué est remarquable. De même que la séquence initiale, construite, déjà, sur cette opposition entre l’ambiance de fête et le groupe de cavaliers que l’on sait déjà malfaisant. Avec peu de paroles des personnages bien plantés, des jeux de caméra virtuoses, Dwan maîtrise son western de bout en bout.
Et il se permet une ironie finale puisque c’est dans l’église, cœur traditionnel de la communauté dans le western, que se retrouvent Dan et McCarthy et, même, c’est le ricochet d’une balle contre une cloche qui sauvera Dan…

lundi 5 mars 2018

Pluie noire (Kuroi ame de S. Imamura, 1989)




Film sombre et très touchant de Shōhei Imamura, qui réalise son film sur la tragédie de la bombe, à Hiroshima. Il ne centre pas son récit directement sur le moment de l'explosion, mais sur la vie en sursis, en pointillés parfois, des survivants, plusieurs années après, avec l'ombre des radiations, les traumatismes et le souvenir de l'horreur qui continuent de hanter ou de menacer chacun.


Imamura parvient à passer de scènes terribles (les scènes chocs de l'horreur d'Hiroshima dévastée) à des moments tragico-comiques, allant même jusqu'au burlesque. Cet équilibre est trouvé avec une facilité étonnante : les personnages, successivement, font rire ou émeuvent. Cette angle de vue choisi pour montrer cette tragédie qui n'en finit jamais (car les signes de maladies apparaissent peu à peu, alors que les traumatismes continuent d'envahir le quotidien) permet d'éviter le misérabilisme et, surtout, il permet à Imamura de filmer la vie, qui continue à faire ce qu'elle peut, envers et contre tout, malgré la tragédie.

samedi 3 mars 2018

Profession : reporter (Professione: reporter de M. Antonioni, 1975)




Intéressant film de Michelangelo Antonioni, qui tourne sa vision personnelle du changement de vie : David Locke (Jack Nicholson), journaliste à la vie vaine et médiocre, a l’opportunité de changer d’identité. Il a alors l’occasion de renaître, dans la vie d’un autre.
Mais Antonioni ne joue pas le même jeu que d’autres avant lui (on pense à La Vie d’un honnête homme de S. Guitry, ou à Seconds de J. Frankenheimer) : ici l’homme médiocre ne prend pas une identité exceptionnelle. Locke passe d’une vie morne à une autre vie morne, saute d’une vie sans éclat à une autre vie sans éclat. Le film, alors, de même que de nombreux films sur ce thème (Seconds encore), devient bien sombre et pessimiste : changer d’identité ne résout rien.


Le style d’Antonioni, si particulier, épouse parfaitement le propos, et, bien plus, il devient le cœur même du propos : construites autour du vide, de l’absence et de la solitude, les séquences peu à peu étouffent le personnage, qui est comme coupé de toute relation avec autrui. Ces plans fixes, ces mouvements lents de caméra, ces panoramiques qui partent de Locke et reviennent à lui aliènent progressivement le personnage, quelle que soit son identité.
L’arrivée de la fille (Maria Schneider) constitue bien une respiration, pour Locke autant que pour le spectateur, mais elle aussi est solitaire et sa présence, finalement, ne relance pas la vie de Locke.

L’exceptionnel plan séquence qui clôt le film est un résumé remarquable du style d’Antonioni : la solitude du personnage et sa mort sont filmées avec une grande application formelle, en montrant très peu, en tournant autour, littéralement, de l’action et en laissant hors-champ, finalement, l’essentiel.