samedi 28 décembre 2019

La Mission du commandant Lex (Springfield Rifle de A. De Toth, 1952)




Ce western de André De Toth, qui s’appuie sur un bon Gary Cooper, n’est ni très original ni très marquant mais son scénario à rebondissements est efficace. Le film n’a pas la puissance évocatrice ou la complexité des plus grandes réussites du genre, mais il se suit sans déplaisir.
Du même réalisateur, on préférera sans doute La Rivière de nos amours qui a pour lui un ton calme presque romantique par moment et une réflexion sur la relation homme blanc/Indien assez travaillée.


vendredi 27 décembre 2019

L'Alibi (P. Chenal, 1937)




On retient surtout de l’Alibi de Pierre Chenal le duel d’acteurs offert par le film, avec Louis Jouvet qui fait face à Eric von Stroheim. Et, pour faire bonne mesure, chacun d’eux campe un personnage taillé à sa mesure : Jouvet est un commissaire ironique et sagace, quand Stroheim est un escamoteur impitoyable que l’acteur se plait à interpréter avec les manières anciennes, à la fois guindées et aristocratiques qu’on lui connaît. Cela étant, son personnage est parfois un peu ridicule et désuet, avec les artifices et les costumes liés à son numéro de cabaret.
Mais on prend plaisir à ces jeux d’acteurs et le scénario bien ficelé, s’il ne surprend guère, retombe sur ses deux pieds. In extremis, comme il convient.



lundi 23 décembre 2019

Caïn et Mabel (Cain and Mabel de L. Bacon, 1936)





Sympathique comédie (quoique mineure), qui repose sur le rythme des dialogues et le jeu des deux acteurs stars, avec Clark Gable tel qu’il était utilisé dans les années 30, avant la déflagration d’Autant en emporte le vent.
Hollywood, qui n’a peur de rien, place Clark Gable aux côté de la cohorte d’acteurs qui ont joué des boxeurs quand bien même il n’en avait guère la carrure : ici il n’est rien moins que champion du monde des poids lourds…
Lloyd Bacon prend plaisir à filmer le spectacle de music-hall de Mabel, et l’on sent sa tentation à emmener le film vers le musical.
Le scénario est minimaliste, il a sa part d’incohérences et s'appuie sur de grosses ficelles, mais le film reste vif et le duo de vedettes est réjouissant.



samedi 21 décembre 2019

Le Signe du cobra (Cobra Woman de R. Siodmak, 1944)





On est aujourd’hui un peu contraint, devant un film qui déverse autant de kitsch et de carton-pâte et qui met en scène un jeu d’acteurs à ce point théâtral et forcé, de prendre au second degré ce produit de l’Hollywood des années 50.
Ainsi, si le film n’est pas ridicule en soit, son traitement lui laisse peu de chances, tant l’évolution des studios a laissé derrière lui cette façon de faire.


On a peine à croire, aussi, que le film puisse avoir été réalisé par Robert Siodmak tant l'univers du réalisateur, habitué des films noirs, conduits dans des espaces restreints et faits d’ombre et de lumière expressionnistes, semble éloigné de ce technicolor grandiloquent, artificiel et surfait.


mercredi 18 décembre 2019

L'Arbre, le Maire et la Médiathèque (E. Rohmer, 1993)




Avec son style habituel, Eric Rohmer file dans la France profonde et disserte sur un cas local – mais tout à fait représentatif – d’un projet municipal contesté.
Avec sa mise en scène minimaliste, ses personnages faussement naturels et son scénario très dépouillé, L’Arbre, le maire et la médiathèque reprend le style habituel de Rohmer avec ce cinéma si particulier, au rythme monotone, mettant sur un même plan des moments clefs et de longues digressions qui ne mènent nulle part. Ces séquences à demi-improvisées, immédiatement ennuyeuses, sont malheureusement assez incontournables chez le réalisateur (surtout avec Arielle Dombasle, à la mièvrerie maniérée épuisante, qui part dans des diatribes écolo-bobo à deux sous).



Comme souvent, Rohmer cadre son récit dans une narration chapitrée et organisée. Ici c’est une succession de « si… » qui mène le récit et joue des hasards. Cela permet au film de retomber sur ses pieds sans trop se préoccuper du lien de causalité entre les petits récits épars qu’il propose.
On notera que si, par certains points, le film a beaucoup vieilli (la maire en petit châtelain qui n’a dans la commune qu’une résidence secondaire), il est sur d’autres aspects, d’une actualité étonnante : on ne compte plus, malheureusement (et cela n’a pas cessé depuis vingt-cinq ans…), les beaux projets prétendument modernes qui défigurent les plus anciens de nos villages et qui, comme le dit très bien Rohmer, cherchent à transformer la campagne en ville et à considérer (c’est sans doute là, profondément, que le bât blesse) le campagnard en un citadin comme les autres.


lundi 16 décembre 2019

Orage (M. Allégret, 1938)




Il est de ces films dont on comprend tout de suite les ressorts de l’intrigue et dont on sait très bien, dès les premières minutes, où il va nous emmener. Bien souvent, en ne surprenant pas, ces films ne passionnent guère. On pourrait croire que c’est le cas d’Orage, dont on peut anticiper très rapidement le nœud gordien qui va se nouer.
Pour autant, avec cet espèce de miracle de l’art, le film ne déçoit pas : une puissante passion déborde très vite sur l’écran et le moment prévu et attendu de la rencontre amoureuse – car c’est bien sûr elle qui est le cœur battant du film – est tremblante d’émotion. Il y a le talent du metteur en scène, sans doute, les jeux du scénario (avec l’ampoule grillée qui oblige à aller chercher des bougies), la lumière sombre qui ne dévoile les personnages que progressivement et puis, bien sûr, il y a Charles Boyer et Michèle Morgan.


Charles Boyer avec son style si particulier, son phrasé, ses intonations ; Michèle Morgan, dix-huit ans, avec ses yeux transparents, son sourire et sa fraîcheur un peu naïve. On la retrouvera brisée la même année dans Quai des brumes, mais, ici, elle est insouciante, légère et n’a pas encore vécu.
L’amour, ensuite, est filmé magnifiquement et le drame se noue : tous, ici, se sacrifient (scénario classique de la période) et le film est très beau.
Mais il faut voir et revoir cette séquence d’Orage, avec les premiers moments dans la petite chambre, où Boyer, en ingénieur sûr de lui, découvre dans la pénombre Michèle Morgan, l’amie de son frère, légère et insouciante, assise au bord du lit et qui remet son bas.


vendredi 13 décembre 2019

Lame de fond (Undercurrent de V. Minnelli, 1946)




Très intéressant film noir même s’il pêche par quelques éléments qui le rendent un peu artificiel. Il part sur les bases d’une comédie classique, avec un démarrage en conte de fée : Ann (Katharine Hepburn) qui se trouve un mari idéal (Robert Taylor), jeune, beau, riche et entreprenant. Mais, rapidement, la situation devient sombre et mystérieuse et Allan se révèle très différent de ce qu’il semblait être. Allan, dont on voit l’impeccable figure se fissurer progressivement, sous les coups de butoir de tout ce qu’il refoule, étend son pouvoir sur Ann.
Mais le film pâtit de la présence de Katharine Hepburn, dont le jeu – certes en phase avec l’époque – passe assez mal aujourd’hui, avec cette façon de mimer (bien mal) le naturel. Son visage se fige sans cesse en un masque de doute ou en une grimace inquiète qui donnent un aspect perpétuellement théâtral à chaque fin de scène. Robert Taylor, lui, est très monolithique, quand bien même c’est son personnage qui veut ça, coincé dans le carcan de tout ce qu’il refoule. L’écart est patent avec le jeu très naturel et beaucoup plus moderne, de Robert Mitchum (qui joue le frère), tout en retenue et en douceur. Du coup, on regrette de voir si peu Mike, ce frère mystérieux.



Et puis, il faut bien dire, le film se perd un peu entre ce ton psychanalytique poussé, un climax final qui laisse un peu perplexe et les symboles innombrables mis en scène par Minnelli (la rigidité de Allan opposée à la poésie de Mike, le ranch chaleureux de Mike opposé à la froideur du bureau d’Allan, etc.). Le happy-end, largement symbolique, exauce Ann, qui trouve en Mike les promesses de son enfance – promesses faites par son père – qui sont symbolisées par la symphonie de Brahms jouée au piano.
Mais le changement de ton (le passage de la comédie au film noir) et la construction de deux univers (la prison d’Allan, opposée au monde de poésie, de sensation et d’émotion de Mike) sont remarquables.

Le film évoque Soupçons mais avec une intrigue inversée : là où, chez Hitchcock, Lina (Joan Fontaine) devait apprendre à faire confiance à son mari (Cary Grant), ici Ann découvre peu à peu l’emprise terrible de son mari sur elle et le danger qu’elle court.


mardi 10 décembre 2019

L'Arrangement (The Arrangement d'E. Kazan, 1969)




Avec L’Arrangement, Elia Kazan livre un film percutant et très riche où il poursuit son regard sur l’Amérique.
L’ouverture est étonnante, avec une vision mélangeant l’American Dream et l’American way of life (réussite sociale et matérielle, bonheur, etc.), le tout étant balayé dans les minutes qui suivent par le suicide raté d'Eddie, en forme d’accident, et le mutisme qui s’ensuit. Celui-ci se réfugie alors dans le silence et retourne vers son passé, pour fouiller au fond de lui-même, comprendre qui il est.



Kirk Douglas est exceptionnel dans ce rôle difficile, aux multiples facettes (le personnage, de façon tout à fait symbolique, porte plusieurs noms), ancré à la fois dans un passé récent (son aventure avec Gwen) et dans son passé profond (ses relations à son père, et la manière dont il se remémore son enfance, avec les crises, les moments clefs).
Kazan mélange toutes ces pensées en jouant de cuts brusques, d’ellipses, de flash-backs ou de flashforwards, faisant déambuler son personnage au milieu d’une scène de famille de son passé, lui faisant contempler ce qu’il était, ce qu’il est devenu. Le constat est très violent pour Eddie qui rejette tout ce qu’il était, allant jusqu’à brûler la maison paternelle, dans un violent geste œdipien.



Kazan, cependant, offre une chance à son personnage, en lui permettant, une fois débarrassé des oripeaux de la réussite à l’américaine, de vivre librement : de sa plongée dans sa conscience et dans son passé, Eddie en ressort mis à nu, mais libre.

La part autobiographique du film est très importante, d’une part par son rattachement à l’immigration : on voit le père d’Eddie qui se souvient de son arrivée en Amérique, avec des images issues de America America. Le film, d’ailleurs, par certains aspects, ressemble à un prolongement de America America, mais qui se déroulerait une génération plus tard et où les immigrés refuseraient et regretteraient les atours du pays d’adoption, à l’inverse de Stavros qui débarque.
L’écho à Kazan lui-même se retrouve aussi avec la difficulté qu’a Eddie à accepter ce qu’il est et ce qu’il a fait : on retrouve là les regrets de Kazan concernant ses dénonciations lors de la chasse aux sorcières aux débuts des années cinquante, attitude qui hante plusieurs de ses films.


samedi 7 décembre 2019

Cry Freedom (R. Attenborough, 1987)




Tout en restant très académique, Cry Freedom se suit sans déplaisir, offrant un joli rebond après la mort surprenante (puisqu’elle a lieu assez tôt dans le film) de Steve Biko.
Denzel Washington – dont la sobriété de jeu est à remarquer, d’autant plus qu’elle lui fera progressivement défaut à mesure que sa carrière avancera – compose un Steve Biko humble et serein, dont le sort cruel est violemment dénoncé.
Mais, avec une ligne de mire pointée sur Woods (très bon Kevin Kline, au jeu plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord) et non sur Biko, Richard Attenborough crée parfaitement une tension avec l’étau qui se referme sur Woods puis avec son évasion rocambolesque.


Attenborough réussit ainsi à construire un récit équilibré qui ne recherche pas l’émotion à tout prix (le film n’est jamais tire-larme, malgré la violence du massacre final, filmé dans toute sa cruauté).
Il faut bien sûr remettre Cry Freedom dans son contexte historique puisque, en 1987, à la sortie du film, l’apartheid sévissait encore. Il fait donc partie de la dénonciation médiatique recherchée par le journaliste Donald Woods (dont le film retrace l’histoire), et, de façon plus large, des pressions de l’occident contre le régime de l’apartheid.
Ainsi, quand bien même il s’agit d’un film partisan – dont on ressent quelques défauts, notamment un certain manichéisme – il n’en a pas la lourdeur fatigante. S’il milite, Richard Attenborough s’en remet d’abord à son talent de narrateur, sans chercher à asséner sans cesse son message.


jeudi 5 décembre 2019

La Maison du maltais (P. Chenal, 1938)




Mélodrame triste, volontiers accablant (la situation puis la mort de Greta), et porté par un beau duo de personnages avec un Marcel Dalio, d’abord doux et romantique, puis bientôt plaintif et brisé.
De façon étonnante, Pierre Chenal nous emmène de la Tunisie à Paris, transformant son personnage de saltimbanque léger en un voyou à smoking, mais toujours dans le milieu interlope, celui des prostituées et des malfrats, celui des chambres sordides et des caves.
Le sacrifice de Matteo se coule dans la veine mélodramatique du film (on aurait pu imaginer, avec un autre ton, une toute autre fin). La gouaille de Viviane Romance équilibre la douceur de Dalio, et Pierre Renoir campe parfaitement son personnage de scientifique bourgeois qui vient à la rescousse de la prostituée.



Louis Jouvet apparaît dans un petit rôle (ce qui est toujours une frustration : on aimerait le voir davantage), délicieux de sarcasmes et d’ironie.


mardi 3 décembre 2019

La Dernière chasse (The Last Hunt de R. Brooks, 1956)




On sait que de bons acteurs ne suffisent pas à faire un bon film, ni même un bon scénario, ni encore des majestueux décors de westerns, filmés en technicolor. Mais on reste surpris que, malgré tout cela, malgré des personnages intéressants, malgré les acteurs (le film s’offre un très grand duo) et malgré l’histoire – qui a de bons ressorts dramatiques – le film soit assez peu passionnant. La faute sans doute à Richard Brooks, si souvent décevant, qui ne parvient pas à lier tous ces ingrédients pour que la sauce prenne.
L’ancrage historique (la fin des bisons) aurait dû donner un souffle épique, l’opposition entre les deux personnages (l’un dur et violent   Robert Taylor   qui devient peu à peu obsédé et ingérable, l’autre de plus en plus humaniste et bon  Stewart Granger –), aurait dû être passionnante. Le scénario, sous des dehors classiques (un groupe très hawksien se forme, avec un vieux et un jeune), a de bonnes idées : l’amitié qui se fissure, l’indienne partagée entre deux hommes, l’étonnante image finale (que Kubrick reprendra). Mais, malgré tout cela, le film déçoit et marque peu le spectateur.
Il reste ces étonnantes séquences d’abattage de bisons, sèches et violentes, images d’un ancien monde qui bascule vers un nouveau, et que l’affrontement des deux personnages aurait pu incarner profondément.