lundi 29 novembre 2021

Mourir peut attendre (No Time to Die de C. J. Fukunaga, 2021)

 



Sous bien des aspects, cet ultime opus mettant en scène James Bond se veut aussi une forme de point final et il faut dire que l’on est presque soulagé, en fin de film, d’en avoir fini. C’est qu’avec Daniel Craig, James Bond est passé du feuilleton à la série : ses cinq films s’articulent en autant d’épisodes qui se suivent impeccablement, donnant un passé et un futur au personnage. Rien de tout cela, bien entendu, dans le Bond originel, qui virevoltait d’une aventure à l’autre.
Voilà donc James Bond, amoureux et en couple, qui sort de sa retraite, contraint et forcé. Mais la lassitude du personnage (et de l’acteur) fait peine à voir et les 2h40 de film semblent bien longues : Bond doit, à nouveau, affronter un grand méchant (pourtant bien fade) et doit, encore, se coltiner tous ses sbires qui lui tombent dessus. On est loin de l’espion badin et enthousiaste, ici tout lui pèse.
Daniel Craig a pris un coup de vieux, son personnage n’en peut plus et le spectateur non plus. Il faut dire aussi que notre espion a largement sombré dans la normalité, alors qu'il est en couple avec Léa Seydoux, qui est tout à fait quelconque (ce qui est bien dommage pour une James Bond girl). Mais la mode en matière de femmes semble être à ce type de physique ordinaire, éloigné de tout mannequinat traditionnel, comme le montre la présence tout sauf élégante de Lashana Lynch en 007 concurrente.
L’on suit alors toutes ces molles péripéties avec un certain ennui puisqu’il n’y a plus guère d’énergie, de peps, de séduction, d’envie ou d’ironie, toute cette saveur qui constituait le sel de James Bond. Et la fin résonne comme un glas : James Bond voit les missiles foncer sur lui alors qu'il serre contre lui le doudou de sa fille…



vendredi 26 novembre 2021

Black Rain (R. Scott, 1989)





Polar urbain et rythmé, sans grand intérêt, réalisé par un Ridley Scott qui surjoue la mise en scène du flic américain rebelle et badboy (Nick Concklin, campé par Michael Douglas, qui cabotine beaucoup) perdu au Japon, pays des convenances et des mafias.
L’ambition de Scott
– qui aimerait bien plonger son personnage dans une ambiance façon Blade Runnerse heurte à une histoire sans surprise et sa volonté de mise en scène (on voit combien l’image se veut aboutie, combien est présente la volonté de créer une atmosphère et combien Scott veut travailler la figure de chevalier rebelle à travers le personnage de Nick) tombe un peu à plat : il n’y a rien de vraiment original, rien qui ne fasse dévier les personnages, lourdement définis d’emblée, de la trajectoire qui leur est assignée.
Malgré les efforts de Ridley Scott, l’argument est donc beaucoup trop mince, le déroulement du scénario beaucoup trop classique et les personnages beaucoup trop fades pour faire de Black Rain un film mémorable.



mercredi 24 novembre 2021

Les Révoltés de la Claire-Louise (Appointment in Honduras de J. Tourneur, 1953)





Concentré sur une ligne scénaristique directe et simple (un groupe de personnages hétéroclites est jeté dans la jungle), le film de Jacques Tourneur trouve pourtant une richesse et une épaisseur inattendue. Mais il faut dire qu’il s’arc-boute sur le personnage de Jim Corbett, étonnant en ce qu’il est un bloc de volonté : il a un but et rien ne l’en fera dévier, ni les dangers, ni les traitrises, ni la jungle. Tourneur ne se penche pas beaucoup plus avant sur le personnage, mais Glenn Ford réussit non seulement à le rendre crédible mais à lui donner une consistance remarquable.
Et Corbett, qui fait avancer à marche forcée le groupe à travers la forêt, permet alors aux autres personnages de se déterminer. Tout est construit autour de lui, avec lui, contre lui, il charme ou repousse, il attire, on le hait.

Cette façon de jeter des personnages dans la jungle et de les faire avancer coûte que coûte est très porteuse. Buñuel, dans La Mort en ce jardin, reprendra bientôt ce motif, en lui apportant une profondeur supplémentaire.


lundi 22 novembre 2021

Dune (D. Villeneuve, 2021)

 



Dans cet ambitieux Dune, Denis Villeneuve construit une magnifique ambiance sonore et visuelle, créant un space opera au rythme lent, volontiers contemplatif, très détaché. C’est d’ailleurs une marque de son style, en droite ligne de son Blade Runner 2049. Et, bien plus que l’histoire de Franck Herbert, c’est, semble-t-il, cette ambiance qui intéresse Villeneuve et qu’il met au cœur du film, avec une opposition très marquée entre le désert jaune et chaud, arrondi et doux, et la minéralité des constructions humaines anguleuses, cubiques, noires et froides. L’on ne peut s’empêcher de se demander, néanmoins, si ce type d’ambiance aujourd’hui très tendance vieillira bien.
Les personnages sont relégués en arrière-plan, avec un ton très détaché, venant de la distance avec laquelle Villeneuve les filme, les désincarnant presque, les abandonnant dans le cadre, sous la dureté des lignes verticales ou horizontales qui les écrasent. Les péripéties, les différents clans qui s’affrontent, l’initiation de Paul, tout cela semble relégué au second plan. On est loin des actions à rebondissements de Star Wars et l’on ne s’en plaindra pas. L’on retrouve, en fait, avec le kitch en moins et l’ampleur en plus, un peu de l’humeur du Dune de Lynch, qui, au milieu de ses défauts, avait déjà cette volonté de raffinement et d’introspection.

 

vendredi 19 novembre 2021

Les Chevaliers de la Table ronde (Knights of the Round Table de R. Thorpe, 1953)

 



Hollywood s’attaque à la légende arthurienne avec de grands moyens : on pouvait craindre le pire, on a le meilleur. Le meilleur de ce que peut produire Hollywood, c’est-à-dire des stars charismatiques (Robert Taylor et Ava Gardner), un technicolor clinquant, des batailles rangées, de la romance, des méchants aux allures de méchants, une volonté de souffle épique, de beaux et nobles sentiments. Richard Thorpe a le coup de poignet pour que la sauce prenne et le spectacle est au rendez-vous. Les transparences et autres décors s’équilibrent avec les paysages, le kitsch des chevaliers qui déambulent en armures est comme dissout par la décontraction de Robert Taylor lors de son duel avec Mel Ferrer. Et puis il y a Excalibur, Merlin, Perceval, la Table ronde, de beaux serments et de preux chevaliers.
Et le film, en une ultime pirouette, se fait l’économie d’un happy-end, avec la mort de Arthur et Guenièvre qui se retire dans un couvent et, si l’avenir reste sauf pour l’Angleterre, le spectateur se voit privé d’un ultime baiser d’adieu entre le couple star.