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samedi 23 décembre 2017

Folies de femmes (Foolish Wives de E. von Stroheim, 1922)




Le film est à la démesure de Stroheim : un tournage monstre, sur une durée de près d’un an (au lieu d’une dizaine de semaines comme prévu), de gigantesques décors (la reconstitution grandeur nature, dans les studios d’Universal, de la place centrale de Monte Carlo) et des milliers de figurants. Folies de femmes, tel qu’il apparaît aujourd’hui, est largement mutilé – comme tant d’œuvres du réalisateur – et il est bien difficile de discuter du rythme, de l’équilibre du film ou même du scénario. Le film, d’une durée de plus de 8 heures, à coup de coupes successives, est visible aujourd’hui dans un format de 2 heures 20.


Le propos néanmoins garde toute sa force : le film met en scène toute la dépravation de la haute bourgeoisie, avec un baroquisme à la hauteur de la décadence qu’il montre. Le faux comte Karamzin, avec ses calculs froids et cyniques, est le révélateur (dans le sens chimique du terme) de l’hypocrisie sociale. Le regard cru et naturaliste de Stroheim dépeint toute la fausseté de cette société avec une force inouïe pour l’époque et avec une morbidité teintée d’autodérision qui sont un terrible miroir – à la fois grossissant, déformant et sans concession – jeté à la figure du spectateur.


dimanche 10 août 2014

Les Rapaces (Greed de E. von Stroheim, 1924)




Les Rapaces est un chef-d’œuvre mutilé et que, dans un sens, personne n’a jamais vu. Stroheim a proposé un premier montage de 9h, puis d’autres montages suivront, de plus en plus courts, jusqu’à l’actuel de 2h30. Difficile dès lors de juger du rythme initial que voulait Stroheim, de l’équilibre des séquences dont certaines sont tronquées quand elles n’ont pas disparu. Mais le génie spécifique de Stroheim s’exprime néanmoins.

Stroheim parvient à saisir, avec une acuité et une force inouïe, l’essence profonde de ses personnages, celle qui les contraint : il les montre dévorés par leur nature primitive, qui s’exprime par les ravages de l’alcoolisme ou de l’avarice. La crudité de son regard apparaît directement dans certaines scènes, par exemple lorsque, derrière le prêtre qui marie MacTeague et Trina, on voit passer le cortège d’un enterrement.

Derrière le prêtre qui officie, un cortège funèbre passe
De même, lors du repas de noces, les convives en train de manger sont filmés en gros plans effrayants. On retrouve alors le même regard que celui de Zola dans L'Assommoir lorsqu'il raconte un même repas de noces.

Le repas de noces
Pour G. Deleuze, Stroheim est un cinéaste naturaliste, c’est-à-dire un cinéaste qui, dans ses films, s’éloigne du couple classique situation-action (où la perception d’une situation par les personnages provoque des actions de leur part qui vont modifier la situation de départ) pour opposer deux mondes différents : le monde réel, actuel, celui auquel appartiennent les personnages ; et le monde originel, celui où sont rattachées leurs pulsions (la pulsion pour l’or par exemple). Et c’est par des indices disséminés dans le film – des indices en terme d’images – que le monde originel est évoqué dans le film.
A la fin du film, quand MacTeague et Marcus sont extraits du monde réel pour revenir  à celui des pulsions, la plongée dans le désert, représente alors un retour vers le monde originel, C’est ainsi que Stroheim parvient à montrer combien ces pulsions qui habitent MacTeague ou Marcus sont à la fois irrépressibles et dévastatrices : elles font partie de leur être même.
Cette dernière séquence dans le désert (qui coûta une fortune et dont le tournage fut très éprouvant) est exceptionnelle. La puissance des images – MacTeague et Marcus se battent à mort au cœur de la Vallée de la Mort – est intacte : sous le soleil cru et écrasant, le destin de MacTeague se scelle impitoyablement.

L'or tant convoité, désormais tâché de sang