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samedi 21 juin 2025

La Nuit (La notte de M. Antonioni, 1961)




Très typique de Michelangelo Antonioni, le film cherche à capter la désunion du couple Giovanni et Lidia (Marcello Mastroianni et Jeanne Moreau), qui se parlent de moins en moins, s’éloignent au fur et à mesure que la nuit passe, ne partagent plus les choses et, finalement, sont peut-être destinés à se perdre.
Au-delà des rencontres et des drames (la mort de leur ami en début de film), le propos du film est l’incommunicabilité, l’un des grands thèmes d’Antonioni, incommunicabilité qui est au centre de cette nuit et, avec elle, le vide, la solitude, l’errance. Le film expose une modernité de vie – entre soirée chic et cocktail – à laquelle s’oppose les deux personnages, vides, fatigués, sans projets, de plus en plus inconsistants. Alors que le monde se transforme et avance, nous dit Antonioni, les êtres s’épuisent et se perdent. La fin incertaine laisse au spectateur – ou à l’incertitude de la vie – la possibilité de réunir ou d’achever de désunir Giovanni et Lidia.



lundi 26 mai 2025

Le Cri (Il grido de M. Antonioni, 1957)

 



Ce film au relent très néoréaliste montre l’errance de Aldo, qui, sa femme ne l’aimant plus, part et ne sait où aller, de petits boulots en rencontres. Michelangelo Antonioni suit Aldo qui tourne en rond dans ce paysage vide et plat, alors que, de rencontres avortées en déceptions, il est de plus en plus seul, incapable de reconstruire quelque chose.
Antonioni capte très bien ces fausses rencontres, ces fausses avancées, ce monde vide pour un homme vide. La fin tragique exprime puissamment les pensées profondes du personnage.
Précédent L’Avventura et sa radicalité révolutionnaire, Antonioni, dans Le Cri, prend au néoréalisme et y mêle les thèmes (la solitude, l’errance) et les motifs (des paysages géométriques et vides) qui lui sont déjà chers et qu’il déploiera de façon systématique et presqu’abstraite par la suite.


samedi 3 mars 2018

Profession : reporter (Professione: reporter de M. Antonioni, 1975)




Intéressant film de Michelangelo Antonioni, qui tourne sa vision personnelle du changement de vie : David Locke (Jack Nicholson), journaliste à la vie vaine et médiocre, a l’opportunité de changer d’identité. Il a alors l’occasion de renaître, dans la vie d’un autre.
Mais Antonioni ne joue pas le même jeu que d’autres avant lui (on pense à La Vie d’un honnête homme de S. Guitry, ou à Seconds de J. Frankenheimer) : ici l’homme médiocre ne prend pas une identité exceptionnelle. Locke passe d’une vie morne à une autre vie morne, saute d’une vie sans éclat à une autre vie sans éclat. Le film, alors, de même que de nombreux films sur ce thème (Seconds encore), devient bien sombre et pessimiste : changer d’identité ne résout rien.


Le style d’Antonioni, si particulier, épouse parfaitement le propos, et, bien plus, il devient le cœur même du propos : construites autour du vide, de l’absence et de la solitude, les séquences peu à peu étouffent le personnage, qui est comme coupé de toute relation avec autrui. Ces plans fixes, ces mouvements lents de caméra, ces panoramiques qui partent de Locke et reviennent à lui aliènent progressivement le personnage, quelle que soit son identité.
L’arrivée de la fille (Maria Schneider) constitue bien une respiration, pour Locke autant que pour le spectateur, mais elle aussi est solitaire et sa présence, finalement, ne relance pas la vie de Locke.

L’exceptionnel plan séquence qui clôt le film est un résumé remarquable du style d’Antonioni : la solitude du personnage et sa mort sont filmées avec une grande application formelle, en montrant très peu, en tournant autour, littéralement, de l’action et en laissant hors-champ, finalement, l’essentiel.



lundi 16 janvier 2017

L'Éclipse (L'Eclisse de M. Antonioni, 1962)




L’Éclipse est tout à fait représentatif du style d’Antonioni. Pour parvenir à apprécier le film, il faut comprendre (et accepter) le parti-pris du réalisateur qui est de filmer les moments creux, les espaces vides, les temps morts, les entre-deux. Il faut donc accepter cette absence d’action, cet effacement des personnages, qui se détachent d’un monde qui semble vide et sans vie.
Antonioni démarre son film non pas sur une rupture dans un couple, mais sur l’instant d’après, lorsque la rupture est consommée et que les choses ont été dites et ressenties. Son film découle donc d’un évènement hors-champ (le film commence trop tard pourrait-on dire), en effet, « quand tout a été dit, quand la scène majeure semble terminée, il y a ce qui vient après » nous dit Antonioni. Et on ne voit en fait que « ce qui reste des expériences vécues ». Et l’on voit Vittoria (Monica Vitti) errer dans les rues, sans trop savoir où elle va, avec des plaisirs fugaces et de longs moments perdus, jeune et pourtant déjà tellement marquée par son passé (le couple et la rupture, qui ne nous ont pas été montrés), lasse, déjà névrosée, enfermée dans une incommunicabilité.



G. Deleuze (dans L’Image-temps) résume très bien le propos principal du réalisateur, au travers de l’interrogation sous-jacente au film : « qu’est-ce qu’est devenu l’amour pour qu’un homme ou une femme en sortent ainsi démunis, lamentables et souffrants, et qu’ils agissent et réagissent aussi mal au début qu’à la fin, dans une société corrompue ? »

Si la démarche, résolument moderne, est intéressante, le résultat est beaucoup plus discutable. On retrouve là un biais de l’art contemporain, qui se définit par une démarche et oublie quelque peu, par-delà ce prétexte de la démarche, l’œuvre.
Pour Deleuze on entre ici dans la crise de l’image-action : les personnages ne réagissent plus selon des liens sensori-moteurs, mais ils sont en errance et définissent des situations optiques et visuelles pures (par exemple lorsque Vittoria cherche le chien de sa voisine la nuit). Antonioni filme le temps pour lui-même.
Le film fonctionne donc par de lents plans, entrecoupés de cuts brusques, des à-coups narratifs, accélérant soudainement et ralentissant terriblement à d’autres. Et l’on passe, d’ellipses en ellipses sur tel ou tel moment.
Antonioni filme la ville en multipliant les cadrages géométriques, oppose les espaces grouillants (la Bourse) aux rues vides, tend à l’abstraction (des arêtes vives, des formes étranges). On peut voir du Mondrian dans ces lignes droites qui se croisent, dans ces carrefours quelconques, dans ces angles de rues et dans ces blocs d’immeubles, dans ces aplats de béton saillant. Et, toujours, cette silhouette de Monica Vitti, sans énergie, sans force de vie, que l’on accompagne le long des rues.
Elle croise Piero (Alain Delon), jeune courtier fougueux, qui ne comprend pas Vittoria, mais qui est lui aussi névrosé, corrompu, nous dit Antonioni, par la vie infiniment futile et vaine de la Bourse. Et le film brosse très bien (à coups d’évocations, de lenteur, de vide), ces deux modèles de vies jeunes mais déjà achevées et que Antonioni ne cherche pas à sauver. Chacun de ces deux personnages n’existe pas réellement : ce ne sont que des attitudes (de l’attente, du désespoir, de la fatigue).



La fin est très réussie : la concision narrative extrême d’Antonioni tire un trait définitif sur ce couple éphémère, sans une parole, sans une explication, simplement à coups de longs plans de rues vides et qui se croisent.

Malheureusement, de ce style et de ces partis-pris, deux conséquences : d’une part le film est totalement dénué de charme et d’épaisseur, tout reste froid et distant. Et, d’autre part, il faut reconnaître qu’il se dit bien peu de choses dans le film (comme dans beaucoup d’autres films d’Antonioni) : à filmer les gaps et les à-côtés, Antonioni vide la narration de sa substance. La vie est vide, semble-t-il se borner à nous dire.



dimanche 20 avril 2014

Blow-Up (M. Antonioni, 1966)




Film fondamental de Michelangelo Antonioni, quand bien même ses recherches formelles restent bien opaques. Le film est assez loin de ses réalisations habituelles, puisqu’il joue ici avec les couleurs, et que, par rapport à ses œuvres italiennes qui montrent le vide, l’espace, l’incommunicabilité, les pertes de repère et de sens, Antonioni, dans Blow-Up, questionne davantage son art et la relation entre chacun et le monde qui l'entoure.

Antonioni aborde ici la multiplicité des regards à porter sur le monde, l’importance des changements de points de vue, les jeux de perception. Antonioni, tout en maîtrise, utilise parfaitement le média cinéma puisqu’il ne dit pas les choses mais il les montre en les faisant subir à son personnage (et au spectateur). Tout regard devient une interrogation, qu’il s’agisse d’un cadrage, d’une profondeur de champ, d’un mouvement ou non de caméra. Antonioni montre ainsi la distance entre le réel et la retranscription du réel au travers de l’image produite. Thomas, qui voit le monde au travers de son appareil photographique, ne voit pas ce qu’il voit, il croit comprendre mais ne comprend pas.



Le film joue avec trois regards (celui de Thomas, celui du spectateur et celui d’Antonioni) auquel on peut rajouter le regard de l’appareil photo de Thomas, qui voit différemment de Thomas (et celui-ci en prend conscience progressivement), puisqu’il voit objectivement les choses et de façon plus fine, sans que le cerveau ne trie et n’interprète.
Son appareil photo lui permet de voir – tel un œil plus performant – ce que lui n’a pas vu, mais son cerveau est incapable de traiter cette image : il a beau agrandir et scruter l'image, elle ne lui apporte aucune compréhension et il ne parvient pas à résoudre l’énigme. L’absence de sens, thème souvent présent chez Antonioni, rejaillit donc, d’autant plus pour le spectateur qui, lors d’une première vision du film, aura bien du mal à s’y retrouver. D’autres visions permettent de comprendre davantage le déroulement énigmatique du meurtre capté par les photos de Thomas, mais sans toutefois pouvoir tout comprendre. C’est ainsi que, si Antonioni questionne, il laisse beaucoup de réponses ouvertes.



On remarquera qu’Antonioni interroge uniquement l’image (en jouant sur la photographie) sans englober le son, pourtant indéfectible du rapport à la réalité (en particulier dans le contexte cinématographique), son sur lequel insisteront Coppola (avec Conversation secrète) ou De Palma (avec Blow Out) dans des questionnements similaires. Antonioni se limite curieusement à l’incomplétude du regard et à son impuissance.
Malgré ce questionnement fondamental pour l’artiste qui est sans cesse sur la corde raide entre le réel et l’imaginaire, le film reste formellement austère et aride, difficile à suivre, volontiers confus, disparate, lent et abstrait, dans une veine antonionienne typique.



mercredi 27 février 2013

L'Avventura (M. Antonioni, 1960)



L’expérimentation et la recherche d’Antonioni s’expriment parfaitement dans ce film qui créa les controverses les plus vives dès sa sortie : il s’agissait pour les uns d’une recherche créative qui emmenait le cinéma dans de nouvelles directions, pour les autres d’une mascarade tant le film ne signifie rien et raconte peu.
Il est bien certain que le film marque une frontière nette entre deux cinémas (le classique et le moderne) et explore deux manières de conduire un récit.
Si le récit commence lentement mais de façon conventionnelle (quelques jeunes fortunés font une croisière en Méditerranée) Antonioni va rapidement perdre le spectateur puisque le personnage qui était jusqu’alors ressenti comme le personnage principal (Anna, joué par Léa Massari) va disparaître du récit (au cours d’une balade sur une île Anna disparaît). On se souvient qu’Hitchcock, dans Psychose avait ainsi construit un premier récit, articulé autour de sa star, dont la mort prématurée, totalement inattendue et violente, scotchait le spectateur. Mais cette mort servait à Hitchcock à embrayer sur un autre récit, principal celui-là qui tenait en haleine le spectateur. Rien de tout cela ici, puisque Anna sera bien cherchée quelques temps par ses amis, mais, assez vite, elle sera oubliée par les jeunes gens qui continueront leur périple, périple sans réelle queue ni tête, empli d’une béance qui constitue en fait la substance même du cinéma moderne.



Le spectateur a donc de quoi être désarçonné et il faut s’en remettre à la technique d’Antonioni, à son sens de cadrage ou du découpage, pour bien comprendre à quel point cette béance, cette absence de détermination des personnages, et donc du récit, est recherchée et travaillée. Les personnages ne vont plus d’un point A à un point B, ils errent en chemin. Le héros classique (celui qui, par ses actions, modifie des situations) n’est plus, il n’y a ni suspense, ni intrigue, ni question qui trouvera sa réponse pour accrocher le spectateur (Anna, par exemple est vite oublié et il n’est plus question d’elle ; rien ne viendra expliquer sa disparition). A la froideur du style, répond l'incommunicabilité entre les personnages.



Antonioni se place ici dans la continuité de l’approche de Rossellini, qu’il mène encore plus loin. On se souvient de l’errance du petit Edmund dans Allemagne année zéro, de celle de Karin dans Stromboli, ou encore du couple dans Voyage en Italie. Antonioni étend cette errance au récit lui-même.

On comprend alors à la fois l’importance d’Antonioni qui explore une nouvelle voie du cinéma (qui sera suivie, par exemple, par Godard), mais une nouvelle voie bien loin d’un récit classique et bien difficile d’accès pour le spectateur, à tel point qu’il puisse rebuter et être tout à fait détesté. J. Lourcelles – qui n’aimait guère le cinéma moderne – n’a pas de mots assez durs à son endroit, en conseillant de voir, tout de même, un film d’Antonioni, afin de mieux apprécier, par contraste, la qualité des vrais grands cinéastes.