lundi 30 septembre 2013

La Féline (Cat People de J. Tourneur, 1942)




Magistral film de Jacques Tourneur qui est une des grandes références du cinéma qui évoque ou suggère, mais sans montrer directement. Tourneur a compris que suggérer la présence d’un monstre sans le montrer directement est beaucoup plus angoissant pour le spectateur. Et, bien plus encore qu’une efficacité dans la montée de l’angoisse, cela permet de faire basculer le film dans le fantastique, sans que rien, à l’écran, ne dévie d’un film noir habituel. Le film devient fantastique par les suggestions, par ce qu’en comprend le spectateur. La Féline prend donc appui sur une vieille légende slave et peut dérouler son propos, toujours en insinuant, en évoquant, mais sans jamais montrer directement.
De nombreuses séquences angoissantes laissent soigneusement hors-champ le cœur de l’attaque, se contentant de tourner autour du fauve, de sentir son approche ou sa présence, par des ombres, des reflets, la pesanteur d’un moment, le changement d’un son. Que ces litotes nombreuses et brillantes soient le résultat d’un manque de moyens ou d’un cahier des charges qui contraignait Tourneur ne changent pas le résultat final, qui marque de son empreinte le triomphe de la suggestion et de la litote. Le génie de Tourneur fait le reste et de nombreuses séquences sont devenues des références.



L’évidente richesse d’une simple suggestion est qu’elle active l’imaginaire. Une place est toujours laissée au doute quant à la compréhension de ce qu’il s’est réellement passé (s’est-il seulement passé quelque chose ?). Quand un personnage ressent une présence indéterminée qui rôde, y a-t-il quelque chose qui rôde ? En laissant au spectateur le soin de ressentir sans que le doute puisse être levé, Tourneur enrichit considérablement sa narration.
On regrette que, dans le cinéma d’aujourd’hui, on ait complètement oublié la leçon de Jacques Tourneur et que l’on aille, de surenchères en surenchères, vers une monstration sans cesse plus étalée et cinématographiquement très affadie. Préférant le choc de l’image (celui de l’image violente ou l’acquiescement devant le trucage réussi de tel ou tel monstre) à la suggestion du hors-champ, le cinéma semble arrêter le film à ce qui se déroule dans son cadre – alors même que le cinéma cherche sans cesse à happer davantage le spectateur –, ce qui le réduit à ce qui se déroule sur l’écran et ce qui le réduit considérablement en lui enlevant une dimension supplémentaire, celle du hors-champ, c’est-à-dire, pour le spectateur, celle de l’imaginaire.



Même si les tendances majeures du cinéma s’éloignent de la simple suggestion, de nombreux réalisateurs sont influencés par le film de Tourneur. On pense par exemple à Signes, de Shyamalan, qui évite de montrer les extra-terrestres pendant une grande partie du film, se contentant de les suggérer. Shyamalan les fait entrer progressivement dans le cadre : des indices de présence, des dessins les représentant, puis une ombre, une main, pour parvenir finalement à l’extra-terrestre de plain-pied dans le salon.

samedi 28 septembre 2013

Les Bronzés font du ski (P. Leconte, 1979)




Cette suite des Bronzés, qui emmène son petit monde au ski, est très réussie. Le premier opus souffrait d’être une accumulation de séquences mises bout à bout, ici l’homogénéité du récit est supérieure et le rythme ne faiblit pas.
Le film, sans se prendre le moins du monde au sérieux, et tout en s’appuyant sur les grands moments incontournables des vacances au ski (depuis la location du matériel jusqu’aux repas à la fondue, en passant par les cours de ski et le vin chaud), multiplie les situations et les transforme en clichés souvent très drôles, ne se refusant aucune exagération ou extravagance.
La force de la petite troupe est de multiplier les portraits, grinçants et plus vrais que nature, en s’en donnant à cœur joie et sans épargner personne. La beaufitude de Gérard Jugnot, les tentatives incessantes de Michel Blanc, la fausse confiance en lui-même de Thierry Lhermitte ou la surexcitation jalouse de Christian Clavier dressent un portrait au vitriol de la France en vacances des années 80, le tout dans une bonne humeur chaude et communicative.
On mettra juste un bémol sur le film : là où l'humour touchait auparavant toutes les classes sociales (par exemple dans La Grande vadrouille, depuis le chef d'orchestre jusqu'au peintre en bâtiment), ici c'est de la France beauf – et uniquement d'elle – dont on se moque. Ne se moquer que d'une unique classe sociale enlève un certain second degré et réduit toujours la portée comique d'un film (qu'on pense à Dupont Lajoie pour mieux s'en rendre compte encore).


L’affligeante suite – Les Bronzés 3 : Amis pour la vie –, tournée quelques 27 ans plus tard (!), ne relève que de la propagande commerciale de producteurs qui avaient persuadé les acteurs de se regrouper. Quand bien même le film fut un succès en salle, cette grosse machine lourde et bedonnante est bien ridicule face à la légèreté drôle et rythmée de son modèle.

vendredi 27 septembre 2013

Cul-de-sac (R. Polanski, 1966)




Film inégal de Polanski : à sa grande qualité formelle, où le réalisateur joue avec éblouissement de plans surprenants, de jeux de miroir et d’une distance ironique et grinçante, répond une intrigue en huis-clos, mais en plein air, qui manque de tension, organisée autour d’un quatuor haut en couleur. La sauce ne prend pas vraiment, même si le vrai thème du film est de montrer combien l’arrivée des gangsters achève de dynamiter le couple (Donald Plaisance et Françoise Dorléac sont excellents).
Mais la vista de Polanski reste intacte et magnifie souvent l’image.



mercredi 25 septembre 2013

L'Aigle des mers (The Sea Hawk de M. Curtiz, 1940)




Magnifique film de Michael Curtiz, qui sait conserver les qualités de ses films d’aventures (comme on a pu le voir dans Les Aventures de Robin des bois) tout en ajoutant une certaine noirceur, à la fois dans les lieux – clos et écrasants – où sont enfermés les personnages, et dans les douleurs qu’ils rencontrent. Mais la vitalité du film – vitalité incarnée à l’écran par Errol Flynn – emporte tout. Par cette noirceur qui transparaît, le film annonce Le Vaisseau fantôme, moins virevoltant que L’Aigle des mers mais construit en un huis clos encore plus noir.



lundi 23 septembre 2013

Kes (K. Loach, 1969)




Très beau film de Ken Loach, qui porte un regard très sombre sur cette petite ville minière déshéritée du Yorksire.
A 12 ans Billy semble avoir déjà perdu toutes ses illusions, entre sa famille en lambeaux, son frère qui le rudoie et l’école qui n’est d’aucune aide pour s’en sortir. Il lui reste son monde à lui, qu’il organise autour du faucon qu’il découvre et qu’il dresse, magnifique espoir pour le coup.
Loach filme magistralement cette noirceur des rues, cette brume sombre de l’Angleterre, cet accent à couper au couteau, cette famille qui sent la bière, et Billy, qui fait ce qu’il peut et qui étouffe sous un carcan de rudesse frustre. La puissance visuelle et universelle de Kes fait mouche.
Mais si Ken Loach fait mouche c’est qu’il filme simplement Billy et sa vie désenchantée (qui semble tournée inéluctablement vers la mine) sans chercher à asséner et à militer comme il le fera tant de fois plus tard. La séquence où Billy captive ses camarades en classe en parlant de son faucon est magnifique et touchante. C’est en cela que le film, certainement, est bien plus puissant et marquant  pour le spectateur. Loach, adepte de ce cinéma social, tombera trop souvent dans un cinéma militant en forçant le trait systématiquement et en oubliant la simplicité déchirante de Kes.



samedi 21 septembre 2013

Des monstres attaquent la ville (Them! de G. Douglas, 1954)




Film typique des films de monstres des années 50, Des monstres attaquent la ville met en scène tous les éléments qui feront fureur dans le genre.
Tourné sans grand budget, le film débute dans le désert, lieu bien pratique (car à la fois proche des studios et très peu cher) et creuset idéal pour toutes sortes de monstres, de par le mystère qui règne naturellement dans ce grand espace vide.
Le film est le premier à s’appuyer sur la peur du nucléaire en utilisant l’argument de retombées radioactives du fait d’essais nucléaires. La thématique du film de monstres reflète toujours son époque puisqu'aujourd’hui, à tort ou à raison, les scénaristes sont plus intéressés par des contaminations virales ou bactériologiques que par une peur du nucléaire (de Rock à World War Z en passant par Alerte ou Contagion). Mais, dans les années 50, c’est cette peur du nucléaire qui prévaut. Panic à Florida Beach de Joe Dante, évoquera d’ailleurs parfaitement cette peur et mettra en scène un film citant directement Des monstres attaquent la ville.
Le film propose donc de grosses bébêtes caoutchouteuses, mais, au-delà des effets spéciaux évidemment très datés, tous les ingrédients sont présents : l’enfant choqué, les policiers qui ne comprennent pas, le scientifique qui vient expliquer à grands coups de tirades scientifiques ou encore les fourmis monstrueuses qui passent du désert à la ville, les témoins que l’on prend pour des fous, etc.


Même si le film est très en-dessous des meilleurs films de genre de la période (L’Invasion des profanateurs de sépultures ou Le Météore de la nuit), Them! aura une longue descendance, jusque dans des films récents (Godzilla ou The Host par exemple). On remarquera que, dans son très bon Phase IV, Saul Bass s’appuiera sur le même point de départ, mais, au lieu de faire grossir terriblement les fourmis, il les montrera devenues intelligentes.

dimanche 15 septembre 2013

La Belle et la Bête (J. Cocteau, 1946)




Le premier film de Jean Cocteau est aussi sans doute sa plus grande réussite. Bien mieux que dans d’autres réalisations, il parvient à construire à l’écran un univers onirique, fabuleux et poétique (mais sans jamais tomber dans le morbide, penchant semble-t-il inévitable des surréalistes).
Le jeu de lumière dans l’intérieur du château, qui fait poindre l’irréel, est très réussi et emporte dans une féerie sombre le spectateur. Cocteau peut laisser libre cours à son imagination et rendre mouvant tout cet intérieur fabuleux et étrange. L’opposition entre le village de la Belle et le château de la Bête fonctionne parfaitement.

L’atmosphère merveilleuse du film est éblouissante même si on pourra peut-être regretter la froideur appliquée et déclamante de Jean Marais (au maquillage si célèbre) qui a bien du mal, paradoxalement, à faire aussi bien le Beau que la Bête.


jeudi 12 septembre 2013

Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari de S. Leone, 1965)




Très célèbre western de Sergio Leone, qui lance le sous-genre du western italien, sous-genre qui fera florès dans les années qui suivront (entre 400 et 500 westerns italiens seront tournés en une dizaine d’années), en étant très populaire et en ayant aussi une très grande influence, y compris dans le cinéma américain.
Leone part du scénario du Garde du corps de Kurosawa, dont il reprend la trame principale, jusqu'à certains jeux de mots ou détails (la brindille que mâchonne Toshiro Mifune devient un cigarillo dans la bouche de Clint Eastwood).
Leone a beau adorer le western américain en général et Ford en particulier (ses films sont emplis de référence aux westerns américains), on aura bien du mal à retrouver dans ses films les grands motifs du genre : exit les réflexions sur la confrontation à la Frontière, sur l’espace à franchir ou sur la constitution d’une communauté. Leone reprend les codes du western (les lieux, les décors, les costumes, les scènes classiques du genre) tout en le vidant de la substance. On comprend que les Italiens ne mettent pas dans leurs westerns les idées qu’y mettent les Américains, mais Leone, en réalité, met bien peu d’idées dans ses films. Les personnages ici sont absolument individualistes. Ils courent pour de l’argent, s’entretuent à loisir, sans morale, sans état d’âme.




Mais bien entendu, le film de Leone présente des qualités de style qui auront une énorme répercussion. Même s’il n’est pas encore aussi marqué que dans d’autres films (en particulier Il était une fois dans l’Ouest), le styliste qu’est Leone brille déjà. Le film est aussi empreint d’un ton de comédie très italien. Même si, là aussi, Leone ira plus loin (dans Le Bon, la brute et le truand notamment), l’humour est déjà une composante importante (présent aussi bien dans les situations, le montage que dans la musique). Enfin, évidemment, le film pose la première pierre de la légende de Clint Eastwood.



Cela dit, malgré ces qualités, le film reste très basique, la violence brusque et déjà nihiliste (Corbucci ira beaucoup plus loin en exposant davantage encore cette violence) et l'on reste surpris de son incroyable popularité ainsi que celle de sa suite Et pour quelques dollars de plus.

mercredi 11 septembre 2013

Les Morts-vivants (White Zombie de V. Halperin, 1932)




Porté par la vague du succès des films de monstres (avec Dracula puis Frankenstein en étendard), la mode est aux monstres divers et variés, y compris au travers de nombreuses petites productions. Au milieu de tous ces films, Les Morts-vivants est le premier à mettre en scène des zombies. Victor Halperin, ne disposant que d’un faible budget, s’arrange avec Universal pour réutiliser des décors : on retrouve donc l’ambiance gothique typique du genre, avec des salles immenses et baroques et les châteaux dans la brume.
Les zombies – leur existence, ce qu’ils sont, d’où ils viennent – constituent ainsi l’essentiel du ressort dramatique du film. Ces zombies, bien loin de leur représentation qui fera florès quarante ans plus tard, sont des morts envoûtés, qui servent d’esclaves à leur maître Legendre. L’intrigue est située à Haïti afin de bénéficier de l’argument des cultes vaudous. Marchant droit, les yeux ronds et vides, obéissant à leur maître, ils seront repris sous cet angle par Jacques Tourneur dans Vaudou, avant que George Romero n’en définisse une vision plus radicale et moderne.

Les premiers zombies du cinéma

Si le petit budget du film se ressent (en particulier dans la faiblesse du jeu de la plupart des acteurs), celui-ci bénéficie malgré tout de la présence de la star Bela Lugosi, qui, depuis Dracula, est cantonné à des rôles de monstres. Ici il campe parfaitement le terrible gourou envoûteur qui sculpte puis brûle les statues de ses victimes.

lundi 9 septembre 2013

Fog (The Fog de J. Carpenter, 1980)




Fog fait partie des films intéressants de John Carpenter. Il est un bon résumé de ses forces et faiblesses habituelles. Il distille en effet une atmosphère tendue assez réussie et il a le bon goût de ne pas en faire trop. Et le film s’arc-boute sur un principe simple (et qui est à la base de nombreux films de Carpenter) : le Mal est là, il se manifeste et il faut lui échapper.
Ici il s’agit d’une malédiction avec des marins fantômes qui reviennent chercher le butin qui leur fut volé jadis. Et cette nappe de brouillard qui s’étend et emmène avec elle son cortège de marins est très réussie visuellement.


Si ce ressort scénaristique est efficace, il est aussi une limite à ce type de film : tout le jeu du film consiste simplement à échapper à ce Mal. Certains en réchappent, d’autres non, le plus souvent de façon tout à fait attendue (même si les effets sont assez réussis). Et il n’y a pas grand-chose d’autre à attendre ou à trouver derrière ce film. Si l’on sait la passion de Carpenter pour le cinéma de Hawks et son attention au montage ou au cadrage, on n’en regrettera pas moins que ces films dépassent bien rarement le simple divertissement (Invasion Los Angeles pouvant constituer une exception intéressante). George Romero, par exemple, si l’on veut le comparer en ce qu’il est lui aussi adepte des films d’horreur à petits budgets, l’air de rien, propose un regard sur la société assez glaçant.

samedi 7 septembre 2013

La Chinoise (J.- L. Godard, 1967)




Petit film de Jean-Luc Godard, qui continue de s’amuser à la réalisation en jouant avec des cuts étranges, des plans étonnants, des mouvements de caméra changeants, des jeux de couleurs. Mais tout cela ne mène pas bien loin, d’autant plus que le sujet même du film est d’une grande naïveté narcissique et vaine. Il s’agit d’un petit groupe d’étudiants bourgeois qui investit l’appartement d’un ami le temps de quelques semaines à l’été 1967 et disserte sans fin sur le communisme version Mao, en déclamant mille et une banalités à la fois sur les bienfaits de la révolution populaire et sur les méfaits du capitalisme.



On a donc un groupe de jeunes bourgeois bien au chaud dans leur appartement qui font leur petite crise anti-bourgeoise à propos de la révolution populaire chinoise (dont on sait qu’elle coûta bien du sang aux Chinois). Avant mai 1968, on a là un bon résumé de la pensée sous-jacente à de nombreux films de la période.
Si le cinéma de Godard est en rupture sur de nombreux aspects par rapport au cinéma des studios des années 60, il est en revanche totalement consensuel et de son temps en ce qui concerne ses développements intellectuels germanopratins.



jeudi 5 septembre 2013

Bertha Boxcar (Boxcar Bertha de M. Scorsese, 1972)




Très intéressant premier film de Martin Scorsese qui est son premier et son dernier film de commande. Mis le pied à l’étrier par Roger Corman, il doit en subir les contraintes (cahier des charges précis, petit budget) et propose un film très différent de ce qu’il réalisera par la suite.
Il propose un road movie (le seul film de Scorsese avec Alice n'est plus ici qui en soit un), dans les années 30, où un petit groupe étrange, formé autour de Bertha, dévalise des trains et fuit perpétuellement en utilisant essentiellement des wagons à bestiaux. Ce petit groupe, formé d’une jeune femme, d’un noir, d’un juif et d’un communiste syndicaliste, est donc une représentation des différentes minorités de l’Amérique. Le film apparaît alors comme un mélange de Bonnie and Clyde et des Raisins de la colère. Cette dernière thématique est surprenante puisque Scorsese n’est pas du tout un réalisateur qui aborde des thèmes fordiens. En effet il s’intéresse en général à des groupes homogènes, refermés sur eux-mêmes (constitués d’Italiens, de mafieux, etc.), bien loin donc de la question de parvenir à réunir des groupes hétérogènes pour constituer une communauté, comme le fait Ford.
Tout le film est vu à travers les yeux d’enfant de Bertha, qui ne devient adulte que brusquement, dans la dernière séquence, devant Shelly crucifié.


Si le film est imparfait, la séquence finale est exceptionnelle, tout à fait scorsesienne, à la fois dans la virtuosité de sa mise en scène, dans le déferlement de violence et dans l’image christique finale, thème qui parcourt tout l’œuvre de Scorsese.



mardi 3 septembre 2013

Le Massacre de Fort Apache (Fort Apache de J. Ford, 1948)




Très important film de Ford, qui constitue le premier de ses trois films consacrés à la cavalerie (le deuxième, La Charge héroïque en est une quasi-suite). Le film est d’importance car il est le premier où les Indiens deviennent des interlocuteurs dignes de confiance et de respect (tout au moins selon le point de vue du capitaine Kirby York, dont l’opinion sera ignorée par le borné Thursday). Jusqu’alors les Indiens n’étaient que des sauvages dévalant de la colline, ici, au travers de Cochise, ils deviennent des ennemis respectables. Mais le colonel Thursday – version fordienne de Custer – campe lui sur l’ancienne vision raciste et reste cantonné aux anciennes représentations.



Le général Custer apparaissait jusqu’à présent sous les traits d’Errol Flynn dans la très belle Charge fantastique de Raoul Walsh. Si le film est admirable, en revanche Custer ressemblait en réalité bien peu à ce héros hollywoodien intègre et plein d’allant. Ford le dépeint sous les traits d’un soldat borné, raciste, et qui mènera ses hommes dans une mission suicide.



Ce premier regard de Ford sur la cavalerie lui permet de conjuguer différents points de vue : la cavalerie apparaît comme le creuset communautaire, celui dans lequel les différentes communautés vont pouvoir se fondre et se souder – thème fordien s’il en est. Les simples soldats ou les moins gradés sont valeureux mais le commandant de la place, lui, est incapable de comprendre les peuples et ne peut mener qu’à l’échec et à la guerre. En parallèle Ford montre des Indiens intègres, trahis par Thursday et qui sont acculés à la guerre. Bien loin de faire un peu naïvement l’éloge de la cavalerie, la réflexion de Ford est, comme toujours nuancée et complexe.
Le film se termine par un premier jalon dans la réflexion de Ford concernant l’écart entre la réalité et la légende, lorsque York explique que Thursday est mort héroïquement. Cette réflexion sera évidemment reprise et théorisée pleinement dans L’Homme qui tua Liberty Valance.